La pratique du relicage n’est pas nouvelle et nous avions déjà testé une superbe Maybach délicatement reliquée dans nos colonnes. C’est maintenant au tour de cette rockeuse de Charvel Super Stock SC1.
À nouveau, nous ne rentrerons pas dans le débat du relicage des instruments de musique. Cette pratique destinée à donner un « mojo » supplémentaire aux instruments neufs consiste à simuler les scories du temps et des tournées sur la finition même de la guitare sans pour autant en modifier ses performances. Chacun appréciera la démarche, il n’empêche qu’elle est de nos jours bien ancrée dans la proposition commerciale avec des éditions spéciales ou limitées comme c’est le cas ici. Cette Charvel est conçue sur la base d’un modèle So-Cal (pour South California). Ces modèles sont pourvus d’une plaque de protection et donc d’une électronique fixée sur cette même plaque, à l’inverse des San Dimas qui voient l’électronique fixée sur la caisse même avec une cavité dédiée à l’arrière de l’instrument. Il s’agit là de la seule différence entre les deux dénominations. La configuration de micros proposée est HH, mais avec un micro double bobinage au format simple manche, ce qui visuellement rapproche la guitare d’une configuration HS. Il est intéressant de noter qu’après démontage de la plaque, votre serviteur a découvert avec bonheur des défonces HSH, ce qui vous permettrait de modifier votre dotation microphonique de n’importe quelle manière en cas de volonté de customisation. Malheureusement, l’absence de blindage fiable (aucune peinture isolante) vient ternir le tableau. En cas de démontage, n’oubliez donc pas le petit rouleau de cuivre adhésif !
Les micros sont des EVH Wolfgang USA et Seymour Duncan Lil’ Screamin’ Demon SLSD-1N respectivement en positions chevalet et manche. Aucun split à l’horizon, les seuls contrôles de volume et un toggle switch 3 positions vous permettant d’interagir avec ce petit monde aimanté. Les positions sont donc claires : chevalet, les deux micros en simultané et manche. De toute façon, avec sa finition et sa philosophie, il n’est point question d’être délicat et d’exiger des positions splittées : cette pelle est faite pour le rock ! La plaque jack est située sur la table, ce qui aurait pu constituer un inconfort si le Floyd Rose 1000 avait été flottant. En effet, le renversement du manche induit par une incrustation du Floyd plus profonde dans la caisse aurait engendré un contact gênant de la tige avec un jack droit. Ce n’est pas le cas ici, vu que le Floyd est en montage dive only. À vous donc les joies d’un éventuel D-Tuna, le Floyd peut se régler en butée !
La caisse en aulne accueille un manche en érable recouvert d’une touche rapportée en Pau Ferro. Ce bois visuellement très proche du palissandre délivre des sonorités assez similaires avec une pointe de définition supplémentaire qui n’est pas sans rappeler l’érable. Les 22 frettes constituent les seuls éléments non reliqués, fort heureusement d’ailleurs ! Leur finition est correcte, rien ne vient blesser la main lors du jeu. Le réglage de truss rod se fait au talon avec un accès défoncé dans l’extrémité de la touche au moyen d’une roue trouée. Ce truss rod double action permet de rendre le manche aussi concave que convexe. Le sillet bloque cordes R2 est fixé par l’avant grâce à deux vis bien serrées (vérifiez tout de même ce serrage tous les 2 mois pour une tenue d’accord irréprochable) et les mécaniques en ligne à bain d’huile sont estampillées Charvel. Le radius de touche est compensé comme d’habitude maintenant avec cette marque de guitare, 12 pouces dans les graves et 16 dans les aigus pour un jeu solo facilité.
Le confort général est toujours aussi bon et la sensation de jouer « comme à la maison » est présente. Charvel, c’est la marque des amoureux des superstrats qui veulent un feeling Fender modernisé. Je ne peux pas m’empêcher d’ajouter l’insouciance de la manipulation dans les points positifs en termes de confort de jeu. La guitare étant reliquée, on ne fait juste attention à rien ! Trace de doigts, rayures, qu’importe du moment que l’on joue. Le relicage, parlons-en justement. Sans de nouveau juger cette pratique en bien ou en mal, force est de constater que sur ce modèle le résultat est un peu mitigé. Les parties métalliques et le manche sont intelligemment reliqués, avec goût et discrétion, mais la caisse… On observe des usures irréalistes qui, si elles passent de loin sans trop se rapprocher, sont tout de suite démasquées avec une observation attentive. Mention spécialement négative au dos du corps, paré de simulations de boucle de ceinture et de coupures ridicules.
Scream lil’ demon !
Conditions du test :Ampli Marshall JCM800 Studio branché dans un Torpedo Captor X avec simulation d’enceinte 4×12 loadée en Celestion V30 et captée par deux micros SM57 et MD421 légèrement excentrés et situées à 3 cm de la grille. Le son clair a été obtenu en branchant la guitare dans l’entrée low du Marshall.
En commençant par les sons clean, on constate que l’absence de split n’est pas réellement un souci. Le Seymour Duncan double format simple en manche est assez subtil pour ne pas casser la baraque comme pourrait le faire un Hot Rails beaucoup plus puissant et extrême dans son niveau de sortie. Le micro chevalet EVH américain s’en sort très bien aussi, sans saturer le son tout en gardant un beau clean. La position intermédiaire est flatteuse tout comme le micro manche en solo blues, avec un beau rebondit et une compression très agréable. Même si ce n’est pas son postulat de départ, cette Charvel délivre de belles prestations en son clair. Le sustain est présent dès le jeu en clean et vient confirmer une belle résonance acoustique de l’instrument constatée dès sa prise en main.
Les crunch sont beaux, très rock et rentre dedans. Baisser le potard de volume de la guitare révèle toute la dynamique ainsi que de belles nuances, surtout avec un micro manche que l’on n’attendait pas dans ce secteur sonore. C’est un peu classique avec les instruments typés 80's, on peut jouer à peu près tout avec ces guitares. Les guitares modernes avec des micros actifs qui envoient des micro-ondes spatio-temporelles sont un peu trop droites pour le boomer de testeur que je suis. On peut donc même jouer aux doigts avec la Super Stock, et c’est heureux. Mais c’est sans compter sur une sauvagerie qui dort tranquillement, attendant le moment de la grosse distorsion…
Et ce moment est arrivé ! Le Marshall boosté en input par une TS9 est fort bien mis en valeur par la guitare et on se prend au jeu du heavy metal. En rythmique, tout est là et ce micro EVH en chevalet est décidément excellent. Super polyvalent, il ouvre tous les rocks. La superbe définition est secondée par un surcroît de brillance dans l’attaque qui perce très légèrement en tremolo picking, un régal. Le micro manche quant à lui confirme l’essai avec des sonorités à mi-chemin entre un double bobinage et un simple très énervé, ce qui est logique au vu du format : un micro double format simple continue de ne capter qu’une portion de cordes de micro simple ! Le sweeping est un délice en lead, changer de positions est un jeu grisant qui place cette Super Stock au rayon des excellentes guitares. La tenue d’accord est incorruptible, les harmoniques modulées au Floyd rappellent inévitablement le grand Eddie qui n’aurait pas renié de claquer un petit solo enflammé sur cette Charvel…
Même si le relicage reste un débat subjectif, on est obligés de signaler un confort de manche excellent dû au ponçage du dos de ce dernier. Une patine certes simulée, mais qui rend les démanchés agréables et fluides, un vrai bon point en faveur de cette finition. Le vernis de la caisse rend aussi le contact confortable, le vernis étant satiné, en cas de transpiration pendant un jeu énergique, il n’y aura donc pas de sensation collante pour l’avant-bras droit.
- clean00:58
- crunch01:46
- heavy01:17
- jeuavecbacking05:10
- lead01:56
Super Stock, mais limité…
Autant de beaux superlatifs pour une guitare en édition limitée, il n’y en aura pas pour tout le monde. Mais cet instrument peut totalement être une guitare « of a lifetime », tant elle est fiable et musicale. Elle respire le heavy, le rock et le metal 80's, capable même de jouer du bon vieux thrash américain à l’ancienne. Les prestations sont superbes et le seul point négatif reste un relicage réussi partout, sauf sur la caisse. Néanmoins cela doit vous encourager à la jouer pour lui infliger votre propre relicage de jeu, bien plus réaliste que celui proposé. Une guitare superbe, pas simple à trouver, mais qui vaut sérieusement le coup. Prix : environ 1250€.