S’il y a bien une forme qui a subi moult transformations, c’est bien la Stratocaster. De l’interprétation fidèle à cette glorieuse grand-mère des 50's aux itérations les plus farfelues, tout a été fait ou presque… Le domaine des superstrats est donc vaste, alors faisons le point sur le modèle qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir la Schecter C-6 Pro charcoal Burst.
De points communs avec la Strat cette Schecter n’en a que de loin. Son créneau de prédilection est clairement métal avec un look assumé, à la fois classe et agressif comme son prix situé sous la barre des 700 €. Proposée en trois coloris aqua burst, aurora burst et charcoal burst, elle est aussi déclinée en version 7 cordes et version 6 cordes avec Floyd Rose flottant (un Floyd Rose Special, quel dommage…). C’est un beau charcoal burst qu’affiche notre exemplaire, figuré par une épaisse table en ronce de peuplier délicatement sunburst. Il ne s’agit pas d’une image ou d’un photo flame, la table bien réelle propose des motifs aléatoires variant bien sûr d’un modèle à l’autre. À vous la sensation d’avoir une guitare un peu unique ! La tête est assortie et se marie bien au reste de la guitare, alors que parfois les manches donnent l’impression d’avoir été ajoutés sans réelle concordance. Le corps en acajou est constitué de trois pièces de bois aux beaux motifs naturels. Le vernis n’est pas trop épais comme énormément d’instruments enfermés dans une couche de polyuréthane gigantesque.
Le manche en érable renforcé au carbone est lui aussi assemblé en trois pièces et vissé en cinq points, chose assez rare pour être soulignée. Le poids général est léger, cette guitare ne fera pas souffrir votre dos et présente une belle finesse, pas aussi prononcée qu’une Ibanez Sabre mais tout à fait élancée et confortable. La touche en wengé est une alternative au palissandre maintenant protégé et montre une couleur se situant un peu entre ce dernier et l’ébène. Sertie de 24 cases aux frettes correctement finies, elle se termine par un sillet Graph Tech XL Black Tusq autolubrifié garantissant le moins de frictions possible. Même sans vibrato, les cordes bougent dans les gorges du sillet lors des bends, aucun souci à ce niveau. Des mécaniques en ligne Schecter à bain d’huile ornent la tête reverse présentant un joli chanfrein cosmétique. De l’autre côté, les cordes traversent le corps en acajou via un chevalet maison très stable et qui inspire confiance. Le sélecteur de micros trois positions semble un peu cheap mais rempli son rôle sans sourciller. Les autres de contrôles de volume et tonalité proposent ce que l’on attend d’eux : peu de friction pour le volume et une meilleure résistance pour la tonalité. Un split qui divise les bobines des micros est présent en push-pull sur le potard de volume. L’accès aux aigus est excellent, les solistes seront ravis de pouvoir évoluer dans cette zone critique du manche. Les micros Schecter double bobinage intriguent, les guitares actuelles proposant au fil du temps des micros maison encore meilleurs. Vérifions cela en branchant la bestiole.
Aile d’avion
Conditions du test : ampli PRS MT15, enceinte KelT custom 2×12 Celestion V30 et Eminence Governor, micros Shure SM57 et Sennheiser MD421, carte son Scarlett Focusrite 18i8, Cubase 10.5, aucune EQ, aucun traitement en post, delay, reverb et chorus via HX Effects
Attaquons un ampli PRS MT15 excellentissime pour faire chanter cette métalleuse qui n’en demande pas moins. À la prise en main, le manche est vraiment très très fin, presque plus fin que les fameux manches Wizard de chez Ibanez. En grosse saturation (parce qu’il n’y a pas de raison, en avant !), la définition est directement satisfaisante. L’impression générale est bonne, le grain est bien présent et le sustain plutôt correct. Bien réglée d’usine, on observe juste une toute petite frisette sur les cases graves, très facilement réglable. Les accords plaqués sonnent de flatteuse manière, la main droite ne rencontre aucun souci lors des palm mutes avec un chevalet très bien réalisé et ergonomique (le souvenir de certains chevalets Ibanez Gibraltar traversants hante encore mes cauchemars…). Le radius de 14 pouces est un bon compromis entre la stabilité rythmique et les envolées solo endiablées. Au fur et à mesure du jeu, on finit tout de même par entendre les résonances des cordes derrière le sillet, la tête reverse étant responsable de l’allongement des cordes filées et donc des grands bruits parasites. Un morceau de mousse ou un « string dampener » résoudra le souci sans délai. La tenue d’accord est excellente, le sillet Graph Tech montre toutes ses qualités avec des bends sans heurt ni accroc. Les frettes méritent un petit polissage pour parfaire les sensations très bonnes délivrées par cette C-6. La Superstrat qui aime la vitesse pour sûr ! Le jeu solo est aisé, les contrôles sont idéalement placés pour atteindre l’objectif ultime : oublier la guitare et jouer sans penser à rien d’autre. Pour ceux qui cherchent un instrument sans prise de tête, c’est idéal ! On se prend à « soloter » librement, à faire fuser les harmoniques artificielles avec plaisir. Réellement taillée pour le métal, on déconseillera sans mal cet instrument aux amateurs de blues ou de jazz, raison pour laquelle il n’est même pas pertinent de l’essayer en son crunch. Le manche vraiment fin est un pousse au crime shred auquel il est bien difficile de résister.
Les micros sonnent de façon très honnête. Sans toutefois atteindre les célèbres références que sont Seymour Duncan ou DiMarzio, ils délivrent des sonorités utilisables en toute circonstance, sans larsen ni buzz exagéré même en split. Les sons clairs sont justement magnifiés par ces splits, aussi efficace en position manche que chevalet. Un peu moins audibles en son saturé, ils restent néanmoins une bonne solution pour des arpèges en son clair quand le besoin se fait sentir sans pour autant changer de guitare. Il est évident par contre que l’instrument se verrait upgradé sans commune mesure avec un kit de micros comme les SH4 et SH1N de Seymour Duncan, parfaits pour une telle lutherie acajou/érable. Mais en l’état, ils sont satisfaisants, les changements de position apportant les variations attendues. Le potentiomètre de volume éclaircit joliment le son avec une course linéaire agréable même si à nouveau cette guitare n’est pas conçue pour la nuance.
La guitare bien blindée ne semble pas être trop sensible aux parasites sauf en position splittée et en son saturé, cela est normal. Malgré les cordes traversantes et le chevalet fixe solidement ancré dans le bois, le sustain n’est pourtant pas incroyable et les notes voient leur volume diminuer assez rapidement lorsque les accords résonnent. Étrange, d’autant que le son purement acoustique est bon. La touche en wengé offre une sensation de jeu et des sonorités voisines au palissandre, l’équilibre sur toutes les fréquences étant au programme.
Le jeu debout est favorisé par un bon équilibre, elle reste bien en place lorsqu’on ne la touche pas. Le poids est un vrai avantage, équipez-la de strap locks et vous pourrez cavaler sur scène sans avoir le sentiment de transporter un coffre-fort autour de votre cou. Le manche renforcé carbone ne semble pas bouger outre mesure malgré sa finesse, garantie d’une tenue d’accord stable. Vous pourrez l’emporter en tournée dans des lieux humides sans trop d’influence sur le bois, ceci étant bien entendu impossible à garantir dans un cadre de test normal. Toutefois, l’expérience permet d’affirmer certaines choses et pour résumer, la guitare paraît très stable, avec des bois correctement séchés.
Super superstrat
La Schecter C-6 Pro charcoal burst est une belle et bonne guitare. Totalement dévouée à la musique qu’elle sert, il ne faut rien en attendre de plus que la brancher, l’accorder et envoyer la sauce. Bluesmen et jazzmen, passez poliment votre chemin, ce n’est pas ici que vous trouverez votre bonheur ! Point de tourments ni de mauvaise surprise dans cet investissement sans risque, le tarif placé sous la barre des 700 € est parfaitement justifié. On regrettera bien peu de choses dans cette proposition en mode superstrat aux hormones. Ajoutez-lui une paire de micros de l’enfer et elle peut totalement devenir votre guitare principale tant elle est facile à jouer. Fabriquée en Indonésie, elle ne trahit pas ce qu’on attend d’une superstrat métal : branche et joue.