Les guitares fabriquées en matière carbone ne sont pas une nouveauté, Vigier entre autres ayant déjà utilisé ce procédé pour construire tout ou partie de leurs instruments. C'est au tour d'une marque de guitares française toute fraîche de faire son entrée : Siger.
Autant partir sur de bonnes bases dès le départ : le débat sempiternel entre les pro et les anti-carbone n’aura pas lieu dans ce test. Il s’agit de tester un instrument de musique, une proposition, une vision de la guitare plutôt que d’arbitrer un quelconque match de boxe qui se déroulera quoi qu’on y fasse de toute manière. Nous allons tester en toute impartialité la R-Butt, guitare certes 100% carbone, mais guitare avant tout.
Carbone 14
L’aspect général de l’instrument est résolument moderne, avec des lignes rappelant les Music Man John Petrucci, à la fois les modèles JP et Majesty. Chaque modèle Siger étant customisable à l’envi, ce modèle présente donc des caractéristiques physiques propres à être modifiées selon les besoins et désirs du client. En l’occurrence, ce modèle tout de noir vêtu possède un manche assez épais et bien en chair en carbone plein. Comparable à celui d’une SG, il n’en est pas moins confortable avec un feeling qui lui est bien propre ; assez droit sur les bords et plat au dos, on peut le qualifier de D aplati à gros bords. Dénué de truss rod, c’est la tension de vos cordes qui établira elle-même le bandage du manche. Serti de 24 frettes en acier inoxydable, la finition est parfaite. La frette zéro assure une intonation à vide identique aux notes frettées, le « sillet » situé juste derrière ne servant que de guide-cordes finalement. L’angle appliqué à la portion des cordes situées derrière le sillet inspire confiance quant à la tenue d’accord, celui-ci étant assez aligné pour ne pas présenter trop de frictions à l’usage. La touche arbore une araignée stylée en douzième case qui ne trompe pas sur le modèle : on va jouer du métal (mais pas que). Les mécaniques en ligne sont des Schaller à blocage, de même que le chevalet vibrato flottant articulé sur deux couteaux.
L’équilibre une fois la guitare sanglée est parfait, l’instrument ne penchant ni d’un côté, ni de l’autre. On aurait pourtant pu avoir peur car la caisse est évidée et creuse, ce qui se révélera être une information à prendre en compte par la suite. Les micros sont des Seymour Duncan double bobinage SH4 en aigu (choix assez étrange qui aurait nécessité un espacement Floyd vu le vibrato) et un SH2N Jazz en manche. Le sélecteur de positions propose 5 sons dont des splits que nous allons détailler, un volume et une tonalité. Les trappes d’accès à l’électronique sont aimantées et il est très simple de les ouvrir avec son médiator pour pouvoir par exemple régler la hauteur des micros. Pour terminer le tour d’horizon cosmétique de la bête, le poids plume de 2,2 kg et son ressenti totalement nul autour du cou en position debout en font un argument important . De la même marque, la 4-Horn présente un design beaucoup plus personnel avec deux cornes en bas de la caisse qui fera penser aux Ibanez Reb Beach des années 90. Quel que soit le modèle, les guitares sont monobloc, permettant un accès aux aigus extrême.
Carbonara
KelT MostrO, enceinte 2×12 loadée en Eminence Governor et Man 0 War, Shure SM57 et carte Focusrite Scarlett 18i8, telles seront les conditions du test. Un compresseur MXR Super Comp est ajouté pour les sons clairs ainsi qu’un chorus TC Electronic Corona selon l’exemple audio. Pour les sons saturés une overdrive en position de boost dans l’input façade sera mentionnée lors de son utilisation.
Ce qui frappe dès qu’on joue cette guitare, c’est l’acoustique. Véritablement résonante, elle peut faire taire ceux qui prétendent sans jamais avoir vraiment essayé que le carbone n’est pas musical. Le fait que le corps soit creux contribue bien entendu à cette caractéristique, tout cela ayant pour résultat des sons clairs absolument sublimes et convaincants, quelle que soit la position du sélecteur. Dans l’exemple audio Cleancomp, toutes les positions sont testées avec uniquement une très légère compression. Ces positions sont les suivantes d’aigu à grave : micro chevalet, bobines extérieures, les deux micros ensemble, bobines intérieures et enfin micro manche. Cette palette de sons permet de trouver son bonheur avec des sons clairs purs et bluffants.
L’utilisation d’un chorus habille avantageusement un son de base il est vrai assez chargé en aigus naturels.
En se faisant plaisir et en rajoutant des effets sur Cubase comme un chorus stéréo et une réverbe assez profonde, on obtient une guitare qui de premier abord ne semblait pas s’orienter vers les sons clairs mais qui s’avère redoutable dans le domaine.
Satur’action
Le second canal du MostrO enclenché, c’est maintenant certain : la guitare envoie énormément d’aigus. Cela est dû à la fois au carbone du corps mais aussi au frettage inox, réputé pour avoir cette influence sur le son. Rien de grave cependant, ce type de son pouvant justement intéresser les djenteux en quête de précision et de midrange. Car de la précision ici il y en a. Votre serviteur n’a jamais joué un instrument aussi précis dans sa définition sur l’intégralité de la tessiture du manche. Le domaine du crunch est peut-être par contre celui dans lequel cette Siger s’en sort le moins bien, tout en modérant le propos en fonction des goûts en ce qui concerne les aigus. Le résultat pour mes oreilles est un peu trop « Telecaster » et nasal pour constituer un crunch satisfaisant.
Voici venu le temps de la disto. Gain réglé de façon plus velue sur le KelT avec une OD en façade, là on touche du doigt ce pourquoi la R-Butt a été faite : le lyrisme métallique. L’EQ n’a pas été modifiée et pourtant on sent que les aigus viennent servir le son au lieu de le dégrader, les harmoniques fusent à tout va et le sustain est bien présent. Les palm mute ne sont pas en reste avec une très belle tenue due à l’excellente définition des fréquences. À fort volume il faudra toutefois gérer le larsen qui apparaît lors des silences, cette guitare au corps creux se comportant au final comme une demi-caisse. À vous de jouer du volume pour couper votre son ou bien d’une pédale dédiée, rien de bien méchant mais il convient de le souligner.
- disto01:56
- larsen00:39
Le jeu est très facile, les bends et autres acrobaties passent tous seuls sans devoir forcer. Le profil du manche peut éventuellement rebuter certains mais en pratique il est très confortable et ne donne pas l’impression de faire courir ses doigts sur un jouet, bien au contraire. On reconnaît le grain bien spécifique des Seymour SH4 et SH2, Siger propose plusieurs variantes de dotations microphoniques et nul doute que ces variations sont respectées par la lutherie de la guitare. Peut-on parler de lutherie pour un instrument en carbone ? À nouveau c’est un débat que je laisse volontairement de côté. Quoi qu’il en soit, la guitare offre une réponse au jeu bienvenue.
Testons maintenant le vibrato flottant qui, rappelons le, n’est pas à blocage. Une fois les cordes bien stabilisées, on observe une belle liberté de jeu sans désaccordage. Le vibrato peut même être traité comme un Floyd, rien de gênant. Nous avions déjà vu cela sur les Vigier Excalibur dotées elles aussi de vibratos non bloquants, ce qui ne les empêche pas de tenir l’accord telles des sylphides équatoriales. Ne nous égarons pas et manipulons la tige de vibrato comme il se doit ! En bref, la tenue d’accord est parfaite, sans besoin d’ajouter un quelconque lubrifiant dans les gorges du guide-cordes ou sur la frette zéro.
« Envoyons la patate » comme disent les jeunes avec un gros solo plein de delay sur Cubase. C’est ce pour quoi elle a été faite, cela se sent. Sustain, définition, à nouveau cela chante dans tous les sens. Harmoniques, usage du vibrato, changements de positions de micros à la volée, rien ne lui est épargnée et toutes les étapes sont franchies avec succès.
Carbonita
Carbone, pas carbone, quelle importance du moment que l’instrument sonne ? Le guitariste est souvent frileux quand on lui propose quelque chose de différent qui le bouscule dans ses habitudes et ses certitudes et c’est très dommage tant il peut être passionnant de traîner ses guêtres musicales dans des sentiers encore un peu en friche ! Testée en condition de répétition, la Siger R-Butt a délivré des performances tout à fait satisfaisantes sans ré-accordage intempestif et avec une légère gestion du larsen. L’offre étant totalement customisable que ce soit en termes de look ou de micros, il serait dommage de bannir une alternative au bois réellement intéressante et légère (en contexte de masterclass dans lesquelles je reste debout durant 7h, c’est un vrai bonheur). Le tarif de lancement de 2 900 euros place cette guitare dans les choix d’une vie sans pour autant la rendre totalement inaccessible, à chacun d’y trouver son compte ou pas mais le test n’a rien révélé de rédhibitoire, bien au contraire.
Vous pouvez trouver toutes les informations sur les guitares Siger et même prendre contact avec l’équipe sur le site de Siger.