Tester un micro de guitare électrique se révèle être une tâche difficile. Le micro est un des plus importants composants du son de votre guitare, certes, mais d’autres paramètres tels que la qualité des bois (leur séchage), la densité de l’essence choisie, la finition du manche (touche rapportée ou pas) vont avoir une influence directe sur la résonance de l’instrument et donc a posteriori sur le rendu des micros. Aussi nous tenterons dans ce test d’être le plus neutres possible même s’il est très difficile de faire la part des choses…
Le prix public de ce kit « Tele 55 set » est de 169 euros TTC. Il est fabriqué par la société française Tornade MS pickups et a été installé sur une Telecaster de fabrication custom. Le corps (très léger) avec une finition nitrocellulosique de type relique (vieillie artificiellement) est en frêne. Le manche quant à lui est de type vintage, en érable massif sans touche rapportée. Le jeu de cordes monté sur la guitare est du 10–52.
Dans les entrailles
Tout d’abord, voici quelques détails techniques : les micros manche et chevalet ont six aimants étagés petit format en Alnico V, le fil utilisé pour les bobines des deux micros est de type « plain enamel » N.O.S (New Old Stock). Une plaque en cuivre est sous le micro chevalet et le capot du micro manche est en argentan (Nickel-Silver).
Le son est une chaîne de composants électroniques. Si l’un d’eux est défectueux, alors le son en bout de chaîne en sera directement affecté. De type « old school », l’électronique été réduite à son simple apparat : deux potentiomètres de 250k avec des câblages « clothwiring » (isolation des câbles non pas en plastique, mais en tissu). Le condensateur de 47 nano Farad est de type Orange drop. Les cavités ne sont pas blindées, mais un film d’aluminium collé sous la plaque de protection et relié à la masse veillera à supprimer toutes les interférences parasites.
La guitare a été câblée avec un sélecteur de type vintage (made in USA) à 3 positions. Le potentiomètre de tonalité est de type « no load ». Ce dernier permet, en tournant la tonalité à 100 %, de ne pas faire passer le signal de sortie de la position choisie par l’électronique, mais directement sur le jack de sortie. Le son ainsi obtenu est plus aigre, brut de décoffrage.
En position 1, nous avons un micro chevalet seul, en position 2, micro chevalet et manche en série et en position 3, le micro manche seul. Avec, pour chaque position, le mode « no load » ou le contrôle de la tonalité.
Rappel de connaissance
Le principe de tout transducteur électro-acoustique (par exemple un microphone de chant) est de capter une onde sonore grâce à une membrane. Ainsi, les variations de pression vont être transformées en un signal électrique qui va ensuite à son tour être retransformé en onde sonore via un haut-parleur. Les micros utilisés sur les guitares électriques n’utilisent pas le même principe, mais reposent sur celui des courants induits. Ainsi, un micro guitare est constitué de deux plaques en « Forbon » (fibre vulcanisée) qui vont solidariser 6 aimants (ici en Alnico V : un alliage d’aluminium, de cobalt et de nickel). L’ensemble qui va constituer ces plots (un pour chaque corde) va être enroulé d’un fil de cuivre et constituer ce que l’on appelle une bobine. L’énergie mécanique de la corde (en acier) qui vibre au-dessus du plot va faire varier le champ magnétique des aimants et créer un courant induit dans la bobine. La fréquence de ce signal électrique (induit) est identique à la fréquence de la note produite par la corde. Ce signal est ensuite envoyé dans l’ampli via les potentiomètres et le jack de sortie de la guitare afin d’être amplifié puis enfin retransformé en énergie mécanique (en onde sonore) grâce au haut-parleur de l’amplificateur. Différents types d’aimants sont utilisés, mais l’Alnico V (sur ce kit) va délivrer un champ magnétique plus intense se traduisant par un niveau de sortie plus important.
Fabrication artisanale
Ce kit de micros a une particularité qui fait sa spécificité et pas des moindres. Leur bobinage est fait non pas à la machine, mais bien à la main ! Cette technique, aussi appelée en anglais « scatter winding », consiste à enrouler le fil de la bobine autour des aimants de façon plus ou moins aléatoire. Du coup, le fil de cuivre est enroulé selon des spires plus ou moins croisées qui ne sont pas parfaitement alignées. La tension très variable des différentes spires a également un impact direct sur la qualité du timbre des notes. Dans les productions en série, une fois la machine à bobiner étalonnée, le nombre de tours de fil de cuivre autour de la bobine est mathématiquement exact, l’alignement des spires parfait et la tension de toutes les spires de fil de cuivre uniforme. Tous les micros ainsi fabriqués en série sont identiques et possèdent donc les mêmes caractéristiques délivrant tous du coup un son identique. L’ensemble de ces paramètres va contribuer à donner une signature unique à chacun des micros ainsi fabriqué.
D’après la fiche technique du site de Tornade MS, ce kit de micros se veut reprendre les caractéristiques de base du micro de la Telecaster des années 50s. Let’s see !
Du son !
En son clair, on retrouve ce fameux son claquant qui est propre à la Telecaster. Cependant, le son délivré par ce kit est assez rond atténuant ce côté étriqué, piquant et trop souvent nasillard des micros chevalet que l’on trouve installé de série sur les Telecaster. J’ai été assez bluffé par le niveau de sortie de la guitare, quelle que soit la position choisie. Elles ont toutes un niveau de sortie homogène. Peu importe la combinaison retenue, la réponse aux attaques, aussi bien au médiator qu’aux doigts, est franche, nette et précise. Les notes des arpèges se détachent clairement et brillent nettement. Il y a un très bon équilibre de niveau entre les différentes cordes ; cela venant des plots de la corde de ré et de sol qui ont été légèrement surévelés. Cela n’est pas sans rappeler le procédé qui a été mis au point par Fender vers la fin des années 50 afin de pallier aux différences de niveau de volume des cordes les unes par rapport aux autres.
Le micro chevalet est puissant, dynamique et très riche en harmoniques. Il capte tous les sons même lorsque l’on tape sur la guitare. Chaque subtilité de jeu sera captée par le micro. Il faudra donc avoir un jet précis, car toutes les imperfections seront elles aussi du coup captées… Cette hypersensibilité provient directement de l’absence de paraffinage ou « wax potting » des deux micros. La paraffine va considérablement réduire l’accroche au larsen, mais en même temps sensiblement diminuer le spectre de fréquences que va pouvoir capter le micro. Cela se traduit par une très grande précision dans l’attaque et dans une restitution du spectre beaucoup plus large. Le champ de fréquences n’est pas bridé et du coup le son est riche et ample avec des basses riches et très profondes.
Ce qui distingue le micro chevalet de la Telecaster des autres micros guitare à simple bobinage est une plaque de cuivre qui est placée sous la bobine du micro. Ici encore, le Tornade MS retourne aux sources en reproduisant le même principe. D’une part cela augmente la puissance du champ magnétique et d’autre part agit également comme masse dissipant ainsi les bruits parasites. Le revers de la médaille est d’apporter une sensibilité accrue au larsen.
Le micro manche délivre une couleur chaude et ronde, mais il n’est pas sourd. Il bénéficie également d’une hypersensibilité grâce à l’absence de paraffinage. Le son est profond et très riche en médiums. Il est puissant et tranchant à souhait. Parfait pour les rythmiques 70's soul de Brown à Curtis Mayfield. Bring on the funk ! Outre la différence de timbre évidente due à leur localisation, je reprocherais cependant la similitude de grain entre le micro chevalet et manche.
En crunch, les micros vont libérer toute leur puissance expressive. Cependant, l’accroche au larsen devient problématique dès que l’on monte le gain de son ampli à un niveau un petit trop élevé, quelle que soit la position choisie. Avec ce kit, les musiques très chargées en saturation et le hard rock seront hors sujet. Il faudra donc savamment doser votre niveau de gain afin d’éviter de faire saigner vos oreilles sur scène !
Très dynamiques, les micros sont puissants avec un timbre assez doux relativement étonnant pour des simples bobinages. Pas besoin de compresseur afin de rehausser le niveau de sortie, les micros se suffisent à eux-mêmes. Le potentiomètre de tonalité ne crache pas et n’engage aucune perte de niveau lorsqu’on varie la tonalité. La très grande sensibilité des micros permettra de ne pas avoir recours à des attaques puissantes de la main droite afin d’obtenir une bonne réponse. Les notes posées et longues ne sont pas brouillonnes, toujours saillantes et bien définies.
Mais nobody’s perfect ! En effet, la tonalité avec la fonction « no load » ne m’a pas franchement convaincu. Cette fonction, qui bypasse l’électronique, ne s’est pas révélée être vraiment indispensable. Ce n’est pas toujours évident de faire la différence, surtout en saturation.
Les exemples audio ont été réalisés avec un ampli Ampeg GVT52 112 et un Two Notes VB-101.
- Clean no tone 00:36
- Clean 2 no tone 00:31
- Clean 3 tone 50% 00:48
- Crunch no tone 00:29
- Crunch 2 no tone 00:28
- Tele \'55 crunch 01:22
- Tele \'55 country 00:39
Conclusion
Ce kit ne sera pour déplaire à tous ceux qui ont eu un jour le rêve de pouvoir s’offrir une « vraie » Telecaster des années cinquante. Ce kit s’oriente aussi bien vers des luthiers qui cherchent à donner une signature vintage à leurs créations qu’envers les guitaristes qui recherchent un son qui soit davantage emprunt d’une certaine authenticité. Dans un cas comme dans l’autre, ce kit saura donner un nouveau visage sonore à votre Telecaster !
Ce kit ne s’adapte cependant pas à tous les types de musique. En effet, il sera davantage axé sur les musiques de type country ou rock, hors de question de se lancer dans le métal ou les musiques avec des grosses saturations. Les couleurs sonores obtenues avec ces micros s’orientent vers les guitaristes recherchant un son se rapprochant des Telecaster des années 50 : claquant, tranchant et saillant à souhait sans pour autant être étriqué ou trop claquant. Avec un niveau de sortie important et une restitution du spectre sonore plus étendue, il pourra paraître au premier abord très brut. Il vous faudra donc dompter ce kit afin de pouvoir correctement en saisir et maîtriser toutes ses subtilités expressives.
Marc Aimar, le créateur de ce kit Tornade MS, est un passionné qui maîtrise son domaine dans les moindres détails. Véritable spécialiste, il saura vous guider et vous conseiller afin de vous orienter vers le set qui correspondra le plus à vos exigences et même vous fabriquer un micro sur mesure. Il saura, ainsi, redonner une âme à votre instrument.
La fabrication d’un micro de guitare ne relève pas d’une recette miracle, mais plutôt d’un savant mélange d’un certain nombre de paramètres. On peut dire que ce set de micros Tornade MS remplit parfaitement le cahier des charges d’un certain retour aux sources.
Petite note pour les puristes, le côté vintage du son ne pourra être complètement réalisé que si l’ensemble de la chaîne est revu et corrigé (notamment le remplacement de la capacité par une Orange drop).