Dis moi ce que tu lis.
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Nantho Valentine
4124
Rédacteur·trice
Membre depuis 22 ans
Sujet de la discussion Posté le 24/01/2003 à 18:34:57Dis moi ce que tu lis.
Will Zégal
75022
Will Zégal
Membre depuis 22 ans
5511 Posté le 27/02/2017 à 13:06:30
x
Hors sujet :Citation de kumo :Je n'ai vu que le film et si il adopte effectivement l'angle de vue d'un ado ça n'en fait pas nécessairement un film pour ado.
Clairement.
Mais déjà, un petit indice : dans le livre, Ender n'est pas un ado. C'est carrément un môme.
Bon, de l'avoir vieilli un peu pour des besoins cinématographiques (déjà, rien que la difficulté à tourner un film avec un enfant comme personnage principal) ne m'aurait pas choqué. Mais franchement, la BA m'avait donné l'impression d'un film formaté pour ados.
Et également (mais peut-être n'était-ce que la BA) d'un film très tourné vers l'action. Or, le bouquin est assez loin de ça, même si j'imagine bien tout ce que l'histoire, le contexte et les actions du livre peuvent donner comme riches scènes d'action.
Enfin bref, il faudra que je donne une seconde chance à ce film. Mais sur le coup, j'étais tellement content de l'annonce du film, puis tellement désappointé par la BA que j'ai préféré laisser passer. Il faut dire aussi que c'est difficile d'être indulgent avec l'adaptation d'un livre qu'on a beaucoup aimé.
Dans le même genre, je ne suis pas allé voir I Robot à sa sortie. Je ne l'ai vu que tardivement, une fois bien intégré que c'était probablement une grave trahison d'Asimov et qu'il fallait le prendre autrement et c'est passé.
Bon, c'est tellement passé qu'il ne m'a guère laissé de souvenir. Comme quoi je n'avais pas forcément eu tort de ne pas m'y précipiter.
Au passage, quoi qu'on puisse dire (et il y en a à dire) de l'adaptation de P.J du Seigneur des Anneaux, je trouve qu'il a fait très très fort, quand même. Parce que c'était vraiment, mais vraiment pas gagné. Pour moi, c'est un des grands exploits de l'histoire du cinéma.
Anonyme
65640
5512 Posté le 27/02/2017 à 15:22:27
le film Ender, au delà du fait qu'il est totalement calibré pour les ados et post ados fans de call of duty et autres jeux identiques online, m'a semblé puant et révoltant.
Moi ça m'a pas donné du tout envie de découvrir le livre, l'apologie du fascime et du militarisme c'est pas mon trip du tout.
Moi ça m'a pas donné du tout envie de découvrir le livre, l'apologie du fascime et du militarisme c'est pas mon trip du tout.
[ Dernière édition du message le 27/02/2017 à 15:22:48 ]
Anonyme
17065
5513 Posté le 27/02/2017 à 15:37:15
Citation :
le film Ender, au delà du fait qu'il est totalement calibré pour les ados
Non.
Anonyme
65640
5514 Posté le 27/02/2017 à 15:38:04
C'est mon point de vue en tout cas, qu'il le soit ou pas dans l'absolu ne changera rien à ma propre perception.
Anonyme
65640
5516 Posté le 27/02/2017 à 15:48:05
D'ailleurs je crois bien que c'était toi qui m'avait donné un autre point de vue sur le film, du coup je l'avais revu, mais je l'ai hélas toujours trouvé aussi nul.
cyar
12259
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 18 ans
5517 Posté le 01/03/2017 à 13:32:28
Bon j'ai fini "le fils de l'homme" de Silverberg. Mon avis n'a pas vraiment évolué. Pas vraiment le style que j'affectionne même si c'est très maitrisé. J'ai trouvé une critique que je trouve très juste:
Citation :
Le roman est à voir comme une sorte de défi technique. Son chef-d'œuvre de compagnon du tour de France, en quelque sorte. Et comme nous sommes encore dans les derniers soubresauts du psychédélisme, Silverberg va tenter de saisir les derniers effluves des fleurs que les jeunots se sont plantées dans les cheveux. Y confrontant peut-être sa propre expérience avec le LSD, il va faire du Fils de l'homme un roman synesthésique. Dans une écriture tout aussi sensuelle que sensorielle, Silverberg concentre son effort sur le plaisir du verbe. Il compose ses phrases comme une palette de peintre, dispose de ses sens avec une désinvolture qui fleure bon l'ergot de seigle. Le Fils de l'homme est une tentative débridée de déconstruction narrative, mais avec cette retenue un rien bourgeoise dont ne se départit jamais Robert Silverberg. Il en résulte une histoire complètement anecdotique, peuplée de personnages improbables, dont on ne saura finalement pas grand-chose, car ils ne sont que des poupées d'argile remodelées au gré des pages (je vous rappelle que le personnage principal s'appelle Clay — argile, en anglais). Et pourtant, à aucun moment Silverberg ne se laisse aller à lâcher sa ligne de récit, si ténue soit-elle. C'est elle qui empêche le lecteur de couler, et de s'abîmer dans l'ennui et l'incompréhension. Comme jamais le fond n'est sacrifié à la forme, Le Fils de l'homme reste abordable, mais risque de grandement dérouter ceux qui ne connaissent que le Silverberg du cycle de « Majipoor ». On pourrait facilement en déduire qu'il s'agit alors d'un ouvrage dispensable. Il n'en demeure pas moins un roman fascinant, une expérience flamboyante et une magnifique leçon d'écriture qui se doit de figurer dans le cursus de tout aspirant écrivain.
Eric Holstein
Anonyme
17065
5518 Posté le 01/03/2017 à 14:30:37
Bon je serais bien incapable de résumer les deux livres de Gaston Bachelard que je viens de terminer. Autant j'avais été déçu par ses partis pris dans "Psychanalyse du feu" autant ici c'est foisonnant d'idées mais aussi de poésie.
Les analyses de poèmes (merveilleusement choisis) habilement mises en relation avec les sujets sont plus ou moins recevables...du moins elles nécessitent d'adhérer aux propositions de l'auteur, propositions quelques fois à l'image de sa barbe: touffues. Psychanalyse jungienne, phénoménologie, psychologie...il y a eu pour moi des tunnels étalés sur deux ou trois pages, et au vu de la taille des polices, on peut avoir l'impression qu'on rame depuis dix pages. J'ai donc mis du temps à lire ces deux livres. Mais par respect pour l'auteur et ses idées il faut tenir bon car ça mérite l'effort et pour ce qui me concerne je suis sorti de ces lectures avec un petit quelque chose en plus, voire en moins !s
Finis il y a quelques jours, je les feuillette avec le recul de la lecture terminée, relis mes notes en marge, les passages soulignés et ce sont nouveau des milliers d'univers qui surgissent, multipliés par un jeu kaléidoscopique tout frais du jour. Ne connaissant pas tout ce qui se fait actuellement en terme d'essais je peux me tromper mais je crois, pour en avoir lu un certain nombre tout de même, que plus personne n'écrit ainsi aujourd'hui. Il y a ce fond culturel d'un intellectuel né en 1884 en province, à la campagne.
C'est à la fois rigoureux et chaleureux. Jamais pédant mais généreux. Une érudition douce même si tonton Gaston n'est pas toujours facile à suivre. Il ne vous en voudra pas et vous offrira quand même un vers ou deux. Plutôt que résumer je vais mettre quelques extraits et citations en spoiler pour ne pas encombrer la page.
Vous pouvez aussi vous laisser hypnotiser par sa voix et son propos:
Les analyses de poèmes (merveilleusement choisis) habilement mises en relation avec les sujets sont plus ou moins recevables...du moins elles nécessitent d'adhérer aux propositions de l'auteur, propositions quelques fois à l'image de sa barbe: touffues. Psychanalyse jungienne, phénoménologie, psychologie...il y a eu pour moi des tunnels étalés sur deux ou trois pages, et au vu de la taille des polices, on peut avoir l'impression qu'on rame depuis dix pages. J'ai donc mis du temps à lire ces deux livres. Mais par respect pour l'auteur et ses idées il faut tenir bon car ça mérite l'effort et pour ce qui me concerne je suis sorti de ces lectures avec un petit quelque chose en plus, voire en moins !s
Finis il y a quelques jours, je les feuillette avec le recul de la lecture terminée, relis mes notes en marge, les passages soulignés et ce sont nouveau des milliers d'univers qui surgissent, multipliés par un jeu kaléidoscopique tout frais du jour. Ne connaissant pas tout ce qui se fait actuellement en terme d'essais je peux me tromper mais je crois, pour en avoir lu un certain nombre tout de même, que plus personne n'écrit ainsi aujourd'hui. Il y a ce fond culturel d'un intellectuel né en 1884 en province, à la campagne.
Spoiler - Cliquer ici pour lire la suite
Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de la Champagne vallonnée, le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle demeure serait pour moi au creux d'un vallon, au bord d'une eau vive, dans l'ombre courte des saules et des osières. Et quand octobre viendrait, avec ses brumes sur la rivière...Gaston Bachelard, L'eau et les rêves.
C'est à la fois rigoureux et chaleureux. Jamais pédant mais généreux. Une érudition douce même si tonton Gaston n'est pas toujours facile à suivre. Il ne vous en voudra pas et vous offrira quand même un vers ou deux. Plutôt que résumer je vais mettre quelques extraits et citations en spoiler pour ne pas encombrer la page.
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On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former des images. Or, elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. S’il n’y a pas changements d’images, union inattendue des images, il n’y a pas d’imagination, il n’y a pas d’action imaginante. Si une image présente ne fait pas penser à une image absente [...] il n’y a pas d’imagination. [...]Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination n’est pas « image », c’est « imaginaire ». La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire.
****
Ce que nous voulons examiner dans cet ouvrage c'est vraiment l'immanence de l'imaginaire au réel, c'est le trajet continu du réel à l'imaginaire. On a rarement vécu la lente déformation imaginaire que l'imagination procure aux perceptions. On n'a pas réalisé l'état fluidique du psychisme imaginant. Si l'on pouvait multiplier les expériences de transformations d'images, on comprendrait combien est profonde la remarque de Benjamin Fondane:
"D'abord, l'objet n'est pas réel, mais un bon conducteur de réel." p.10
****
Le silence de la nuit augmente la profondeur des cieux. p.67
****
Sur cet immense tableau d'une nuit céruléenne, la rêverie mathématicienne a écrit ses épures. Elles sont toutes fausses, délicieusement fausses, ces constellations ! elles unissent, dans une même figure, des astres totalement étrangers. Entre des points réels, entre des étoiles isolées comme des diamants solitaires, le rêve constellant tire des lignes imaginaires. Dans un pointillisme réduit au minimum, ce grand maître de peinture abstraite qu'est le rêve voit tous les animaux du zodiaque. p.227
****
La lumière douce et brillante des étoiles provoque aussi une des rêveries les plus constants, les plus régulières: la rêverie du regard.[...]Et quand, dans le ciel anonyme, nous fixons une étoile, elle devient notre étoile, elle scintille pour nous, son feu s'entoure d'un peu de larme, une vie aérienne vient soulager en nous les peines de la terre. Il semble alors que l'étoile vienne à nous. En vain la raison nous répète qu'elle est perdue dans l'immensité, un rêve d'intimité la rapproche de notre coeur. La nuit nous isole de la terre, mais elle nous rends les rêves de la solidarité aérienne. p.237
****
Les nuages sont une matière d'imagination pour un pétrisseur paresseux. p. 239
****
Si le zoomorphisme de la nuit est stable dans les constellations, le zoomorphisme du jour est en constante transformation dans le nuage. Le rêveur a toujours un nuage à transformer. Le nuage nous aide à rêver la transformation.[...]Devant ce monde de formes changeantes, où la volonté de voir dépasse la passivité de la vision projette les êtres les plus simplifiés, le rêveur est maître et prophète. Il est le prophète de la minute. Il dit, d'un ton prophétique, ce qui se passe présentement sous ses yeux. p.240
****
Le rêve est une cosmogonie d'un soir. Toutes les nuits, le rêveur recommence le monde. Tout être qui sait se détacher des soucis de la journée, qui sait donner à sa rêverie tous les pouvoirs de la solitude, rend la rêverie à sa fonction cosmogonique. p.255
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Ce que nous voulons examiner dans cet ouvrage c'est vraiment l'immanence de l'imaginaire au réel, c'est le trajet continu du réel à l'imaginaire. On a rarement vécu la lente déformation imaginaire que l'imagination procure aux perceptions. On n'a pas réalisé l'état fluidique du psychisme imaginant. Si l'on pouvait multiplier les expériences de transformations d'images, on comprendrait combien est profonde la remarque de Benjamin Fondane:
"D'abord, l'objet n'est pas réel, mais un bon conducteur de réel." p.10
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Le silence de la nuit augmente la profondeur des cieux. p.67
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Sur cet immense tableau d'une nuit céruléenne, la rêverie mathématicienne a écrit ses épures. Elles sont toutes fausses, délicieusement fausses, ces constellations ! elles unissent, dans une même figure, des astres totalement étrangers. Entre des points réels, entre des étoiles isolées comme des diamants solitaires, le rêve constellant tire des lignes imaginaires. Dans un pointillisme réduit au minimum, ce grand maître de peinture abstraite qu'est le rêve voit tous les animaux du zodiaque. p.227
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La lumière douce et brillante des étoiles provoque aussi une des rêveries les plus constants, les plus régulières: la rêverie du regard.[...]Et quand, dans le ciel anonyme, nous fixons une étoile, elle devient notre étoile, elle scintille pour nous, son feu s'entoure d'un peu de larme, une vie aérienne vient soulager en nous les peines de la terre. Il semble alors que l'étoile vienne à nous. En vain la raison nous répète qu'elle est perdue dans l'immensité, un rêve d'intimité la rapproche de notre coeur. La nuit nous isole de la terre, mais elle nous rends les rêves de la solidarité aérienne. p.237
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Les nuages sont une matière d'imagination pour un pétrisseur paresseux. p. 239
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Si le zoomorphisme de la nuit est stable dans les constellations, le zoomorphisme du jour est en constante transformation dans le nuage. Le rêveur a toujours un nuage à transformer. Le nuage nous aide à rêver la transformation.[...]Devant ce monde de formes changeantes, où la volonté de voir dépasse la passivité de la vision projette les êtres les plus simplifiés, le rêveur est maître et prophète. Il est le prophète de la minute. Il dit, d'un ton prophétique, ce qui se passe présentement sous ses yeux. p.240
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Le rêve est une cosmogonie d'un soir. Toutes les nuits, le rêveur recommence le monde. Tout être qui sait se détacher des soucis de la journée, qui sait donner à sa rêverie tous les pouvoirs de la solitude, rend la rêverie à sa fonction cosmogonique. p.255
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La rêverie que nous voulons étudier est la rêverie poétique, une rêverie que la poésie met sur la bonne pente, celle que peut suivre une conscience qui croît. P.5
****
L’imagination tente un avenir. Elle est d’abord un facteur d’imprudence qui nous détache des lourdes stabilités. Nous verrons que certaines rêveries poétiques sont des hypothèses de vies qui élargissent notre vie. P.7
****
La rêverie est alors un peu de matière nocturne oubliée dans la clarté du jour. P.9
****
Les rêves et les rêveries, les songes et les songeries, les souvenirs et la souvenance, autant d’indices d’un besoin de mettre au féminin tout ce qu’il y a d’enveloppant et de doux par-delà les désignations trop simplement masculines de nos états d’âmes. P.25
****
Et nous voici au centre de la thèse que nous voulons défendre dans le présent essai : la rêverie est sous le signe de l’anima. Quand la rêverie est vraiment profonde, l’être qui vient rêver en nous c’est notre anima. P.53
****
Le repos de la nuit de nous appartient pas. Il n’est pas le bien de notre être. Le sommeil ouvre en nous une auberge à fantômes. Il nous faut le matin balayer des ombres ; il faut à coup de psychanalyses, déloger les visiteurs attardés, et même débucher, à fond d’abîmes, des monstres d’un autre âge, le dragon et la vouivre, toutes ces concrétions animales du masculin et du féminin, inassimilées, inassimilables. P.54
****
Ces solitudes premières, ces solitudes d’enfant, laissent, dans certaines âmes, des marques ineffaçables. Toute la vie est sensibilisée pour la rêverie poétique, pour une rêverie qui sait le prix de la solitude. L’enfance connaît le malheur par les hommes. En la solitude, il peut détendre ses peines. L’enfant se sent fils du cosmos quand le monde humain lui laisse la paix. Et c’est ainsi que dans ses solitudes, dès qu’il est maître de ses rêveries, l’enfant connaît le bonheur de rêver qui sera plus tard le bonheur des poètes. P.84
****
Dès qu’un enfant a atteint « l’âge de raison », dès qu’il perd son droit absolu à imaginer le monde, la mère se fait un devoir, comme tous les éducateurs, de lui apprendre à être « objectif » - objectif à la simple manière où les adultes se croient objectifs. On le bourre de socialité. On le prépare à sa vie d’homme dans l’idéal des hommes stabilisés. On l’instruit aussi dans l’histoire de sa famille. On lui apprend la plupart des souvenirs de la petite enfance, toute une histoire que l’enfant saura toujours raconter. L’enfance - cette pâte ! – est poussée dans la filière pour que l’enfant prenne bien la suite de la vie des autres. P.92
****
Le grand « autrefois » que nous revivons en rêvant à nos souvenirs d’enfance est bien le monde de la première fois. Tous les étés de notre enfance témoignent de « l’éternel été ». p.101
****
Quel étonnement alors quand, dans une lecture, une odeur singulière nous est communiquée, restituée dans la mémoire des temps perdus. Une saison, une saison personnelle tient dans cette odeur singulière [...] Car le capuchon mouillé par l’Automne donne tout cela, tout un monde. Un capuchon mouillé et toutes nos enfances d’octobre, tous nos courages d’écolier renaissent en notre mémoire. L’odeur était restée dans le mot. P.119
****
Alors que le rêveur de rêve nocturne est une ombre qui a perdu son moi, le rêveur de rêverie, s’il est un peu philosophe, peut, au centre de son moi rêveur, formuler un cogito. Autrement dit, la rêverie est une activité onirique dans laquelle une lueur de conscience subsiste. Le rêveur de rêverie est présent à sa rêverie. P.129
****
Il semble que dans le monde intermédiaire où se mêlent rêverie et réalité, il se réalise une plasticité de l’homme et de son monde sans qu’on ait jamais besoin de savoir où est le principe de cette double malléabilité. Ce caractère de la rêverie est si vrai qu’on peut dire, à l’inverse, où il y a malléabilité, il y a rêverie. Dans la solitude, il suffit qu’une pâte soit offerte à nos doigts pour que nous nous mettions à rêver.
Le rêve nocturne, à l’inverse de la rêverie, ne connaît guère cette plasticité douce. Son espace est encombré de solides – et les solides gardent toujours en réserve une sûre hostilité. P.145
****
Quand un rêveur de rêveries a écarté toutes les préoccupations qui encombraient la vie quotidienne, quand il s’est détaché du souci qui lui vient du souci des autres, quand il est vraiment ainsi l’auteur de sa solitude, quand enfin il peut contempler sans compter les heures, un bel aspect de l’univers, il sent, ce rêveur, un être qui s’ouvre en lui. Soudain un tel rêveur est rêveur de monde. Il s’ouvre au monde et le monde s’ouvre à lui. P.148
****
On ne rêve pas avec des idées enseignées. P.161
****
Combien sont proches, dans une eau tranquille, la surface et la profondeur ! Profondeur et surface sont réconciliées. Plus l’eau est profonde, plus le miroir est clair. La lumière sort des abîmes. p.169
****
Le redoublement du ciel dans le miroir des eaux appelle la rêverie à une plus grande leçon. Ce ciel enfermé dans l’eau n’est-il pas l’image d’un ciel enfermé en notre âme ? p.172
La rêverie que nous voulons étudier est la rêverie poétique, une rêverie que la poésie met sur la bonne pente, celle que peut suivre une conscience qui croît. P.5
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L’imagination tente un avenir. Elle est d’abord un facteur d’imprudence qui nous détache des lourdes stabilités. Nous verrons que certaines rêveries poétiques sont des hypothèses de vies qui élargissent notre vie. P.7
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La rêverie est alors un peu de matière nocturne oubliée dans la clarté du jour. P.9
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Les rêves et les rêveries, les songes et les songeries, les souvenirs et la souvenance, autant d’indices d’un besoin de mettre au féminin tout ce qu’il y a d’enveloppant et de doux par-delà les désignations trop simplement masculines de nos états d’âmes. P.25
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Et nous voici au centre de la thèse que nous voulons défendre dans le présent essai : la rêverie est sous le signe de l’anima. Quand la rêverie est vraiment profonde, l’être qui vient rêver en nous c’est notre anima. P.53
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Le repos de la nuit de nous appartient pas. Il n’est pas le bien de notre être. Le sommeil ouvre en nous une auberge à fantômes. Il nous faut le matin balayer des ombres ; il faut à coup de psychanalyses, déloger les visiteurs attardés, et même débucher, à fond d’abîmes, des monstres d’un autre âge, le dragon et la vouivre, toutes ces concrétions animales du masculin et du féminin, inassimilées, inassimilables. P.54
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Ces solitudes premières, ces solitudes d’enfant, laissent, dans certaines âmes, des marques ineffaçables. Toute la vie est sensibilisée pour la rêverie poétique, pour une rêverie qui sait le prix de la solitude. L’enfance connaît le malheur par les hommes. En la solitude, il peut détendre ses peines. L’enfant se sent fils du cosmos quand le monde humain lui laisse la paix. Et c’est ainsi que dans ses solitudes, dès qu’il est maître de ses rêveries, l’enfant connaît le bonheur de rêver qui sera plus tard le bonheur des poètes. P.84
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Dès qu’un enfant a atteint « l’âge de raison », dès qu’il perd son droit absolu à imaginer le monde, la mère se fait un devoir, comme tous les éducateurs, de lui apprendre à être « objectif » - objectif à la simple manière où les adultes se croient objectifs. On le bourre de socialité. On le prépare à sa vie d’homme dans l’idéal des hommes stabilisés. On l’instruit aussi dans l’histoire de sa famille. On lui apprend la plupart des souvenirs de la petite enfance, toute une histoire que l’enfant saura toujours raconter. L’enfance - cette pâte ! – est poussée dans la filière pour que l’enfant prenne bien la suite de la vie des autres. P.92
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Le grand « autrefois » que nous revivons en rêvant à nos souvenirs d’enfance est bien le monde de la première fois. Tous les étés de notre enfance témoignent de « l’éternel été ». p.101
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Quel étonnement alors quand, dans une lecture, une odeur singulière nous est communiquée, restituée dans la mémoire des temps perdus. Une saison, une saison personnelle tient dans cette odeur singulière [...] Car le capuchon mouillé par l’Automne donne tout cela, tout un monde. Un capuchon mouillé et toutes nos enfances d’octobre, tous nos courages d’écolier renaissent en notre mémoire. L’odeur était restée dans le mot. P.119
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Alors que le rêveur de rêve nocturne est une ombre qui a perdu son moi, le rêveur de rêverie, s’il est un peu philosophe, peut, au centre de son moi rêveur, formuler un cogito. Autrement dit, la rêverie est une activité onirique dans laquelle une lueur de conscience subsiste. Le rêveur de rêverie est présent à sa rêverie. P.129
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Il semble que dans le monde intermédiaire où se mêlent rêverie et réalité, il se réalise une plasticité de l’homme et de son monde sans qu’on ait jamais besoin de savoir où est le principe de cette double malléabilité. Ce caractère de la rêverie est si vrai qu’on peut dire, à l’inverse, où il y a malléabilité, il y a rêverie. Dans la solitude, il suffit qu’une pâte soit offerte à nos doigts pour que nous nous mettions à rêver.
Le rêve nocturne, à l’inverse de la rêverie, ne connaît guère cette plasticité douce. Son espace est encombré de solides – et les solides gardent toujours en réserve une sûre hostilité. P.145
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Quand un rêveur de rêveries a écarté toutes les préoccupations qui encombraient la vie quotidienne, quand il s’est détaché du souci qui lui vient du souci des autres, quand il est vraiment ainsi l’auteur de sa solitude, quand enfin il peut contempler sans compter les heures, un bel aspect de l’univers, il sent, ce rêveur, un être qui s’ouvre en lui. Soudain un tel rêveur est rêveur de monde. Il s’ouvre au monde et le monde s’ouvre à lui. P.148
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On ne rêve pas avec des idées enseignées. P.161
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Combien sont proches, dans une eau tranquille, la surface et la profondeur ! Profondeur et surface sont réconciliées. Plus l’eau est profonde, plus le miroir est clair. La lumière sort des abîmes. p.169
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Le redoublement du ciel dans le miroir des eaux appelle la rêverie à une plus grande leçon. Ce ciel enfermé dans l’eau n’est-il pas l’image d’un ciel enfermé en notre âme ? p.172
Vous pouvez aussi vous laisser hypnotiser par sa voix et son propos:
sqoqo
7050
Je poste, donc je suis
Membre depuis 17 ans
5519 Posté le 02/03/2017 à 10:00:21
Merci kumo !
Et dans tes extraits, de jolies choses
Le silence de la nuit augmente la profondeur des cieux.
Ou
Le sommeil ouvre en nous une auberge à fantômes. Il nous faut le matin balayer des ombres ; il faut à coup de psychanalyses, déloger les visiteurs attardés, et même débucher, à fond d’abîmes, des monstres d’un autre âge, le dragon et la vouivre, toutes ces concrétions animales du masculin et du féminin, inassimilées, inassimilables.
Et dans tes extraits, de jolies choses
Le silence de la nuit augmente la profondeur des cieux.
Ou
Le sommeil ouvre en nous une auberge à fantômes. Il nous faut le matin balayer des ombres ; il faut à coup de psychanalyses, déloger les visiteurs attardés, et même débucher, à fond d’abîmes, des monstres d’un autre âge, le dragon et la vouivre, toutes ces concrétions animales du masculin et du féminin, inassimilées, inassimilables.
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