Globe Trotter land
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-Liam-

J'ai pas l'impression qu'un tel topic existe ici...Or au fil des différentes discussions sur AF, je me rends compte que pas mal de gens ont voyagé, ont vécu (même pas longtemps) dans d'autres contrées...que ce soit des voyages de classe, des voyages en famille, des trip solitaires, votre témoignage est le bienvenu!
Evidemment, le but n'est pas ici de se la péter à dire "moi j'ai vu ci, j'ai fait ça" (voyager est une chance et tout le monde en a pas forcément l'occase), mais plutôt essayer de faire partager ce qu'on a ressenti à l'étranger, humainement, socialement, géographiquement, (et musicalement aussi tiens).
Bien sûr, les envies de voyages, les destinations rêvées, etc.. sont également bienvenues!
Ca botte du monde?
Un verre à moitié vide est aussi à moitié plein. Un type à moitié intelligent est généralement complètement con
https://soundcloud.com/newcarradio

Anonyme

-Por favor, una cerveza y una limonada y para comer...
-Was ? ou What ? me répond le loufiat.
Euh... personne n'était hispanophone dans son troquet et rien que de la choucroute ou du fish'n'chips à grailler.
Les gens de l'hôtel (des locaux) ont été cools avec nous (au moins on essayait de parler espagnol), tous les soirs on demandait un panier pique-nique pour le lendemain. Et tous les matins après le petit dej' on embarquait notre panier, casses dalles, flotte, fruit. On allait se prendre le bus à Palma pour différents endroits de l'ile, y'avait plein de coins sympas, des plages désertes, des chouettes balades à faire.
Par contre le soir fallait supporter la zique. Donc en boucle pendant 3 semaines "wake me up before you go-go" de Wham, "still loving you" de Scorpion, "self control" de Laura Branigan.
Vous avez les airs en tête ou vous voulez que je vous poste les vidéos ?
Oryjen, merci de tes posts, textes et photos.


Dr Pouet

Benidorm

un peu plus au sud
J'ai cru que tu blaguais et que c'était vers Bahreïn. Mais non. (Côte espagnole, près d'Alicante)
[ Dernière édition du message le 17/08/2017 à 15:22:08 ]

oryjen


Sans faire l'intéressant, j'ai fait ce truc pour vous. Je pense que je n'aurais rien écrit sans l'intérêt que vous aviez manifesté quand j'ai annoncé mon départ. Je ne l'ai jamais fait auparavant.
C'est du temps, du soin, du boulot pour trier rapidement et uploader les photos alimentant le texte...
C'est sympa que certains y voient tout de même ce que c'est en premier lieu: Une contribution à la vie du forum.
On ne m'a pas encore reproché les longueurs... bizarre...

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

Anonyme


C'est le genre de sujet qui change des trucs habituels du Pub.
Ta vision est étonnante.
On ne m'a pas encore reproché les longueurs... bizarre...
Bah... y'a de la digression à la oryjen, ça tombe bien, c'est toi...
Les longueurs... p'tit joueur. Je pense que j'ai parfois fait pire.


Rifki


oryjen

Ce genre de truc faisait partie de l'habit traditionnel.
En Croate, "Croate" se dit Hrvats (on ajoute "ko" au masculin et "ka" au féminin). On prononce le H initial comme le ch allemand dans "ich", et on ajoute après le H un "e" ouvert qu'on n'écrit pas mais qu'on prononce.
Un français normalement doué pour les langues barbares comme ils le sont presque toujours, entend "keurvats", vite francisé en "carvate".
Et comme le fORmage est devenu fROmage, la "cARvate" n'a point tardé à devenir "cRAvate".
Et les connards de porter l'uniforme comme de bons petits soldats de merde qu'ils sont.

Par quelle étrange association d'idées ce truc venu d'europe centrale est devenu un emblème de respectabilité (mes fesses), si quelqu'un sait, ce doit être rigolo et absolument passionnant.
Personnellement je l'ignore.
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[ Dernière édition du message le 17/08/2017 à 18:22:06 ]

Anonyme


Une carte postal suffisait....

On ne m'a pas encore reproché les longueurs... bizarre...
done


oryjen



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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

samy dread

Je crois voir à peu près où tu essaies d'en venir avec tes petites interventions
et bien, non pas tant que ça

en fait à lire tes premières interventions, j'ai l'impression qu'elles auraient pu être écrite en lisant un gros bouquin encyclopédique sur un pays exotique, sans avoir besoin d'y aller. Comme dit plus haut, ça manque de petites anecdotes sur lesquelles on peut s'appuyer pour dire beaucoup de choses. Ainsi je préfère largement quand tu racontes le passage en douane et voir des photos de bunker, soit ce qui n'est jamais ou rarement raconté, l'envers du décor.
du coup ça fait des posts trop longs. re

Non je ne mettrai pas de pull
[ Dernière édition du message le 17/08/2017 à 22:25:20 ]

Dr Pouet


J'ai tout lu et j'ai bien aimé. Merci !
[ Dernière édition du message le 18/08/2017 à 00:49:40 ]

oryjen

Je termine par une galerie de "portraits et choses vues" (ici les amateurs de pittoresque en auront pour leurs sous.

Surtout qu'y en a encore pour quelques bonnes pages (avec des images, bande de drogués...

(Mais pas ce matin, désolé: je viens de passer une heure sur les schémas et datasheets pour aider un copain à dépanner son vieux Delta.
J'ai levé Fiston.
On file se taper deux heures de bois dans la forêt (la machette c'est pour les tapettes: Nous on travaille à la hache, au merlin et à la tronçonneuse, nan mais

J'avais prévenu, avant de commencer, que le "journal de voyage" avait tourné à "l'essai".
J'ai pas fait exprès.
Il y a de la candeur dans ma rusticité.
Et de la spontanéité.
Je tâche d'en poster une page cet apm.
Bisous.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

dana12


Sinon, comme Rifki, j'attendais de toi plus d'anecdotes perso, comme le traitement réservé aux sangliers

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

oryjen

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

oryjen




Après le col dix-sept kilomètres de piste non revêtue, pleine d’ornières énormes ou de rochers inamovibles, et par endroits comme étroitement incrustée, sertie dans la paroi. Là, en calculant presque le placement de chaque tour de roue, il faut croiser souvent les minibus qui desservent la vallée, les vieux et énormes 4x4 des habitants les plus aisés, des Mercédès préhistoriques, des troupeaux avec leurs bergers et leurs mules, et même, on n’en croit pas ses yeux, de petites voitures modernes dont on n’eût jamais supposé qu’elles pussent supporter un traitement pareil, conduites par de jeunes Albanais en vacances, ou de vieux habitants endimanchés…




Lors de ces croisements quelquefois délicats, qui obligent souvent l’une des deux voitures à manœuvrer à reculons, à l’approche revêches ou parfois inquiétants - gangs de terreurs à barbes, aux yeux noirs, à cinq ou six dans les voitures haletantes- les conducteurs finissent souvent par lâcher un signe de la main, un bref sourire, un hochement de tête aimable.
Le fond de la vallée est occupé par le lit large et blanc d’une rivière de fonte -en plein Juillet, et malgré la chaleur, il reste de la neige sur les hauteurs escarpées- qui en cette saison ne coule que sur un petit quart de sa largeur totale.


Et là, surprise en forme de désillusion : Au milieu de ce cadre grandiose, quasiment vierge, juste au bord de cette eau d’une pureté surnaturelle, alors qu’on attend de découvrir le village au détour d’un virage, cette localité représentée par un point sur la carte se révèle être un assemblage incompréhensible de maisons, de ruines, de friches, de constructions en béton plus ou moins achevées, de projets audacieux avortés à une époque mal définie, de champs et de jardinets cultivés… Tout ceci au milieu de sacs d’immondices éventrés, de déchets de plastique à la pelle, de vêtements souillés abandonnés que semblent paître bêtement les vaches maigres en liberté.
On y regarde à trois ou quatre fois pour savoir si telle ou telle ruine est toujours habitée, au moins partiellement, et c’est souvent le cas.


On suit un panneau indiquant le « qendër » (centre) sur cette rue principale qui n’est que le prolongement défoncé de la piste, mais il n’y a pas de centre. Une école, dont on apprend qu’elle ne fonctionne qu’un mois par an, en Septembre, avant que les enfants ne redescendent en ville, chassés par les hivers terribles. Un petit dispensaire, appelé « hôpital », composé d’une pièce unique, propre et semblant fonctionnelle.
Une stèle étrange en pleine friche, entre la route et la rivière, toute blanche et ornée d’un joli bas-relief un rien naïf représentant deux femmes drapées dans des volutes de tissus harmonieusement agencées, porte, outre des mots indéchiffrables en Albanais, le mot AMERICAN. Mystère…
Du côté gauche de la « route » en allant vers le « centre », chaque ferme ou presque s’intitule « Guest-House » et fait café-resto dans une partie des bâtiments fraîchement retapée dans un style indéfinissable, très variable selon l’établissement, probablement laissé totalement à la fantaisie du propriétaire-constructeur.


Souvent, juste derrière, l’étable, la porcherie, où les jardins où plusieurs cultures - maïs, pommes de terre, haricots, potirons et courgettes - sont astucieusement mélangées et couvrent entièrement le sol.
N’ayant pas trouvé de centre à l’agglomération, au-delà de l’école on poursuit le chemin. Les fermes-Guest-Houses continuent de s’égrener sans ordre apparent - La friche fait partie de l’ordre sur le plateau : Elle signale traditionnellement les terres de celui qui a « repris le Sang », c’est-à-dire vengé un mort au prix d’une autre vie fauchée dans la famille ennemie. Celui-là est soit mort à son tour, soit enfermé dans une tour de claustration, pour échapper à la vengeance qui s’ensuit. Ses terres sont en friche. Il y restera jusqu’à ce que mort s’ensuive, à moins que la « Besa » (pardon conventionnel, offre contractuelle de réconciliation, qui intervient rarement tant le tarif en est astronomique) ne lui permette de sortir, parfois après plusieurs années de claustration dans une obscurité presque totale - on dit qu’alors ses yeux resteront à jamais incapables de se réhabituer à la lumière.
La friche fait partie de l’ordre, elle témoigne d’une histoire, d’un état. Nos yeux habitués à l’ordre et à l’occupation des sols ne la comprennent pas ; la voient comme un désordre.
Ceci dit le Kanun ne dit rien des ordures ce me semble - insouciance traditionnellement répandue dans les contrées ayant souffert des délires communistes : La nature n’est rien, ne compte pas, le cœur des hommes ne doit pas s’en trouver affecté, absorbé tout entier par de grands objectifs rationnellement planifiés (demain-on-rase-gratis et tout le fourbi…)
Plus loin, dans la même direction, on arrive à la Tour, celle dont il est question plus haut.
Aujourd’hui, se retrouvant étrangement sur un terrain privé (alors qu’elle est traditionnellement le No Man’s Land par excellence), elle se visite comme curiosité historico-tragico-touristique, au prix d’un droit d’entrée (ridicule) perçu par le propriétaire, d’ailleurs fort sympathique.


Cela laisse à penser au visiteur naïf qu’on a fait table rase de ces coutumes moyenâgeuses, moralement indéfendables.
Il n’en est rien : A Tiranë (la capitale), tout un secteur du centre-ville sert de refuge aux assassins d’honneur qui ont « repris le Sang » pour apurer une dette datant souvent d’avant le communisme, ou à de jeunes innocents, éventuelles cibles.
L’autorité actuelle, comme toutes les autres auparavant depuis plus de mille ans - à part celle d’Hoxha - ne sait que dire à ce sujet, et laisse faire.
L’intégration européenne n’est pas gagnée !
Au-delà de la tour, un sentier continue. On arrive bientôt à une masure à la toiture végétale, affublée d’une parabole - hiatus extravagant.
Les gens de la Tour sont une famille de la ville, Shkodër, qui vient ici passer l’été et arrondir le revenu annuel grâce au droit de visite, un peu de snack et de boisson.
Ils présentent la chose comme une vieillerie pittoresque, insistant lourdement sur le côté tragique… le père porte l’habit traditionnel, et joue à la demande des airs d’antan à la feuille de frêne. La petite fille de onze ans, qui parle un anglais impeccable, joue pour le visiteur d’une sorte de luth étroit à deux cordes.


Ils semblent raconter que ces foutaises sont d’un autre temps, bon pour le souvenir uniquement.
En Octobre, avant la neige, ils redescendent tous en ville s’occuper à d’autres métiers…
Mais cependant, juste derrière, de la masure on voit sortir de temps à autre une sorte d’esquimaude noiraude au large visage plat légèrement concave, aux yeux fixes et noirs, allant pieds nus, qui porte l’habit ordinaire (extraordinaire à nos yeux) tous les jours, et mendie un petit quelque chose à ceux qui s’aventurent au-delà de la Tour… malgré la parabole…
Un cheval attelé est rangé près de la maison. Extraordinaire télescopage des temps…
Notons qu’à part les pieds, et cet air suppliant de miséreuse qu’elle est probablement, la dame semble être d’une propreté impeccable. Ses cheveux traditionnellement teints en noir profond empêchent de lui donner un âge…
Sous la falaise, au-dessus de tout ça, un sentier parallèle à la route dessert un ingénieux système de captage de sources qui est utilisé en-dessous pour irriguer les jardins et pour l’alimentation des maisons.
On a surpris, au détour d’un virage, un drôle de grand chien dégingandé et sombre qui a filé furtivement… je crois bien que c’était un loup.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

Anonyme



oryjen

Quelque chose de l'ordre de la répulsion nous a retenu de faire ces images...
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

Lola Tance


aussi sympa que du TexCoco....
edit:crosspost 1740
[ Dernière édition du message le 19/08/2017 à 10:37:29 ]

samy dread


Non je ne mettrai pas de pull

Anonyme

Je n'ai aucune photographie (ma femme non plus) des ordures, pourtant omniprésentes, dont je parle à longueur de page...
Quelque chose de l'ordre de la répulsion nous a retenu de faire ces images...
t'as déjà été en Tunisie ? Perso un truc qui m'avait choqué (j'y avais été quelques mois avant leurs changements politiques, j'ignore totalement si ça a changé depuis sur ce point), c'est l'omniprésence des ordures....
Y en a partout dès lors qu'on sort des zones à touristes. Des champs entiers, sur des dizaines voire des centaines d'hectares, sont totalement et intégralement recouverts de détritus. Je vois même pas comment ça pourrait être enlevé, vu le gigantisme des décharges publiques, qui au final composent 90% de la superficie du pays, la seule région non touchée étant la partie désertique....
[ Dernière édition du message le 19/08/2017 à 11:12:57 ]

Anonyme


Anonyme

Un peu comme le sud de la France ou l'Italie quoi.
J'ai jamais vu aucun champ recouvert intégralement d'ordures en Italie. Par contre niveau ramassage dans certaines villes, c'est pas trop ça...le cas de Naples est inquiétant...

oryjen

Sur une route de montagne en piètre état se frayant un passage sur des pentes abruptes et sèches, entre Nulle-Part et Pas-Grand-Chose, un garçon de dix ans trotte au soleil piquant, portant d’une main un sac en plastique rempli de courgettes, et de l’autre tenant un téléphone portable. Le nez collé dessus, comme tous ses semblables absolument indifférent à quoi que ce soit alentour, il effeuille du pouce des pages virtuelles…
D’où vient-il ? Où va-t-il ? Pas une maison à la ronde…
Dans les montagnes, des barrages titanesques de trois ou quatre cents mètres de hauteur, hérités de l’époque communiste, ferment d’étroites vallées pour constituer d’immenses réserves d’eau qui alimentent, à leur pied, des centrales électriques vieillissantes toutes peintes en jaune pisseux.





Un homme, avec deux mules, parcourt inlassablement un sentier de montagne caillouteux et escarpé par une chaleur infernale. Un lourd chargement de canettes en packs bâchés de blanc est arrimé sur les bâts.
Cet équipage d’un autre âge approvisionne les buvettes le long de cette gorge encaissée que visitent les touristes.

Violetta.
Dans Berat, la-Ville-aux-Mille-Fenêtres, on a laissé la rivière magnifique aux quais ombragés et populeux, et pris à gauche, à pieds, une montée antique, interminable dans la chaleur d’après-midi, sur des pavés lustrés d’usure, luisants et remarquablement glissants, pour visiter l’ancienne citadelle fortifiée.




Selon le schéma albanais désormais familier, et contrairement à beaucoup de vestiges empaillés et vernis que nous avons pu visiter les années précédentes au Portugal, en Crète, les ruines d’un passé supposément glorieux et la décrépitude actuelle de pauvres logements semblent se côtoyer avec malice, avec complicité et bienveillance… on pense à l’habitude antique plus ou moins fantasmée de déposer pour un moment un cadavre sur une table du banquet afin que chacun se rappelle le caractère transitoire de la vie, ainsi que la raison pour laquelle il convient de profiter du temps qui nous est imparti… On pense aussi à ces vieux châtaigniers, par chez nous, qui sont des êtres étranges, à moitié morts et à moitié vivants…





Bien que le bouquin sommaire qui sert de guide ait averti qu’il ne fallait pas trop compter trouver un logement derrière les remparts, une fois passée la porte fortifiée, on a erré dans les ruelles et demandé ici et là, tout en visitant le site où s’empilent à la diable les traces plus ou moins conservées de diverses époques, de diverses cultures.
Un peu partout, des autochtones affirment complaisamment une activité hôtelière improvisée à l’aide de grandes lettres mal écrites à la peinture à même le mur (les plus raffinés écrivent sur une planche) près de l’entrée : « HOTEL », « GUEST HOUSE », « KAFE », « 8€ » (par personne et par nuit)…
Tout est complet…
On a visité un logement, pour la forme, une dame gentille et accueillante proposant même (au même tarif) un bout de couloir, un coin de canapé branlant précairement rafistolé…
On a bien hésité… on voudrait bien dormir, même assez mal, derrière les remparts : Les gens aimables et amicaux, le calme des ruelles où le temps paraît suspendu à l’orée des jardins soignés ou à demi en friche derrière les vieux murs, les vieilles palissades, semblent nous inviter, malgré la chaleur implacable, à insister encore. On n’a aucune envie de redescendre sur les berges chercher un logement dans un de ces hôtels touristiques incongrus, clinquants de marbres et de dorures au Ripolin…
Au musée Onufri, une dame en noir affairée, mine sévère -sans doute responsable de quelque chose- bien que ne parlant pas l’Anglais, comprend notre recherche et passe plusieurs appels avec son téléphone portable. Elle demande combien nous sommes, combien de nuits… Elle avise le chien, ajoute quelque chose, puis nous fait signe de la suivre.
On traverse la cour du musée, et par une porte dérobée dans un étroit passage, elle nous mène rapidement dans un dédale de ruelles que nous n’avions pas encore exploré.
Ayant tourné un coin, elle s’arrête brusquement devant un grand portail fermé en bois à deux vantaux. A droite, sur le mur peint en blanc, de grandes lettres rouges inégales et hâtives prétendent qu’il s’agit d’un « KAFE ».
La dame frappe, et une jolie grand-mère trapue vient ouvrir. En nous voyant elle semble un peu embarrassée, puis rapidement sourit de manière accueillante.
La dame du musée dit quelques mots rapides, et puis s’éclipse.
On a passé la nuit chez Violetta, dans sa chambre à coucher (son lit) où trônent des photos de mariage et d’enfants, et son salon (nous sommes quatre). Nous ignorons où elle a pu dormir… Violetta ne parle qu’Albanais.
On a compris deux ou trois choses, à propos d’intendance, d’argent, et elle a fait comprendre qu’elle a trois enfants : Un fils au Kosovo, deux filles en Grèce.
On a compris par nous-mêmes, en visitant le pauvre appartement, la salle de bains spartiate ripolinée, le beau petit jardin astucieusement agencé et soigneusement travaillé dans le but évident de fournir un maximum de nourriture, un certain nombre d’autres choses…
Violetta est veuve. Elle survit durement. Malgré sa gentillesse et une certaine timidité, elle négocie âprement le tarif de la nuit et fait grimper les prix en proposant toutes sortes de bricoles que soi-disant elle fabrique : des confitures, du miel, de mystérieux breuvages en fioles minuscules, de petits chaussons et des bonnets de grosse laine lourdement tricotés…
Son intérieur soigné ne cache pas la pauvreté des matériaux, des meubles, et des équipements (pour avoir de l’eau chaude à la douche, elle actionne dans la cour un assemblage précairement bricolé composé d’une vieille pompe électrique bruyante et d’un interrupteur bizarre).
Malgré tout il se dégage de cette maison un charme ancien et amical. C’est un endroit qui a vu des malheurs (Violetta cache mal un fond de profonde tristesse), mais où il fait bon vivre.
Le soir, dans sa table de nuit, on découvre des livres usés: Stefan Zweig, Thomas Mann, et un traité ancien de politique soviétique consacré à Staline…
Violetta vit dans le passé. C’est une intellectuelle, une lettrée. On devine une ancienne vie d’engagement, de convictions… elle a peut-être fait partie de l’intelligentsia du régime communiste… On imagine bêtement un mari exécuté dès la fin de la dictature, peut-être même avant. A moins qu'il n'ait été pris dans les inextricables rets de la Dette de Sang... Ou malade, ou tué sur la route, comme tout le monde...
Comme c’est étrange… Cette dame si gentille… Ce régime tellement réputé pour sa férocité.
C’est si curieux de découvrir des traces de l’usage intime, simple et sincère, de l’abomination…
Une fois de plus, l’abîme s’ouvre devant moi sur les mystères de la conscience humaine… Plus loin, plus tard, à Gjirokastër, nous verrons sur un mur, à la peinture blanche, un appel étranglé au retour du bourreau héroïque : « ENVER ». Je me rappelle aussi deux jeunes Serbes très gentils, Chongor et Djurdjitsa, assez perchés New-Age, rencontrés voici trois ou quatre ans dans un camping perdu en Croatie sur l’île de la magicienne Circé, avec lesquels nous avions eu de longues discussions… Ils avouaient une forte nostalgie pour une époque qu’ils n’avaient pas connue, celle du Maréchal Tito… Il est vrai que la Yougoslavie ("le Royaume des Slaves du Sud"... Ni les Bosniaques, ni les Croates, ni les Albanais ne se reconnaissent d'ascendance Slave), au beau prétexte de "fédération communiste", et aux dires aujourd'hui des "minorités" d'alors (qui étaient la majorité), n'était rien d'autre qu'une sorte de "grande Serbie".
Le lendemain matin, nous avons réglé Violetta (qui a réussi à tirer 50 euros de quatre nuitées à 8 euros chacune, plus trois bricoles), et nous nous sommes embrassés chaleureusement avant de reprendre la route vers le Sud. Elle nous a appris à dire « au revoir » en Albanais ("mirupafshim", à se revoir), et elle a bien voulu poser, avec le beau gilet qu’elle est allée chercher exprès, à la porte de son « établissement ».
Je me rappelle le son de sa voix aiguë et plaintive, et sa façon de secouer la tête de côté d’un air gêné pour dire « oui ».





Plus tard, à Gjirokastër... certains regrettent le tyran...
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 22/08/2017 à 09:47:22 ]

Djardin

CloudBreak, crapule Suisse Londonienne, regarde tes messages privées !
Référence en matière de bon gout capillaire et vestimentaire.
homme à tête de zizi.

oryjen

Pardon?
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Djardin

En attendant, on a vu l'éclipse Totale : le Soleil entièrement bloqué par les nuages.
La prochaine est prévue aujourd'hui.
Et Londres, c'est des polonais, des polonais, des français, des viets, des polonais, des allemands, des espagnols, des pakistanais, des indiens ...
On n'a pas encore croisé de Londoniens.
Référence en matière de bon gout capillaire et vestimentaire.
homme à tête de zizi.
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