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Le Pub de l'Amérique Latine

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Sujet de la discussion Le Pub de l'Amérique Latine
Salut.
Si comme moi vous adorez ce continent, êtes fascinés par ses cultures, sa géographie. Son football, sa musique, sa littérature, sa politique actuelle ou passée. Que vous la connaissiez ou non, que vous l'aimiez ou la détestiez.
N'hésitez pas à poster, même si c'est pour en dire pis que pendre...
Venez nous faire partager vos expériences de voyage, du Rio Grande au Cap Horn, en passant par le Sertao brésilien ou les cordillères.
Des sierras mexicaines au canal de Panama. Le sujet est aussi vaste que ce continent, et peut être aussi passionnant.
Si ça vous chante d'y aller, il se trouvera bien un Afien pour vous filer quelques tuyaux...

Bienvenue.
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Très chouettes photos. Perso je préfère celles en couleurs.
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Hors sujet :

Des nandus on en avait vu en Patagonie effectivement.

Et on avait vu un puma aussi. Le bestiau était un peu en contrebas du chemin à 50m en gros, ça pese dans les 60-70kg et j'en menais pas large... (même si normalement ça ne bouffe que du guanaco)

Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique !  :-( :-)

[ Dernière édition du message le 26/08/2019 à 17:22:38 ]

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Direction Pisagua, 400 bornes de route... le seul endroit où je ne sois jamais passé au long de cette promenade, complète découverte. Trouvé par hasard. Je zyeutais Gogole Maps, j'ai repéré le patelin, cherché, il y a un hôtel. Ville plus ou moins à l'abandon, quelques ruines. Pourtant ancien grand port péruvien puis chilien, il y a un vieux théâtre, un cimetière... C'est parti, descente à Arica depuis Putre, on passe d'une vallée à l'autre par des plateaux désertiques. Chopage d'oseille dans un très original centre commercial, un mall comme on dit ici, Zara et Cie...
Le plein. Des panneaux indicateurs. Prochaine station service Pozo Almonte. 300 Km. Santiago, 2070 Km... Question distance s'pas de la rigolade. Désert, vallées, cailloux... La frontière intérieure, tous les passagers d'un bus et leurs bagages passent au scanner, un douanier en rame pas une. Panneaux, tout à plus de 200 bornes devant, tout au pied de la Cordillère à gauche avec des petites distances, 50, 100... ça donne envie de revenir. Halte flotte, bistro Bagdad Café au bord de la route, le seul endroit avec 3 arbres, des caisses en ruine, des camions à l'arrêt... 100 bornes, à droite la route pour Pisagua. 47 kilomètres, la route droite, légèrement bosselée, parfait état. Puis ça tourne, monte un peu, redescend... et là, tout au bas d'une dune caillouteuse de 300 mètres de haut... Pisagua, cul de sac. Lumière de fin d'après midi, le bleu du Pacifique, l'ocre des dunes, le jaune et rouge des bateaux de pèche. Y'a rien d'exceptionnel mais on est déjà en train de tomber amoureux avec la Moujikette.
Hostal La Roca que ça s'appelle l'hôtel, le seul du village, 4 piaules. Personne à l'hôtel, portes fermées. Un coup de fil, "j'arrive" me répond une voix féminine... 10 minutes après, elle arrive, Camilla qu'elle s'appelle, ravissante, un sourire lumineux. On attendait en matant le paysage depuis la terrasse, assis tranquilles sur une balancelle face à l'océan. Hôtel de bric et de broc, un peu bancale, charmant. Piaule ultra simple, grande mais avec ZE big luxe... une grande baie vitrée donnant sur l'océan... Putain, on va dormir comme Pablo Neruda, avec la vue panoramique, cinémascope et tout. Je signe le registre, personne depuis 9 jours, un français... On va se promener... un type un peu baba cool nous salue.

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3, depuis la terrasse devant la piaule, dans la balancelle. S't'un métier photographe amateur.
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Autant de chiens que d'habitants... sauf que les chiens en font partout, c'est la merde quand on rentre le soir, boui-boui, menu à 10 balles... Réveil en matant l'océan. On a dit à Camilla qu'on prendrait le petit dej' à 7h30 pour ensuite aller se promener et profiter... Ouais, sauf que le Baba Cool d'hier s'avère être le petit copain de Camilla... On papote, on papote... Marcos est moniteur de plongée à Pisagua. Bouteille, masque et tuba, pour tous les goûts. Ecolo, prof d'éducation physique à l'école du village aussi... On lui raconte notre rencontre avec le Nandu... Comme si on lui avait dit qu'on s'était retrouvé nez à nez avec le yeti, quasi disparu où on était. Finalement il est midi quand on décarre de l'hôtel. Direction Pisagua Viejo, 10 bornes, y'a 2 Pisagua. L'ancien du temps de la conquête et l'actuel. Marcos nous a prévenu, quand vous revenez, allez à la bibliothèque, la bibliothécaire vous attend pour vous ouvrir le théâtre, puis après allez à la Pica (boui-boui) derrière l'ancien grand hôtel. La taulière vous ouvrira les portes de l'hôtel et de la prison, c'est 5000 pesos mais elle vous racontera toute l'histoire du village. Pisagua Viejo... quelques ruines, une longue plage où se prélasse une famille en pique-nique, la sortie d'une longue vallée et rivière venues des Andes. Je fais des photos, la Moujikette ramasse des coquillages, on fout rien, on profite. Consternant... 10000 bornes pour ça.

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Citation :
on fout rien, on profite. Consternant... 10000 bornes pour ça.


trop bien, du glanding de qualitay :bravo:

zarb les 2 zoziaux qui font sécher leurs ailes, à la manière des cormorans, mais ce ne sont pas des cormorans :8O:
vautours ?

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

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Oui, charognards, en Amérique Centrale ça s'appelle Zopilotes, au Chili je ne sais pas. les Condors en sont aussi des charognards, j'dis ça pour ceux qui trouvent "so romantic" El Condor Pasa par Simone & Garfunkel...

Après je vous raconterai la face sombre de Pisagua. La pas marrante. Une longue tradition de lieu d'exil et d'assassinats pour les opposants, j'veux dire la gauche. Ça date pas de Pinochet les exécutions, disparitions, le Chili a une longue tradition. Surtout dans le Nord, l'Atacama...

Mais ceux qu'on exécutait quand ils n'étaient pas anarchistes, socialistes, syndicalistes et-ou mécréants étaient Boliviens ou Péruviens, ce qui revient au même...

[ Dernière édition du message le 26/08/2019 à 18:34:47 ]

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waouh.

Citation :
j'dis ça pour ceux qui trouvent "so romantic" El Condor Pasa par Simone & Garfunkel...

:-D
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Donc Pisagua. Ce qui est aujourd'hui un village chilien paumé au bout d'un cul de sac fut une ville d'importance à l'époque où l'Atacama était péruvien. C'était le principal débouché maritime pour le salpêtre. Conquête par le Chili, la ville continue de croître, une gare... nous n'avons pas compris par où passaient les rails tant est raide la pente qui mène au plateau. Un grand hôtel, un hôpital, un théâtre, tout en pin d'Orégon. Par ici c'est pin ou tôle ondulée, selon la fortune. Pas de quais, les bateaux restent ancrés dans la baie et déchargent sur le débarcadère ou par l'intermédiaire de bateaux plus petits... voilà pourquoi Mejillones, Antofagasta, Iquique et d'autres ports supplanteront Pisagua... qui va sombrer dans la léthargie, et l'oubli de tous ou presque.
L'armée de terre, les Carabineros, la Marine n'oublient pas Pisagua, ils y ont toujours une base... de loisirs à moitié désaffectée. Occupée aux périodes de vacances par les plus méritants ou les plus tocards, je sais pas. Tout au long du 20ème siècle on y emmène les prisonniers "politiques" à Pisagua, c'est loin de tout. L'intello de gauche marche pas dans le désert, le syndicaliste sait pas nager et le marxiste rame très mal.
En 73 Pinochien et ses sbires enferment les opposants de la région à Pisagua, les tuent, tentent de faire disparaître les corps en les dynamitant, d'autres sans activité politique subissent le même sort. Un juge du coin, après le départ des militaires en 90, enquête aidé par des familles. Une fosse commune est "découverte". Un mémorial se trouve aujourd'hui à côté de ladite fosse attenante au cimetière. "Peu" de victimes, 29 noms... mais les familles et les rescapés ont décidé depuis toujours de ne pas oublier, que chaque nom soit connu, répertorié.

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Les noms, jour de la disparition, circonstances pour certains. Ils n'en oublieront pas un. Même ceux massacrés après avoir été arrêtés par erreur, "relâchés" au bord de la route en plein désert pour mieux être disparus...
A côté du Mémorial, des bancs de pierre, on vient se recueillir, parler, doucement... Des familles chiliennes sont là, lisent les noms, évoquent une connaissance quelque part à Pozo Almonte, Iquique... Un signe de croix, recueillement. En chaque endroit du Chili, là où ne serait-ce qu'une seule personne a été vue la dernière fois il y a une plaque, un mémorial.
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Pas super joyeux :8O: et ça donne comme même envie d'y aller :-D

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

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Le cimetière. Il est étrange. Les tombes entourées de barrières issues de têtes de lit en fer forgé à moitié rouillé, de barrières en bois. Décoratif et anti-clébard. Ou de simples croix, pas de sépulture. 150 ans de tombes. A flanc de la dune de caillasse et de sable, la petite falaise sur l'océan. Ici on se momifie. Pa sd'humidité, pas de vers. Il est étrange ce cimetière... j'en avais déjà vu des comme ça, en passant le long des Oficinas en ruine dans le Desierto del Salitre... Pampa Union, Chacabuco, Maria Elena et plein d'autres dont j'ignore le nom, au loin on les devine, un peu partout. Hernan Rivera Letelier décrit les enterrements de putes, joueurs, alcoolos, mineurs silicosés, enfants. Ici aussi des tombes d'enfants, morts récemment. L'hôpital d'Iquique est pas proche, la santé chilienne est pas chic avec les pauvres. Je pense au cimetière de Sad Hill, toi tu creuses. Les latinos ont des relations à la mort étonnantes. Fête des morts au Mexique, les cerfs-volants du Guatemala. Ici on a fait des tombes avec des bancs, des chaises, de l'ombre, on vient causer avec le mort, bouffer, boire. On célèbre le club de foot du défunt, une écharpe, une casquette, une plaque. Une fois l'an les incas sortaient les momies des Empereurs Incas, les promenaient en ville, à Cusco. Je pense aussi à ça. A Pisagua, des tombes monumentales, comme des murs, ici les péruviens, ici les boliviens, là les argentins.

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Cristofer Manuel avait 9 jours... il en aurait 28.
Carlos avait 4 ans, aimait le vélo, je ne sais pas quel âge il aurait...
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Marcos... prof de plongée à Pisagua. Ecolo, il en a du boulot. Déjà il a réussi à faire comprendre aux pécheurs du coin qu'il n'était pas nécessaire de balancer le matos usagé par dessus bord. Ça se recycle... enfin il faut espérer. Sinon ça finira côté désert enfoui dans le sable et la caillasse. Ça les botte bien les gens du coin la plongée, même si c'est plus souvent au masque-tuba qu'avec les bouteilles. Les mômes y vont avec l'école primaire, les ados économisent quelques sous pour des balades sous marines au pied des falaises, les pécheurs sont heureux de découvrir ce qu'il y a dessous. Quelques touristes aussi. On discute longuement avec Marcos, il raconte son Chili, sans trop d'illusion. Pisagua vit chichement de la pèche et d'un peu de tourisme local. Ça vivote doucement. Marcos nous dit qu'il se sent autant chilien que péruvien, le patelin a été l'un et l'autre. Certains voudraient remettre en état le grand hôtel de Pisagua, faire aussi une route depuis Iquique, par la côte. Ne plus passer par le désert là haut et faire un tour de 200 bornes. On parle de désenclavement, la route coûterait des centaines de millions.
Pour un patelin paumé, faut y croire... La route massacrerait la côte, sa faune. Et amènerait, selon Marcos, des dizaines d'Iquiquenos friqués tous les week-ends. Rachat des maisons en bois en ruine, elles font si typiques, on vire les pauvres, on nettoie... Il en veut pas de la route, Marcos, il se fout d'avoir quelques apprentis plongeurs en plus.

Pour quitter Pisagua quand on a pas de bagnole y'a le bus le matin pour Pozo Almonte ou Iquique, retour le soir, 4 à 6 heures aller-retour. Les mômes vont en pensionnat à Iquique après le primaire, y'a un petit dispensaire miteux pour la bobologie, 2 carabineros à plein temps, un temple évangéliste, une église, un bidonville avec antennes paraboliques dans le haut... Un vieux théâtre ruiné, bois et tôle ondulé, juste en bord de mer, il se ramasse des paquets de mer pendant les tempêtes. Une tour-horloge dont le village se plait à dire qu'elle a été construite par Eiffel... enfin un de ses lointains "élèves".

Ce soir c'est la fête au village, le pasteur fait des siennes... Evangéliste, il braille, éructe, gueule, Jésus par là, dieu partout, le démon qui guette, Belzébuth est en nous, Satan l'habite, en transe qu'il est le pasteur... on est venu de toute la région. Enfin les 2 ou 3 hameaux qu'on a deviné en venant de la Panaméricaine. On raconte ça à Marcos... Il se marre, "ça doit être des boliviens". Pas son truc la religion...

On a discuté des heures... Je lui demande s'il y a beaucoup de touristes et d'où... Il se marre. "Oui, comme à Puerto Williams"... des français quoi. Pour la plongée. Pratique, son centre de plongée est installé à l'hôtel.
Toujours, j'ai déboulé dans un coin paumé en Amérique Latine, mais vraiment paumé et "sans intérêt", on m'a toujours demandé si j'étais français... Chaque fois j'ai demandé pourquoi et chaque fois on m'a répondu "y'a que les français pour foutre les pieds ici". J'ai raconté ça à Marcos à propos de Puerto Williams il y a 20 ans, d'autres patelins un peu partout et pas qu'au Chili, d'où sa réponse pour Pisagua. La politique et l'histoire, y'a que les français que ça intéresse... nous dira la taulière de la Pica qui nous a fait visiter l'ancienne prison. On l'a pris comme un compliment.
Mais le français quand il est con il est champion... souvenir du couple pas content de mon conseil d'aller faire un tour à Altagracia, au Nicaragua. Promenades à pinces au bord du lac, balades à canasson sur le volcan, papoter avec les peones du coin... "Mais putain, y'a rien à foutre ici... y'a même pas une boite, même pas un troquet ou un Pub ouvert après 20h"

Sinon, à Pisagua y'a des clébards en liberté qui chient partout, des carcasses de caisses abandonnées, un môle, un p'tit port avec sa p'tite grue, des épiceries, quelques restos popus et un plus "chicos", une promenade en bord de mer fermée pour travaux, des maisons en bois très jolies à l'abandon ou habitées, des charognards sur les pylônes et les antennes de téléphones, des citernes en ruine, d'autres moins, une maternelle, une école primaire, des maisons en parpaing, quelques petites décharges disséminées dans des recoins discrets... Le Pacifique, on y voit des dauphins, des phoques, des otaries, des manchots, des lions de mer, des pélicans, plein d'autres piafs et en certaines saisons les baleines font le trajet entre l'Antarctique et Puerto Lopez en Equateur. On voit aussi des porte conteneurs, des pétroliers, des cargos, en toutes saisons.

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S'pas une attraction touristique, Pisagua. Ça aura jamais ses 3 étoiles routardesques, y'aura jamais un Bibendum décerné aux taulières championnes de l'empanada. Tant mieux.
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Captivant. Merci.

Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique !  :-( :-)