Le Pub de l'Amérique Latine
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Anonyme
6427
Sujet de la discussion Posté le 11/04/2014 à 09:29:32Le Pub de l'Amérique Latine
Salut.
Si comme moi vous adorez ce continent, êtes fascinés par ses cultures, sa géographie. Son football, sa musique, sa littérature, sa politique actuelle ou passée. Que vous la connaissiez ou non, que vous l'aimiez ou la détestiez.
N'hésitez pas à poster, même si c'est pour en dire pis que pendre...
Venez nous faire partager vos expériences de voyage, du Rio Grande au Cap Horn, en passant par le Sertao brésilien ou les cordillères.
Des sierras mexicaines au canal de Panama. Le sujet est aussi vaste que ce continent, et peut être aussi passionnant.
Si ça vous chante d'y aller, il se trouvera bien un Afien pour vous filer quelques tuyaux...
Bienvenue.
Si comme moi vous adorez ce continent, êtes fascinés par ses cultures, sa géographie. Son football, sa musique, sa littérature, sa politique actuelle ou passée. Que vous la connaissiez ou non, que vous l'aimiez ou la détestiez.
N'hésitez pas à poster, même si c'est pour en dire pis que pendre...
Venez nous faire partager vos expériences de voyage, du Rio Grande au Cap Horn, en passant par le Sertao brésilien ou les cordillères.
Des sierras mexicaines au canal de Panama. Le sujet est aussi vaste que ce continent, et peut être aussi passionnant.
Si ça vous chante d'y aller, il se trouvera bien un Afien pour vous filer quelques tuyaux...
Bienvenue.
Anonyme
17824
982 Posté le 29/08/2019 à 22:18:24
Petit aparté avant d'en finir avec notre visite à Pisagua. La Moujikette est en train de lire "j'avoue que j'ai vécu" de Neruda, il en est question de Pisagua, son camp de concentration du temps de Videla à la fin des 40's. Je vais relire un bouquin fort intéressant sur l'histoire de l'Atacama du salpêtre... Pisagua cité en 4ème de couverture. Quelques pages lues au pif, il est question d'Hernan Rivera Letelier, l'écrivain du Desierto del Salitre. Je viens d'en enquiller 5 des Letelier depuis notre retour... Une fois finis mes racontages de nos vacances je vous ferai une p'tite liste...
Ampuero, Rivera Letelier, Coloane, Diaz Eterovic, Manns, Littin, Mistral, Neruda... et d'autres. Vieille tradition littéraire au Chili.
Quelqu'un a déjà lu Jodorowski, ses romans ? Des conseils ?
Prochain épisode, Pisagua, sa prison, son grand hôtel, désaffectés... Entre 73 et 90 c'est là qu'on torturait et assassinait avant de foutre à la fosse commune. Quels cons ces militaires, enterrer des opposants à côté du cimetière quand y'avait des centaines de kilomètres carrés de désert et d'océan pour faire disparaître les corps... Boulot d'amateurs.
Question, à la fin des années 70 ou début des années 80, l'écrivain et journaliste Jean Lacouture présentait sur FR3 un cycle de films étrangers. J'ai souvenir d'un film chinois sur l'ouverture de la Chine dés la fin des 70's, scène en boite de nuit, et surtout quelques souvenir vagues d'un film chilien se passant vers 1880 pendant la guerre du Pacifique... Je revois les images d'un soldat errant dans l'Atacama, crevant de soif... Si ça dit kekchose à quelqu'un, merci.
Je pense avoir trouvé. Salpêtre sanglant.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Salp%C3%AAtre_sanglant
Ampuero, Rivera Letelier, Coloane, Diaz Eterovic, Manns, Littin, Mistral, Neruda... et d'autres. Vieille tradition littéraire au Chili.
Quelqu'un a déjà lu Jodorowski, ses romans ? Des conseils ?
Prochain épisode, Pisagua, sa prison, son grand hôtel, désaffectés... Entre 73 et 90 c'est là qu'on torturait et assassinait avant de foutre à la fosse commune. Quels cons ces militaires, enterrer des opposants à côté du cimetière quand y'avait des centaines de kilomètres carrés de désert et d'océan pour faire disparaître les corps... Boulot d'amateurs.
Question, à la fin des années 70 ou début des années 80, l'écrivain et journaliste Jean Lacouture présentait sur FR3 un cycle de films étrangers. J'ai souvenir d'un film chinois sur l'ouverture de la Chine dés la fin des 70's, scène en boite de nuit, et surtout quelques souvenir vagues d'un film chilien se passant vers 1880 pendant la guerre du Pacifique... Je revois les images d'un soldat errant dans l'Atacama, crevant de soif... Si ça dit kekchose à quelqu'un, merci.
Je pense avoir trouvé. Salpêtre sanglant.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Salp%C3%AAtre_sanglant
[ Dernière édition du message le 29/08/2019 à 22:28:38 ]
dana12
17910
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 15 ans
983 Posté le 30/08/2019 à 06:06:14
J'arrête d'applaudir à chacun de tes posts sur tes voyages, mais cet épisode Pisagua est particulièrement émouvant
Incrédule sur tout, sceptique sur le reste
[ Dernière édition du message le 30/08/2019 à 06:06:29 ]
Anonyme
17824
984 Posté le 30/08/2019 à 17:36:39
Finissons-en avec Pisagua.
Visite du théâtre, pour le visiter faut demander les clés à la bibliothécaire qui en occupe une dépendance. Bibliothèque très bien fournie. La dame nous ouvre, nous laisse les clés, à nous de fermer et de lui rapporter les clés après la visite. On entend la mer à travers les murs. Théâtre très classique, balcon, cintres et tout le toutim, tôle ondulée et Pin d'Orégon, faux décor style classique en façade pour masquer la banalité de l'ensemble. Charmant. On y donne toujours des spectacles.
200 mètres, à gauche, un p'tit resto popu. C'est là qu'on demande les clés de l'hôtel et de la prison à l'abandon à la taulière.
-J'arrive, encore 2 empanadas pour la 2 et le Coca de la 3 et je suis à vous.
Elle aboule avec les clés, nous ouvre. Pisagua a une histoire tragique, pour ceux qui étaient ouvriers, syndicalistes, socialistes, bref pour les opposants à l'ordre du sabre et du goupillon... Une grosse porte en fer, on rentre, la tenancière nous accompagne... Presque c'est sympa à l'intérieur, une cour intérieure, du bois partout. La prison. A l'origine pour les marins en goguette, les malfrats du port, la faune maritime habituelle. Avec la fin de la grosse activité portuaire c'est devenu l'endroit idéal pour les opposants du coin. Rien de bien impressionnant. C'est quand la taulière raconte que ça devient causant. Elle est arrivée à Pisagua au début des années 80, môme... Elle se rappelle que la prison foutait la trouille aux gens du quartier, on en parlait pas ou à mots couverts, on savait pas exactement ce qui s'y passait mais on s'en doutait. On quitte la prison pour l'hôtel, une visiteuse chilienne arrive.
A l'origine l'hôtel et la prison étaient séparés par une rue minuscule, fermée aux 2 bouts quand la caserne a remplacé l'hôtel. Il n'y avait plus assez de voyageurs mais toujours plus d'opposants récalcitrants. L'hôtel était chicos, les militaires s'y sont installés, salle de billard, bistrot, tout confort. Une chambre froide, pièce aveugle, bien insonorisée. Fermée à clé. La taulière me fait ouvrir, nous propose d'entrer. Elle se refuse à y entrer. C'est là que militaires, policiers politiques et carabineros torturaient. Ceux qui ont fini à la fosse commune clandestine de Pisagua sont passés par là. La visiteuse chilienne fait le signe de croix. La taulière se tait. L'hôtel sert de débarras à ceux qui en ont les clés. On sort.
Que deviendront l'hôtel et la prison ? Personne n'en sait rien... trop cher à rénover pour un investissement. L'état filera pas un rond et le village n'en a pas. Exactement à l'image de Pisagua.
Le soir on va bouffer chez la dame aux clés. Elle est gentille comme tout, on se marre bien, l'atmosphère est plus légère.
La prison.
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L'hôtel.
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Voilà, c'était Pisagua... nous ne somme restés que du jeudi soir au samedi matin, halte prévue pour éviter un trajet de 800 kilomètres entre Putre et San Pedro. Court, intense mais reposant quand même. Plein de rencontres. Je dis à la Moujikette "on décolle à 8h, y'a 450 bornes à faire". Elle me répond "ça fera décollage à 10h, le temps que tu papotes". On a causé, jusqu'à 9h... Camilla qui nous avait accueilli à l'hôtel n'en est absolument pas la taulière... Elle dépannait sa copine Tamara qu'est la gérante et propriétaire. Mais comme Marcos, le chef de l'école de plongée qu'est le copain de Camilla, a ses locaux dans l'hôtel...
Nous quittons à regret Pisagua, il est sûr que nous reviendrons. Nous promener, faire des balades le long de la côte, des tours en bateau, de la plongée... y'a même un Clipper à 20 mètres de fond pas loin du port.
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=pisagua+sumergido
Direction San Pedro de Atacama... alors là c'est l'artillerie lourde du tourisme chilien. Tout plein d'attractions touristiques. J'avais connu avec 3 routards et 2 Babas Cools, aujourd'hui je crains le pire... 8 à 10 heures de route , nous sommes au coeur du Desierto del Salitre. J'ai juste envisagé une halte à Maria Elena. Je m'y étais arrêté vite fait en bus, c'est sympa.
C'est parti mon kiki...
Visite du théâtre, pour le visiter faut demander les clés à la bibliothécaire qui en occupe une dépendance. Bibliothèque très bien fournie. La dame nous ouvre, nous laisse les clés, à nous de fermer et de lui rapporter les clés après la visite. On entend la mer à travers les murs. Théâtre très classique, balcon, cintres et tout le toutim, tôle ondulée et Pin d'Orégon, faux décor style classique en façade pour masquer la banalité de l'ensemble. Charmant. On y donne toujours des spectacles.
200 mètres, à gauche, un p'tit resto popu. C'est là qu'on demande les clés de l'hôtel et de la prison à l'abandon à la taulière.
-J'arrive, encore 2 empanadas pour la 2 et le Coca de la 3 et je suis à vous.
Elle aboule avec les clés, nous ouvre. Pisagua a une histoire tragique, pour ceux qui étaient ouvriers, syndicalistes, socialistes, bref pour les opposants à l'ordre du sabre et du goupillon... Une grosse porte en fer, on rentre, la tenancière nous accompagne... Presque c'est sympa à l'intérieur, une cour intérieure, du bois partout. La prison. A l'origine pour les marins en goguette, les malfrats du port, la faune maritime habituelle. Avec la fin de la grosse activité portuaire c'est devenu l'endroit idéal pour les opposants du coin. Rien de bien impressionnant. C'est quand la taulière raconte que ça devient causant. Elle est arrivée à Pisagua au début des années 80, môme... Elle se rappelle que la prison foutait la trouille aux gens du quartier, on en parlait pas ou à mots couverts, on savait pas exactement ce qui s'y passait mais on s'en doutait. On quitte la prison pour l'hôtel, une visiteuse chilienne arrive.
A l'origine l'hôtel et la prison étaient séparés par une rue minuscule, fermée aux 2 bouts quand la caserne a remplacé l'hôtel. Il n'y avait plus assez de voyageurs mais toujours plus d'opposants récalcitrants. L'hôtel était chicos, les militaires s'y sont installés, salle de billard, bistrot, tout confort. Une chambre froide, pièce aveugle, bien insonorisée. Fermée à clé. La taulière me fait ouvrir, nous propose d'entrer. Elle se refuse à y entrer. C'est là que militaires, policiers politiques et carabineros torturaient. Ceux qui ont fini à la fosse commune clandestine de Pisagua sont passés par là. La visiteuse chilienne fait le signe de croix. La taulière se tait. L'hôtel sert de débarras à ceux qui en ont les clés. On sort.
Que deviendront l'hôtel et la prison ? Personne n'en sait rien... trop cher à rénover pour un investissement. L'état filera pas un rond et le village n'en a pas. Exactement à l'image de Pisagua.
Le soir on va bouffer chez la dame aux clés. Elle est gentille comme tout, on se marre bien, l'atmosphère est plus légère.
La prison.
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L'hôtel.
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Voilà, c'était Pisagua... nous ne somme restés que du jeudi soir au samedi matin, halte prévue pour éviter un trajet de 800 kilomètres entre Putre et San Pedro. Court, intense mais reposant quand même. Plein de rencontres. Je dis à la Moujikette "on décolle à 8h, y'a 450 bornes à faire". Elle me répond "ça fera décollage à 10h, le temps que tu papotes". On a causé, jusqu'à 9h... Camilla qui nous avait accueilli à l'hôtel n'en est absolument pas la taulière... Elle dépannait sa copine Tamara qu'est la gérante et propriétaire. Mais comme Marcos, le chef de l'école de plongée qu'est le copain de Camilla, a ses locaux dans l'hôtel...
Nous quittons à regret Pisagua, il est sûr que nous reviendrons. Nous promener, faire des balades le long de la côte, des tours en bateau, de la plongée... y'a même un Clipper à 20 mètres de fond pas loin du port.
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=pisagua+sumergido
Direction San Pedro de Atacama... alors là c'est l'artillerie lourde du tourisme chilien. Tout plein d'attractions touristiques. J'avais connu avec 3 routards et 2 Babas Cools, aujourd'hui je crains le pire... 8 à 10 heures de route , nous sommes au coeur du Desierto del Salitre. J'ai juste envisagé une halte à Maria Elena. Je m'y étais arrêté vite fait en bus, c'est sympa.
C'est parti mon kiki...
Anonyme
17824
985 Posté le 30/08/2019 à 17:49:59
Histoire de finir sur une note plus gaite, chez Tamara, c'est ça:
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Y'a le chat pis aussi un vieux chien qui viennent se faire dorloter quand on est avec un bouquin sur la balancelle...
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Y'a le chat pis aussi un vieux chien qui viennent se faire dorloter quand on est avec un bouquin sur la balancelle...
dana12
17910
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 15 ans
986 Posté le 01/09/2019 à 08:45:18
Un truc qui me taraude : que sont devenus les anciens bourreaux ? Ils se sont installés à Pisagua et vivent à côté de la population dans une harmonie totale ? ils sont retournés dans leur région d'origine en taisant leur participation aux exactions ?
La pinoche avait fait bien gaffe qu'on ne puisse pas dire du mal de son passage au pouvoir et qu'il ne soit pas inquiété, mais qu'en est il de ses séides ?
As tu parlé avec certains d'entre eux ?
La pinoche avait fait bien gaffe qu'on ne puisse pas dire du mal de son passage au pouvoir et qu'il ne soit pas inquiété, mais qu'en est il de ses séides ?
As tu parlé avec certains d'entre eux ?
Incrédule sur tout, sceptique sur le reste
Anonyme
17824
987 Posté le 01/09/2019 à 11:13:42
Dana.
Déjà, il faut se rappeler qu'Allende et l'UP n'ont pas été élus avec 90% des voix... Dés le départ la droite, en 1970, avait décidé de foutre le bordel. Opération parfaitement réussie grâce à l'aide logistique et financière de la CIA et Kissinger. Le jour de l'élection d'Allende Kissinger programmait déjà son renversement. Archives US.
Le Chili est un pays très conservateur, église omniprésente, presse puissante mais quasi-exclusivement de droite, de la populacière genre la Tercera ou El Mercurio, plus style Figaro, proche des milieux économiques ultra-libéraux. Grève des camionneurs, payés par la CIA, qui bloque le pays, embargo sur les pièces détachées pour les mines, concerts de casseroles des ménagères bourgeoises. Des progrès sociaux dans un pays coupé en deux.
En 1973 quand a lieu le coup d'état je pense qu'une bonne partie de la population, pas loin de la moitié, est soulagée de l'arrivée au pouvoir de Pinochien, dehors les Marxistes, clamsé ce président qui avait accueilli en grandes pompes Fidel Castro, fini le bordel et retour à l'ordre.
Frei qui fut candidat perdant contre Allende en 1970 approuve le coup d'état, pense devenir ministre ou occuper des fonctions tout à fait normalement... avant que Pinochet lui signifie que le parlement et tout ça c'est fini... Frei finira buté par un médecin militaire, empoisonnement discret dans une clinique en 1980. Le même médecin qui avait pris en charge Neruda 7 ans plus tôt.
Bref, en 73 c'est franchement le bordel au Chili.
Tout ça pour dire qu'une bonne partie de la population ne voit pas d'un mauvais oeil l'arrivée de Pinochien.
Y'a quelques arrestations, quelques disparitions, le couvre feu... ouais mais l'ordre est revenu, tant pis pour les quelques chevelus et/ou marxistes passés par pertes et profits... C'est comme la bagnole, hein, c'est parce qu'il y a quelques morts qu'on est contre.
Deuxième point, l'armée chilienne est populaire, il n'y a guère que quelques gauchistes pour être anti-militaristes, elle est efficace, bien organisée, bien équipée. Elle est limite indépendante du pouvoir civil. Les quelques généraux et officiers supérieurs restés fidèles à la légitimité du suffrage, à la constitution et à Allende l'ont payé très cher.
Pisagua. Les militaires, membres de la DINA (police politique) et autres ne sont pas du village. Que faire pour les gens du coin qui n'approuveraient pas. Pas grand chose... Le pauvre pécheur avec son filet contre des flics surarmés. Alors on se tait. Après 1990 sûr que tous ces flicaillons sont partis, l'armée n'allait pas prendre le risque que la population de Pisagua reconnaisse leur rôle et les dénonce. Il en est de même dans tout le Chili. Les hauts chefs étaient protégés par l'immunité et une constitution créée par les militaires. Beaucoup d'anciens chefs militaires et d'officiers supérieurs ont trouvé des postes dans des grosses boites. La grande époque de l'ultra-libéralisme triomphant, approbation d'El Mercurio, alias El Merculo.
Au retour des Socialistes et de la Démocratie Chrétienne en 90, la trouille demeure. L'armée a prévenu... Vous ne ferez pas ce que vous voulez, interdiction de parler du passé. Nous sommes toujours là. Un coup d'état est si vite arrivé. Pinochien quitte le pouvoir après un référendum qu'il a perdu mais où il obtient quand même 45% des voix.
Donc on ne parle pas des tortures, des disparitions, des exilés. Seules les victimes directes et leurs familles continuent le combat pour ne pas sombrer dans l'oubli. Les anciens de l'UP aujourd'hui agés de 70 ans environ sont désespérés de ça... Ce qui compte dans le Chili d'aujourd'hui c'est le crédit. Il y a aussi les Mapuche pour n'avoir jamais cessé la lutte mais eux ça compte pas il se fritaient déjà avec les Incas.
Donc, quelques bourreaux derrière les barreaux grâce aux familles des disparus, une statue d'Allende devant la Moneda, quelques symboles par ci par là... Les bourreaux ont changé de coin, ils sont tranquilles. A part le crétin qui dirigeait le 38 Calle Londres se l'était offert le 38, expulsé, exproprié.
Exemple, là ça concerne l'histoire du Chili. Le général Silva Renard qui a organisé la tuerie d'Iquique en 1907 et ses 3000 morts (femmes, hommes, enfants) en 10 minutes quand même, à qui on doit d'autres massacres dans d'autres Salitreras et à Valparaiso a un régiment à son nom. Voilà, cette ordure avec ses milliers de morts de civils assassinés est fêté tous les ans par un régiment quelconque... Ça choque pas grand monde. Mais combien de chiliens connaissent cette histoire ?
En 2003, je prends un soir un taxi colectivo à Punta Arenas. Le chauffeur me dit, apprenant que j'étais français, qu'il a de la famille en France... Je lui réponds, depuis le coup d'état et Pinochet...
Furieux il me répond qu'il était soldat à l'époque, fier d'avoir participé au coup d'état, que Pinochien était quelqu'un de bien etc etc... Je descends à la pension, on en reste là.
Lendemain soir même heure, je chope le colectivo... même chauffeur, même destination. Je paye, il me dit "on va pas loin avec 200 pesos, une misère"... Je lui ai répondu que c'était bien fait pour sa gueule, merci général Pinochet, vive le libéralisme.
Ce fut mon unique rencontre avec un pinochienniste.
Ça m'a suffit...
En forme d'edit:
La villa Grimaldi à Santiago, le plus important et célèbre centre de détention de la DINA, a été rasée en 89 ou 90 par les militaires, pas laisser de trace. Une simple stèle se dresse à sa place avec les noms des victimes passées par là. Les militaires espéraient à sa place un immeuble quelconque... Caramba, encore raté.
Déjà, il faut se rappeler qu'Allende et l'UP n'ont pas été élus avec 90% des voix... Dés le départ la droite, en 1970, avait décidé de foutre le bordel. Opération parfaitement réussie grâce à l'aide logistique et financière de la CIA et Kissinger. Le jour de l'élection d'Allende Kissinger programmait déjà son renversement. Archives US.
Le Chili est un pays très conservateur, église omniprésente, presse puissante mais quasi-exclusivement de droite, de la populacière genre la Tercera ou El Mercurio, plus style Figaro, proche des milieux économiques ultra-libéraux. Grève des camionneurs, payés par la CIA, qui bloque le pays, embargo sur les pièces détachées pour les mines, concerts de casseroles des ménagères bourgeoises. Des progrès sociaux dans un pays coupé en deux.
En 1973 quand a lieu le coup d'état je pense qu'une bonne partie de la population, pas loin de la moitié, est soulagée de l'arrivée au pouvoir de Pinochien, dehors les Marxistes, clamsé ce président qui avait accueilli en grandes pompes Fidel Castro, fini le bordel et retour à l'ordre.
Frei qui fut candidat perdant contre Allende en 1970 approuve le coup d'état, pense devenir ministre ou occuper des fonctions tout à fait normalement... avant que Pinochet lui signifie que le parlement et tout ça c'est fini... Frei finira buté par un médecin militaire, empoisonnement discret dans une clinique en 1980. Le même médecin qui avait pris en charge Neruda 7 ans plus tôt.
Bref, en 73 c'est franchement le bordel au Chili.
Tout ça pour dire qu'une bonne partie de la population ne voit pas d'un mauvais oeil l'arrivée de Pinochien.
Y'a quelques arrestations, quelques disparitions, le couvre feu... ouais mais l'ordre est revenu, tant pis pour les quelques chevelus et/ou marxistes passés par pertes et profits... C'est comme la bagnole, hein, c'est parce qu'il y a quelques morts qu'on est contre.
Deuxième point, l'armée chilienne est populaire, il n'y a guère que quelques gauchistes pour être anti-militaristes, elle est efficace, bien organisée, bien équipée. Elle est limite indépendante du pouvoir civil. Les quelques généraux et officiers supérieurs restés fidèles à la légitimité du suffrage, à la constitution et à Allende l'ont payé très cher.
Pisagua. Les militaires, membres de la DINA (police politique) et autres ne sont pas du village. Que faire pour les gens du coin qui n'approuveraient pas. Pas grand chose... Le pauvre pécheur avec son filet contre des flics surarmés. Alors on se tait. Après 1990 sûr que tous ces flicaillons sont partis, l'armée n'allait pas prendre le risque que la population de Pisagua reconnaisse leur rôle et les dénonce. Il en est de même dans tout le Chili. Les hauts chefs étaient protégés par l'immunité et une constitution créée par les militaires. Beaucoup d'anciens chefs militaires et d'officiers supérieurs ont trouvé des postes dans des grosses boites. La grande époque de l'ultra-libéralisme triomphant, approbation d'El Mercurio, alias El Merculo.
Au retour des Socialistes et de la Démocratie Chrétienne en 90, la trouille demeure. L'armée a prévenu... Vous ne ferez pas ce que vous voulez, interdiction de parler du passé. Nous sommes toujours là. Un coup d'état est si vite arrivé. Pinochien quitte le pouvoir après un référendum qu'il a perdu mais où il obtient quand même 45% des voix.
Donc on ne parle pas des tortures, des disparitions, des exilés. Seules les victimes directes et leurs familles continuent le combat pour ne pas sombrer dans l'oubli. Les anciens de l'UP aujourd'hui agés de 70 ans environ sont désespérés de ça... Ce qui compte dans le Chili d'aujourd'hui c'est le crédit. Il y a aussi les Mapuche pour n'avoir jamais cessé la lutte mais eux ça compte pas il se fritaient déjà avec les Incas.
Donc, quelques bourreaux derrière les barreaux grâce aux familles des disparus, une statue d'Allende devant la Moneda, quelques symboles par ci par là... Les bourreaux ont changé de coin, ils sont tranquilles. A part le crétin qui dirigeait le 38 Calle Londres se l'était offert le 38, expulsé, exproprié.
Exemple, là ça concerne l'histoire du Chili. Le général Silva Renard qui a organisé la tuerie d'Iquique en 1907 et ses 3000 morts (femmes, hommes, enfants) en 10 minutes quand même, à qui on doit d'autres massacres dans d'autres Salitreras et à Valparaiso a un régiment à son nom. Voilà, cette ordure avec ses milliers de morts de civils assassinés est fêté tous les ans par un régiment quelconque... Ça choque pas grand monde. Mais combien de chiliens connaissent cette histoire ?
En 2003, je prends un soir un taxi colectivo à Punta Arenas. Le chauffeur me dit, apprenant que j'étais français, qu'il a de la famille en France... Je lui réponds, depuis le coup d'état et Pinochet...
Furieux il me répond qu'il était soldat à l'époque, fier d'avoir participé au coup d'état, que Pinochien était quelqu'un de bien etc etc... Je descends à la pension, on en reste là.
Lendemain soir même heure, je chope le colectivo... même chauffeur, même destination. Je paye, il me dit "on va pas loin avec 200 pesos, une misère"... Je lui ai répondu que c'était bien fait pour sa gueule, merci général Pinochet, vive le libéralisme.
Ce fut mon unique rencontre avec un pinochienniste.
Ça m'a suffit...
En forme d'edit:
La villa Grimaldi à Santiago, le plus important et célèbre centre de détention de la DINA, a été rasée en 89 ou 90 par les militaires, pas laisser de trace. Une simple stèle se dresse à sa place avec les noms des victimes passées par là. Les militaires espéraient à sa place un immeuble quelconque... Caramba, encore raté.
[ Dernière édition du message le 01/09/2019 à 13:42:21 ]
dana12
17910
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 15 ans
988 Posté le 01/09/2019 à 12:36:10
C'est vrai que la gauche chilienne est arrivée au pouvoir par les urnes mais avec une opposition costaud en face, et ce brave Kissinger a fait ce qu'il fallait pour rendre impopulaire un gouvernement qui avait déjà cette forte opposition.
merci pour cet éclairage
merci pour cet éclairage
Incrédule sur tout, sceptique sur le reste
sonicsnap
85138
AF, je suis ton père
Membre depuis 18 ans
990 Posté le 01/09/2019 à 13:53:35
Passionnant récit! Merci AS!
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