Catastrophe annoncée sur le vinyle

Avec Red Led, on a rencontré récemment un mec pour nos tests DJing. Le gars était justement un ancien de cette scène là (compets, championnats, tout ça) et ce qu'ils nous a dit était assez édifiant : …

pas forcément parce que c'est mieux, mais parce que rares sont ceux qui peuvent se permettre de trimballer 4 caisses de disques à chaque soirée.

Ensuite y me semble que c'est bien le CD qui est voué à la poubelle... D'abord parce qu'il est très laid, assez vulgaire comme objet et qu'il représente bien l'époque où on l'a créé, mercantile et sans allure, utilitariste et arnaqueuse ( Je rappelle que l'on découvre ce support merdeux dans les 80's et bien vite après, que sa fabrication est au quart du prix d'un 33T alors qu'on nous le vend 20% plus cher, sans qu'aucun artiste n'y sente une différence, c'est la ferme aux mille vaches artistique et je pense que c'est dans l'inconscient d'une génération ou deux dans un recoin. )

Il n'est ni un bel objet, ni gratos, ni même pratique ( son épaisseur, la fragilité des boites, la fragilité du disc ( une griffe et tu le jettes, ce n'est point le cas du vinyle )...

Mais la photo n'a pas fumé la peinture

le numérique n'a pas fumé l'argentique

la bagnole n'a pas zappé les chevaux

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une griffe et tu le jettes, ce n'est point le cas du vinyle

Je vois beaucoup de gens qui disent ça, et pourtant je ne vois pas comment vous vous débrouillez, avec un minimum d'attention on peut conserver un CD en excellent état même si on l'écoute tous les jours et qu'on le range après.

Ca dépends pour qui...

Non puis genre le vinyl résiste aux rayures, j'ai appris que non très jeune...

OSEF de cette histoire de support

Ce qui me gène, c'est bien la disparition forcée, à plus ou moins long terme, du support enregistré - voire du support de stockage personnel au sens large - sous quelque forme qu'il soit. C'est pour ça que j'ai beaucoup de mal avec le streaming, le cloud... Pourtant, je suis issu de la génération Y, écran, hyper-connectée, J'aime, ... (je vous laisse continuer la liste à votre guise )
Quand tu achètes un disque, tu payes le contenu et le contenant, et tu as la propriété de ce dernier, que tu peux transmettre aux générations futures, écouter quand tu veux sans renseigner ton nom...
Avec le streaming, tu payes seulement le contenu, avec en plus de la pub qui peut n'avoir rien à voir avec la musique (bon, il y a la maintenance des sites à faire aussi...). Et tu n'as aucune prise sur le contenant. Sans compter le nombre d'informations personnelles que tu dois renseigner pour t'inscrire, qui servent à mieux te cibler, à mieux te cerner - t'espionner ?
A deux jours d'intervalle, deux de mes artistes préférés, Neil Young et Prince ont retiré toute leur musique des plateformes de streaming, pas pour les mêmes raisons. Pour le premier, c'est une histoire de qualité sonore proposée, pour le second, c'est de l'anti-Internet un peu primaire - il a carrément une police qui traque et supprime toutes les vidéos et fichiers audio postés par des tiers. Heureusement que j'ai quasiment l'intégrale de Neil en CD et vinyles - non piratés hein - et quelques cassettes et vinyles de Prince, pour pouvoir continuer à les écouter...
Du coup je m'interroge sur la pertinence de garder mon compte Deezer, gratuit 5 heures par mois avec pub. Ça m'allait très bien, ne l'utilisant que ponctuellement. Je n'ai aucun reproche à faire, puisque je ne payais rien, je ne pouvais pas avoir la main sur le contenu. Mais pour ceux qui payent, quand ils voient leur catalogue de musique disparaître, ils ne s'interrogent pas ?

C'est bien la transformation du modèle de diffusion en service, sans possibilité d'appropriation, qui me semble fondamentale.

Choqué que "la créativité d’artistes comme RZA, Kanye West ou Dr. Dre [ne soit] pas évaluée comme celles d’artistes comme Andy Warhol, Damien Hirst ou Jean-Michel Basquiat", les membres du groupe hip-hop Wu-Tang Clan viennent d’enregistrer un double album dont il n’existe qu’un unique exemplaire, placé dans un coffret en argent et gardé dans un coffre au Maroc. Un album que l’on pourra écouter dans des musées lors d’expositions payantes et qui sera vendu au plus offrant.

Le but de tout cela ? D’après ce qu’en ont dit les membres du groupe au magazine Forbes, il s’agit de répliquer le modèle économique de l’art contemporain, "la valeur intrinsèque de la musique a été réduite à zéro. Alors que l’art contemporain vaut des millions de par sa simple valeur d’exclusivité."

Bien naïvement, on se demandera ce que des artistes font dans le magazine Forbes. On se demandera aussi s’il est bien sage de voir des musiciens courir après ce qui gangrène aujourd’hui l’art contemporain, soit le souci premier de sa valeur financière, sa cote, lorsqu’il s’agit d’aider les entreprises qui achètent ses œuvres à défiscaliser leurs revenus et à spéculer gentiment. Warhol vaut plus que Dr. Dre ? Allons, bon. Et si la solution, c’était de solder Warhol au contraire, histoire d’être pour une fois cohérent avec ce qu’entendait initialement dénoncer le Pop Art ? Et si la solution, c’était de se souvenir d’où l’on vient, et des gamins qui resteront à la porte du musée d’Art Contemporain, pendant que les journalistes de Forbes mangeront des petit-fours...

Stune histoire de pérénité, s'il faut racheter chaque fois que tu veux écouter c'est une arnaque.
C'est bien pour ça qu'on vends encore des DVD et des Bluray alors que tu as tout ce que tu veux en VOD.