Les limiteurs se suivent et se ressemblent… ou pas ! En se posant les bonnes questions et en se mettant à la place de l’amateur comme du professionnel, Sonible accouche d’un plug-in qui dépasse les limites du limiteur…
Ultime traitement de la chaîne de mastering la plupart du temps, le limiteur/maximiseur mérite bien évidemment un soin tout particulier à l’heure du choix. Or jusqu’ici, choisir un limiteur se faisait uniquement sur la qualité et la musicalité de son traitement… Sauf qu’avec le streaming musical comme vidéo, tout le monde, de l’amateur au pro, a dû se mettre à gérer des nomes aussi strictes que diverses, obligeant les uns comme les autres à s’équiper d’outils de mesure. C’est en pensant à tout cela que Sonible, grand spécialiste du plug-in « intelligent », a conçu smart:limit qui semble avoir tout pour plaire, à commencer par une zolie interface graphique.
Limiteur NextGen
Comme d’habitude avec Sonible, le design fait dans l’épure, un style imposé en son temps par Fabfilter, mais qui fait désormais consensus en dehors des émulations qui misent encore pour la plupart sur le skeuomorphisme. On se retrouve ainsi avec une interface complètement vectorielle (accélérée d’ailleurs par OpenGL) et redimensionnable, qui s’organise en quatre parties…
Occupant les deux tiers gauches, la visualisation du signal permet clairement de voir l’effet du traitement, tandis que les contrôles le plus importants sont matérialisés par deux lignes. Celle du haut définit la limite en dB, celle du bas le gain, ainsi que l’attaque et le relâchement du traitement. Puisqu’il est possible de maximiser le signal en plus de le limiter, on dispose dans le tiers droit d’une partie appelée Loudness Monitoring et qui renseigne sur la plage dynamique, le loudness, la crète, tout en permettant de visualiser si vous êtes dans les clous d’un profil précis, à charger parmi une vingtaine : Spotify, iTune, Youtube, etc.
Mieux, on dispose non loin de là d’un bouton « Quality check » qui vous dit explicitement si votre loudness ou votre plage dynamique satisfont aux exigences du profil sélectionné.
Rien qu’à ce niveau, on trouverait déjà smart:limit bien complet vu qu’il nous épargne l’usage d’un « mix checker » externe. Mais la partie basse de l’interface regorge encore de surprises. On y trouve en premier lieu un visualiseur de distorsion, une fonction que je ne crois pas avoir jamais vu sur ce type d’outil et qui s’avère précieuse quand on ne dispose pas d’un bon contexte d’écoute : vous voyez ainsi où se situe la distorsion sur le spectre.
Et ce n’est pas tout, car quatre potards nous permettent encore d’aller plus loin : Style (de soft à hard, jouant sur le comportement du limiteur, plus ou moins transparent ou agressif au risque de pomper), Saturation (un soft clipper), Balance (qui compense une éventuelle perte des aigus) et Bass Control qui permet d’en remettre une couche.
Nous reste à voir le haut de l’interface où se trouve l’inévitable navigateur de presets assorti de neuf slots dédiés à la comparaison de réglages. Cette comparaison sera d’autant plus facilitée qu’on dispose d’une fonction de Gain Matching et d’une fonction delta pour n’entendre que ce que le logiciel modifie dans le signal. Enfin nous attend un bouton pour lancer l’assistant en vis-à-vis d’un sélecteur de genre…
Car oui, à la manière d’un Izotope Ozone, smart:limit est capable de vous proposer des réglages en fonction de son analyse du morceau. La chose prend quelques secondes et règle automatiquement les principaux paramètres du plug-in en fonction d’un des trente genres ou sous-genres proposés, en sachant que vous avez même la possibilité de charger une référence… Dans ce dernier cas, le plug-in se conformera aux valeurs déterminées par son analyse du fichier.
Que dire ? Sur le plan fonctionnel, il semble vraiment ne rien manquer ou des broutilles. Sur le plan ergonomique, tout est clair et à sa place. Reste à voir l’essentiel : le son…
Push the limit
Il faut l’avouer : le joujou de Sonible marche bien ! Très bien même ! L’assistant, sans doute parce qu’il est guidé par l’utilisateur vers un style musical, propose ainsi des réglages qui fonctionnent et qu’il est très simple d’affiner ensuite. Seul défaut inhérent à ce genre d’outil, il se paramètre sur une partie de morceau et non sur le morceau complet.
Ca fonctionnera pour un morceau où le matériau sonore est constant, mais pour un autre qui comprend différentes parties avec plus ou moins d’intensité et de densité, il faudra forcément passer par des automations que l’assistant est bien en peine de programmer pour l’instant. Peut-être serait-il intéressant d’ailleurs de pouvoir automatiser le changement de Snapshots avec éventuellement la possibilité de voir les paramètres morpher de l’un à l’autre…
Quoi qu’il en soit, le fait de disposer de la partie Loudness est un vrai plus pour éviter de jongler avec les fenêtres et on apprécie particulièrement aussi de pouvoir garder un oeil sur la distorsion qui peut parfois être délicate à repérer sur un système d’écoute, mais sautera aux oreilles sur un autre…
Les quatre contrôles du bas sont enfin loin d’être là pour faire de la figuration. Outre le style qui joue sur la façon dont le limiteur travaille, soit de façon plus relâchée et transparente, soit de façon plus vive au risque de pomper gentiment, les réglages Balance et Bass Control donnent cette impression de disposer d’une sorte de petit Inflator à l’intérieur du plug-in. En effet, sans qu’ils semblent trop impacter ni le loudness ni la plage dynamique dans les faits, leur effet est très audible et permet de clarifier l’intelligibilité du bas, comme de récupérer de la lisibilité au niveau des transitoires. Comme avec Inflator, on se méfiera de la tentation de trop en faire de ce côté, vu qu’entre ce qui se passe dans les aigus et dans les graves, ce sont à la fin les médiums qui risquent de trinquer. Ces outils sont en tout cas vraiment les bienvenus…
Écoutez ce que ça donne sur Focus, une compo de Madame Neo Alchemist. D’abord la chanson originale puis les réglages proposé par le logiciel. Je monte d’abord la balance à 67 histoire de regagner de la brillance, puis les basses à donf. Tout cela est parfaitement bourrin mais illustre bien l’aptitude du plug a intéragir avec le spectre. Ca ne remplacera certainement pas la phase d’égalisation corrective puis méliorative dans la chaîne de mastering, mais si l’on ajoute le soft cliping, il se pourrait que smart:limit vous fasse bypasser votre exciter dans certains cas.
- FOCUSoriginal00:29
- FOCUSgoldenera00:29
- FOCUSgoldeneraBalance6700:29
- FOCUSgoldeneraBalance67Bass10000:29
Un mot toutefois sur le Soft Clipper intégré, il amène comme on l’attend un écrêtage smooth, mais sur lequel on aimerait sans doute plus avoir la main. Pas de possibilité de faire du traitement Mid/Side ou multibande pour cibler la saturation, ni de disposer d’un antialiasing plus performant sur les basses résolutions. Bref, je ne suis pas près d’échanger mon baril de Kazrog pour ce seul potard, d’autant qu’il induit une position fixe du Clipper dans la chaîne du mastering qui ne sera pas forcément du goût de tout le monde…
Reste qu’en marge de petites réserves, ce smart:limit est vraiment une nouvelle référence qui donne un coup de vieux à certains concurrents. Pas forcément sur le plan du son, mais sur son aptitude à réunir simplement les outils dont on a besoin dans une interface cohérente, et à proposer une expérience qui sera aussi satisfaisante pour le pro que pour le débutant…
Conclusion
Le mot Smart n’a rien d’usurpé et il est dur de ne pas être séduit par ce limiteur doublement intelligent. Intelligent par son assistant qui fournit des préréglages pertinents, mais intelligent surtout pour avoir su réunir, au sein d’une même interface exemplaire, tous les outils dont on a besoin au moment de régler cet ultime traitement. Certaines petites choses sont certes perfectibles, mais globalement, il ne fait aucun doute que Sonible accouche avec ce smart:limit d’une nouvelle référence apte à séduire les plus débutants comme les plus aguerris. Bravo !