Roi incontesté de la restauration audio. RX passe le cap symbolique de la dixième version. Dix bougies qu'on s'empressera de souffler pour mordre à pleines dents dans le gâteau et juger de son évolution sur les plans du dressage ergonomique comme du goût fonctionnel...
Est-il encore nécessaire de présenter RX, tant la suite logicielle d’Izotope est incontournable pour la post-prod audio et même pour la musique, quand il s’agit de faire de la restauration de vieux enregistrement comme de corriger les défauts d’une prise qu’on n’a pas la possibilité de refaire ? Désaturation, déréverbération, suppression des bruits de bouches ou de frottement sur le manche d’une guitare, remixage des stems : rien ne semble impossible pour les 1001 algos qui sont au cœur du logiciel, à tel point qu’on se demande à chaque nouvelle version ce que vont nous pondre les ingénieurs d’Izotope pour améliorer leur bébé… Et on se le demande d’autant plus avec cette symbolique version 10 que la version 9 nous avait un peu laissé sur notre faim en termes de nouveautés, Izotope semblant plus soucieux à l’époque de travailler sur ses offres d’abonnements que sur son logiciel. Pour tout dire, la seule vraie nouveauté intéressante de cette dernière tenait dans un historique d’annulation bien foutu, complété par l’amélioration de deux modules et une gestion de la plateforme ARA… limitée à Logic ! Certes, il n’y avait pas de quoi faire perdre sa couronne à RX, mais pas forcément de quoi justifier la mise à jour non plus…
Bref, il va sans dire que la curiosité est de mise sur cette nouvelle version qu’on installe sans tarder…
Je dis M
L’installeur Izotope n’a pas changé : il est toujours un tantinet bordélique tandis que les programmes d’installation de chaque logiciel sont toujours assez lents sans qu’on s’explique bien pourquoi. Rien de rédhibitoire là-dedans, mais à l’heure où Izotope fusionne avec Native Instruments et Plugin Alliance, on notera la très nette supériorité de l’installeur de Plugin Alliance sur le plan des performances comme de l’ergonomie. Puisqu’on parle d’installation, il est à noter que le logiciel et ses plug-ins, désormais optimisés pour les processeurs M, abandonnent définitivement le format VST2 pour ne garder que l’AudioUnit, l’AAX et le VST3 en 64 bits… Côté déception, on notera que le support du format ARA n’a pas avancé : à part les utilisateurs de Logic, personne ne pourra donc bénéficier d’une intégration de l’éditeur de RX au sein de sa STAN. Là n’est toutefois pas l’essentiel et on se hâte de cliquer sur l’icône de RX pour voir ce qu’il a à proposer de neuf…
Les nouveautés ne sont pas flagrantes à l’ouverture en ce sens où l’interface du logiciel demeure la même dans son organisation comme dans son design. Voilà qui n’est pas un mal si l’on considère qu’elle était plutôt bien foutue et qu’on n’aura pas à reprendre ses marques dans un nouvel environnement… Deux nouvelles icônes retiennent toutefois l’attention dans la barre de commandes du logiciel : une petite bulle et une petite page qui donnent effectivement accès à deux nouvelles fonctionnalités de RX… et non des moindres…
La voix de son maître
En cliquant sur la petite bulle, on affiche en effet en regard de la forme d’onde de l’éditeur une transcription du texte, évidemment pertinente dans le seul cas où vous travaillez sur un enregistrement contenant de la parole. L’idée n’est pas neuve : on la trouvait autrefois dans Adobe Audition avant qu’elle soit mystérieusement retirée, et on la trouve également dans le module de sous-titrage automatique de Youtube. Précisons-le : il ne s’agit pas ici d’autre chose que d’un outil de navigation. Vous ne pourrez ni consulter le texte détecté dans son ensemble, ni l’exporter ou le corriger pour faire d’éventuels sous-titres. Mais même cantonnée à la seule navigation, on voit immédiatement tout le potentiel de la fonction en post-prod sachant que cette transcription pourra servir à chercher un passage particulier dans une longue allocution (L’autre icône Page permet d’ouvrir un panneau dédié à cela) comme à sélectionner automatiquement la portion d’audio qui correspond à un mot ou groupe de mots, offrant alors un gain de temps non négligeable.
Qui de la qualité de détection ? Disons qu’avec un interlocuteur articulant correctement et avec une prise de son propre, elle se débrouille en général suffisamment pour que l’outil soit exploitable :
Hélas, un « détail » rend cette chouette nouveauté bien moins intéressante qu’il n’y paraît de prime abord. Outre le fait que la détection perd les pédales dès qu’on est sur de la parole moins claire, elle a été limitée… à la seule langue anglaise… Comprenez par là qu’en soumettant un contenu français, vous n’obtiendrez pas une détection phonétique exploitable avec quelques mots d’anglais, mais juste des mots anglais, quitte à ce qu’ils n’aient aucun rapport avec le contenu.
Izotope prévoit-il comme Youtube de gérer plus de langues ? Rien ne l’indique pour l’heure… À vous de voir donc, en fonction de vos usages et de vos clients, si l’ajout de ce module est pertinent.
Cette limitation est d’autant plus regrettable qu’une autre nouveauté est liée à la parole : la reconnaissance des différents interlocuteurs dans une conversation. Une nouveauté cette fois pertinente quelle que soit la langue et qui permet de sélectionner d’un coup d’un seul clic toutes les interventions d’une personne via le panneau de recherche. La chose sera diablement utile lorsque l’un des intervenants parle dans sa barbe et que du coup, il faudrait un peu remonter son niveau, ou évidemment dans le cas d’une restauration, pour homogénéiser une conversation faite à distance : un reporter qui utilise par exemple un micro de téléphone sur le terrain face à un présentateur qui utilise un bon micro dans un studio…
Bon point pour cette fonction donc, bien qu’elle ait ses limites : dans le cas où les allocutions se chevauchent ou qu’il y a un peu trop de participants, la détection est clairement aux fraises… Souvent aussi, l’algo détecte plus d’intervenants qu’il y en a réellement sans qu’on ait la possibilité de fusionner les intervenants erronés…
Et pour les musiciens me direz-vous ? Précisons-le : la détection du texte peut fonctionner sur une voix chantée bien en avant dans le mix si elle se rapproche d’une voix parlée. On obtient ainsi quelque chose d’exploitable sur le Walk on the wild side de Lou Reed qui devient « Become on the wild side », mais sur un passage d’HUMBLE de Kendrick Lamar ou l’intro de Still Loving You de Scorpions, ça ne fonctionne pas du tout. Bémol tout de même sur Lou Reed : le logiciel peine à faire un découpage au mot dans des syntagmes : on regrette là encore de ne pas pouvoir éditer tout ça. Là n’est toutefois pas l’enjeu de la chose car RX 10 a autre chose dans sa besace pour contenter ces derniers…
Un monde d’assistés
On le sait : outre ses algos, l’une des grandes forces d’Izotope tient dans son aptitude à proposer des assistants facilitant la vie de l’utilisateur. Si le Repair Assistant de RX était déjà présent dans la version précédente du logiciel, il fait peau neuve pour cette version et devient même un plug-in à part entière qui pourrait suffire au besoin de bien des utilisateurs dans la plupart des cas.
L’idée, c’est de rassembler au sein d’un même espace un contrôle simple des modules en fonction de la source à traiter. On dispose ainsi de 4 onglets : Voice, Musical, Percussion et SoundFX. Pour Voice, les modules retenus sont De-ess, De-click, De-reverb, De-noise et De-clip. Pour Musical et SoundFX, ce sont les mêmes modules à ceci près que De-harsh remplace De-ess. Pour Percussion, Tone remplace enfin De-click. Chaque module peut être activé ou désactivé et ne peut être réglé que par un seul paramètre, son dosage, tandis qu’une petite icône en forme d’oreille vous permet d’écouter l’effet du traitement uniquement (soit la différence entre le son d’origine et le son traité). Voilà qui rend les choses extrêmement simples, d’autant qu’une fonction Learn se charge d’adapter au mieux la chaîne de traitements, et notamment tous les paramètres auxquels vous n’avez pas accès depuis l’interface, ou du moins pas en première intention.
Utilisé dans le contexte de l’appli autonome RX, le Repair Assistant vous propose en effet via un bouton d’accéder à la chaîne de traitements qu’il utilise en arrière plan, et donc à l’édition des paramètres de chacun de ces derniers. Repair Assistant existe toutefois aussi en plug-in, et ne propose pas dans cette version d’édition avancée.
Cela n’empêche pas cette version plug-in d’être très intéressante dans la mesure où elle pourra s’avérer dans bien des cas suffisante sans que vous ayez à ouvrir RX. Et le concept est d’autant plus pertinent que c’est désormais à ce Repair Assistant que se résume la version Elements de RX qui suffira à nombre d’utilisateurs, même si certains regretteront la disparition de l’éditeur spectrographique dans cette version.
Beau boulot d’Izotope sur ce point donc, car mine de rien, le Repair Assistant pourrait faire gagner beaucoup de temps à tout le monde pour les problèmes de restauration simple… Ce n’est pas pour autant qu’il suffira à tout, toutefois : quand il s’agit de supprimer une sonnerie de téléphone dans une prise, on aura toujours besoin de l’éditeur spectrographique, ce qui fera regretter que l’intégration via ARA soit toujours au point mort…
Mais encore…
Et c’est tout ? Pas tout à fait, puisqu’au nombre des menues nouveautés, on trouve un nouveau mode Dynamic Adaptive pour le De-hum, pour ceux qui ont la flemme d’utiliser la détection pour effectuer le profil de la ronflette, et une nouvelle version du Spectral Recovery dont le but est de redonner des couleurs à des enregistrements manquant de bas et d’aigus. Et cette nouvelle version est plutôt probante à l’usage, ajoutant de la matière à un signal rachitique de manière un peu plus fine qu’un simple EQ :
- interviewwebcam00:09
- interviewwebcamvitalize00:09
- youtubeuroriginal00:03
- youtubeurspectralrepair00:03
Comme on l’entend toutefois sur le deuxième exemple, le Recovery peut parfois exacerber des artefacts. C’est le lot de la restauration audio : parfois ça marche d’enfer, parfois c’est plus problématique…
Conclusion
Comme pour la précédente version, la conclusion sur ce RX10 sera à la fois positive et à la fois mitigée. Sur le plan positif, disons-le tout net : Izotope demeure de loin le leader de la restauration audio sur quantité de points, de sorte qu’il n’y a pas à hésiter entre ce RX et ses éventuels concurrents, surtout qu’Accusonus a fermé boutique : nous reste Steinberg et Acon Audio pour l’essentiel dont les produits progressent à grands pas et qui ont le mérite d’être de véritables éditeurs audio, mais qui sont encore loin de l’exhaustivité de ce que nous propose Izotope en termes de traitement… Bref, si vous deviez acheter un outil de restauration audio, RX demeure le meilleur choix d’où son award et sa bonne note, sachant que ses différentes versions sont bien équilibrées en termes de rapport fonctionnalité/prix.
Pourquoi un avis mitigé alors ? Tout simplement pour le fait que si RX est toujours aussi incontournable, il n’est pas dit que tous les utilisateurs soient conquis par les apports réels de cette mise à jour. Certes, le Repair Assistant est extrêmement pertinent pour les petits besoins quotidiens, l’amélioration du Spectral Recovery est réelle et la reconnaissance des différents interlocuteurs dans un dialogue permet de gagner un temps précieux pour faire du traitement sélectif. Mais on peste en revanche sur le fait que l’intégration aux STAN et éditeurs via ARA soit toujours cantonnée à Logic sans pour autant qu’Izotope fasse avancer les fonctionnalités d’édition audio de son logiciel tandis que le fait de restreindre la reconnaissance textuelle à la seule langue anglaise limite grandement son intérêt pour ceux qui bossent dans d’autres langues.
Reste un point qui devrait toutefois décider plus d’un pro à passer à la caisse, pour peu qu’il travaille sur un ordinateur Apple récent : l’optimisation pour processeurs de génération M. Réduisant significativement les temps de traitements, cette dernière sera appréciée à sa juste valeur dans des métiers où la facturation se fait à l’heure… À vous de voir donc, selon vos ambitions, vos besoins et votre budget !