Deux ans se sont écoulés depuis la sortie de RX 7 qui ouvrait le logiciel vers des applications plus musicales, un cap visiblement qui se poursuit avec cette version qui met aussi l'accent sur la productivité...
Véritable standard dans le monde de l’audio et de l’audiovisuel, RX n’en finit plus de gagner de nouvelles fonctions de sorte que le logiciel de restauration est désormais loin de se cantonner à la seule amélioration de transferts depuis la bande ou le vinyle. À une époque où la collaboration à distance comme les contraintes économiques de l’industrie ont fait voler en éclat le modèle eighties du studio physique où l’on venait faire un disque de A à Z, réaliser un album implique souvent en effet de devoir mixer des prises faites à des endroits différents par des gens différents et dont les compétences varient. Si une maison de disque accepte encore de louer quelques journées d’un grand studio pour enregistrer des cordes ou des cuivres, il n’est pas rare en effet qu’on fasse la voix ici, la batterie là, la basse et les guitares dans un autre endroit encore, sachant que ce n’est pas forcément dans de vrais studio que tout cela aura lieu, mais parfois dans le home studio ou project studio même des artistes, lesquels n’ont pas forcément toutes les compétences d’un ingé son expérimenté et disposent d’un matériel bien différent du sien. On se retrouve ainsi à devoir gérer des acoustiques différentes, mais aussi des prises de qualité variable, qu’il faudra nettoyer et homogénéiser en amont même du mixage. Et c’est là que RX entre en jeu, parce qu’il s’est montré capable au fil des versions de corriger quantité de problèmes susceptibles de gâcher une prise, du bruit de bouche ou de respiration trop présente à la ronflette secteur en passant par la réverb un peu trop envahissante.
Sans oublier des fonctions typiques de la restauration de masters, c’est donc vers cet usage que progresse encore cette version 8, ainsi que sur des éléments ergonomiques destinés à vous simplifier la vie.
En marge des nouveaux modules de traitements, des améliorations intéressantes sont en effet à signaler sur les aspects pratiques du logiciel qui peut par exemple désormais gérer jusqu’à 32 onglets (au lieu de 16 précédemment) et se voit doté d’un système de scrolling horizontal simplifiant les déplacements rapides et précis dans le spectrogramme.
Izotope a aussi profité de cette version pour revoir de fond en comble le module de traitement par lot. Cela ne parlera pas à tout le monde, mais lorsqu’il s’agit d’appliquer la même chaîne de traitements à des centaines de fichiers présentant les mêmes défauts (retirer une ronflette guitare lorsqu’on bâtit une librairie de samples par exemple), inutile de dire que ce sont des heures que vous fera gagner cette évolution. On dispose en effet d’une interface simplissime pour sélectionner les fichiers à gauche, définir les traitements au centre (avec la possibilité de garder des presets) et préciser enfin les options de sortie à droite (format, résolution, emplacement, mais aussi ajout de suffixe ou de préfixe), sachant que l’on peut décliner autant de versions qu’il est nécessaire pour un seul et même fichier. Ne manque que trois choses : la gestion d’une incrémentation précise sur les noms des fichiers générés, la possibilité d’automatiser les aspects avancés des metadatas (notamment sur les MP3) tandis qu’en marge des modules de traitement, on aurait aimé disposer d’une fonction de « croping » pour retirer automatiquement le silence en début ou en fin d’un fichier. Trois choses qui nous permettraient de nous passer définitivement de l’usage d’autres éditeurs, sachant qu’en dehors de cela et d’un temps de traitement souvent un peu long, force est d’admettre que ce traitement par lot remplit parfaitement ses objectifs.
Ce qui fait la renommée de RX ne tient toutefois pas dans ses fonctions d’éditeur audio, mais plutôt dans ses modules de traitement. Or, sur ce plan, cette huitième mouture propose quantité d’améliorations et de nouveautés.
Hello de LUFS !
Le premier module que nous examinerons n’est sans doute pas le plus décoiffant, mais il n’en est pas moins l’un des plus utiles vu qu’il concerne la normalisation en fonction du loudness, soit le volume moyen perçu sur un fichier audio. Une fonction qui est désormais au coeur des préoccupations des professionnels, vu qu’en fonction du média utilisé pour la diffusion, il faut se conformer à différentes normes. On sera donc ravi de voir débarquer ce RX 8 Loudness Control qui, en marge des outils de normalisation et de mesure dont disposait déjà RX, permet de modifier le volume global d’un fichier en utilisant différentes normes relatives à la mesure LUFS (Loudness Units relative to Full Scale). Rien à dire sur la réalisation du module, RX se chargeant de générer une visualisation précise du niveau moyen et vous permettant de définir les niveaux cibles à court ou long termes comme une contrainte sur les pics de volume. Tout juste aurait-on souhaité disposer de plus de presets pour cibler les plateformes de streaming qui ont toutes leurs différentes exigences (iTunes, YouTube, Spotify, Vimeo, etc.). Sinon, c’est parfait.
Venons-en toutefois aux outils de restauration purs et durs qui ont fait la renommée du logiciel, avec l’arrivée de deux petits nouveaux destinés à régler les artefacts propres à la compression numérique pour l’un, et au vieillissement des supports analogiques pour l’autre.
De-MP3eur ?
On commence avec le Spectral Recovery Module qui permet de refaire une beauté à des enregistrements ayant souffert d’une bande passante trop étroite, comme c’est le cas lorsqu’on passe par un stream médiocre ou encore un encodage MP3 inférieur à 160 kbps. Le module d’iZotope vise ainsi à redonner des aigus (tout le travail se situe au-dessus de 4 kHz) et donc de la brillance à ces enregistrements qui se distinguent souvent par leur côté sourd, ce qui a un effet immédiat sur leur intelligibilité.
Voyez ce que cela donne sur un MP3 encodé en 96 kbps :
- lescartographesmwtm00:39
- lescartographesmwtmprocessed00:39
À comparer avec l’original en 256 kbps :
Un brin décevant tout de même tant l’amélioration semble légère, même avec des réglages pourtant assez bourrins. Le problème tient sans doute au fait que rajouter des aigus ne suffit pas à faire oublier les artefacts de la compression présents sur cette partie du spectre et dont le tambourin réverbéré souffre grandement. Sur ce registre, on préfèrera donc se tourner vers l’Unchirp de Zynaptiq qui n’est certes pas donné mais propose un véritable algo s’attaquant aux artefacts.
En vis-à-vis de ce module en demie-teinte, on accueillera avec enthousiasme un module réclamé depuis des lustres par les utilisateurs et s’attaquant à une problématique classique de la restauration : le vieillissement des bandes magnétiques et des disques vinyles.
Pour en finir avec le Wow
Aaaah le bonheur de la cassette audio oubliée sur la plage arrière de la voiture garée en plein soleil… Pour en finir avec les problèmes inhérents à la fragilité de la bande, Izotope comble enfin une de ses grandes lacunes avec un outil de correction du pleurage et du scintillement extrêmement efficace et simple à régler. Voyez ce que ça donne sur l’intro de A New Error de Moderat :
- WOWmoderatoriginal00:17
- WOWmoderatprocessed00:17
L’amélioration est cette fois plus sensible même si on ne peut pas gérer le pitch aussi précisément qu’avec le Capstan de Celemony dont c’est la spécialité. Convenons toutefois que le rapport efficacité/simplicité du module d’Izotope devrait suffire pour pas mal d’usages.
Dans le sillage de ces deux utilitaires, on mentionnera aussi l’amélioration de l’incontournable module de de-huming utilisé pour supprimer un bruit résident sur un enregistrement de type frigo ou ronflette secteur. Quoi de neuf, le fait de pouvoir supprimer le bruit jusqu’à 16 harmoniques de la fondamentale et un mode adaptif particulièrement efficace. Merci pour ça !
Reste enfin à parler des modules plus tournés vers la production musicale, à commencer par le fameux outil de remixage Music Rebalance qui nous arrive dans une seconde version.
Izotope R(emi)X
Disponible également comme plug-in Audiosuite pour Pro Tools, Music Rebalance nous arrive dans une nouvelle mouture qui propose bien évidemment des algorithmes améliorés, mais aussi une fonction qui simplifiera grandement son utilisation : la possibilité de générer quatre fichiers (appelés STEM) issu de la séparation de la voix, de la basse, des percussions et du reste. Si l’outil est en général très efficace pour modifier l’équilibre d’un mixage, en atténuant ou accentuant telle ou telle partie, il se montre plus pertinent que jamais pour l’isolation ou la suppression d’un élément. Parfois évidemment, l’algo se prend les pieds dans le tapis, mais ça marche souvent très bien, de sorte qu’on peut récupérer une voix pour un Remix, ou la supprimer pour faire un instrumental, et qu’on pourra sans problème utiliser la piste de basse ou de percussions pour trigger un Synthé ou une batterie virtuelle. Bref, c’est un outil qui devrait séduire, au-delà des restaurateurs audio, plus d’un remixeur ou d’un DJ, au point qu’on se demande bien pourquoi Izotope ne sort pas un logiciel dédié à ces publics qui ajouterait des fonctions spécialisées autour de Music Rebalance (extraction de boucles, exports de slices, etc.).
Enfin, ou pourra regretter que la séparation du « reste » ne donne pas lieu à plus d’outils pour encore séparer tout ce qui peut se trouver là-dedans pêle-mêle : instruments à vent, à cordes… Il y a donc encore une marge de progression sur ce module déjà très intéressant en l’état. Voyez ce que ça donne avec un extrait du bon vieux Paulo, remixé ensuite….
- Paul McCartney – At The Mercyoriginal01:08
- Vocal01:09
- Percussion01:09
- Bass01:09
- Other Instruments01:09
Du talc sur les doigts du guitariste ?
J’ai gardé le plus original pour la fin, à savoir le module Guitar De-noise qui s’attaque aux bruits typiques d’une prise de son de guitare : le bruit de l’ampli dans le cas d’une électrique, mais aussi celui des doigts se déplaçant sur les frettes ou celui du médiator. Avec ses trois sous-modules, Guitar De-noise permet sans conteste de faire le ménage dans tout cela avec une grande efficacité.
Voyez ce que cela donne sur les bruits de frettes, puis sur celui du médiator :
- guitar00:04
- guitardesquitch00:04
- guitardemediator00:04
Ça marche globalement pour atténuer le bruit des frets même si ça ne remplacera pas une intervention à même le spectrogramme, tandis que plusieurs passes ont été nécessaires pour atténuer le bruit du médiator et que je ne suis pas sûr qu’un transient designer bien utilisé ne serait pas plus probant. Au-delà de cela, l’usage du module pourra faire débat. Ces bruits faisant d’une certaine façon partie intégrante du son d’une guitare enregistrée, les supprimer peut aboutir à un résultat certes plus parfait, mais manquant du coup de caractère ou de réalisme. À vous de voir…
Conclusion
En dépit de certains modules forcément perfectibles, et notamment le décevant Spectral Repair, Izotope rend malgré tout une bonne copie avec ce RX 8 qui propose des améliorations concernant la productivité. La mise à jour est donc intéressante pour ceux qui l’utilisent au quotidien, sachant que les milles autres choses que RX sait faire sont toujours aussi pertinentes dans un contexte de restauration pure comme dans celui d’un studio ou d’un home studio.
Que manque-t-il ? De moins en moins de choses il faut en convenir du côté des traitements, même si en plus d’un véritable algo de correction des artefacts de compression et d’un correcteur de pleurage et scintillement plus sophistiqué, on souhaiterait aussi des outils un peu plus évolués pour traiter les problèmes de phase (à la Soundradix), un équivalent du Unfilter de Zynaptiq, une gestion plus simplifiée du M/S, et qu’un correcteur de tonalité/placement façon Melodyne serait fort bienvenu (la version Essential de ce dernier est d’ailleurs intégrée dans le bundle de l’éditeur). Mais c’est surtout du côté de l’intégration qu’on souhaiterait voir évoluer le logiciel, en passant probablement par la plateforme ARA, histoire de ne pas avoir à faire d’aller-retour trop fastidieux entre la STAN et RX à l’heure de l’editing…On aimerait sans doute aussi que RX s’assume plus clairement comme un éditeur audio, histoire de ne plmus avoir à passer par un Wavelab ou un Soundforge pour des fonctions bien banales mais qui manquent ici.
Ceci étant dit, on louera toujours l’excellent équilibre fonctionnalités/prix proposé par les trois versions du soft et on attend d’ores et déjà RX9 pour voir où les coyotes d’Izotope nous emmèneront cette fois-ci, sachant que la sortie récente de Rebalance au format ARA promet le meilleur : on croise les doigts ! En attendant, il faut le reconnaître : à quelque niveau de professionnalisme que l’on se situe et selon lequel on s’orientera vers telle ou telle version, RX est juste un incontournable. Ne passez pas à côté !