Le titre de cet article va inciter certains ingénieurs de mastering professionnels à foncer sur différents forums pour se plaindre. « C'est ce qui cloche dans ce business : ces gars là ne savent pas masteriser, les professionnels sont incontournables, blablabla. »
D’habitude, je ne suis pas du genre irrévérencieux mais j’ai entendu tellement de masters horribles réalisés par des ingénieurs de mastering dits « professionnels ». Est-ce que le nombre croissant de gens qui masterisent à la maison va ajouter au désordre ambiant ? C’est possible… D’un autre côté, il se peut que les possesseurs de home studio ramènent un peu de bon sens dans le style de mastering surcompressé et surgonflé qui a ruiné tellement de bons enregistrements.
Bien entendu, vous trouverez aussi d’excellents ingénieurs de mastering : j’ai déjà fait appel à certains d’entre eux et c’est réellement impressionnant à quel point ils peuvent transformer un enregistrement de bonne qualité en une production d’excellence. Et pour être honnête, beaucoup subissent la pression des maisons de disques qui les incitent à faire des masters toujours plus bruyants. Si vous pouvez vous offrir les services d’un ingénieur de mastering vraiment bon, vous ne le regretterez pas. Si vous n’avez pas les moyens ou si vous souhaitez acquérir de nouvelles compétences, commencez par masteriser votre propre musique.
Le mastering, qu’est-ce que c’est ?
Le mastering désigne le fait d’améliorer le son d’un mixage et, le cas échéant, d’assembler plusieurs morceaux ainsi traités pour qu’ils forment une « grande expérience sonore ». Certes, un bon ingénieur de mastering peut améliorer considérablement le son d’un mixage. Cependant, si vous faites le travail vous-même, sachez que la moindre amélioration sera bonne à prendre.
Le mastering n’est-il pas trop mystérieux pour le commun des musiciens ?
Pas sûr. Un bon ingénieur de mastering apporte principalement trois avantages : une paire d’oreilles, de la subjectivité et de la maîtrise technique. Par le passé, les technologies de mastering étaient beaucoup plus complexes qu’aujourd’hui en raison des limites techniques des vinyles et des cassettes. Les équipements utilisés étaient excessivement chers et les compromis à faire entre la longueur de l’album, le niveau, la distorsion, etc. nécessitaient un haut niveau d’expertise. Le mastering n’était tout simplement pas accessible à monsieur tout le monde.
La révolution audionumérique a changé la donne. Le numérique est un médium plutôt accommodant qui dispose d’une grande plage dynamique. Le prix des plugins et des processeurs audio de haute qualité n’a cessé de baisser. Pour les musiciens qui souhaitent masteriser, les équipements ne sont plus un obstacle.
Mais les oreilles le sont toujours. Un ingénieur de mastering expérimenté saura comment mettre en valeur toutes les qualités d’un morceau. Si vous avez de bonnes oreilles, vous arriverez probablement faire de bons masters. Mais pour faire un master exceptionnel, il faut une paire d’oreilles exceptionnelle, ce qu’aucun plugin ne peut offrir. En mastering, il faut apprendre à utiliser différentes technologies, mais aussi à comprendre l’essence de la musique plutôt que de se contenter d’identifier chaque instrument.
Tout commence par l’acoustique
Vous ne pourrez pas mixer ni masteriser correctement dans un lieu à l’acoustique déficiente. Cependant, le côté positif, c’est que même un traitement acoustique infime peut apporter des améliorations. Plutôt que de rabâcher les grands principes d’acoustique, je vous propose quelques liens utiles.
Parmi les sites d’Auralex, www.acoustics101.com et www.auralexuniversity.com sont parfaits pour débuter : ils proposent une grande quantité d’informations, des exemples audio et des liens utiles.
Le site de RealTraps (www.realtraps.com) contient des articles de fond, des outils de calcul, un CD de test téléchargeable et d’autres choses encore. Cliquez sur l’onglet « Acoustics Info ».
Le site de Primacoustic offre un petit abécédaire de l’acoustique (www.primacoustic.com/primer.htm) qui sera utile aux débutants.
Vous trouverez aussi des informations de fond relatives à l’acoustique sur la page « Acoustic Education » du site d’Acoustical Solutions (www.acousticalsolutions.com/education/index.asp). Elle propose même des informations sur l’audition et l’oreille humaine.
Le site de MBI offre un calculateur de l’acoustique d’une pièce (Room Acoustics Calculator) et une introduction à l’acoustique.
La bibliothèque du site de RPG Diffusor Systems (www.rpginc.com/news/library.htm) est un peu plus complexe que les références citées ci-dessus mais mérite définitivement qu’on la consulte.
Bien entendu, vous trouverez beaucoup d’autres sources d’information sur la toile mais celles mentionnées ici devraient vous permettre de débuter.
Flux et aspects artistiques
L’un des paramètres les plus importants du mastering consiste à déterminer le flux de l’album. C’est une chose de masteriser un morceau, c’en est une autre de masteriser un album complet pour en faire une expérience audio cohérente. Voici quelques astuces :
- Gravez un CD contenant les mises à plat de tous les titres de l’album puis lancez la lecture aléatoire. Parfois, l’ordre dans lequel on écoute différents morceaux semble approprié uniquement parce qu’il nous est familier. La lecture aléatoire offre une meilleure compréhension de chaque morceau en lui-même.
- Identifiez la tonalité de chaque morceau. En règle générale, j’essaie d’arranger les titres de sorte que la tonalité soit ascendante et j’évite d’enchaîner deux morceaux ayant la même tonalité. Pour l’arrangement d’un titre, vous créez des variations afin de modifier les ambiances. Ici, il s’agit simplement d’appliquer ce principe à l’album dans son ensemble. Bien entendu, la tonalité ne doit pas être votre seul critère dans le choix de l’ordre des morceaux, mais elle est importante.
- Identifiez le tempo de chaque morceau. Vous souhaitez que l’album commence doucement et se débride progressivement ? Vous voulez frapper l’auditeur d’entrée puis varier les ambiances ? Le choix d’un flux de tempo adapté peut vous aider. Un exemple évident : pour un CD de dance, vous pouvez manipuler les réactions des auditeurs en utilisant des tempos toujours croissants, puis en calmant le jeu pour « refroidir » l’atmosphère.
- Essayez de créer des « couples de morceaux » car certains morceaux s’enchaînent bien naturellement. Considérez ces associations comme des entités individuelles à assembler avec d’autres morceaux et d’autres couples de morceaux.
- Commencez avec le meilleur morceau. Beaucoup de gens n’écouteront que les 10 à 15 premières secondes de votre album avant de décider de continuer ou d’arrêter. Personnellement, je préfère les albums qui se développent progressivement mais cela nécessite de commencer doucement et simplement, ce qui amoindrit les chances commerciales de l’album dans le monde hyperactif où nous vivons.
- Les fondus enchaînés (crossfades) peuvent s’avérer efficaces. En reliant deux morceaux avec un fondu enchaîné, on facilite la transition.
- Envisagez d’utiliser un ou deux titres de transition. Une fois, j’ai masterisé un CD dans lequel tout était parfaitement cohérent hormis deux morceaux. Ils ne s’intégraient pas au niveau thématique et ne pouvaient pas être déplacés sous peine de déséquilibrer les autres morceaux qui fonctionnaient bien ensemble. La solution : un titre de transition de 30 secondes, généralement des bruitages sans tempo, que l’on insère entre deux morceaux en faisant un fondu enchaîné d’entrée avec le titre précédent et un fondu de sortie avec le suivant.
- Ne vous sentez pas obligé de normaliser tous les morceaux au même niveau crête. La normalisation globale peut donner de bons résultats si tous les titres possèdent le même niveau moyen et le même niveau crête, ce qui n’est pas toujours le cas. Généralement, je normalise tous les titres au même niveau uniquement pour pouvoir faire un diagnostique. Puis, j’écoute l’intégralité du CD. Si certains titres sonnent anormalement fort, j’abaisse leur niveau. Si tous les titres fonctionnent bien sauf un ou deux qui sonnent trop doucement, j’utilise des processeurs de dynamique pour augmenter le niveau subjectif des titres trop faibles plutôt que d’abaisser le niveau de tous les morceaux trop forts.
- Ignorez tous les conseils précédents. Au montage de l’album, le but est de proposer un grand voyage à l’auditeur en captant et en maintenant son attention. Les conseils ci-dessus m’ont aidé dans mon travail. Cependant, le montage d’un CD n’étant pas une science exacte, vous avez parfaitement le droit de faire une succession de morceaux ayant la même tonalité. N’hésitez pas à graver des CD de test utilisant des ordres différents, analysez-les et continuez à chercher la meilleure solution.
Outils de mastering
Les outils de mastering sont généralement très spécialisés. Pourtant, certains ingénieurs utilisent maintenant des applications hôtes comme Samplitude et Sonar pour le mastering. Personnellement, je suis plutôt de la vieille école et j’utilise les outils suivants :
- Un éditeur audionumérique pour travailler individuellement sur les morceaux. Dans cette catégorie, les logiciels pour Windows sont Adobe Audition, Sony Sound Forge, Steinberg Wavelab et Magix Sequoia. BIAS Peak et DSP-Quattro sont des éditeurs très utilisés sur Mac. Remarquez aussi que Wavelab tourne à présent sur Mac.
- Un programme de MAO pour monter les morceaux et choisir leur ordre, faire des fondus enchaînés, etc. Pour cela, j’utilise un hôte multipiste pour pouvoir déplacer les différents morceaux par tirer-déposer, graver des CD et m’habituer à l’ordre des morceaux sur la durée afin de savoir s’ils fonctionnent.
- Programme d’égalisation Har-Bal. Cette application autonome intelligente (illustration 1) est parfaite pour résoudre les problèmes d’égalisation car elle excelle dans l’identification des crêtes malveillantes (par exemple les crêtes causées par les anomalies de l’acoustique, les irrégularités de la réponse du microphone, etc.).
- Plugins d’égalisation et de traitement de la dynamique multibande « de qualité mastering ». Les plugins de « qualité mastering » n’ont pas peur de dévorer vos ressources processeur sous prétexte de calculs plus précis. Ils peuvent aussi utiliser de gros tampons d’anticipation (look-ahead) qui les rendent inutilisables avec une automation et dans les applications classiques. Parmi les outils tout en un pour Windows, iZotope Ozone (illustration 2) est une superbe suite de plugins de mastering. Si vous préférez une solution à la carte permettant de choisir chaque processeur, les plugins Waves sont les plus réputés pour leur qualité audio. Ils ont beaucoup de concurrents, notamment Sonnox, Universal Audio, PSP, WaveArts, Sony, Cakewalk, etc.
- Réduction du bruit. Il s’agit ici de se débarrasser d’un souffle, d’éventuels cliquetis et d’autres bruits indésirables (illustration 3). Attention toutefois : la réduction de bruit peut affecter les données audio et générer des artefacts. Heureusement, il n’est généralement pas difficile de se débarrasser d’un léger souffle résultant par exemple de l’utilisation de nombreux préamplis micro. Quoi qu’il en soit, en cas de doute, renoncez à la réduction de bruit.
- La « sauce spéciale » occasionnelle. Je suis peu enclin à utiliser les outils d’élargissement de la stéréo, d’ajout d’harmoniques, etc. Cependant, ils peuvent parfois apporter un peu de noblesse à un morceau dont le mixage est très moyen.
- Maximisation du volume sonore. Il s’agit d’un genre de limiteur à utiliser avec modération pour rogner les quelques crêtes à cause desquelles vous ne pouvez pas augmenter le niveau moyen du signal. Et en suivant les techniques d’augmentation du volume sonore sans compression excessive décrites plus bas, vous n’aurez quasiment pas besoin de maximiser.
Stratégies de mastering
Un grand ingénieur de mixage n’est pas nécessairement un grand ingénieur de mastering car les compétences requises ne sont pas les mêmes. Certes, ces deux activités sont sujettes à la troisième loi de Newton (chaque action entraîne une réaction égale et opposée), mais en mixage, tous les éléments à équilibrer sont isolés. Par exemple, si la grosse caisse et la basse se gênent mutuellement, il suffit de traiter l’un ou l’autre des éléments pour régler le problème. En mastering, rien n’est isolé et tout est interdépendant. Voyons différentes stratégies pour masteriser un morceau.
- Écoutez tout le titre plusieurs fois. Ne touchez à aucun réglage et concentrez-vous sur l’écoute. Prenez des notes. Essayez de comprendre le message de l’artiste. Je pense que le but du mastering n’est pas d’imposer un son à l’artiste mais de tirer la quintessence de sa musique.
- Réglez les problèmes techniques tels que le bruit indésirable (cliquetis, sifflement, etc.). Cette étape constitue aussi votre dernière chance d’éditer le solo du guitariste en transformant ses 32 mesures très complaisantes en 4 mesures efficaces.
- Réglez les problèmes d’égalisation. Vous rencontrerez certainement deux types de problèmes d’égalisation, les uns spécifiques (notamment les résonances), les autres généraux (par exemple, un morceau a besoin de plus de brillance, moins de médium, etc.). Sachant que l’égalisation d’une fréquence donnée affecte tous les instruments contenant la fréquence en question, les traitements réalisés au mastering sont très souvent infimes : une égalisation d’un quart ou d’un demi décibel, imperceptible sur une piste individuelle, peut avoir un impact très important sur le mix final.
- Réglez les problèmes de dynamique. Pour maîtriser un processeur de dynamique multibande, l’utilisateur doit avoir beaucoup d’expertise et d’expérience. Commencez par des modifications subtiles dans une seule bande de fréquences et bypassez fréquemment chaque bande pour comparer le signal original et le résultat du traitement. Si la compression multibande est trop complexe, vous pourrez regrouper toutes les bandes pour l’utiliser comme la compression large bande, mais avec moins d’effets indésirables (notamment moins de pompage). Si la dynamique ne nécessite pas de contrôle complexe, utilisez un compresseur deux canaux classique : vous obtiendrez un son décent et sans pompage.
- Apportez la touche finale. Une fois que vous êtes satisfait des traitements audio et considérez que le titre est terminé, coupez le début et la fin du fichier. Ce faisant, ne coupez pas trop près de la forme d’onde : laissez au moins quelques dizaines de millisecondes « d’air » pour adoucir la transition entre le silence et la musique.
Volume sonore élevé sans compression excessive
La dynamique joue un rôle important dans l’impact émotionnel d’un morceau. Pourtant, certains ingénieurs du son tuent la dynamique en compressant et en limitant à l’excès pour la simple raison que « tout le monde fait comme ça » et parce qu’ils ne veulent pas que leurs morceaux sonnent moins fort que les productions concurrentes.
On me demande souvent de faire sonner un CD très fort, mais je ne supporte pas de détruire une bonne chanson. Du coup, je me suis rabattu sur un compromis : j’essaie de trouver un équilibre entre la préservation d’une dynamique suffisante et un volume sonore permettant de concourir avec les productions actuelles. En suivant ces techniques, votre morceau ne sonnera peut-être pas aussi fort que certains autres mais je parie que sa portée émotionnelle sera supérieure auprès de ceux qui auront l’idée de monter un peu le volume d’écoute.
Supprimez les infrabasses. L’audionumérique permet d’enregistrer et de reproduire l’énergie acoustique située sous 20 Hz. Bien qu’inaudible, cette énergie consomme des réserves de gain. Vous pourrez gagner jusqu’à 2 dB en supprimant simplement toutes les fréquences sous 20 Hz. D’autre part, si vous arrivez à trouver et à traiter efficacement les pistes individuelles qui contribuent au problème d’infrabasses pendant le mixage, vous éviterez de devoir filtrer le morceau dans son ensemble au moment du mastering.
Supprimez la tension d’offset. La tension d’offset est aussi l’une des causes de la perte de réserve de gain parce que le niveau des crêtes positives ou négatives est amoindri à hauteur du décalage (offset). En supprimant la tension d’offset résiduelle à l’aide de la fonction « Remove DC Offset » présente dans la plupart des éditeurs audio et dans de nombreux séquenceurs hôtes (illustration 4), on centre la forme d’onde sur 0 V. Ainsi, à réserve de gain identique, on peut augmenter le niveau du signal.
Ill. 4 : Pro Tools contient un plugin qui permet de supprimer la tension d’offset. En d’autres termes, vous pouvez à présent trouver la fonction de suppression de la tension d’offset dans un menu de votre application audionumérique.
Soyez prudent avec le grave. L’oreille est assez peu sensible aux basses fréquences. Par conséquent, ceux qui ont peu d’expérience en mixage ou qui travaillent dans un lieu dont l’acoustique n’est pas corrigée ont souvent tendance à exagérer le grave. Ne laissez pas plus de grave que nécessaire afin de libérer de la réserve de gain pour les autres fréquences. Procédez comme suit pour créer l’illusion d’un grave plus imposant :
- Utilisez un compresseur multibande pour traiter uniquement le grave. Les basses fréquences sembleront sonner aussi fort mais consommeront moins de réserve de gain.
- Essayez le plugin Waves MaxxBass (une version hardware est aussi disponible) ou le processeur Aphex Big Bottom. MaxxBass isole la basse originale du signal et génère des harmoniques à partir d’elle ; le concept psycho-acoustique repose sur le fait que notre cerveau « reconstitue » le grave manquant à partir des harmoniques supérieures. Le Big Bottom utilise un principe psycho-acoustique différent mais tout aussi efficace pour accentuer le grave.
Pendant que vous mixez, trouvez/écrasez les crêtes qui amoindrissent la réserve de gain. C’est le vrai « secret », mais il nécessite de bien comprendre la différence entre niveau crête et niveau moyen. Par exemple, considérons un coup de batterie. Il contient une grosse décharge d’énergie initiale (la crête) suivie d’un déclin rapide et de la réduction de l’amplitude. Vous devrez régler le niveau d’enregistrement suffisamment bas pour être sûr que l’attaque n’est pas écrêtée. Il en résulte une énergie crête relativement élevée mais une énergie moyenne plutôt faible.
Inversement, un accord tenu joué sur un orgue possède une énergie moyenne élevée. Étant donné qu’il n’y a quasiment pas de crête, vous pouvez régler le niveau d’enregistrement de sorte que le sustain utilise la réserve de gain au maximum.
Les morceaux eux-mêmes possèdent des passages avec des crêtes importantes et d’autres avec une grande énergie moyenne. Supposons que vous utilisiez un enregistreur sur disque dur et lanciez la lecture de plusieurs pistes. L’afficheur de sortie stéréo commence à fluctuer. Vous remarquerez peut-être qu’il indique parfois des niveaux ponctuels bien supérieurs à ceux du reste du morceau. Cela peut arriver quand plusieurs instruments ayant des crêtes prononcées jouent un accent en même temps ou si vous utilisez un synthé avec un filtre très résonant. Si vous réglez les niveaux en fonction de ces crêtes, vous réduirez le niveau moyen du morceau.
Vous pourrez compenser cette baisse de niveau au moment du mastering avec un limiteur ou un compresseur qui atténuera les crêtes et permettra d’augmenter le niveau moyen. Cependant, si vous réduisez ces crêtes dès le mixage, vous obtiendrez un son beaucoup plus naturel car le traitement de la dynamique final sera plus léger.
Pour cela, pendant le mixage, lancez la lecture du morceau et cherchez un endroit où les vu-mètres indiquent un niveau crête sensiblement plus haut que tous les autres. Bouclez autour de cette crête, puis, une par une, mutez les pistes individuellement jusqu’à ce que vous trouviez celle qui contribue le plus au signal. Par exemple, imaginons qu’un passage possède une crête à 0 dB. Vous mutez une piste et la crête n’atteint plus que –2. Vous mutez une autre piste et la crête affichée est –1. Vous mutez une autre piste et la crête affichée atteint –7. Vous avez trouvé la piste qui délivre la plupart de l’énergie.
Zoomez dans la piste et utilisez l’automation ou des traitements audio pour créer une petite atténuation sur une région très étroite afin d’abaisser le niveau de la crête de quelques dB. À présent, relancez la lecture du passage, vérifiez qu’il sonne toujours aussi bien et surveillez les afficheurs. Dans notre exemple, la crête à 0 dB atteindra maintenant disons –3 dB. Répétez cette technique avec le reste du morceau pour atténuer les crêtes les plus importantes. Après avoir ramené à –3 dB toutes les crêtes qui approchaient 0 dB, vous pourrez monter le niveau global d’environ 3 dB sans dépasser 0 dB. Vous aurez donc augmenté le niveau moyen du morceau de 3 dB sans utiliser de compresseur ni de limiteur.
Si vous n’arrivez pas à régler un problème au mixage, essayez lors du mastering. Si un fichier audio 2 canaux possède des crêtes prononcées, utilisez un éditeur audionumérique pour localiser les 10 à 20 crêtes les plus hautes du fichier. Par exemple, supposons que le niveau du fichier ne dépasse jamais –5 dB sauf 12 fois en raison de 12 crêtes qui excèdent ce seuil. Vous pouvez sélectionner individuellement les crêtes qui atteignent 0 et les normaliser à –5 dB (illustration 5).
Finalement, vous n’avez affecté le morceau en aucune façon, si ce n’est en réduisant le niveau de 12 crêtes. À présent, vous savez que vous pouvez augmenter le niveau global de 5 dB de sorte que le signal sonne beaucoup plus fort sans perte de dynamique ni apparition d’artefacts. Ensuite, en ajoutant encore 2 ou 3 décibels de maximisation (illustration 6) ou de compression multibande, vous obtiendrez un volume encore plus élevé tout en conservant le « rendu » dynamique du fichier.
Ill. 6 : le plugin Wave Hammer de Sony Sound Forge possède deux étages, l’un pour la compression et l’autre pour la maximisation du volume. Cet exemple montre une réduction de gain maximale de 2,9 dB.
À tous ceux qui s’apprêtent à faire des commentaires du genre « il ne faut jamais normaliser », « c’est une technique totalement stupide », « pourquoi ne pas utiliser un limiteur », etc. : ne vous donnez pas cette peine, essayez et vous verrez, ça marche.
Trichez avec la réponse en fréquence. L’oreille humaine est plus sensible dans la bande de fréquences de 3 à 4 kHz. Par conséquent, utilisez un égaliseur pour amplifier légèrement ces fréquences, tout spécialement lors des passages calmes du morceau. La musique gagnera en présence et sonnera plus fort. Mais soyez très prudent car on peut rapidement quitter l’accentuation minimale pour tomber dans l’agression insupportable. Souvent, une amplification de 1 dB sera déjà trop.
Envisagez de faire un second master pour la diffusion sur le web. En pratique, la compression des données permet une dynamique raisonnable. Pour la diffusion de musique en streaming, la qualité audio étant déjà amoindrie, il faut préserver suffisamment de dynamique pour permettre à la musique de sonner de façon un peu plus naturelle. Si vous travaillez avec de l’audio publiée en streaming, essayez les techniques exposées ci-dessus pour éviter de compresser exagérément. Vous constaterez que la qualité sonore globale en profite. Le fait de créer deux masters différents n’est pas une idée nouvelle : les maisons de disques utilisaient souvent deux masters différents pour la diffusion sur vinyle ou cassette.
Si vous n’êtes toujours pas satisfait…
Faites appel à un ingénieur de mastering professionnel sans oublier deux choses importantes :
- Fournissez un mix brut à la résolution la plus élevée possible (généralement 24 bits/96 kHz), n’ajoutez aucun traitement global (compresseur, égaliseur, limiteur, etc.) et ne coupez pas le début ni la fin du fichier car l’ingénieur aura éventuellement besoin d’échantillonner un bruit de fond, un ronronnement ou un souffle présent dans le signal afin de pouvoir le supprimer.
- Ne partez pas du principe que l’ingénieur est bon. Écoutez des exemples de son travail avant de vous engager avec lui.
Le mastering est une partie très importante du processus de production. Ne vous mentez pas en pensant que vous pouvez faire un bon master si vous n’en êtes pas capable. Inversement, ne vous mentez pas non plus en pensant que vous serez incapable de faire un bon master. Tentez votre chance, essayez. Si tous ceux qui écoutent votre travail disent que le son est fantastique, considérez-vous au moins comme un apprenti ingénieur de mastering.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.