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Comment apporter la touche finale à vos mixages - Les bases du mastering pour musiciens

Le titre de cet article va inciter certains ingénieurs de mastering professionnels à foncer sur différents forums pour se plaindre. « C'est ce qui cloche dans ce business : ces gars là ne savent pas masteriser, les professionnels sont incontournables, blablabla. »

D’ha­bi­tude, je ne suis pas du genre irré­vé­ren­cieux mais j’ai entendu telle­ment de masters horribles réali­sés par des ingé­nieurs de maste­ring dits « profes­sion­nels ». Est-ce que le nombre crois­sant de gens qui maste­risent à la maison va ajou­ter au désordre ambiant ? C’est possi­ble… D’un autre côté, il se peut que les posses­seurs de home studio ramènent un peu de bon sens dans le style de maste­ring surcom­pressé et surgon­flé qui a ruiné telle­ment de bons enre­gis­tre­ments.

 

Bien entendu, vous trou­ve­rez aussi d’ex­cel­lents ingé­nieurs de maste­ring : j’ai déjà fait appel à certains d’entre eux et c’est réel­le­ment impres­sion­nant à quel point ils peuvent trans­for­mer un enre­gis­tre­ment de bonne qualité en une produc­tion d’ex­cel­lence. Et pour être honnête, beau­coup subissent la pres­sion des maisons de disques qui les incitent à faire des masters toujours plus bruyants. Si vous pouvez vous offrir les services d’un ingé­nieur de maste­ring vrai­ment bon, vous ne le regret­te­rez pas. Si vous n’avez pas les moyens ou si vous souhai­tez acqué­rir de nouvelles compé­tences, commen­cez par maste­ri­ser votre propre musique.

 

Le maste­ring, qu’est-ce que c’est ?

Le maste­ring désigne le fait d’amé­lio­rer le son d’un mixage et, le cas échéant, d’as­sem­bler plusieurs morceaux ainsi trai­tés pour qu’ils forment une « grande expé­rience sonore ». Certes, un bon ingé­nieur de maste­ring peut amélio­rer consi­dé­ra­ble­ment le son d’un mixage. Cepen­dant, si vous faites le travail vous-même, sachez que la moindre amélio­ra­tion sera bonne à prendre.

 

Le maste­ring n’est-il pas trop mysté­rieux pour le commun des musi­ciens ?

Pas sûr. Un bon ingé­nieur de maste­ring apporte prin­ci­pa­le­ment trois avan­tages : une paire d’oreilles, de la subjec­ti­vité et de la maîtrise tech­nique. Par le passé, les tech­no­lo­gies de maste­ring étaient beau­coup plus complexes qu’aujour­d’hui en raison des limites tech­niques des vinyles et des cassettes. Les équi­pe­ments utili­sés étaient exces­si­ve­ment chers et les compro­mis à faire entre la longueur de l’al­bum, le niveau, la distor­sion, etc. néces­si­taient un haut niveau d’ex­per­tise. Le maste­ring n’était tout simple­ment pas acces­sible à monsieur tout le monde.

 

La révo­lu­tion audio­nu­mé­rique a changé la donne. Le numé­rique est un médium plutôt accom­mo­dant qui dispose d’une grande plage dyna­mique. Le prix des plugins et des proces­seurs audio de haute qualité n’a cessé de bais­ser. Pour les musi­ciens qui souhaitent maste­ri­ser, les équi­pe­ments ne sont plus un obstacle.

 

Mais les oreilles le sont toujours. Un ingé­nieur de maste­ring expé­ri­menté saura comment mettre en valeur toutes les quali­tés d’un morceau. Si vous avez de bonnes oreilles, vous arri­ve­rez proba­ble­ment faire de bons masters. Mais pour faire un master excep­tion­nel, il faut une paire d’oreilles excep­tion­nelle, ce qu’au­cun plugin ne peut offrir. En maste­ring, il faut apprendre à utili­ser diffé­rentes tech­no­lo­gies, mais aussi à comprendre l’es­sence de la musique plutôt que de se conten­ter d’iden­ti­fier chaque instru­ment.

 

Tout commence par l’acous­tique

Vous ne pour­rez pas mixer ni maste­ri­ser correc­te­ment dans un lieu à l’acous­tique défi­ciente. Cepen­dant, le côté posi­tif, c’est que même un trai­te­ment acous­tique infime peut appor­ter des amélio­ra­tions. Plutôt que de rabâ­cher les grands prin­cipes d’acous­tique, je vous propose quelques liens utiles.

 

Parmi les sites d’Au­ra­lex, www.acous­tics101.com et www.aura­lexu­ni­ver­sity.com sont parfaits pour débu­ter : ils proposent une grande quan­tité d’in­for­ma­tions, des exemples audio et des liens utiles.

Le site de Real­Traps (www.real­traps.com) contient des articles de fond, des outils de calcul, un CD de test télé­char­geable et d’autres choses encore. Cliquez sur l’on­glet « Acous­tics Info ».

Le site de Prima­cous­tic offre un petit abécé­daire de l’acous­tique (www.prima­cous­tic.com/primer.htm) qui sera utile aux débu­tants.

Vous trou­ve­rez aussi des infor­ma­tions de fond rela­tives à l’acous­tique sur la page « Acous­tic Educa­tion » du site d’Acous­ti­cal Solu­tions (www.acous­ti­cal­so­lu­tions.com/educa­tion/index.asp). Elle propose même des infor­ma­tions sur l’au­di­tion et l’oreille humaine.

Le site de MBI offre un calcu­la­teur de l’acous­tique d’une pièce (Room Acous­tics Calcu­la­tor) et une intro­duc­tion à l’acous­tique.

La biblio­thèque du site de RPG Diffu­sor Systems (www.rpginc.com/news/library.htm) est un peu plus complexe que les réfé­rences citées ci-dessus mais mérite défi­ni­ti­ve­ment qu’on la consulte.

 

Bien entendu, vous trou­ve­rez beau­coup d’autres sources d’in­for­ma­tion sur la toile mais celles mention­nées ici devraient vous permettre de débu­ter.

 

Flux et aspects artis­tiques

L’un des para­mètres les plus impor­tants du maste­ring consiste à déter­mi­ner le flux de l’al­bum. C’est une chose de maste­ri­ser un morceau, c’en est une autre de maste­ri­ser un album complet pour en faire une expé­rience audio cohé­rente. Voici quelques astuces :

  • Gravez un CD conte­nant les mises à plat de tous les titres de l’al­bum puis lancez la lecture aléa­toire. Parfois, l’ordre dans lequel on écoute diffé­rents morceaux semble appro­prié unique­ment parce qu’il nous est fami­lier. La lecture aléa­toire offre une meilleure compré­hen­sion de chaque morceau en lui-même.
  • Iden­ti­fiez la tona­lité de chaque morceau. En règle géné­rale, j’es­saie d’ar­ran­ger les titres de sorte que la tona­lité soit ascen­dante et j’évite d’en­chaî­ner deux morceaux ayant la même tona­lité. Pour l’ar­ran­ge­ment d’un titre, vous créez des varia­tions afin de modi­fier les ambiances. Ici, il s’agit simple­ment d’ap­pliquer ce prin­cipe à l’al­bum dans son ensemble. Bien entendu, la tona­lité ne doit pas être votre seul critère dans le choix de l’ordre des morceaux, mais elle est impor­tante.
  • Iden­ti­fiez le tempo de chaque morceau. Vous souhai­tez que l’al­bum commence douce­ment et se débride progres­si­ve­ment ? Vous voulez frap­per l’au­di­teur d’en­trée puis varier les ambiances ? Le choix d’un flux de tempo adapté peut vous aider. Un exemple évident : pour un CD de dance, vous pouvez mani­pu­ler les réac­tions des audi­teurs en utili­sant des tempos toujours crois­sants, puis en calmant le jeu pour « refroi­dir » l’at­mo­sphère.
  • Essayez de créer des « couples de morceaux » car certains morceaux s’en­chaînent bien natu­rel­le­ment. Consi­dé­rez ces asso­cia­tions comme des enti­tés indi­vi­duelles à assem­bler avec d’autres morceaux et d’autres couples de morceaux.
  • Commen­cez avec le meilleur morceau. Beau­coup de gens n’écou­te­ront que les 10 à 15 premières secondes de votre album avant de déci­der de conti­nuer ou d’ar­rê­ter. Person­nel­le­ment, je préfère les albums qui se déve­loppent progres­si­ve­ment mais cela néces­site de commen­cer douce­ment et simple­ment, ce qui amoin­drit les chances commer­ciales de l’al­bum dans le monde hyper­ac­tif où nous vivons.
  • Les fondus enchaî­nés (cross­fades) peuvent s’avé­rer effi­caces. En reliant deux morceaux avec un fondu enchaîné, on faci­lite la tran­si­tion.
  • Envi­sa­gez d’uti­li­ser un ou deux titres de tran­si­tion. Une fois, j’ai maste­risé un CD dans lequel tout était parfai­te­ment cohé­rent hormis deux morceaux. Ils ne s’in­té­graient pas au niveau théma­tique et ne pouvaient pas être dépla­cés sous peine de déséqui­li­brer les autres morceaux qui fonc­tion­naient bien ensemble. La solu­tion : un titre de tran­si­tion de 30 secondes, géné­ra­le­ment des brui­tages sans tempo, que l’on insère entre deux morceaux en faisant un fondu enchaîné d’en­trée avec le titre précé­dent et un fondu de sortie avec le suivant.
  • Ne vous sentez pas obligé de norma­li­ser tous les morceaux au même niveau crête. La norma­li­sa­tion globale peut donner de bons résul­tats si tous les titres possèdent le même niveau moyen et le même niveau crête, ce qui n’est pas toujours le cas. Géné­ra­le­ment, je norma­lise tous les titres au même niveau unique­ment pour pouvoir faire un diag­nos­tique. Puis, j’écoute l’in­té­gra­lité du CD. Si certains titres sonnent anor­ma­le­ment fort, j’abaisse leur niveau. Si tous les titres fonc­tionnent bien sauf un ou deux qui sonnent trop douce­ment, j’uti­lise des proces­seurs de dyna­mique pour augmen­ter le niveau subjec­tif des titres trop faibles plutôt que d’abais­ser le niveau de tous les morceaux trop forts.
  • Igno­rez tous les conseils précé­dents. Au montage de l’al­bum, le but est de propo­ser un grand voyage à l’au­di­teur en captant et en main­te­nant son atten­tion. Les conseils ci-dessus m’ont aidé dans mon travail. Cepen­dant, le montage d’un CD n’étant pas une science exacte, vous avez parfai­te­ment le droit de faire une succes­sion de morceaux ayant la même tona­lité. N’hé­si­tez pas à graver des CD de test utili­sant des ordres diffé­rents, analy­sez-les et conti­nuez à cher­cher la meilleure solu­tion.

 

Outils de maste­ring

Les outils de maste­ring sont géné­ra­le­ment très spécia­li­sés. Pour­tant, certains ingé­nieurs utilisent main­te­nant des appli­ca­tions hôtes comme Sampli­tude et Sonar pour le maste­ring. Person­nel­le­ment, je suis plutôt de la vieille école et j’uti­lise les outils suivants :

  • Un éditeur audio­nu­mé­rique pour travailler indi­vi­duel­le­ment sur les morceaux. Dans cette caté­go­rie, les logi­ciels pour Windows sont Adobe Audi­tion, Sony Sound Forge, Stein­berg Wave­lab et Magix Sequoia. BIAS Peak et DSP-Quat­tro sont des éditeurs très utili­sés sur Mac. Remarquez aussi que Wave­lab tourne à présent sur Mac.
  • Un programme de MAO pour monter les morceaux et choi­sir leur ordre, faire des fondus enchaî­nés, etc. Pour cela, j’uti­lise un hôte multi­piste pour pouvoir dépla­cer les diffé­rents morceaux par tirer-dépo­ser, graver des CD et m’ha­bi­tuer à l’ordre des morceaux sur la durée afin de savoir s’ils fonc­tionnent.
  • Programme d’éga­li­sa­tion Har-Bal. Cette appli­ca­tion auto­nome intel­li­gente (illus­tra­tion 1) est parfaite pour résoudre les problèmes d’éga­li­sa­tion car elle excelle dans l’iden­ti­fi­ca­tion des crêtes malveillantes (par exemple les crêtes causées par les anoma­lies de l’acous­tique, les irré­gu­la­ri­tés de la réponse du micro­phone, etc.).
Logiciel de mastering Har-BalIll. 1 : Har-Bal est un programme de maste­ring conçu spécia­le­ment pour l’éga­li­sa­tion. L’af­fi­cheur de spectre signal les zones éven­tuel­le­ment problé­ma­tiques pour faci­li­ter les correc­tions si vous savez faire la diffé­rence entre les crêtes/creux indé­si­rables et ceux qui font natu­rel­le­ment partie de la musique.

  • Plugins d’éga­li­sa­tion et de trai­te­ment de la dyna­mique multi­bande « de qualité maste­ring ». Les plugins de « qualité maste­ring » n’ont pas peur de dévo­rer vos ressources proces­seur sous prétexte de calculs plus précis. Ils peuvent aussi utili­ser de gros tampons d’an­ti­ci­pa­tion (look-ahead) qui les rendent inuti­li­sables avec une auto­ma­tion et dans les appli­ca­tions clas­siques. Parmi les outils tout en un pour Windows, iZotope Ozone (illus­tra­tion 2) est une superbe suite de plugins de maste­ring. Si vous préfé­rez une solu­tion à la carte permet­tant de choi­sir chaque proces­seur, les plugins Waves sont les plus répu­tés pour leur qualité audio. Ils ont beau­coup de concur­rents, notam­ment Sonnox, Univer­sal Audio, PSP, WaveArts, Sony, Cake­walk, etc.
iZotope OzoneIll. 2 : iZotope Ozone 4 est une suite de plugins de maste­ring.

  • Réduc­tion du bruit. Il s’agit ici de se débar­ras­ser d’un souffle, d’éven­tuels clique­tis et d’autres bruits indé­si­rables (illus­tra­tion 3). Atten­tion toute­fois : la réduc­tion de bruit peut affec­ter les données audio et géné­rer des arte­facts. Heureu­se­ment, il n’est géné­ra­le­ment pas diffi­cile de se débar­ras­ser d’un léger souffle résul­tant par exemple de l’uti­li­sa­tion de nombreux préam­plis micro. Quoi qu’il en soit, en cas de doute, renon­cez à la réduc­tion de bruit.
Réduction du bruit dans Adobe AuditionIll. 3 : Adobe Audi­tion propose un grand nombre d’ou­tils de réduc­tion du bruit : suppres­sion des clics et des pops, restau­ra­tion audio, réduc­tion du bruit (illus­tra­tion) et suppres­sion des siffle­ments.


  • La « sauce spéciale » occa­sion­nelle. Je suis peu enclin à utili­ser les outils d’élar­gis­se­ment de la stéréo, d’ajout d’har­mo­niques, etc. Cepen­dant, ils peuvent parfois appor­ter un peu de noblesse à un morceau dont le mixage est très moyen.
  • Maxi­mi­sa­tion du volume sonore. Il s’agit d’un genre de limi­teur à utili­ser avec modé­ra­tion pour rogner les quelques crêtes à cause desquelles vous ne pouvez pas augmen­ter le niveau moyen du signal. Et en suivant les tech­niques d’aug­men­ta­tion du volume sonore sans compres­sion exces­sive décrites plus bas, vous n’au­rez quasi­ment pas besoin de maxi­mi­ser.

 

Stra­té­gies de maste­ring

Un grand ingé­nieur de mixage n’est pas néces­sai­re­ment un grand ingé­nieur de maste­ring car les compé­tences requises ne sont pas les mêmes. Certes, ces deux acti­vi­tés sont sujettes à la troi­sième loi de Newton (chaque action entraîne une réac­tion égale et oppo­sée), mais en mixage, tous les éléments à équi­li­brer sont isolés. Par exemple, si la grosse caisse et la basse se gênent mutuel­le­ment, il suffit de trai­ter l’un ou l’autre des éléments pour régler le problème. En maste­ring, rien n’est isolé et tout est inter­dé­pen­dant. Voyons diffé­rentes stra­té­gies pour maste­ri­ser un morceau.

  • Écou­tez tout le titre plusieurs fois. Ne touchez à aucun réglage et concen­trez-vous sur l’écoute. Prenez des notes. Essayez de comprendre le message de l’ar­tiste. Je pense que le but du maste­ring n’est pas d’im­po­ser un son à l’ar­tiste mais de tirer la quin­tes­sence de sa musique.
  • Réglez les problèmes tech­niques tels que le bruit indé­si­rable (clique­tis, siffle­ment, etc.). Cette étape consti­tue aussi votre dernière chance d’édi­ter le solo du guita­riste en trans­for­mant ses 32 mesures très complai­santes en 4 mesures effi­caces.
  • Réglez les problèmes d’éga­li­sa­tion. Vous rencon­tre­rez certai­ne­ment deux types de problèmes d’éga­li­sa­tion, les uns spéci­fiques (notam­ment les réso­nances), les autres géné­raux (par exemple, un morceau a besoin de plus de brillance, moins de médium, etc.). Sachant que l’éga­li­sa­tion d’une fréquence donnée affecte tous les instru­ments conte­nant la fréquence en ques­tion, les trai­te­ments réali­sés au maste­ring sont très souvent infimes : une égali­sa­tion d’un quart ou d’un demi déci­bel, imper­cep­tible sur une piste indi­vi­duelle, peut avoir un impact très impor­tant sur le mix final.
  • Réglez les problèmes de dyna­mique. Pour maîtri­ser un proces­seur de dyna­mique multi­bande, l’uti­li­sa­teur doit avoir beau­coup d’ex­per­tise et d’ex­pé­rience. Commen­cez par des modi­fi­ca­tions subtiles dans une seule bande de fréquences et bypas­sez fréquem­ment chaque bande pour compa­rer le signal origi­nal et le résul­tat du trai­te­ment. Si la compres­sion multi­bande est trop complexe, vous pour­rez regrou­per toutes les bandes pour l’uti­li­ser comme la compres­sion large bande, mais avec moins d’ef­fets indé­si­rables (notam­ment moins de pompage). Si la dyna­mique ne néces­site pas de contrôle complexe, utili­sez un compres­seur deux canaux clas­sique : vous obtien­drez un son décent et sans pompage.
  • Appor­tez la touche finale. Une fois que vous êtes satis­fait des trai­te­ments audio et consi­dé­rez que le titre est terminé, coupez le début et la fin du fichier. Ce faisant, ne coupez pas trop près de la forme d’onde : lais­sez au moins quelques dizaines de milli­se­condes « d’air » pour adou­cir la tran­si­tion entre le silence et la musique.

 

Volume sonore élevé sans compres­sion exces­sive

La dyna­mique joue un rôle impor­tant dans l’im­pact émotion­nel d’un morceau. Pour­tant, certains ingé­nieurs du son tuent la dyna­mique en compres­sant et en limi­tant à l’ex­cès pour la simple raison que « tout le monde fait comme ça » et parce qu’ils ne veulent pas que leurs morceaux sonnent moins fort que les produc­tions concur­rentes.

 

On me demande souvent de faire sonner un CD très fort, mais je ne supporte pas de détruire une bonne chan­son. Du coup, je me suis rabattu sur un compro­mis : j’es­saie de trou­ver un équi­libre entre la préser­va­tion d’une dyna­mique suffi­sante et un volume sonore permet­tant de concou­rir avec les produc­tions actuelles. En suivant ces tech­niques, votre morceau ne sonnera peut-être pas aussi fort que certains autres mais je parie que sa portée émotion­nelle sera supé­rieure auprès de ceux qui auront l’idée de monter un peu le volume d’écoute.

 

Suppri­mez les infra­basses. L’au­dio­nu­mé­rique permet d’en­re­gis­trer et de repro­duire l’éner­gie acous­tique située sous 20 Hz. Bien qu’in­au­dible, cette éner­gie consomme des réserves de gain. Vous pour­rez gagner jusqu’à 2 dB en suppri­mant simple­ment toutes les fréquences sous 20 Hz. D’autre part, si vous arri­vez à trou­ver et à trai­ter effi­ca­ce­ment les pistes indi­vi­duelles qui contri­buent au problème d’in­fra­basses pendant le mixage, vous évite­rez de devoir filtrer le morceau dans son ensemble au moment du maste­ring.

 

Suppri­mez la tension d’off­set. La tension d’off­set est aussi l’une des causes de la perte de réserve de gain parce que le niveau des crêtes posi­tives ou néga­tives est amoin­dri à hauteur du déca­lage (offset). En suppri­mant la tension d’off­set rési­duelle à l’aide de la fonc­tion « Remove DC Offset » présente dans la plupart des éditeurs audio et dans de nombreux séquen­ceurs hôtes (illus­tra­tion 4), on centre la forme d’onde sur 0 V. Ainsi, à réserve de gain iden­tique, on peut augmen­ter le niveau du signal.

 

Suppression de la tension d'offset dans Pro Tools

Ill. 4 : Pro Tools contient un plugin qui permet de suppri­mer la tension d’off­set. En d’autres termes, vous pouvez à présent trou­ver la fonc­tion de suppres­sion de la tension d’off­set dans un menu de votre appli­ca­tion audio­nu­mé­rique.



Soyez prudent avec le grave. L’oreille est assez peu sensible aux basses fréquences. Par consé­quent, ceux qui ont peu d’ex­pé­rience en mixage ou qui travaillent dans un lieu dont l’acous­tique n’est pas corri­gée ont souvent tendance à exagé­rer le grave. Ne lais­sez pas plus de grave que néces­saire afin de libé­rer de la réserve de gain pour les autres fréquences. Procé­dez comme suit pour créer l’illu­sion d’un grave plus impo­sant :

  1. Utili­sez un compres­seur multi­bande pour trai­ter unique­ment le grave. Les basses fréquences semble­ront sonner aussi fort mais consom­me­ront moins de réserve de gain.
  2. Essayez le plugin Waves Maxx­Bass (une version hard­ware est aussi dispo­nible) ou le proces­seur Aphex Big Bottom. Maxx­Bass isole la basse origi­nale du signal et génère des harmo­niques à partir d’elle ; le concept psycho-acous­tique repose sur le fait que notre cerveau « recons­ti­tue » le grave manquant à partir des harmo­niques supé­rieures. Le Big Bottom utilise un prin­cipe psycho-acous­tique diffé­rent mais tout aussi effi­cace pour accen­tuer le grave.

Pendant que vous mixez, trou­vez/écra­sez les crêtes qui amoin­drissent la réserve de gain. C’est le vrai « secret », mais il néces­site de bien comprendre la diffé­rence entre niveau crête et niveau moyen. Par exemple, consi­dé­rons un coup de batte­rie. Il contient une grosse décharge d’éner­gie initiale (la crête) suivie d’un déclin rapide et de la réduc­tion de l’am­pli­tude. Vous devrez régler le niveau d’en­re­gis­tre­ment suffi­sam­ment bas pour être sûr que l’at­taque n’est pas écrê­tée. Il en résulte une éner­gie crête rela­ti­ve­ment élevée mais une éner­gie moyenne plutôt faible.

 

Inver­se­ment, un accord tenu joué sur un orgue possède une éner­gie moyenne élevée. Étant donné qu’il n’y a quasi­ment pas de crête, vous pouvez régler le niveau d’en­re­gis­tre­ment de sorte que le sustain utilise la réserve de gain au maxi­mum.

 

Les morceaux eux-mêmes possèdent des passages avec des crêtes impor­tantes et d’autres avec une grande éner­gie moyenne. Suppo­sons que vous utili­siez un enre­gis­treur sur disque dur et lanciez la lecture de plusieurs pistes. L’af­fi­cheur de sortie stéréo commence à fluc­tuer. Vous remarque­rez peut-être qu’il indique parfois des niveaux ponc­tuels bien supé­rieurs à ceux du reste du morceau. Cela peut arri­ver quand plusieurs instru­ments ayant des crêtes pronon­cées jouent un accent en même temps ou si vous utili­sez un synthé avec un filtre très réso­nant. Si vous réglez les niveaux en fonc­tion de ces crêtes, vous rédui­rez le niveau moyen du morceau.

 

Vous pour­rez compen­ser cette baisse de niveau au moment du maste­ring avec un limi­teur ou un compres­seur qui atté­nuera les crêtes et permet­tra d’aug­men­ter le niveau moyen. Cepen­dant, si vous rédui­sez ces crêtes dès le mixage, vous obtien­drez un son beau­coup plus natu­rel car le trai­te­ment de la dyna­mique final sera plus léger.

 

Pour cela, pendant le mixage, lancez la lecture du morceau et cher­chez un endroit où les vu-mètres indiquent un niveau crête sensi­ble­ment plus haut que tous les autres. Bouclez autour de cette crête, puis, une par une, mutez les pistes indi­vi­duel­le­ment jusqu’à ce que vous trou­viez celle qui contri­bue le plus au signal. Par exemple, imagi­nons qu’un passage possède une crête à 0 dB. Vous mutez une piste et la crête n’at­teint plus que –2. Vous mutez une autre piste et la crête affi­chée est –1. Vous mutez une autre piste et la crête affi­chée atteint –7. Vous avez trouvé la piste qui délivre la plupart de l’éner­gie.

 

Zoomez dans la piste et utili­sez l’au­to­ma­tion ou des trai­te­ments audio pour créer une petite atté­nua­tion sur une région très étroite afin d’abais­ser le niveau de la crête de quelques dB. À présent, relan­cez la lecture du passage, véri­fiez qu’il sonne toujours aussi bien et surveillez les affi­cheurs. Dans notre exemple, la crête à 0 dB attein­dra main­te­nant disons –3 dB. Répé­tez cette tech­nique avec le reste du morceau pour atté­nuer les crêtes les plus impor­tantes. Après avoir ramené à –3 dB toutes les crêtes qui appro­chaient 0 dB, vous pour­rez monter le niveau global d’en­vi­ron 3 dB sans dépas­ser 0 dB. Vous aurez donc augmenté le niveau moyen du morceau de 3 dB sans utili­ser de compres­seur ni de limi­teur.

 

Si vous n’ar­ri­vez pas à régler un problème au mixage, essayez lors du maste­ring. Si un fichier audio 2 canaux possède des crêtes pronon­cées, utili­sez un éditeur audio­nu­mé­rique pour loca­li­ser les 10 à 20 crêtes les plus hautes du fichier. Par exemple, suppo­sons que le niveau du fichier ne dépasse jamais –5 dB sauf 12 fois en raison de 12 crêtes qui excèdent ce seuil. Vous pouvez sélec­tion­ner indi­vi­duel­le­ment les crêtes qui atteignent 0 et les norma­li­ser à –5 dB (illus­tra­tion 5).

 

Atténuation des crêtes dans WavelabIll. 5 : voici comment rabais­ser une crête exces­sive pour aligner son niveau sur celui des autres crêtes à l’aide de la fonc­tion de norma­li­sa­tion de Wave­lab.


 

Fina­le­ment, vous n’avez affecté le morceau en aucune façon, si ce n’est en rédui­sant le niveau de 12 crêtes. À présent, vous savez que vous pouvez augmen­ter le niveau global de 5 dB de sorte que le signal sonne beau­coup plus fort sans perte de dyna­mique ni appa­ri­tion d’ar­te­facts. Ensuite, en ajou­tant encore 2 ou 3 déci­bels de maxi­mi­sa­tion (illus­tra­tion 6) ou de compres­sion multi­bande, vous obtien­drez un volume encore plus élevé tout en conser­vant le « rendu » dyna­mique du fichier.

 

Maximisation du volume dans Sound Forge

Ill. 6 : le plugin Wave Hammer de Sony Sound Forge possède deux étages, l’un pour la compres­sion et l’autre pour la maxi­mi­sa­tion du volume. Cet exemple montre une réduc­tion de gain maxi­male de 2,9 dB.


 

À tous ceux qui s’ap­prêtent à faire des commen­taires du genre « il ne faut jamais norma­li­ser », « c’est une tech­nique tota­le­ment stupide », « pourquoi ne pas utili­ser un limi­teur », etc. : ne vous donnez pas cette peine, essayez et vous verrez, ça marche.

 

Trichez avec la réponse en fréquence. L’oreille humaine est plus sensible dans la bande de fréquences de 3 à 4 kHz. Par consé­quent, utili­sez un égali­seur pour ampli­fier légè­re­ment ces fréquences, tout spécia­le­ment lors des passages calmes du morceau. La musique gagnera en présence et sonnera plus fort. Mais soyez très prudent car on peut rapi­de­ment quit­ter l’ac­cen­tua­tion mini­male pour tomber dans l’agres­sion insup­por­table. Souvent, une ampli­fi­ca­tion de 1 dB sera déjà trop.

 

Envi­sa­gez de faire un second master pour la diffu­sion sur le web. En pratique, la compres­sion des données permet une dyna­mique raison­nable. Pour la diffu­sion de musique en strea­ming, la qualité audio étant déjà amoin­drie, il faut préser­ver suffi­sam­ment de dyna­mique pour permettre à la musique de sonner de façon un peu plus natu­relle. Si vous travaillez avec de l’au­dio publiée en strea­ming, essayez les tech­niques expo­sées ci-dessus pour éviter de compres­ser exagé­ré­ment. Vous consta­te­rez que la qualité sonore globale en profite. Le fait de créer deux masters diffé­rents n’est pas une idée nouvelle : les maisons de disques utili­saient souvent deux masters diffé­rents pour la diffu­sion sur vinyle ou cassette.

 

Si vous n’êtes toujours pas satis­fait…

Faites appel à un ingé­nieur de maste­ring profes­sion­nel sans oublier deux choses impor­tantes :

  • Four­nis­sez un mix brut à la réso­lu­tion la plus élevée possible (géné­ra­le­ment 24 bits/96 kHz), n’ajou­tez aucun trai­te­ment global (compres­seur, égali­seur, limi­teur, etc.) et ne coupez pas le début ni la fin du fichier car l’in­gé­nieur aura éven­tuel­le­ment besoin d’échan­tillon­ner un bruit de fond, un ronron­ne­ment ou un souffle présent dans le signal afin de pouvoir le suppri­mer.
  • Ne partez pas du prin­cipe que l’in­gé­nieur est bon. Écou­tez des exemples de son travail avant de vous enga­ger avec lui.

Le maste­ring est une partie très impor­tante du proces­sus de produc­tion. Ne vous mentez pas en pensant que vous pouvez faire un bon master si vous n’en êtes pas capable. Inver­se­ment, ne vous mentez pas non plus en pensant que vous serez inca­pable de faire un bon master. Tentez votre chance, essayez. Si tous ceux qui écoutent votre travail disent que le son est fantas­tique, consi­dé­rez-vous au moins comme un apprenti ingé­nieur de maste­ring.

 

Origi­nel­le­ment écrit en anglais par Craig Ander­ton et publié sur Harmony Central.

Traduit en français avec leur aimable auto­ri­sa­tion.


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