C’est en janvier dernier, au CES de Las Vegas, que Gibson nous envoyait le faire-part annonçant la naissance de leur nouvelle marque, Neat Microphones.
En effet Gibson Group, la marque avant tout bien connue dans le monde des instruments de musique, s’est récemment entourée de personnes d’influences dans le monde de l’audio pour se lancer dans le marché du micro. Avec dans ses rangs Skipper Wise et Martin Saulespurens (les deux créateurs de Blue Microphones), de Ken Niles (directeur de la création chez Blue) et de Marty Wolf (manager général de Blue), Gibson s’offre l’expérience d’une équipe de réputation qualitative et innovante.
Alors, avec la force de frappe d’un grand groupe comme Gibson et une équipe aussi éclairée, Neat Microphones peut se vanter de pouvoir voir loin et de vouloir faire avancer le petit monde du microphone. Prix attractifs, designs originaux, caractère et qualité sont les fers de lance de la marque. C’est donc peu dire que le petit Neat a de l’ambition.
C’est pourquoi nous attendions avec une grande impatience au studio Montmartre Recording les premiers micros de la marque qui buzz, ceux de leur étonnante série d’abeilles de combat — King Bee et Worker Bee — pour les passer au test. Vendus respectivement 349 € et 219 €, nul doute que Neat tente de frapper un grand coup et essaye de venir se placer d’entrée de jeu sur le marché très concurrentiel des micros statiques premiers prix. La question étant : retrouverons nous le savoir-faire, la qualité, le caractère et le sérieux qui accompagnait les produits Blue Microphones, pour un si petit prix ?
Déballage et point tech
Commençons par le packaging, parce que c’est indéniable, il fait son petit effet. Le King Bee et le Worker Bee nous ont été livrés dans leur boite en plastique transparente, façon ruche, qui annonce la couleur. L’impression « nid d’abeille » sur le plastique qui protège la boite, la notice d’utilisation en forme d’alvéole, l’apiculteur imprimé sur chaque boite qui indique le modèle du micro… Tout est fait pour rappeler l’univers de Maya l’Abeille. Jusqu’à la petite figurine en vinyle, censée représenter le Roi et l’Ouvrière, présente dans chaque boite (en tout cas elles ont fait le bonheur de ma fille…). La carte est jouée à bloc ! Si Neat explique que tous les matériaux sont recyclés et écocompatibles, il n’empêche qu’il se dégage une sensation de savoir-faire et de qualité du conditionnement (et du marketing !) des micros. S’il faut se démarquer de la concurrence, Neat commence dès l’emballage.
Passons aux micros, d’un point de vue construction. Peu de différences entre le King Bee (le roi) et le Worker Bee (l’ouvrière), si ce n’est la taille et le poids : 216 × 76 mm / 785 g pour le King, contre 152 × 76 mm / 446 g pour le petit frère Worker.
Dans une base carrée et arborant une robe à rayures noires et jaunes, le corps des micros Neat nous a semblé très robuste, du lourd, un vrai char d’assaut. Il est donc monté d’une capsule large diaphragme de 34 mm pour le King et d’une capsule moyen diaphragme de 24 mm pour le Worker. Pour tous les micros « à capsule externe », nous sommes toujours soucieux de la solidité de la liaison entre le corps et la capsule. Ici, le petit cou de liaison nous a semblé très résistant et costaud. Aucun switch ou pad sur le micro.
Mais alors que dire de ce design si ce n’est qu’il est unique et qu’il en réjouira certains comme il en consternera d’autres. La marque là encore joue à fond la carte Maya l’Abeille, mais la finition plastique noire et jaune du micro nous a quand même donné un peu l’impression d’un jouet… pas très sérieux. Ajoutez à cela un filtre anti-pop externe alvéolé nommé « Honeycomb » en forme nid d’abeille, adaptable en un clic à la capsule du micro, et une suspension nommée « Beekeeper » (apiculteur en français) noire et jaune, on y est complètement !
Enfin, préparez-vous : se lancer dans la lecture de la documentation fournie avec les micros Neat, c’est un peu se mettre dans la peau d’un apiculteur. À fond dans son délire, la marque use et abuse du vocabulaire et des références sur « la mouche à miel ». On doit avouer que le coup marketing est plutôt bien fait et plutôt sympa. Sur le papier Neat donne les spécifications suivantes :
Le King Bee est un microphone électrostatique à condensateur avec une électronique discrète en classe A, à large diaphragme et directivité cardioïde, déstiné aux prises de son de voix, batteries, guitares, pianos, instruments à vent…
- Capsule à condensateur de 34 mm avec polarisation externe
- Réponse en fréquence : 16 Hz – 20kHz
- Sensibilité : 26 mV/Pa @ 1kHz (1 Pa = 96 dB SPL)
- Impédance de sortie : 150 Ohms
- Impédance de charge : 1k Ohms
- SPL max : 140dB SPL
- Rapport signal/bruit : 89 dB-A
- Niveau de bruit : 6 dB-A
- Plage dynamique : 134 dB
- Sortie symétrisée par transformateur
- Fonctionne sous alimentation fantôme 48V
Le Worker Bee est un microphone électrostatique à condensateur avec une électronique discrète en classe A, à moyen diaphragme et directivité cardioïde, qui pourra d’avantage supporter de hauts niveaux de pression sonore. Ce qui le destinera plutôt aux prises de son de cuivres, d’amplis de guitare, de batteries ou des enregistrements live, mais il pourra aussi servir avec des voix, des guitares acoustiques…
- Capsule à condensateur de 24 mm avec polarisation permanente (plaque de charge fixe à l’arrière)
- Réponse en fréquence : 20 Hz – 20 kHz
- Sensibilité : 19 mV/Pa @ 1kHz (1 Pa = 96 dB SPL)
- Impédance de sortie : 50 Ohms
- Impédance de charge : 1 k Ohms
- SPL max : 145 dB SPL
- Rapport signal/bruit : 79 dB-A
- Niveau de bruit : 9.5 dB-A
- Plage dynamique : 135.5 dB
- Sortie symétrisée par transformateur
- Fonctionne sous alimentation fantôme 48V
Il est à noter que chaque microphone Neat a son propre numéro de série unique. Ne le jetez pas, Neat promet, grâce à ce numéro, des cadeaux aux heureux possesseurs de Bees dans l’avenir !
Test
Pas évident de trouver au studio des micros à comparer aux Bees. Tout simplement parce que chez Montmartre Recording, nous n’avons pas de statiques si bon marché dans notre parc micro ! Nous avons donc choisi de donner ici plutôt à titre d’exemple des enregistrements de micros de référence approchant les caractéristiques des microphones Neat : l’AKG C414 XLII (micro statique large membrane qui coûte autour de 1000 € neuf) et le Neumann KM184 (micro statique petite membrane, autour de 600 € neuf).
Les micros sont tous préamplifiés via un préampli API 3124 puis sont convertis par un Aurora 16 de Lynx Technology. Les gains ont été ajustés, pour une comparaison à niveau sonore égal.
Guitare Acoustique Gibson Doves in Flight Custom Shop 1997
- Guitare Acoustique NEAT WORKER BEE 00:21
- Guitare Acoustique NEAT KING BEE 00:21
- Guitare Acoustique AKG C414 00:21
- Guitare Acoustique NEUMANN KM184 00:21
C’est étonnant. Nous avons préféré le son du Worker Bee sur cette prise de guitare acoustique. Le King Bee nous a semblé nous donner un son assez généreux et brouillon dans le bas du spectre. Un bas qui bave un peu et rend le son global un peu mou et presque voilé. À l’inverse, avec plus de haut médium et un bas assez moelleux qui ne bave pas, le Worker nous a semblé plus clair, plus précis, mais aussi plus serré. Finalement, si le son du King est incontestablement plus doux que celui du Worker, il nous a semblé que le caractère et la précision de l’Ouvrière s’adaptait mieux à la guitare acoustique.
À titre de comparaison, le C414 nous donne un son plus équilibré et plus fidèle, avec plus d’aigus (4–5 KHz) et un bas du spectre moins envahissant et plus précis. C’est probablement le micro que nous avons préféré sur cette prise. Le KM 184 donne, lui, incontestablement plus d’extrêmes aigus (10 KHz et plus). Il est brillant, un peu plus pauvre et creusé, avec moins de corps, mais le son est défini. En fait le KM met surtout en valeur les transitoires plutôt que le corps du son.
Guitare Electrique Gretsch Tennesse / Ampli Vox AC30 hw1 2007
- Guitare Electrique NEAT WORKER BEE 00:21
- Guitare Electrique NEAT KING BEE 00:21
- Guitare Electrique AKG C414 00:21
- Guitare Electrique NEUMANN KM184 00:21
Même si ce n’est pas son domaine d’application, le King Bee nous a un peu déçus. Il conserve son côté un peu baveux dans le bas du spectre. Surtout, ne favorisant pas le rendu des transitoires, il nous donne un son assez mou et ramassé avec un côté presque voilé qui manque de présence et de dynamique. Le Worker Bee, lui, est ici plus incisif, plus percussif. Même s’il nous a semblé un peu étriqué, nous avons été sensibles à son caractère plus tranché et à son rendu assez proche, dans l’idée en tout cas, du C414. Une bonne application pour le plus petit des micros Neat.
Le C414 donc, plus équilibré avec plus de bas médium et un son plus plein, s’adapte assez bien à la prise de guitare électrique. Il amène une couleur bien marquée et un caractère presque rock. Rien à voir avec le KM qui est bien trop sec et plein d’aigus au-dessus des 10 KHz. Inadapté.
Flûte
- Flute NEAT WORKER BEE 00:22
- Flute NEAT KING BEE 00:22
- Flute AKG C414 00:22
- Flute NEUMANN KM184 00:22
Étonnant le rendu du King Bee. Un son presque naturellement compressé, un peu sombre, mais punchy. Si le rendu est quelque peu adouci grâce à un bas assez juste, on a la sensation de plus de puissance. Même si un certain manque d’aigu ternit légèrement le son global, nous avons aimé la prise qui s’en trouve assez colorée. Le Worker Bee n’est pas ici à son avantage. Plus dur, sans relief, un peu agressif et plat ; le rendu global petit et étriqué du micro sur cette prise ne nous a pas du tout convaincus.
Le C414 quant à lui nous semblé pas si loin du King Bee. Coloré avec du style et du caractère, il est quand même plus précis et plus brillant que le micro Neat. Mais la meilleure utilisation est sans conteste le KM. Bien équilibré, bien précis, très fidèle avec un haut médium flatteur et un très bon rendu de la dynamique de l’instrument, c’est le micro que nous avons préféré pour cette prise.

Voix
- Voix NEAT WORKER BEE 00:18
- Voix NEAT KING BEE 00:18
- Voix AKG C414 00:18
- Voix NEUMANN KM184 00:18
La grosse déception pour le King Bee. Nous l’attendions ici et ce n’est malheureusement pas concluant de notre point de vue. Avec un son très creusé, il nous a semblé bien trop chimique, presque acide. Pas du tout naturel, le rendu nous paraît bien trop artificiel pour une prise de son de voix correcte. De son côté, si le Worker nous a semblé un peu moins artificiel que son grand frère, nous avons eu une sensation assez semblable, avec un peu plus d’aigu (8 KHz). Il est à noter également que l’anti-pop externe Honeycomb fourni nous a semblé un peu léger, pas très efficace. C’est le point noir de notre test : les micros Neat ne nous semblent pas vraiment adaptés à la prise de voix en studio.
À titre de comparaison, le C414 et le KM ont un rendu beaucoup plus naturel, plus équilibré, plus fidèle (même si le bas médium trop imposant du C414 lui confère un côté voilé, terne, presque bouché).
Caisse Claire
- Caisse Claire NEAT WORKER BEE 00:08
- Caisse Claire NEAT KING BEE 00:08
- Caisse Claire AKG C414 00:08
- Caisse Claire NEUMANN KM184 00:08
Étonnant là aussi ! Le son du King Bee est très au-dessus des autres micros. Il sonne plein, avec une bonne attaque, comme s’il était déjà compressé et traité. Le grave est agréable avec de bons harmoniques. Un bon domaine d’application pour ce micro. Chez le Worker Bee, on retrouve cette sensation de compression avec une bonne attaque. Mais le rendu global nous a semblé trop sec et sans relief (manque de bas du spectre ?).
Le C414 et le KM sont ici diamétralement opposés. Un son mat, sans aigus, sombre, sans harmoniques ni résonance pour le micro AKG. Un son très clair, avec uniquement les harmoniques de la caisse et aucun bas pour le micro de chez Neumann.
Conclusion
On ne pourra pas enlever un certain mérite à la série d’abeilles de chez Neat, celui de jouer la carte du fun et du look : ils ne laisseront personne indifférent. Mais il ne faut pas se voiler la face, à moins de 350 € pour un micro statique large membrane, on ne peut pas s’attendre à jouer dans la cour des grands micros de studio. Alors, si les micros Neat nous ont parfois déçus, ils ont également su nous étonner pour certaines applications. Peut-être moins polyvalents qu’un micro 4 fois plus cher, ils trouveront sans aucun doute leur place en appoint sur des grosses installations. Alors, en attendant peut-être l’arrivée prochaine de la Reine des abeilles (?!), au studio Montmartre Recording nous garderons un œil intéressé sur les prochains produits de la marque qui buzzzzzz !
Worker Bee : 3/5
King Bee : 2/5
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