Cette année au NAMM, Keeley Electronics a présenté sa nouvelle gamme de pédales Workstation, avec des modèles combinant les fonctionnalités de diverses machines de la marque en une seule. Bien que récemment sorties, les Workstation ne sont disponibles qu'en faibles quantités mais nous avons eu la chance de mettre la main sur un exemplaire de la Mod Workstation.
La Mod Workstation est un multi-effet analogique disposant de trois sections indépendantes : « Mod » avec ses huit modulations différentes, « Drive » qui offre deux types d’overdrives, et « Drive/Boost » qui propose au choix un clean boost (boost du volume en son clair) ou un troisième type d’overdrive. Avec en prime la possibilité d’utiliser les trois sections ensemble ou séparément, ce véritable couteau suisse est très prometteur sur le papier.
Petit, mais costaud
Avec des mensurations d’environ 11,5 cm de largeur et 9 cm de profondeur, la Mod Workstation est étonnamment compacte lorsque l’on prend en compte tout ce qu’elle contient. L’adaptateur n’est pas inclus (bouuuh !), mais un adaptateur 9V standard fera l’affaire.
En plus des traditionnelles entrée et sortie au format jack 6,35, la pédale dispose aussi d’un jack d’insert permettant de créer une boucle d’effets entre les sections modulation et drive de la machine à l’aide d’un câble d’insert standard (non fourni). Un dernier jack offre quant à lui une entrée dédiée à un footswitch Tap Tempo (footswitch non fourni là non plus).
Les contrôles de chaque section sont bien disposés et clairs, aucune confusion n’est possible. Chaque section d’effet dispose d’ailleurs de son propre interrupteur marche/arrêt.
La section Mod possède un sélecteur rotatif à huit positions pour choisir le type de modulation, ainsi que des contrôles Depth (profondeur), Rate (taux de modulation) et Morph (que l’on détaillera un peu plus loin).
Le sélecteur à huit positions est petit (il fait la même taille que les autres réglages), et je l’aurais pour ma part préféré un peu plus gros. Si vous devez le régler sur une scène mal éclairée, il faudra y aller à tâtons. Heureusement, chaque position s’enclenche de façon bien perceptible, ce qui permet (en comptant les enclenchements) de s’y retrouver. À sa gauche se trouve l’indicateur du contrôle de taux (Rate) de l’effet de modulation, et une LED qui clignote en rythme avec la vitesse de l’effet.
Les modulations proposées sont les suivantes : Tremolo, Harmonic Tremolo, Filter, Phaser, ADT, Chorus/Vibrato, Flanger et Rotary. Le bouton Morph permet de contrôler divers paramètres selon les différents effets. Par exemple, la forme d’onde du trémolo, la forme du LFO du filtre, le contrôle du Feedback du Phaser et du Flanger, et ainsi de suite. Bien que Keeley ne propose pas de manuel, une fiche cartonnée imprimée décrit les rôles des différents contrôles au recto et propose au verso un tableau montrant ce que chaque bouton (et notamment le potard Morph) contrôle selon l’effet de modulation sélectionné (les sons seront détaillés plus loin).
La section suivante est explicitement baptisée « Drive » et met à votre disposition le circuit et la plupart des contrôles de l’overdrive Oxblood de Keeley. Les boutons de volume, saturation et tonalité ainsi que l’interrupteur « Phat/Normal » sont bien là, il ne manque que l’interrupteur « Clipping » de l’Oxblood d’origine. Le mode Phat offre, quant à lui, un boost des basses fréquences qui rend la distorsion encore plus chaude.
La dernière section de cette Mod Workstation est nommée Drive/Boost. Elle vous permet de choisir entre le boost clair Katana (cela fait des années que Keeley inclut ce circuit dans nombre de pédales), et « 1962 » qui procure le son de l’overdrive à sonorité british 1962 de la marque. Encore une fois, cette section dispose de contrôles de volume, tonalité et saturation, bien qu’ici les deux derniers ne fonctionnent qu’en mode 1962 (pas avec le boost Katana, qui ne dispose donc que du bouton de volume).
À la Mod de chez nous
De façon générale, la qualité sonore de la Mod Workstation est excellente. Commençons par les effets de modulation.
Tremolo : le trémolo sonne excellemment bien, et tout particulièrement lorsque la forme d’onde triangulaire est sélectionnée à l’aide du bouton rotatif Morph comme dans cet exemple :
Pour cet exemple-ci, j’ai sélectionné la forme d’onde carrée via le bouton Morph et ajouté de la distorsion à l’aide à la fois des circuits Drive et Drive/Boost de la pédale :
Mode Harmonic Tremolo : semblable aux vibratos harmoniques de certains amplis vintage Fender des années 60 comme le Tremolux, ce mode ressemble à un mélange entre un trémolo et un phase shifter. C’est un effet très sympa, avec un son plus en relief qu’un trémolo standard. Dans ce mode, le bouton Morph tient le rôle de réglage de tonalité, et dans ce premier exemple sonore il est poussé à fond :
Dans celui-ci, il est aux environs de la moitié et le mode Harmonic Tremolo est accompagné des drives Oxblood et 1962 :
Filter : je n’ai pas réussi à tirer tellement de sons intéressants de ce mode. Plutôt que la profondeur de l’effet, le contrôle Depth ajuste la largeur de bande (le fameux « Q ») du signal, et le bouton Morph permet de passer d’un filtre aléatoire à une wah à oscillation. Dans ce dernier cas, la wah ne réagit pas aux notes comme le ferait une auto-wah classique, mais se contente d’ouvrir ou fermer le signal à la vitesse indiquée par le réglage. Si cela se trouve coïncider avec une note, tant mieux, sinon la note ne sera pas affectée par l’effet wah… J’aurais largement préféré une auto-wah des plus classiques. Voici une tentative d’obtenir un effet wah-wah :
Phaser : j’aime bien l’effet Phaser de cette pédale. Il sonne doux et est plutôt polyvalent. On peut choisir entre un phase shifter standard et un phase shifter agrémenté d’un signal réinjecté (ou feedback) pour des sonorités plus complexes. Dans ce premier exemple, le réglage du feedback est à fond :
Dans celui-ci, le phaser est réglé pour être plus lent, le réglage de profondeur est particulièrement élevé et le feedback plus bas :
ADT : diminutif d’Automatic Double Tracking, cet effet imite le célèbre invention de Ken Townsend pour les Beatles lorsqu’ils enregistraient aux studios EMI au milieu des années 60. La version de Keeley fonctionne à partir d’une combinaison de délai et de variation du pitch. J’ai réussi à en tirer des sons très sympas, pas si loin de ceux d’une guitare à 12 cordes. Seul problème : j’ai été obligé de régler le pitch et le temps de délai au plus bas pour éviter que ma guitare ne paraisse désaccordée. Du coup, l’étendue des réglages vraiment utilisables s’en trouve diminuée… Mais cet effet sonne tout de même bien. Exemple avec une guitare à la tonalité augmentée de deux demi-tons :
Chorus/Vibrato : deux effets en un qui peuvent être utilisés ensemble ou séparément par l’intermédiaire du contrôle Morph. Dans cet exemple, j’ai sélectionné le chorus, et j’y ai ajouté une grosse distorsion à l’aide des overdrives Oxblood et 1962 :
Voici un exemple en son plus clair montrant le Vibrato avec la profondeur d’effet réglée au plus haut et le boost Katana activé :
Flanger : sur cet effet, le réglage Morph permet d’obtenir un flanger sans feedback, avec feedback négatif, ou encore avec feedback positif, ainsi que des solutions intermédiaires. J’aime beaucoup le son de cette modulation dont les sonorités semblent plus « contrôlées » que d’autres flangers. Le « whoosh » typique de l’effet reste plutôt subtil, même à des réglages poussés. Dans le premier des deux exemples qui suivent, le feedback est désactivé et l’overdrive Oxblood est utilisée pour saturer le son :
Dans ce second exemple, le feedback est réglé sur négatif pour une rythmique funky :
Rotary : dernier type de modulation proposé, le mode Rotary utilise le bouton Morph pour offrir le choix entre la trompe et le tambour de la Leslie virtuelle. On obtient là une émulation de Leslie convaincante et facile à régler. Sur le plan sonore, voici ce que ça donne :
Pendant ce temps, au Drive-in…
Vous avez certes déjà pu avoir un petit aperçu de quelques distorsions et overdrives dans les exemples précédents, mais maintenant concentrons-nous spécifiquement sur ces saturations. Les sections Drive et Drive/Boost vous proposent de quoi créer une large palette de sons distordus en tous genres, des overdrives crunchy aux fuzz extrêmes.
La section Drive, avec le circuit d’overdrive de l’Oxblood, procure une distorsion vraiment chaude surtout avec le switch Phat (boost des basses) activé. Le boost Katana (qui fait partie de la section Boost/Drive) fonctionne bien en conjonction avec l’Oxblood. Dans l’exemple sonore qui suit, le boost est d’abord éteint puis activé lors de la répétition de la phrase musicale, puis à nouveau éteint lors de la première itération de la seconde phrase, puis à nouveau activé. Vous pouvez ainsi entendre comment le boost permet d’élever encore le niveau de distorsion :
Exemple d’overdrive crunchy avec l’Oxblood en mode Normal et la section Drive/Boost en mode Boost :
L’overdrive 1962 de la section Drive/Boost procure une distorsion « marshallesque », et peut se montrer utile seule ou accompagnée de l’Oxblood. La voici toute seule, avec le gain réglé aux alentours des 3/4 :
Dans ce dernier exemple, la 1962 est associée à l’Oxblood en mode Phat, pour un son « high gain ». Écoutez le feedback ainsi créé par la note tenue à la fin de l’extrait :
Conclusion
Pour 379 €, la Mod Workstation est un multi-effet analogique de grande qualité sonore et extrêmement polyvalent. Malgré une taille limitée, il propose un large éventail de modulations, plus un boost, une overdrive et une distorsion, le tout dans un seul boîtier. Je n’ai, pour ma part, pas grand-chose à redire, si ce n’est concernant l’absence d’adaptateur secteur fourni et les difficultés d’utilisation de la wah oscillante. J’aurais préféré que Keeley propose une auto-wah plus standard qui suit la dynamique et répond de façon efficace à votre jeu.
Même s’il est vrai qu’elle est loin d’être donnée, cette machine reste bon marché lorsque vous faites le compte du nombre de pédales d’effet individuelles qu’elle permet de remplacer. Et ceci, sans même parler du fait qu’elle sonne particulièrement bien.