Réalisateur de banques orchestrales haut de gamme, l’éditeur Project SAM propose avec Orchestral Essential un produit plus accessible. Cette accessibilité est-elle rendue possible au détriment de son intérêt pour le compositeur ? Réponses.
À l’heure où les rachats ou l’adossement à un fabricant de matériel semblent inéluctables (les exemples sont innombrables et réguliers, voir le récent rachat de SONiVOX par le groupe détenant Numark, Akai, etc.), et sans nécessairement préjuger du futur des logiciels ainsi acquis (après tout, Cubase, Sonar, Pro Tools et autres ont l’air de bien se porter…), il est plaisant de constater que des éditeurs dits « petits » sont toujours présents, indépendants, et créateurs de productions intéressantes.
Ainsi, et on l’a déjà évoqué dans les divers bancs d’essai consacrés aux banques ou instruments orchestraux, derrière les gros mastodontes du genre, East West et VSL, de nombreux « petits » éditeurs proposent des solutions souvent d’excellente facture, voire directement concurrentes des productions qui disposent de plus d’impact et/ou qui ont mieux compris et intégré les éléments marketing. Que ce soit Orchestral Tools ou Wallander, pour rester dans le contexte. Ou encore Project SAM qui, depuis la sortie de ses SAM Horns (en 2002 si ma mémoire est bonne), propose des bibliothèques totalement dédiées à la musique de film et de jeux vidéo, comme les séries True Strike et Symphobia. À cet effet, l’équipe derrière le nom a construit ses banques suivant les mêmes principes : prise de son selon divers placements, recherche de l’ergonomie et de la jouabilité, proposition d’articulations et d’effets rarement rencontrés et constitution d’ensembles pratiques et cohérents avec la pratique de l’écriture orchestrale. Les ensembles Legato sont aussi une spécialité maison, permettant l’écriture très rapide de phrasés réalistes.
Aujourd’hui, l’éditeur nous présente Orchestral Essentials, une bibliothèque financièrement plus abordable que ses aînées (plus de 2000 euros pour les deux Symphobia, par exemple), comportant nécessairement moins de samples, moins d’articulations, moins d’instruments. Que nous propose donc Project SAM pour les 415 euros demandés ?
Introducing Project SAM Orchestral Essentials
L’éditeur propose la bibliothèque en téléchargement, ou sur DVD. Le premier mode utilise le SAM Installer (conçu par Continuata, le même que celui de SoundIron par exemple) et installe sur le disque dur cinq fichiers .rar (un peu moins de 7 Go en tout) qui seront automatiquement décompressés à l’emplacement choisi. La banque est fournie pour Kontakt 5 (Kontakt Player gratuit ou la version complète), est compatible Mac et PC (Mac OS 10.6 et Windows 7 minimum) et est au format natif de Native Instruments, le NCW (les 7 Go correspondent à 12 Go selon l’éditeur). L’éditeur offre un bonus téléchargeable, consistant en sept Instruments et cinq Multis. Petit truc amusant, les Bonus ont été créés avec une version de Kontakt inférieure à celle utilisée pour le reste des programmes. On peut donc supposer qu’ils ont été mis de côté dès le départ, comme futur cadeau, les autres ayant été remaniés jusqu’au dernier moment.
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Les échantillons sont en résolution et fréquence 24 bits/44,1 kHz, et l’on ne dispose d’une seule prise stéréo par instrument là où les banques aînées proposent deux choix (Concert Stage et Close Mic). La banque est reconnue dans l’onglet Libraries de Kontakt via les procédures habituelles.
La bibliothèque offre deux catégories, Instruments et Multis. La première est divisée en huit sous-catégories, Full Orchestra, Strings, Brass, Woodwinds, Percussion, Keyboards & Harp, Sound Design et Bonus Instruments. La seconde propose 26 Multis, ensembles préconfigurés regroupant divers instruments répartis sur le clavier, par zones séparées ou se recouvrant les unes les autres, voire un mélange des deux.
Multis, du prêt à jouer
Simplement classés par ordre alphabétique, les Multis n’ont que leur nom pour donner une idée du type d’ambiance, du contexte musical et scénaristique qu’ils sont censés générer ou accompagner, ce qui est dommage. Car si certains noms peuvent être assez évidents à décrypter, d’autres sont plus abscons. Mais rien n’empêche après écoute de se faire sa propre classification dans des dossiers appropriés.
Bien conçus, les Multis utilisent quelques contrôles comme la molette qui font parfois regretter ne pas avoir une troisième main… Bien sûr, ces programmes sont prévus pour fonctionner immédiatement dans un contexte donné, et il ne faudra pas en attendre le raffinement que l’on peut obtenir en utilisant les instruments séparés ; mais la programmation est intelligemment faite, et les idées peuvent venir très vite, quitte à être retouchées après coup.
De A Haunting à War Ends, en passant par Arrakeen Moon, Dracula Strides, Mass Effect, etc., le son est là, et les seules limites seront celles consécutives au mapping d’un contrôleur commun à toutes les zones (comme les crescendo sur la Mod Wheel par exemple), ou des volumes que l’on pourrait souhaiter différents. Mais ce serait oublier que l’on peut accéder à tous les paramètres des programmes constituants un Multi, à l’exception des scripts et de l’extraction d’échantillons, ce qui laisse donc d’énormes possibilités de resynthèse, de commandes via contrôleurs (avec la routine simple et efficace de Kontakt) pour régler chaque Multi (et Instrument par la même occasion) à sa main. La visualisation via code couleur sur le clavier virtuel de Kontakt aide à situer les tessitures des différentes couches, et parfois, le point de séparation des layers est indiqué dans le nom du programme. Seul réel reproche, les arpégiateurs inclus dans certains programmes sont trop mécaniques, et auraient mérité un script ou une programmation plus fine, moins répétitives.
Voici quelques exemples d’ambiances possibles, parfois en allant à l’encontre de ce que le nom peut suggérer.De A Haunting à War Ends, en passant par Arrakeen Moon, Dracula Strides, Mass Effect, etc., le son est là, et les seules limites seront celles consécutives au mapping d’un contrôleur commun à toutes les zones (comme les crescendo sur la Mod Wheel par exemple), ou des volumes que l’on pourrait souhaiter différents. Mais ce serait oublier que l’on peut accéder à tous les paramètres des programmes constituants un Multi, à l’exception des scripts et de l’extraction d’échantillons, ce qui laisse donc d’énormes possibilités de resynthèse, de commandes via contrôleurs (avec la routine simple et efficace de Kontakt) pour régler chaque Multi (et Instrument par la même occasion) à sa main. La visualisation via code couleur sur le clavier virtuel de Kontakt aide à situer les tessitures des différentes couches, et parfois, le point de séparation des layers est indiqué dans le nom du programme. Seul réel reproche, les arpégiateurs inclus dans certains programmes sont trop mécaniques, et auraient mérité un script ou une programmation plus fine, moins répétitives.
Instruments, commandes et ergonomie
Profitant des possibilités de Kontakt, l’interface graphique des instruments reprend le principe multionglet. Son principe ton sur ton de vert ne garantit pas forcément une grand lisibilité de loin ou suivant les conditions d’éclairage. On bénéficie donc d’une fenêtre Main, regroupant selon les instruments différents contrôles : Enhanced (ajout de sons percussifs sur l’instrument chargé, que l’on peut activer via KeySwitch), le bouton permettant de sélectionner Velocity ou ModWheel pour le passage d’un layer de vélocité à l’autre, un dosage de réverbe (convolution, dont on récupèrera l’IR Large Concert Hall en faisant une sauvegarde de préset pour utilisation avec d’autres banques…) même si les échantillons ont été enregistrés dans une salle de concert (celle de l’IR ?), dosage du limiteur intégré et deux rotatifs pour l’attaque et le relâchement d’une enveloppe disponible dans Settings.
L’onglet Settings, qui n’est pas systématiquement présent, ce qui fera passer dans la fenêtre Main certains paramètres ici disponibles, offre l’activation des Release Trails (résonances à l’arrêt des notes telles qu’enregistrées dans la salle de concert), d’un Octaver (rajoute une octave au-dessus ou en dessous, en allant chercher l’instrument correct si nécessaire et non pas une simple transposition qui ferait sortir l’instrument doublé de sa tessiture) et une activation ou non du script de Round Robin. On retrouve ici l’enveloppe complète ADSR et un réglage de durée des Release Tails.
L’onglet EQ présente les trois Gain de chaque bande, que l’on pourra régler précisément en mode Edit ; il s’agit de l’EQ3, que l’on aurait pu souhaiter paramétrer selon les fréquences importantes de chaque type d’instrument plutôt que de façon globale. L’onglet EQ regroupe quatre effets, compression, délai, filtre (celui du Pro53, un 24dB/oct. résonant) et un Stereo Mod que je déconseillerai d’utiliser pour éviter des problèmes de phase.
Les néophytes (et les autres aussi, d’ailleurs) remercieront l’éditeur pour le dernier onglet, Seating, présentant de façon graphique et textuelle les instruments utilisés et non-utilisés, ainsi que ceux activés par le bouton Enhanced. Une façon simple et efficace de comprendre les familles orchestrales et de les entendre.
Du plus grand au plus petit
On commence par les orchestres, dont plusieurs versions mettent plus ou moins en avant certains pupitres, selon le type de climat sonore (Action, Suspense, etc.) ou de jeu (Long Chords, Short Chords) désirés. Voici quelques exemples d’accords proposés.
On notera la propreté des bouclages, quasi inaudibles. Les pêches orchestrales sont classiques, mais de qualité et proposées avec Round Robin. Bien sûr on ne dispose pas ici de tous les accords valables dans les banques plus onéreuses de l’éditeur.
Voici un exemple de jeu sur le programme Action, avec et sans Enhanced. On entend clairement l’ajout de percus et piano ainsi que le Round Robin mettant plus en avant les cuivres.
Passons aux Strings, offrant quatre articulations (on trouvera sur le site de l’éditeur le .pdf des instruments disponibles) ainsi que des effets et un programme Legato Violins with Flutes.
Voici quelques exemples des articulations et effets.
Quand l’option est disponible, on entendra les effets de l’Octaver, du passage d’un layer à l’autre via la molette de modulation. Comme sur les précédents exemples, le son est d’excellente qualité, les articulations très propres. On entend la salle, l’archet, le son est « vivant ». Même si les programmes ne sont pas nombreux par rapport à des banques plus chères, de l’éditeur ou de la concurrence, ils n’en sont pas moins soigneusement programmés et richement dotés. Les Pizzicato par exemple, offrent cinq échantillons par touche, là où VSL n’en offre que deux.
Les effets sont très bons, on aimerait simplement en avoir plus…
Passons aux Brass, offrant trois ensembles, un Legato et trois instruments solo. On connait la qualité des Orchestral Brass qui ont fait la réputation de l’éditeur, nul doute que ces cuivres seront à la hauteur.
Des graves du tuba aux aigus de la trompette, l’équilibre sonore est très bon, les forte claquent et la progressivité dynamique, qu’elle soit effectuée via la vélocité ou la molette est impeccable, même s’il faut un temps d’habitude pour gérer les legato.
Place aux instruments solo.
N’étant proposés qu’en articulation Sustain, ils sont du coup un peu frustrants. Difficile de faire autre chose que de longues tenues, l’attaque douce empêchant tout phrasé incisif. On regrette la trop grande brillance de la trompette et parfois quelques petits bruits, ainsi qu’un comportement peu réaliste de la réverbération sur les passages d’une vélocité à l’autre, et, à l’inverse, le son trop doux du French Horn à vélocité ou molette maximum. Mais ces Solo seront néanmoins les bienvenus pour doubler la voix la plus haute d’une section, et par le jeu sur leur dynamique, pourront donner une vie supplémentaire à la partie. L’exercice n’est bien entendu pas limité à la banque de Project SAM, bien au contraire. Attention cependant au nombre de voix utilisées, on monte très rapidement en polyphonie avec les résonances, tails, etc.
Du vent et de la frappe
On continue avec les vents, deux articulations, et de très belles sonorités, notamment dans les graves où les contrebassons et clarinettes basses sont bien définis. On entendra à la fin de l’exemple l’échantillon de relâchement arrivant après la bataille ; il faudra donc prendre soin de penser à désactiver la fonction quand on souhaite aller jusqu’à l’extinction naturelle de la note.
On notera sur le programme Legato Flutes with Clarinet, le léger décrochage survenant au niveau du pan, les notes aiguës passant d’un canal à l’autre de façon peu naturelle.
L’éditeur fournit aussi plusieurs phrasés d’une belle Ethnic Flute, qui nous permet aussi d’entendre la salle dans sa durée. Le dernier programme est une flûte jouée Staccato et Overblown (l’over-blowing permettant d’aller chercher des harmoniques supérieures à la note réellement jouée). La qualité du son fait une fois de plus regretter de ne pas avoir toutes les articulations…
Les percussions sont très réussies, que ce soit le kit orchestral, comprenant bass drums aux snares (avec roulement et version sans timbre, merci), des wind chimes aux piatti, etc. ou aux percussions mélodiques, tout sonne.
Les timbales sont impressionnantes de dynamique, les xylo, glockenspiel et celesta tranchent dans la masse orchestrale sans problème. On salue aussi la présence d’un Japanese Kit, d’un ensemble de Djembes (leur contenu en graves est impressionnant…) et de nombreux effets de percussion particulièrement appropriés. La bonne idée de l’éditeur est de les avoir proposés en prise de proximité (à l’exception des effets), ce qui permet de les utiliser dans de nombreux contextes.
Et les effets sont somptueux (dont les cymbales à l’archet caractéristiques de l’éditeur).
La bibliothèque offre aussi quelques claviers, comme un Piano Mystique, que l’on utilisera de préférence en notes posées, dans des ambiances à la Thomas Newman, par exemple. Que l’éditeur ait prévu l’octaver dans ce programme en dit d’ailleurs long sur le type d’utilisation du piano. Un réglage Pedal s’ajoute à ceux de la page Main, afin de régler le volume des sons de cette dernière.
Sont aussi conviés une harpe, un clavecin et un orgue d’église qui pourront rendre divers services, même si pour ce dernier on ne dispose que d’un seul son et d’une tessiture limitée (pas de pédalier, par exemple, on manque cruellement de graves…).
La dernière famille, Sound Design, reprend des éléments de Dystopia, ce que l’éditeur appelle son « Dark Side ». On trouve là toutes sortes d’effets indispensables aux productions sonores d’aujourd’hui, où le moindre changement de plan est accompagné d’un wooosh, où un couteau qui tombe par terre fait résonner 10 tonnes d’acier, etc. On peut discuter de la pertinence en fiction ou documentaire de ce type de son, mais quand on en a besoin, ceux proposés par Project SAM font parfaitement l’affaire. Voici un bref aperçu de quelques sons proposés dans cette catégorie.
Bilan
Assurément positif. La qualité sonore place cette bibliothèque assurément à côté des meilleures, et la propreté, le soin apporté à la réalisation, à la programmation sont quasiment sans aucun reproche. Il faudra simplement surveiller la polyphonie, vu le principe de sons avec réverbe naturelle et release trails.
Loin d’être une « petite » banque (le prix est quand même au-dessus de 400 euros, rappelons-le), Orchestral Essentials peut se revendiquer comme un produit qui, d’abord, porte bien son nom, et ensuite permet de l’excellent travail, dans le genre dans lequel il se place : pas question de quintet à cordes, de formation de chambre ici, mais, en revanche, en ce qui concerne les trailers, les jeux vidéo, les pubs ou les musiques à l’image à petit budget (pléonasme ?), la bibliothèque est bien dans son élément. En fait, le seul reproche qu’on pourrait vraiment lui faire, c’est qu’elle donne envie d’aller immédiatement effectuer l’upgrade vers ses aînées…
En tout cas, un outil bien conçu, qui sonne, qui répond à son cahier des charges, qui se suffit à lui-même dans certains contextes, et qui sera un complément fort bien venu pour d’autres banques orchestrales. Bravo Project SAM.