Complétant la gamme orchestrale de Sonokinetic, Da Capo représente la vision de l’éditeur d’un orchestre multi-échantillonné. Loin des mastodontes sur plusieurs centaines de Go, quels sont les avantages et défauts de cette «petite» bibliothèque ?
Comme les nombreux tests et forum sur Audiofanzine le montrent, il est rare qu’un mois passe sans que les éditeurs de banques orchestrales et assimilées ne se fassent entendre. Cela va des instruments individuels aux sections complètes, d’un genre musical à une approche pratique différente, avec une nette tendance à l’hypertrophie des contenus. Certains éditeurs livrent maintenant leurs bibliothèques directement sur disques durs, même si ces derniers ne font la plupart du temps qu’office de copies de sauvegarde, leurs caractéristiques ne les rendant pas viables pour une utilisation intensive (faibles cache et vitesses de rotation). D’autres, la majorité, ont décidé de s’affranchir du support physique une bonne fois pour toutes, et font appel à des installeurs Java, ou fournissent des liens directs, ce qui suppose de la part de l’acheteur, vous et moi, une connexion haut débit, stable, sous peine d’attendre des jours avant de pouvoir bénéficier des banques achetées.
En ces temps de gigantisme, il est donc plutôt rare de découvrir un produit ne dépassant pas la barre des 10 Go (comme quoi on s’habitue vite, c’était la taille du plus gros DD valable en 2000 sur un G4…) et proposant un orchestre complet, avec une approche globale par famille plutôt que par instrument ou section (même si l’on verra que l’organisation en section est plus ou moins adoptée). On peut certes penser à Garritan Personal Orchestra, qui adopte lui une configuration par instrument très complète, le tout contenu dans 3,5 Go d’échantillons. Ou à l’Orchestral Essentials de Project SAM, bien sûr, il ne faut pas en attendre les possibilités et le réalisme d’une VSL, d’une banque East West ou des récentes Adagio de 8DIO. Et c’est dans cette famille de « petites » bibliothèques orchestrales qu’aujourd’hui Sonokinetic nous propose un orchestre (quasi) complet avec Da Capo.
Introducing Sonokinetic Da Capo
Encore une fois, l’instrument sera à télécharger chez l’éditeur, pour la somme de 363 euros (299,99 euros plus la TVA), même si l’éditeur a depuis peu mis en place la possibilité de commander la(les) bibliothèque(s) sur clé USB (25 euros par clé de 32 Go, TVA à rajouter). Un petit mot pour saluer l’initiative, même si payante, car tout acheteur potentiel ne dispose pas forcément d’une connexion stable en haut débit pour se permettre d’acquérir les dernières nouveautés (principalement l’intrumentarium classique, toujours frappé de plus de gigantisme) par ce seul biais ; c’est pourtant une tendance forte, avec peut-être un peu trop d’avance quant à la réalité de la mise en place du réseau mondial. Fin de la parenthèse.
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La bibliothèque est conçue pour Kontakt en version complète seulement, et regroupe plus de 32 000 échantillons protégés par watermarking (16 000 par résolution 16 et 24 bits/44.1 kHz). Cette répartition en 16 et 24 bits renseigne véritablement sur le poids de la bibliothèque, l’orchestre complet étant donc contenu dans respectivement 2,5 ou 5,5 Go en ayant subi la compression de données de Native. Les grosses configurations profiteront du 24 bits, les autres du 16, merci Sonokinetic. Les compatibilités sont celles de l’échantillonneur de Native Instruments (Mac, PC, standalone, plug-ins, etc.). Da Capo offre cinq programmes, les mêmes pour chacune des deux résolutions, All Sections (comme son nom l’indique), Brass, Percussion, Strings et Woodwinds, l’éditeur ayant fait appel pour enregistrer chaque section à 56 cordes, huit cuivres, 10 bois et deux percussionnistes.
Cohérence sonore
Laissons de côté le programme All Sections, le principe de regrouper tout l’orchestre dans un seul préset offrant moins de souplesse que celui d’ouvrir toutes les sections séparément. Saluons d’abord l’originalité de l’interface graphique qui, après une première surprise (l’interface oscille entre papier peint 70‘s et logo olympique, et bouscule nos habitudes d’une représentation symbolique d’un instrument ou d’un orchestre, Sonokinetic ayant d’ailleurs lui-même placé les ombres chinoises de musiciens dans Vivace), se révèle être très claire et bien conçue, sachant que le modèle mis en place pour une section se retrouvera dans la suivante. Afin d’être cohérent avec le reste de sa gamme (l’éditeur propose d’ailleurs ses trois produits orchestraux, Vivace, Da Capo et Tutti sous forme de bundle), Sonokinetic propose tout d’abord deux diapasons, à 440 et à 442 Hz. Ensuite, les instruments sont enregistrés selon quatre positions de microphones, Close (à ne pas utiliser seule à mon avis), Decca, Wide et Balcony, soit une de plus que Vivace et Tutti (Close). La salle de concert, le Cinematic Orchestral Hall de la ville de Zlin en République tchèque (on peut en voir une photo extérieure sur le site de son architecte, Eva Jiřičná), est la même d’une bibliothèque à l’autre, assurant ainsi la plus grande cohérence sonore possible. Ainsi que les mêmes possibles défauts : la position Wide dans Vivace montrait un évident problème de hors phase, hors phase d’ailleurs assez présent sur d’autres configurations, il faudra bien entendu y prêter attention ici.
L’accès à ces positions de micros est rapide et très ergonomique, via un gros bouton d’activation et un fader vertical de volume. On peut donc activer toutes les positions simultanément et effectuer une balance personnalisée. Tout à fait à droite, l’éditeur a inclus l’activation d’une réponse impulsionnelle de la salle de concert, avec réglage de volume circulaire et modification de la taille (Size) par fader vertical. Enfin, un clic sur le nom du programme le réinitialisera. Ces réglages sont communs à toutes les sections. Concernant les échantillons, leur nombre et variété, un petit coup d’œil dans l’éditeur de Group de Kontakt (et une vérification à l’oreille…) montre que l’éditeur a implémenté jusqu’à cinq échantillons de Round Robin (évitant ainsi le phénomène mitraillette lors de la répétition d’une même note), que les Sustain sont bouclés et que le legato des programmes en disposant est effectué grâce à des échantillons réels (et le script adéquat). Un petit reproche, sous forme de suggestion : Sonokinetic devrait inclure concernant cette partie précise (micros activés, leur volume et les paramètres de l’IR) une sauvegarde de présets afin de pouvoir les charger directement dans les autres sections, ce qui ferait gagner un certain temps.
Premier de cordes
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Commençons par les Strings. Au centre de l’interface, on trouvera la représentation graphique des sous-sections, ici violons, altos, violoncelles et contrebasses (ailleurs, Hi, Mid, Lo, etc., on y reviendra), ainsi que les différentes articulations prévues. Pour activer une section, on clique sur le bouton rond central cerclé de deux réglages (l’un pour le panoramique, l’autre pour le volume) afin de faire passer le symbole d’orange à jaune. Les différentes sections peuvent donc être utilisées ou non au sein d’un préset, ce qui permettra d’en ouvrir plusieurs afin de profiter des différentes articulations. Celles-ci, pour les Strings, sont Staccato, Marcato, Pizzicato, Sustain et Legato Sustain. À noter : on ne pourra utiliser une articulation différente par type d’instrument/sous-section (Strings et autres instruments), ce n’est possible que dans le programme All Sections.
Un paramètre important à surveiller va être la polyphonie : en effet, vu le principe de chevauchement (voir illustration), une note jouée pourra déclencher de une à quatre notes en réalité. Et plus encore à chaque activation de position de micros : un simple accord de quatre notes peut donc déclencher 84 notes, par exemple, sachant qu’il y aura une pointe du double (soit 168 notes…) au moment du relâchement (pour cause d’échantillons du même nom). On notera aussi que les notes les plus graves font entendre les contrebasses à l’octave inférieure, ce qui procure le gros son, mais laisse moins de souplesse. Et il manque quand même pas mal de notes dans les octaves supérieures (une octave et une tierce, si l’on se réfère à une tessiture confortable, car on peut monter bien plus haut). Voici un exemple d’accord pour chacune des positions micro, dans l’ordre Close, Decca, Wide et Balcony.
On l’entend, Wide et Balcony ont tendance à être un peu trop « larges ». Il faudra faire attention lors de leur utilisation, quitte à resserrer un peu. Puis le même exemple (continué) avec un mélange des quatre prises, la gestion de la dynamique s’effectuant via la molette de modulation.
Le son est beau, mais les release semblent trop courts. On utilisera alors l’IR fournie pour laisser le son « résonner » dans la salle (en prenant soin de ne pas trop en mettre, toujours pour les mêmes raisons). On prendra soin de sauvegarder dans le préset en ouvrant l’éditeur de Kontakt, afin de pouvoir réutiliser l’IR avec d’autres sons que ceux de Da Capo (pour lier les sons de DC avec ceux d’une autre bibliothèque, par exemple). Mais attention, l’IR est très « large »…
Voici un exemple de sons staccato et le même en marcato, la dynamique dépendant cette fois de la vélocité (voir encadré).
La bibliothèque offre un Legato polyphonique, permettant théoriquement de jouer en accords, disponible pour toutes les cordes, les Hi Brass et les Mid Woodwinds. Cela fonctionne bien, mais il faudra arpéger légèrement (très rapidement, donc) les notes afin qu’il n’y ait pas de décrochage et faire attention aux superpositions au sein d’un même pupitre.
On regrette le fait que la pédale de sustain ne fonctionne pas. Pour l’instant (voir encadré).
Cuivres, bois et peaux
Continuons avec les Woodwinds. Cette fois, les instruments sont regroupés dans trois catégories, Hi, Mid et Lo. Là encore, les divers instruments se chevauchent, on jettera un coup d’œil à la capture d’écran pour plus d’informations. Disons cependant que le programme est constitué de clarinette basse, bassons, clarinettes et flûtes, qu’une octave et une tierce (dans les graves) regroupent clarinette basse et une partie des bassons et que les trois flûtes seront seules dans les aigus, sur une octave et une quinte. Les articulations sont cette fois au nombre de trois, Staccato, Sustain et Sustain Legato. L’exemple suivant les fait toutes entendre, usant pour cela de trois programmes ouverts dans une même instance de Kontakt, sur trois canaux Midi différents.
Là encore, belles sonorités, Staccato efficaces et évitant les répétitions dans la limite des cinq échantillons de Round Robin, une section plutôt réussie, même s’il manque à notre goût les hautbois et cors anglais, pour cette sonorité plus tranchante, incisive, nasale. Les flûtes aiguës montrent parfois une panoramisation mouvante, les notes plus aiguës/fortes semblant provenir d’une place différente. Et puis il y a parfois trop de souffle, comme le laisse entendre cette partie, mais rien qui ne soit perfectible via une bonne EQ.
Place aux cuivres. On remarque tout de suite l’absence des trompettes, l’éditeur privilégiant trombones (ténor et basse), tubas et cors d’harmonie. Si l’impact des sons graves en staccato ou marcato est saisissant, l’impression est relativement gâchée par un relâchement trop présent et « cuivré » sur les marcato et sustain, de même que ces derniers souffrent d’un triangle trop présent dans les modifications de dynamique via la molette. Et les french horns manquent de « moelleux », de rondeur dans le son. Dommage.
Certains Round Robin donnent aussi un résultat peu naturel.
Peut-être la section la moins réussie des quatre, en ce sens qu’elle ne permettra pas la finesse des autres, limitée à des cuivres puissants. On finit par les percussions, regroupant sans fioritures les principales, à savoir grosse caisse, caisse claire, piatti et toms de concert, avec échantillons main droite/main gauche quand justifiés. En voici quelques exemples, avec de belles grosses caisses et timbales.
Bilan
On a bien compris la destination première de cette bibliothèque : fournir des sonorités orchestrales par section regroupées, permettant de coucher très rapidement des idées de façon convaincante, avec un son et des ambiances sonores de très bonne qualité. Le concept limitera donc cette banque à ce style de travail, mais elle le fera très bien. On n’oubliera cependant pas de vérifier la phase, de surveiller la polyphonie (devient très vite gourmand en CPU et RAM dès qu’on empile les notes), et l’on regrettera la moins bonne qualité des cuivres ainsi que l’absence de certains instruments. Les reproches fonctionnels (pédale de sustain, gestion de la dynamique via molette, etc.) étant corrigés via l’arrivée imminente de l’update 1.2, on n’en tiendra pas compte. L’implémentation desdites fonctions a été vérifiée, j’ai reçu l’update (une bêta finale) au moment de la rédaction de cette conclusion. Il conviendra cependant de vérifier que tout fonctionne correctement lors de la parution officielle de ce dernier. Sonokinetic continue avec réussite son approche de l’orchestre virtuel, loin de celle des mastodontes du genre, en offrant aux moins fortunés d’entre nous une solution qui, si elle n’est pas aussi détaillée et riche de possibilités de raffinement et programmation (on pourrait souhaiter des trémolos ou des trilles, par exemple), n’en reste pas moins efficace dans le contexte de la maquette de très bonne qualité, voire plus avec deux/trois astuces, ou si on l’intègre à d’autres bibliothèques. Un très bon rapport qualité/prix.
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