La marque britannique Spitfire Audio a récemment sorti un nouvel opus de la série Albion. « Albion Colossus » est présentée comme une banque de sons destinée aux productions musicales massives et hybrides. Faites chauffer les faders !
Présentation
Spitfire Audio est une marque que l’on ne présente plus. L’éditeur est devenu un leader sur le marché des banques de sons, principalement orchestrales. Si ce dernier possède une large bibliothèque de banques dédiées à des groupes d’instruments spécifiques, la série Albion s’est toujours démarquée par la diversité et richesse de son contenu. Les différentes banques sorties dans cette collection regroupent à chaque fois un ensemble d’instruments orchestraux en plus d’instruments électroniques. Ainsi, bien que la série Albion soit considérée comme généraliste, chaque numéro de la collection possède une couleur bien singulière. L’Albion Colossus est présentée par Spitfire Audio comme une bibliothèque faite pour le « gros son » ou pour des styles de composition mixant à la fois des instruments orchestraux, des sons rock et des textures synthétiques. Si la marque possède une belle collection d’instruments électroniques, il est vrai qu’une banque explicitement dédiée au travail des compositions « coup de poing » pouvait manquer.
Ce nouveau numéro de la collection Albion marque aussi un pas qui fera débat pour de nombreux utilisateurs. Depuis quelques années, Spitfire Audio utilise de manière de plus en plus exclusive son propre lecteur. Le Colossus est donc le premier de la série Albion à se passer du traditionnel Kontakt de Native Instruments.
L’installation réclame environ 110 Go sur le SSD (les disques durs mécaniques sont à éviter). La version disponible au moment de ce test est la 1.0.7, compatible PC et MAC, M1/M2 y compris. L’interface du lecteur maison de Spitfire Audio garde son ergonomie habituelle qui bénéficie, entre autres, d’une bonne visibilité et d’une prise en main quasi immédiate pour les nouveaux venus. Cependant, on remarque immédiatement une nouveauté, et pas des moindres : la présence de deux contrôleurs supplémentaires ! En effet, en règle générale, on retrouve deux faders dédiés au contrôle de l’expression (CC11) ainsi que de la modulation (CC1). Il est vrai que sur les banques orchestrales, on a aussi tendance à utiliser une automation supplémentaire (CC21 chez l’éditeur britannique) pour gérer le vibrato lorsque cela est possible. Ici, si ces deux incontournables contrôleurs sont bien présents, on voit également apparaître un premier nouveau venu nommé « SCALE » qui va permettre de passer du son d’un orchestre de chambre à un format symphonique. Le second s’appelle « DEPTH » et permet de travailler sur la position des microphones qui captent le son. Les équipes de Spitfire Audio ont donc enregistré deux orchestres distincts. L’orchestre de chambre compte 42 musiciens quand l’orchestre symphonique en compte 111. Les deux orchestres ont été enregistrés aux Clockworks Studios (Glasgow Royal Concert Hall) dans deux lieux différents : New Auditorium et le Royal Concert Hall.
L’éditeur a également rajouté divers réglages permettant de contrôler le son. On retrouve ainsi des potentiomètres notés HYPE, TIMING, RELEASE, FILTER, COMPRESS et REVERB. C’est probablement le premier réglage qui sera le plus sympa à utiliser au quotidien. Ce dernier permet d’ajouter un ensemble de traitements préparés en amont par Spitfire Audio sur le son d’origine. Nous le verrons dans les exemples audios, mais il s’agit essentiellement de saturer et gonfler le son.
Albion Colossus est donc une banque généraliste qui se divise en différentes sections de la manière suivante :
- Les cordes graves : format chambre 0,0,0,4,3 et format symphonique 0,0,0,12,10
- Les cordes aiguës : format chambre 8,6,4,0,0 et format symphonique 16,14,12,0,0
- Les cuivres : 1 tuba et 2 Euphonium pour l’orchestre de chambre et 6 trombones, 2 trombones basses, 6 trombones contrebasses, 2 tubas et 3 cimbassos
- Les cors français : 3 pour le format chambre et 8 pour l’orchestre symphonique
- Les vents : 1 hautbois, 1 clarinette basse, 1 clarinette contrebasse, 1 contrabasson pour l’orchestre de chambre et 3 hautbois, 2 clarinettes basses, 2 clarinettes contrebasses, 1 contrebasson, 1 sax ténor et 1 sax contrebasse pour le format symphonique
- Les flûtes : au format chambre on retrouve 1 flûte, 1 flûte alto, 1 flûte basse et 6 flûtes, 3 flûtes altos et 1 flûte basse pour l’orchestre symphonique
- Piccolos : 2 ou 3 piccolos selon le format
- Percussions : une collection de percussions orchestrales dont un Glockenspiel et un vibraphone
- Batterie acoustique : une batterie acoustique brute ou traitée
- Des guitares électriques : 3 ou 6 guitares saturées enregistrées dans les deux salles du studio
- Des batteries électroniques
- Une section dédiée aux synthétiseurs (basses, drones, pads, lead, claviers)
Il est à noter que toute la partie électronique a été élaborée en collaboration avec l’artiste Snake of Russia.
En ce qui concerne la liste des articulations, celle-ci n’est pas exceptionnellement longue mais permet de couvrir les usages les plus courants lorsque l’on compose dans un style hybride. On dispose bien entendu des indispensables articulations legato et longs mais aussi d’une collection de « Hairpins », crescendo, tremolo, sul tasto et sul pont pour les articulations longues. Spitfire Audio a également eu la délicatesse d’intégrer son célèbre flautando pour les passages plus doux. Bien entendu, les principales articulations courtes sont bien là : spiccatissimo, spiccato, staccato, marcato, pizzicato, bartok pizzicato, col legno ou encore jete.
L’éditeur a par ailleurs décidé de diviser la liste de ces articulations en deux catégories pour les articulations longues et deux autres pour les courtes. Probablement pour optimiser les temps de chargement et libérer un peu de mémoire vive. En revanche, il est toujours possible de personnaliser ses patchs en y intégrant les articulations de son choix.
Le prix de vente de l’Albion Colossus est de 449 euros, ce qui représente un investissement. Je vous propose dorénavant d’en écouter quelques extraits.
Monte un peu le gain !
Commençons, comme la tradition le veut, par écouter les différents pupitres de cordes que propose l’Albion Colossus :
- 1 – Low Strings – Longs – DYN + SCALE – DEPTH 10000:26
- 2 – Low Strings – Longs – DYN + SCALE – DEPTH 000:26
- 3 – Low Strings – Longs – SCALE 0 – DEPTH 000:26
- 4 – Low Strings – Longs – SCALE 100 – DEPTH 000:26
- 5 – Low Strings – Legato00:19
- 6 – Low Strings – Spiccato – HYPE variations00:22
- 7 – Low + high strings avec Spiccato – Legato – Hairpin00:22
- 8 – Low + High Strings – Tremolo – Spiccato + Variations DYN et SCALE – HYPE 5000:24
La première impression est plutôt bonne. Les cordes graves ont de la personnalité et du grain. Par défaut les contrôleurs de modulation (DYN) et SCALE sont liés l’un à l’autre. On passe ainsi en temps réel d’un format chambre à un format orchestral tout en travaillant sur le paramètre de modulation. Il est cependant possible de délier ces deux contrôleurs, tout comme il est possible de lier le contrôleur SCALE à celui de l’expression ou de la modulation. En revanche, il ne semble pas possible de fixer des valeurs minimales et maximales à ces deux nouveaux contrôleurs lorsqu’on les utilise en binômes. C’est un peu dommage car cela permettrait un peu plus de flexibilité. Enfin, il est dommage de ne pas avoir la main sur le vibrato, ce dernier est fixe.
Par ailleurs, les spiccatos des cordes graves sont vraiment excellents et en poussant le potentiomètre HYPE on se retrouve avec un son, qui à défaut de satisfaire les puristes, fera des miracles sur des compositions qui nécessitent du punch. Si l’effet produit par le réglage HYPE est tout à fait reproductible avec des plugins tiers, il est tout de même confortable de l’avoir à disposition immédiate dans la banque. On gagne du temps au moment de la composition et techniquement on ne travaille que sur une seule automatisation. Ce n’est pas révolutionnaire mais c’est très bien assorti avec les sonorités visées par cet Albion Colossus.
Voici maintenant quelques extraits des sections de vents et de cuivres :
- 9 – Brass – Variations HYPE – DYN – SCALE – DEPTH00:38
- 10 – Brass – Legato avec Variations EXP – DYN – SCALE – DEPTH00:35
- 11 – Brass – Staccatissimo HYPE 0 puis HYPE 10000:25
- 12 – Brass – Harpin Long – DYN 100 – SCALE 100 – DEPTH 10000:36
- 13 – French Horns – Long00:34
- 14 – French Horns – Legato HYPE 0 puis HYPE 10000:38
- 15 – Woodwinds – Legato01:07
- 16 – Woodwinds – Spiccatissimo00:16
- 17 – Flutes – Legato00:19
- 18 – Flutes – Harpin Long00:39
- 19 – Piccolo – Legato – HYPE progressif00:16
- 20 – Piccolo – Spiccatissimo – HYPE progressif00:18
Les cuivres sont généreux et tout à fait appropriés pour des compositions épiques. On pourrait y voir un côté légèrement synthétique à certains moments, mais encore une fois, il faut replacer l’Albion Colossus dans un contexte qui n’est pas celui de la composition orchestrale traditionnelle. La plage dynamique est finalement assez large et il sera possible de travailler sur des ambiances plus délicates (exemple 13). Les vents se sont révélés faciles à jouer avec encore une fois une couleur intéressante pour des productions généreuses. Le réglage HYPE sur les piccolos promet de belles expérimentations.
La partie dédiée aux percussions est bien fournie mais ce sont les patchs un peu plus expérimentaux et électroniques qui permettent à cet Albion Colossus de se démarquer et de venir compléter de manière pertinente sa collection de banques de sons :
- 21 – Altered Drumkits – HYPE progressif00:17
- 22 – Altered Drumkits – Future Hybrid Kit – DYN SCALE DEPTH HYPE Progressifs00:17
En jouant sur les différents contrôleurs, il est possible d’obtenir énormément de textures sonores différentes sans changer de kit. C’est très inspirant !
Voici maintenant un extrait faisant sonner les guitares :
Seules des guitares saturées sont disponibles, ce qui fait sens avec l’esprit de cette banque. Le son est quelque peu caricatural et on ne va pas utiliser l’Albion Colossus pour rejouer un solo de Santana. En revanche, cette texture un peu grossière et chimique sera idéale sur des compositions hydrides dans lesquelles on recherche souvent des guitares agressives capables de se mélanger facilement avec des ambiances orchestrales et électroniques. Par ailleurs, Spitfire Audio a enregistré des effets de dive bombs et des ghost notes, ce qui devrait en inspirer plus d’un.
Voici quelques exemples pour la partie dédiée aux synthétiseurs :
- 24 – Synths – Bald Teeth00:19
- 25 – Synths – Black Panels00:19
- 26 – Synths – Summon00:32
- 27 – Synths – Wraith00:20
Cette section se veut complète vis-à-vis des types de sonorités disponibles et permet de répondre aux usages courants. En revanche, si les différents contrôleurs permettent de modeler les dizaines de sons, il est dommage de ne pas avoir proposé une interface un peu plus poussée permettant d’agir plus en profondeur sur les réglages. Néanmoins, cette approche plus épurée sera idéale pour travailler vite tout en ayant quelque chose qui sonne sans trop d’efforts.
Un dernier extrait vous permet d’entendre l’amplitude de la réverbe intégrée :
Enfin, il est dommage que l’éditeur n’ait pas intégré une section dédiée aux voix, ce qui aurait fait sens dans un contexte de musiques « épiques ».
Pas de charge rapide chez Spitfire Audio ?
Pour terminer ce test, quelques mots sur l’aspect purement technique m’ont semblé indispensables. Le plugin maison de Spitfire Audio s’est montré tout à fait stable, aussi bien sur la machine principale de ce test que sur un MacBook Air M1. L’unique problème rencontré, sur les deux machines, a concerné les temps de chargement. Ces derniers sont longs, ou du moins, plus longs que sur d’autres banques de la marque et qui utilisent ce même lecteur.
Enfin, la consommation en RAM reste généreuse, mais tout à fait dans la moyenne des produits équivalents chez Spitfire Audio ou chez la concurrence.
En conclusion
Avec l’Albion Colossus, Spitfire Audio propose une banque qui, si elle ne révolutionne par le genre, offre une alternative intéressante à la féroce concurrence sur ce créneau. La prise en main est facile et les nouveaux contrôleurs permettent de travailler efficacement les textures des instruments. Ces derniers sont nombreux et d’une qualité globalement très bonne. En revanche, ce nouvel opus n’a pas été pensé pour l’écriture de parties orchestrales ultra réalistes. C’est quelque chose qu’il faudra garder à l’esprit au moment d’investir les 449 euros demandés par Spitfire Audio