Comment donner une impression d’unité et de réalité quand on utilise plusieurs banques orchestrales ? Une des premières solutions est peut-être d’utiliser un processeur permettant de placer les différents instruments dans un espace « virtuel réel », selon leur place dans la réalité. Enter VirtualSoundStage 2.
La réussite d’un mockup orchestral, c’est-à-dire une composition mise en sons via des sonorités orchestrales virtuelles, qu’il s’agisse de bibliothèques à base d’échantillons, d’instruments utilisant la modélisation ou parfois de logiciels faisant appel aux deux techniques, tient en plusieurs facteurs. Deux parmi les plus importants : d’abord, la qualité de l’écriture et de l’orchestration, s’il s’agit d’un original, ou de la fidélité à l’œuvre d’origine dans la restitution des pupitres, divisi, timbres et diverses articulations. Puis dans la réussite de la reproduction de l’espace occupé par l’orchestre, ainsi que de la simulation de sa propagation sonore et des rapports des pupitres entre eux.
Plus la banque est riche/souple, plus grande est la facilité à reproduire un phrasé. Cela dépendra bien sûr du portefeuille de l’exécutant, tant les solutions virtuelles complètes sont chères, mais il est plutôt conseillé, pour éviter de se retrouver, par exemple, avec des pupitres de violons dépassant la centaine d’instrumentistes, d’aller piocher ici et là les différentes sections constituant les voix afin de créer du « mouvement », de la richesse qui manque parfois quand on ne prend les instruments qu’au sein d’une seule banque d’un même éditeur.
Mais cette richesse pourra de fait créer de la disparité, un manque de cohésion sonore, notamment au niveau des environnements dans lesquels les banques auront été enregistrées. L’éditeur VSL a résolu son problème en enregistrant toutes ses bibliothèques dans un Silent Stage spécifiquement conçu, n’apportant quasi aucune réverbération. Puis il a réalisé quelques années plus tard MIR Pro, un processeur de réverbération à convolution dédié, permettant entre autres options de placer les instrumentistes à la position dans l’orchestre de leur pupitre, bouger celle du chef, du spectateur, choisir différentes salles. L’adéquation entre la réverbe et les instruments de l’éditeur est idéale, mais ne répond pas forcément aux attentes lorsque l’on est utilisateur de produits d’autres éditeurs, et son tarif ne la met pas non plus à la portée de tout le monde. On trouvera le test de sa cadette, MIR Pro 24 ici.
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D’autres éditeurs comme Audioease ont proposé pendant un temps des présets simulant la position des instruments de l’orchestre pour leur Altiverb, tout comme EastWest avec la QL Spaces et l’on peut aussi simuler des positionnements avec des processeurs comme le Panorama de Wave Arts ou encore avec des réverbes « true stereo » comme les VSS de TC Electronic, la Breverb2 d’Overloud, etc. L’Ircam Spat v3 semble lui aussi particulièrement approprié pour ce type de traitements, mais ne l’ayant pas testé, je n’en dirai rien de plus.
Et puis déboule un petit éditeur, Parallax-Audio (tellement petit qu’il n’est constitué que d’un seul homme, Gabriel Heinrich), et son produit VirtualSoundStage 2.0 (abrégé en VSS2.0 pour continuer, attention de ne pas confondre avec les TC…), censé remédier à ces problèmes de localisation et d’harmonisation des espaces sonores, et offrir les réponses aux questions posées. Voyons ça.
Introducing Parallax-Audio VirtualSoundStage 2.0
Évidemment, qui dit V2.0, dit V1… VSS1.0 est sorti fin 2012, a bien existé quelque temps, mais n’est plus disponible. Ses fonctions semblaient beaucoup plus limitées que celles de la V2.0, ceci dit sans pouvoir le vérifier, puisque n’ayant jamais eu le logiciel entre les mains. Un upgrade existe pour les possesseurs de cette première version.
Son successeur est disponible uniquement sur le site de l’éditeur, VirtualSoundStage 2.0 est proposé sous la forme de plug-ins AU, VST et AAX, pour Mac (à partir de 10.7) et Windows (à partir de Win7), en versions 32 et 64 bits. Pas de version autonome, mais l’on verra plus tard pourquoi.
On choisira la version Lite à 129 dollars (sans la TVA, qui est obligatoirement appliquée depuis le 1er janvier 2015, même depuis les pays non membres de l’U.E., ce qui promet un sacré b, hein, mais non j’l’ai pas dit…) ou la version Pro à 229 dollars (sans la TVA, qui est o…). Les deux se distinguent par le nombre d’espaces et de configurations de microphones offertes, on y revient.
Aucun problème d’installation, on récupère un KeyFile lors de l’achat vers lequel il suffit ensuite de pointer lors de la première ouverture. On prendra simplement soin de faire une copie de sauvegarde dudit KeyFile sur un support externe. On peut aussi vérifier que les présets de VSS2.0 sont à jour, l’éditeur promettant des nouvelles livraisons régulières (on verra plus tard à quoi correspondent ces présets).
De quoi s’agit-il-ce ?
Selon son concepteur, VSS2.0 est un logiciel qui simule une pièce et toutes ses premières réflexions (les plus importantes pour la localisation d’une source) à quelque endroit que l’on se trouve, au sein duquel on viendra placer autant d’instruments que désirés, selon des présets établis par rapport à un certain nombre de banques orchestrales du commerce ou en fonction de ses envies et/ou outils orchestraux habituels. Ces instruments exciteront les pièces modélisées par l’éditeur, et seront dotés des premières réflexions censées se produire à l’endroit précis où on les a placés.
Un premier avertissement : VSS2.0 n’est pas une réverbe complète, mais bien une chose hybride, entre un multi-panner et une demi-réverbe sophistiquée traitant les éléments fondamentaux associés à la localisation précise d’un son (et l’on sait comme cette fonction oreille/cerveau est sensible et peut être très facilement perturbée).
Le principe d’utilisation est simple : on ouvre VSS2.0 sur une piste stéréo dotée d’un fichier audio ou d’un instrument virtuel, on sélectionne un préset ou l’on effectue ses propres réglages, et l’on pourra modifier ceux-ci par tranche active et de façon globale, sachant que chaque modification affectant le fonctionnement global est répercutée à toutes les VSS2.0 individuelles. Le logiciel est articulé autour de quatre sous-fenêtres : celle, centrale, permettant de visualiser la pièce choisie, avec possibilité de zoomer, de se déplacer, etc. (en cela très proche de MIR). Celle placée tout à gauche, affichant toutes les VSS2.0 ouvertes dans le projet, avec leurs nom, code couleur et leurs boutons respectifs d’activation, Solo et Mute. La fenêtre inférieure offre tous les réglages individuels, celle placée à droite tous les réglages globaux.
Une fois l’effet inséré, on détermine la pièce dans laquelle l’orchestre, le groupe seront censés être placés. La version Pro offre neuf salles, deux Concert Halls, deux Scoring Stages, un Studio, une Chamber, un Opera, une Church et une Cathedral. Les dimensions de la salle et de la scène sont indiquées, et plus important, les temps de réverbe (RT, normalement le temps que met la réverbe à diminuer de 60 dB), et ceux de pré-délai. Ces deux derniers seront très importants lorsque l’on rajoutera le logiciel (en Bus, de préférence) dédié à la queue de réverbe ; peu importe qu’il soit algorithmique ou à convolution, l’important étant d’arriver à atténuer voire faire disparaître les premières réflexions (ce sont celles de la VSS2.0 qui importent) et n’utiliser que la tail de la deuxième réverbe, en prenant soin d’effectuer une transition en douceur.
En application
La mise en œuvre est assez simple : une fois l’effet inséré sur la tranche, on effectue une première vérification de la qualité du signal grâce au module Input Offset, qui permet d’ajuster la différence de niveau et l’éventuel décalage entre les deux canaux afin de disposer d’un signal proprement centré. Gain et Delay permettent la manœuvre, Pre-Listen la vérification des traitements et Auto-Detect l’application automatique après analyse du signal des corrections idoines.
Le module suivant est dédié à la position des haut-parleurs stéréo virtuels, Speaker Setup, qui correspond à celle de l’émetteur, permettant de reproduire la diffusion d’un instrument (plutôt positionnés en mono, via le paramètre Width), ou d’un pupitre (on ouvrira alors la largeur). On règlera leur angle, leur hauteur, et la position XY, leur directivité (projection vers l’avant ou rayonnement total, avec toutes les variations entre les deux extrêmes), ainsi que le coefficient d’absorption ou d’augmentation des fréquences aiguës (via Air Absorption). Deux faders permettent ensuite d’équilibrer les volumes respectifs des premières réflexions et du son direct, et un troisième règle si besoin le volume en fin de traitement. Tous les présets fournis tirent bien entendu profit de ces réglages, et l’on verra ainsi se placer sur la scène les différents éléments de l’orchestre. Bien sûr, ne sont pas répertoriées toutes les banques ou instruments existants, même si l’on trouve au moins un élément de chacun des grands éditeurs (voir capture d’écran).
La partie globale permet de sélectionner l’une des neuf pièces (via Room), la taille de l’orchestre (aucune définition, Orchestra Large, Medium, Chamber, Orchestra + Choir, Choir, Big Band). Puis on trouve un Gain et un rapport Dry/Wet (son direct/premières réflexions) pour toutes les VSS2.0 du projet. Enfin vient le dernier élément fondamental pour le son global, la façon dont toutes les réflexions sont « enregistrées » (n’oublions pas qu’il s’agit de modélisation). 14 placements différents sont proposés, ou plutôt huit et leurs variations, des systèmes EBS, NOS, ORTF ou GHS (stéréophonie mixte), AB et Decca Tree (stéréophonie de phase) et XY et Blumlein (stéréophonie d’intensité). Si l’on doit réduire ou diffuser sa musique en mono, il conviendra de choisir parmi les variations de ces deux dernières techniques, sous peine de perdre des informations sonores. Avec le choix de ces techniques apparaissent le nombre de faders correspondant dans la section Mic Mixer, ce qui permet d’équilibrer si besoin est les pan et volume respectifs des canaux. On pourra aussi expérimenter avec le fader Mid du Decca Tree pour donner une sensation de largeur stéréo supplémentaire, en faisant néanmoins attention à ne pas créer d’effet non désiré (vos oreilles restent les juges ultimes…).
Il est temps d’écouter quelques exemples audio. Voici d’abord un extrait d’un mockup créé pour le banc d’essai des Hollywood Strings Silver, avec les limites de la banque, dans lequel j’ai remplacé certains des instruments EastWest par des Kontakt, et intégré du Spitfire, du VSL, du Orchestral Tools, puis effectué un premier mix avec les instruments tels quels, sans panoramique (si on entend des placements, ce sont ceux choisis par l’éditeur directement dans les samples), en ne prenant que les micros en proximité (Close) quand c’est possible (pas sur les Hollywood Strings Silver de EastWest) et sans aucune réverbe additionnelle. Voilà le résultat :
Ensuite, une VSS2.0 a été placée sur chaque piste, la procédure d’alignement via Input Offset effectuée, ainsi que la sélection des présets s’ils étaient disponibles. Voici le résultat sans réverbe de bus dédiée à la queue, avec un Decca Tree placé à 3 mètres de distance et 2,5 m de haut, avec d’abord une Concert Hall B, puis Scoring Stage A, Studio et Cathedral et pour finir Cathedral avec l’arbre Decca placé à 8 mètres de distance et 4 mètres de haut.
Puis le résultat final en reprenant les mêmes réglages, avec des réverbes prises dans la Space Designer de Logic, afin de ne pas faire tout de suite rentrer en compte des réverbes haut de gamme (VSS3 de TC Electronic ou Altiverb).
Pour finir, les mêmes exemples via l’Altiverb.
Bilan
Indéniablement, et même s’il doit beaucoup à celui de MIR PRO, le concept de la VSS2.0 est excellent et sa mise en application très simple et très efficace. L’idée de commencer à partir d’un processeur dédié puis d’utiliser une réverbe complémentaire permet un ajustement précis de l’espace en y ajoutant une part de réalisme qu’il ne serait possible d’atteindre qu’avec de multiples réverbes de type Source, avec les conséquences évidentes sur la charge CPU, la lourdeur de mise en œuvre, les réglages méticuleux des panoramiques, des EQ, etc. Même si la mise en œuvre d’un mockup chargé, et l’activation de toutes ces réverbes peut aussi solliciter l’ordinateur jusqu’à ses limites, tout en reconnaissant que les principaux responsables des charges sont les instruments virtuels…
Les seuls reproches à formuler seraient l’absence d’un manuel digne de ce nom et le petit nombre de présets actuellement disponibles, tant on voudrait que l’application couvre toutes les bibliothèques et instruments existants. Mais il suffit d’un peu de patience, de vérifier le placement des instruments en situation réelle si besoin, et d’effectuer les quelques manipulations pour préparer ses propres pré-réglages en fonction de ses goûts et outils. Une version de démo pour Mac et Windows est disponible sur le site de l’éditeur, faites-vous votre propre idée. Une belle réussite, dont on est curieux de connaître l’évolution.