Depuis 1993, Mike Fuller produit des pédales d’effets « boutique » pour guitare et basse. Quelques-unes de ses réalisations sont devenues de véritables standards dans l’industrie musicale comme l’OCD ou encore la Déjà-Vibe. L’électronicien est en perpétuelle recherche des composants les plus rares pour développer de nouveaux circuits. C’est au fil d’une de ses recherches qu’il a mis la main sur un important stock de transistors Germanium New Old Stock baptisés trivialement « Flying Saucer » à cause de leur forme évoquant une soucoupe volante. Ce sont trois de ces transistors rarissimes que l’on retrouve au cœur de la dernière fuzz issue du Custom Shop de Fulltone, la Queen Bee.
La Queen Bee ne génère pas des sons traditionnels de fuzz Germanium. Son circuit assez unique développe une quantité de gain assez hallucinante et un son très chargé en harmoniques de second ordre. De plus, sa sonorité est très axée sur les fréquences médiums, ce qui n’est pas toujours le cas avec les pédales de fuzz. Selon la marque, le circuit se comporterait comme un ampli, avec beaucoup de dynamique et réagirait de manière très musicale au signal d’entrée. On peut donc en théorie, varier le son drastiquement simplement en variant l’attaque de jeu ou en jouant avec le réglage de volume de notre guitare. Nous y reviendrons.
Ce circuit assez unique est abrité dans un châssis en métal assez lourd et très solide. Ce dernier est équipé des célèbres « thumb screws » chères à la marque, ces petites vis ici au nombre de deux que l’on peut dévisser avec les doigts et qui permettent d’ouvrir la pédale. Un badge décoratif plutôt stylé orne le dessus de la pédale, il représente une abeille stylisée et porte le nom Queen Bee. Les potards exercent une franche résistance ce qui inspire solidité et fiabilité et permet de régler la pédale avec beaucoup de finesse. Les contrôles sont les suivants :
- Level : agit sur le niveau de sortie de la pédale
- Buzz : règle le taux de saturation
- Treble : coupe-haut passif pour ajuster les aigus en fonction de l’ampli sur lequel on joue
- Switch « Bass » à trois positions : ajuste le niveau des fréquences basses
- Foot-switch ON/OFF : switch True Bypass pour activer/désactiver la pédale tout en conservant l’intégrité totale du signal une fois que celle-ci est désactivée.
Les fiches d’entrée et sortie sont situées sur le dessus de la pédale ce qui est très pratique. On trouve aussi la fiche d’alimentation localisée au même endroit. Enfin, à l’intérieur de la pédale se trouve un trimmer qui permet d’ajuster le Bias du transistor numéro trois entre 2 et 6 volts. Cela change le volume, les aigus, les taux de saturation et de compression et le ressenti général de jeu. Le réglage préféré du concepteur de la pédale se situe entre 3 et 4 volts, soit avec le réglage au milieu de sa course. En baissant le voltage du transistor trois, on augmente le taux de saturation et de compression.
Germanium en folie !
Les deux premiers transistors sont réglés pour développer un maximum de gain et attaquer le dernier transistor très fort. C’est d’ailleurs pour cette raison que la pédale développe une quantité impressionnante de gain sans trop de bruits de fond. Le réglage « Buzz » ajuste la quantité de signal envoyé au transistor numéro 3 ce qui se traduit naturellement par une augmentation du taux de saturation global. Le réglage favori de Michael Fuller est au maximum afin de profiter de l’énorme dynamique qu’offre la pédale. En plaçant le réglage « Buzz » sur sa position minimum, on obtient déjà un joli son de fuzz avec une belle saturation. Mais en le plaçant sur sa position maximale, on peut atteindre tous les niveaux de gain, d’un son clair à une avalanche de fuzz juste en triturant le potard de volume de notre guitare. C’est très chouette. Le sélecteur à trois positions dénommé « bass » est placé avant le transistor 3. Il détermine la quantité de fréquences basses envoyée dans ce transistor. Sur son réglage de droite, il ne coupe pas du tout les basses, la position du milieu coupe tout ce qui est en dessous de 177 Hz et la position de gauche ce qui est en dessous de 347 Hz. Cela permet de conserver des basses bien resserrées et qui ne bavent pas, même avec un niveau de gain énorme. La Queen Bee étant équipée de transistors Germanium, elle doit être alimentée soit par pile (qui est fournie et déjà installée dans la pédale, merci Fulltone !) ou avec un adaptateur secteur 9 volts centre Positif, soit l’inverse d’un adaptateur standard.
Bzzzzzzzzzz Bzzzzzzzz
Le son de cette fuzz est effectivement très particulier et quasi immédiatement reconnaissable. Je le situerais entre la distorsion et la fuzz. Le fait de pouvoir resserrer les basses afin d’éviter qu’elles ne bavent trop est très bien pensé. De plus, la Queen Bee génère un son très chargé en médiums, ce qui la rend assez singulière dans cette catégorie. Elle se marie très bien avec des micros simples et des humbuckers, bien que mes sonorités favorites aient été atteintes avec ma fidèle Fender Stratocaster. Les micros P-90 de ma Gibson SG Special ont également fait des merveilles. Pas d’inquiétudes, une bonne Les Paul offrira aussi des résultats très convaincants. La dynamique de la pédale est simplement bluffante. On peut placer le réglage « Buzz » au maximum et obtenir un son « clean up » tout simplement magnifique. On peut également aller d’un son clair à une fuzz très épaisse simplement en variant l’attaque que l’on applique sur les cordes. Ça rend la pédale très agréable à jouer et cela donne l’impression de lui être vraiment connecté. Bien que le taux de saturation soit important, le son a quand même un côté vocal et doux, pas du tout rugueux. La saturation franche et épaisse permet à cette reine des abeilles d’avoir un sustain fabuleux et musical. La quantité de médiums présente dans le son permet de ne jamais être perdu dans un mix de groupe et de bien ressortir. Les réglages, relativement peu nombreux, sont assez sensibles et autorisent le guitariste à se forger son propre son (bien que le réglage favori de M.Fuller soit effectivement le plus adéquat). La pédale dispose d’un boost de volume très conséquent et les réglages Treble et Bass sont bien pensés, et agissent sur le son en finesse en ajoutant ou enlevant juste ce qu’il faut.
- Gain Tweaking (Stratocaster)02:26
- Max Gain – Bass Switch (Stratocaster)01:39
- Max Gain – Clean Up (Gibson SG Special)02:12
- Max Gain – Clean Up (Stratocaster)03:10
- Max Gain – Treble messing (Stratocaster)01:27
Conditions du test : Fender AVRI Stratocaster ’62 / Gibson SG Special – Fulltone Queen Bee – Ampeg GVT15h (en son clair) – Torpedo Captor X (simulation d’enceinte Victory 2X12 avec HP Celestion Creamback repiquée avec un SM57 et un U87) – Audient iD22 – Logic Pro X
Du miel et de la fuzz
Le logo stylisé figurant sur le joli badge accolé à la pédale nous rappelle qu’on a bien à faire à la reine des fuzz. Ce n’est certes pas une fuzz ordinaire mais on y retrouve tout le savoir-faire de Michael Fuller qui sait développer des circuits au charme fou. Les promesses de la marque sont tenues, on retrouve effectivement une dynamique de dingue et un circuit parfaitement conçu qui obéit au doigt et à l’œil. Une fois qu’on a un peu dompté la pédale, elle devient vite indispensable. Tout est bien conçu : du format de la pédale à l’architecture globale de son circuit qui cascade habilement trois transistors Germanium New Old Stock « Flying Saucer » qu’on aperçoit avec bonheur en ouvrant la pédale. C’est par contre une pédale qui alourdira grandement le pedalboard du guitariste qui décidera de se l’offrir mais qui allégera son porte-monnaie. Comptez environ 307 € pour cette Queen Bee, ce qui est un tarif conséquent, mais relativement normal au regard des composants, du châssis et de l’expertise nécessaire à son développement. Encore une fois, Fulltone signe une pédale au charme incroyable et au son ravageur. J’ai eu un énorme coup de cœur pour cette tête couronnée des fuzz qui risque fort de finir sur mon pedalboard…