Imaginer un simulateur de haut-parleurs, capable de placer une source audio dans un environnement sonore entièrement paramétrable, de la boîte en bois au hall de spatioport, c’est la tâche à laquelle s’est attelé Audio Ease. De la post-prod à la musique, étude détaillée.
Imaginer un simulateur de haut-parleurs, capable de placer une source audio dans un environnement sonore entièrement paramétrable, de la boîte en bois au hall de spatioport, c’est la tâche à laquelle s’est attelé Audio Ease. De la post-prod à la musique, étude détaillée.
Contenu
Disponible au téléchargement, Speakerphone se présente sous la forme d’un plug aux formats AU et Mas (Mac), RTAS et VST (Mac et PC), avec autorisation par iLok ou challenge/réponse, complété d’une banque de samples de 5 Go (détails des configurations sur cette page). On notera l’abandon du TDM, pratique qui aurait une certaine tendance à se généraliser. Y aurait-il anguille sous roche, la puissance des ordinateurs récents inclinera-t-elle à ne plus développer qu’en RTAS ? À suivre…
Voyons d’abord le principe de Speakerphone : traiter une source, mono ou stéréo, en la faisant passer dans un premier temps par un haut-parleur, puis une réverbe et des effets, et au besoin l’intégrer dans un scénario sonore. Audio Ease n’a plus rien à prouver en ce qui concerne la convolution (voir dossier sur AudioFanzine), l’Altiverb restant la référence en la matière. Tout naturellement, c’est cette technologie qui est ici employée, pour prendre l’empreinte de 270 haut-parleurs : une superbe collection, regroupant HP d’électrophones, de gramophones, jouets et divers objets, TV, ordinateurs, casques, amplis guitare et basse, radios, mégaphones, talkies-walkies et enfin téléphones…
Les 30 réverbes incluses proviennent presque toutes de l’Altiverb. On dispose de 10 mini section d’effets : Distortion, EQ, Crush, Gate, Compressor, Phono, Mod, Codec, Delay et Tuning. Et l’on finit par la Sample Bay, dans lesquels on chargera des Sample Packs, à choisir entre diverses ambiances (ville, transports, nature, etc.), bruitages (tonalités téléphoniques, bruits électroniques, humains…), musiques libres de droits, ou les siens, bouclés ou non, etc.
Présentation
L’interface graphique paraît déroutante au premier abord. L’ensemble peu contrasté et les typos tout juste lisibles peuvent poser problème si l’on travaille un peu loin de son écran. Heureusement un pop-up indiquant sur fond vert vif le nom du paramètre ainsi que sa valeur aide à la lecture. On l’aurait souhaité plus grand, mais la répartition logique des éléments ainsi que deux menus, l’un d’aide sur l’ensemble du plug (le point d’interrogation) et l’autre d’information sur les modèles de HP (Disclaimer), facilitent l’usage. Autre point appréciable, la molette de la souris est partout implémentée.
Le plug se décompose en trois parties : les simulations de HP, les effets et les samples. La partie supérieure regroupe la gestion des 500 présets. À gauche le gain d’entrée et son Auto Level, qui empêche les ambiances rajoutées d’être plus fortes que le signal entrant. À droite, le réglage de sortie équipé d’un Limiter. Ensuite, on trouve la sélection de HP équipée, comme chaque élément du plug, de son bypass. On peut ainsi n’utiliser que la réverbe ou les effets, ou faire intervenir un passage dans un système de diffusion au cours d’une scène (le personnage prend un micro dans la continuité de son texte, par exemple). Toutes les fonctions de Speakerphone peuvent être automatisées librement, par clic droit sur la fonction et Midi Learn.
Six icônes donnent accès aux familles de HP, une fenêtre centrale affichant le modèle sélectionné. On peut basculer de mono à stéréo et entre ‘pré’ et ‘post-FX’. Dessous se trouvent deux zones permettant de cacher/afficher les effets et/ou les samples. La bonne idée de cette section est la fonction Kick. Juste sous le classique Dry/Wet, on trouve un autre curseur, flanqué de deux flèches : lorsqu’on clique sur l’une ou l’autre, le passage de Dry à Wet (ou vice-versa) se fera selon un laps de temps réglable de 0,10 à 30 secondes (par pas de 0,02 seconde en maintenant la touche Alt). Idéal pour simuler un passage d’un état sonore à un autre, comme un changement de pièce, de perspective sonore par changement de plan (personnages d’un côté ou de l’autre du téléphone, par exemple), la précision nécessaire étant offerte par l’automation de la fonction.
Effets
Deuxième partie, la section effets. Chaque effet s’active par un simple clic dans sa zone. Côté égalisation, c‘est assez complet : deux EQ à plateau, Low et High, deux filtres (Hi et LowPass) avec résonance et deux paramétriques avec Q, le tout entièrement automatisable. On appréciera l’activation indépendante de chaque EQ en cliquant sur son nom… On trouve aussi un bon petit compresseur, avec tous les réglages habituels, un ratio de 1:1 à 100:1, et un set de préréglages. Tous les effets présentent d’ailleurs des presets. Toujours côté dynamique, un Gate, doté de réglages de seuil et release, peut travailler en ducking (- 20 dB) ou en mute (- 120 dB).
Un délai mono ou stéréo, avec réglages séparés (ou chaînables) droite/gauche, Feedback, filtre bi-mode, synchro à l’hôte et Mix forme avec la réverbe un duo dédié aux effets temporels. Les IR permettent à cet égard de répondre à tous les cas de figure, de la boîte métallique à la forêt, de la ‘plate’ réelle à sa version par Lexicon, de l’intérieur d’un train à celui d’une petite voiture, de l’impression de diffusion à travers murs et portes, etc. Certaines proviennent d’Altiverb, d’autres sont exclusives à Speakerphone. Inutile de revenir sur leurs qualités, le savoir-faire d’Audio Ease en la matière est indiscutable.
Mod complète cette série, en proposant la plupart des incontournables : trémolo, chorus, flanger, phaser et vibrato. Réglages minima (Depth, Speed), donc pas de Regen, Width ou autres subtilités, mais possibilité de synchro au tempo. Les effets sont corrects, sans rivaliser avec les plugs spécialisés. Seul le vibrato est difficile à utiliser, en tout cas dans un contexte musical (effet très tôt prononcé) mais ouvre la voie à bien des délires en sound design.
Dégradation
Passons aux processus de dégradation, tel Distortion qui offre dix types différents, de modélisations d’ampli aux waveshapers, un EQ passe-bas résonant et un paramétrique avec Q réglable, un réglage vectoriel Curve, pilotant courbe et taux de distorsion, deux Gains (pré et post) et un Mix. Utilisée conjointement avec les IR d’amplis, cette section fait des merveilles. Crush, ensuite, avec réglage vectoriel (réduction de bits et fréquence d’échantillonnage), idéal pour simuler les détériorations des téléphones ou talkies, par exemple. Effet aidé en cela par Codec, reproduisant les principes de compression utilisés par les téléphones portables, avec réduction de fréquence d’échantillonnage et Quality, qui simule la dégradation de la connexion. Mais on y trouve aussi des réglages fixes, pour des voix robotiques à souhait, d’autant qu’on peut en commander la hauteur par Midi.
Phono offre le choix entre les trois vitesses traditionnelles, deux réglages de variation de pitch, l’un dû au décentrage (wow), l’autre à un disque “gondolé” (Curve), un ultime réglage Ticks, qui rajoute à la fois le rumble, 50 Hz, scratches, léger filtrage et bruits dus à la poussière, et son volume, Gain. On aurait apprécié d’avoir scratches d’un côté, rumble et bruits de l’autre par exemple, d’autant que le 50 Hz est disponible dans la banque de samples.
Et l’on finit les effets avec un rigolo Tuning, qui simule les parasites et divers artefacts provoqués quand on recherche une station ou un émetteur sur un récepteur à réglage analogique continu. Le réglage vectoriel permet de paramétrer le taux et la fréquence, on peut basculer entre mono et stéréo, et l’on peut choisir 16 comportements FM et AM, dont certains incluent musique ou conversations pour plus de réalisme.
Samples & Sons
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Les fichiers de la partie Sample sont au minimum en 16/44,1, au maximum en 24/48 et l’on apprécie la longueur des boucles, suffisante pour éviter de désagréables sensations de ‘déjà entendu’. Heli Star Fly Land, par exemple, dure 6 minutes et 30 secondes…
La Sample Bay est divisée en cinq et chaque section permet d’accueillir 12 samples, que l’on peut déclencher à la souris, via l’automation ou par un clavier Midi. Tous peuvent être lus simultanément. On charge dans un des cinq emplacements un Sample Pack (45 d’usine), à choisir parmi 10 familles. Le curseur blanc à droite du nom du sample sert à régler son volume, chaque ensemble peut être ‘pré’ ou ‘post-FX’. Dommage que la molette ne soit pas implémentée sur le réglage du volume, le curseur étant petit, on clique souvent à côté, ce qui arrête (ou lance) la lecture du fichier.
Deux très bonnes choses : on peut importer ses propres fichiers (par simple glissé / déposé) et exporter ceux de Speakerphone (alt+click et glissé / déposé), si l’on souhaite les mixer d’une manière différente. Les samples sont soit ‘one-shot’ soit bouclés. Difficile de trouver des lacunes, tant le choix proposé est vaste. Si l’on veut placer un dialogue entre deux personnes dans un stade au bord de la mer, pendant qu’un speaker fait des annonces, que leur voisin écoute de la musique avec son iPod, que l’on entend au loin des sirènes, puis un train, puis un hélico et la foule réagir au match, c’est extrême, mais possible…
On le voit, on dispose des éléments nécessaires pour recréer (presque) tous les contextes sonores et, si chaque effet pris séparément n’est pas l’acmé de sa catégorie, c’est l’interaction de tous ces éléments qui va faire le son. Prenons cette voix et plaçons-la dans divers contextes. D’abord, la diffusion : on choisit un haut-parleur, dans la catégorie Megaphones, ici un Jensen Hypex. Deuxième étape, une réverbe, la Station Hall, en réduisant un peu le Decay, et en remontant le niveau Dry avec Mix. Pour peaufiner, on rajoute un délai, afin de simuler plusieurs HP. On ajoute ensuite une sonnerie d’annonce en provenance du Sample Pack Sirens. Puis un bruit de foule, des bruits de pas et une musique de fond, pour un résultat réaliste, après ajustement des différents volumes.
Mais on peut imaginer un tout autre environnement (le texte ne sera plus adéquat, mais c’est l’exemple qui compte). Comme une annonce dans l’autoradio d’une voiture roulant sur l’autoroute la nuit, sous l’orage, problèmes de réception y compris. Ou un communiqué dans l’interphone d’un pilote d’hélico. Bref, Speakerphone remplit parfaitement son rôle, la souplesse apportée par l’import / export de fichiers permettant de remédier au manque de réglage de Pan. La solution la plus évidente pour travailler avec le plug est de l’insérer sur un Bus, afin de pouvoir envoyer plusieurs fichiers dans un même environnement, tout en travaillant finement sur leur volume et pan.
Mais Speakerphone est aussi étonnant sur les amplis guitare et l’on sent que les développeurs d’Audio Ease se sont fait plaisir. Prenons ce plan simple de guitare (merci à Mathias Desmier). Le voici dans un Vox AC30 de 1963 ou encore dans un Sears Silvertone de 1966… Si les effets de Speakerphone ne sont pas à la hauteur des solutions dédiées, le rendu des HP associé aux excellentes réverbes est plus que bluffant.
Conclusion
Speakerphone répond à bien des problématiques. Rien qu’en utilisant l’un des presets et en ajustant les réglages, on peut produire le scénario sonore nécessaire à un grand nombre de situations filmées. Partir de zéro est tout aussi simple, l’automation aidant à rendre vivant le son, ce qui serait moins aisé avec d’autres solutions de travail. Bien sûr, ce plug ne prétend pas remplacer tout le processus d’un véritable sound design. Mais dans les cas où l’on doit aller vite, et malgré tout rendre un travail de très bonne qualité, il sera parfait. Ajoutons à cela une banque d’ambiances d’excellente qualité, qui pourrait se vendre au même prix que celles de qualité équivalente, c’est-à-dire très cher… Et je conseille vraiment d’essayer Speakerphone sur les instruments, les voix chantées, les IR de speakers et les réverbes faisant un superbe travail. Audio Ease a aussi inclus un ensemble de presets dénommé Experimental Presets, qui montre que Speakerphone peut aussi partir dans des directions totalement… farfelues.
On peut noter quelques lacunes, comme l’impossibilité de paner les ambiances et bruits dans le plug, d’automatiser leur volume indépendamment. Mais cela est compensé par les possibilités d’export, tandis que les sons manquants pourront être importés de la collection personnelle de l’utilisateur à fin d’uniformisation. Pratiquement aucun bug durant tout ce test, hors un très rare problème d’ordre graphique sous Tiger dont je ne sais s’il est imputable au plug ou à Logic (la GUI du plug se désolidarise du cadre noir rajouté par Logic). Autre problème (mineur), le désinstalleur qui ne fonctionne pas (Audio Ease m’a confirmé la correction imminente de ces deux bugs).
Bref, encore une fois Audio Ease préfère sortir un plug original et répondant parfaitement à son cahier des charges, plutôt que de proposer une énième version plus ou moins dispensable d’un effet ou d’un instrument, se démarquant ainsi de nombre des éditeurs. Indispensable pour le travail à l’image, et très convaincant dans un contexte musical.