9 ans. 9 ans qu’on l’attendait, cette 6e version de Guitar Rig. Alors autant vous dire que l’attente est forte, d’autant plus que le marché a évolué, avec de nouveaux concurrents qui ont débarqué, fort de leurs nouvelles fonctionnalités et technologies. Le best-seller de Native Instruments se montrera-t-il à la hauteur ?
Alors qu’il n’a fallu attendre que deux ans entre la version 4 et 5, 9 années ont donc été nécessaires pour voir apparaître la version 6. Nous nous étions presque faits à l’idée que l’éditeur allemand avait tiré un trait sur la guitare, misant tous ses jetons sur les univers Maschine et Komplete. La surprise fut grande, donc, quand Guitar Rig 6 fut annoncé, accompagnant la sortie de la Komplete 13 et revêtant ainsi le rôle de porte-étendard lors de cette communication de fin d’année chez Native Instruments. Car ne nous méprenons pas, Guitar Rig reste un best-seller chez l’éditeur et quoi qu’on en dise, la guitare n’est pas morte, loin de là.
Afin de marquer le coup, le logiciel a été entièrement repensé, en commençant par une nouvelle interface utilisateur, qui, on le verra, amorce un virage vers un public plus généraliste et moins axé exclusivement sur la 6 cordes, et surtout une nouvelle technologie, répondant directement à la concurrence la plus féroce, à grand coup d’intelligence artificielle et d’apprentissage machine. Pour couronner le tout, l’éditeur n’a pas hésité à puiser dans son catalogue de traitements pour garnir le panier Guitar Rig, de la réverbe au bit crusher en passant par les modulations et autres compresseurs. C’est pas toujours nouveau, certes, mais ça fait toujours plaisir.
C’est beau, c’est neuf ?
À l’instar d’un certain Nicolas S, Guitar Rig a changé. Alors rien de bouleversant non plus, car le logiciel propose toujours un agencement vertical, empilant les modules comme des racks d’effets, là où la concurrence opte généralement pour un développement plus horizontal. Ce 6e opus se décrit lui-même comme un multieffet généraliste, et cela est confirmé d’office par la partie gauche de l’interface graphique nous proposant de choisir le type de source que l’on va utiliser avec le logiciel. Guitare, mais aussi basse, batterie, synthé, pads, piano, voix, boucles, et même bus de mixage ! Eh oui, Guitar Rig brasse large et un système de tags permet de rapidement faire le tri parmi les 1033 presets disponibles. On pourra donc choisir sa source d’entrée, le type d’effet (amplis, réverbe…), le caractère (sombre, complexe, rythmique…), l’ampli au cœur de la chaine, le genre (Blues, Metal…) et enfin l’artiste qui a créé le preset. Pour ceux préférant partir de rien, il est possible de rechercher par composant, afin de faire sa petite cuisine à partir d’une feuille blanche ou d’un preset que l’on éditera. Il sera bien évidemment possible de sauvegarder ses propres presets, et d’assigner des couleurs afin de mieux s’y retrouver, mais on regrettera le fait de ne pas pouvoir créer ses propres tags ou même d’assigner des tags existants à ses presets. L’interface graphique profite d’un petit coup de neuf, avec un côté plus « flat design », qui donne un coup de vieux à l’ancienne version, ce qui est toujours bon signe. Guitar Rig 6 est agréable à regarder et n’est aucunement fatigant grâce à sa palette de couleurs sombre. Côté ergonomie, on reste en terrain connu et on comprend Native de ne pas vouloir changer un système qui fonctionne et qui demeure la marque de fabrique du logiciel.
Rise of the machines
La nouvelle technologie est clairement le plat principal de cette nouvelle version, et pour cause, elle concerne le cœur même de Guitar Rig, à savoir la modélisation d’amplis. C’est peut-être du côté de Neural DSP que l’éditeur allemand est allé puiser son inspiration en intégrant lui aussi de l’apprentissage machine dans ses modélisations. L’idée est donc de faire appel à de l’intelligence artificielle afin d’apprendre et de mimer le comportement de chaque composant situé dans un amplificateur de guitare. Si l’éditeur reste, à l’instar de ses concurrents, relativement discret sur ce qu’il se passe dans la boîte noire, il nous assure qu’il s’agit bien ici d’apprentissage machine et que le terme « intelligence artificielle » n’est pas utilisé abusivement à des fins marketing comme on peut le voir souvent de nos jours. Le rétro-engineering ne faisant pas partie de nos compétences, il faudra faire confiance aux dires de Native Instruments et juger sur finalement ce qui nous intéresse le plus, à savoir le résultat sonore.
On continue avec la première chose qui fâche. Seulement trois nouveaux amplis utilisant la fameuse technologie ICM sont disponibles. Dont un pour les bassistes. Donc, au final, seulement deux amplis guitare. Il est amusant de constater que c’était déjà un reproche lors du test de la 5e version. Reste que ces trois nouveaux amplis sont accompagnés d’un discours promettant l’arrivée imminente et régulière de nouveaux amplis, en se basant sur les désirs de la communauté. Il ne reste plus qu’à espérer que Native tienne parole. En attendant, on fera donc avec le Chicago, un combo du milieu des années 50 doté de seulement deux potards : Tone et Volume. On nous promet un ampli répondant bien à la dynamique du jeu du guitariste et une saturation typée lampes quand on pousse un peu le volume. Sympa tout ça, même si on aimerait en savoir un peu plus sur le modèle. À l’utilisation, nous avons apprécié le son de cet ampli que nous avons utilisé avec notre Stratocaster sur la partie rythmique de la petite prod que nous avons fait pour l’occasion. La simulation de pièce a bien aidé à obtenir un son « vivant » qui, en effet, répondait plutôt bien à la dynamique de jeu.
Le deuxième, et dernier, ampli de guitare, répond au doux nom de Fire Breather et son look rappelle un célèbre ampli britannique, même si l’éditeur affirme ici qu’il s’agit en fait d’une reproduction d’un ampli américain câblé à la main s’inspirant à la base d’un ampli britannique. Serait-ce un Friedman ? Son côté polyvalent, à l’aise autant sur les sons clairs et les sons très saturés laisse à penser que l’on a affaire à ce type d’ampli, que personnellement nous apprécions énormément. Sur notre extrait sonore, nous l’avons utilisé sur la guitare lead, avec une modélisation de tube screamer en amont, histoire de booster un peu les médiums, pousser encore un peu plus l’ampli et faire ressortir la guitare du mix. Le résultat est plus que probant avec encore une fois, l’utilisation des nouvelles baffles coordonnées Pro qui font merveille pour ajouter en clic de souris l’ambiance de la pièce et choisir le micro qui correspond au son recherché. Quand on sait que les éditeurs OwnHammer et 3 Sigma Audio sont derrière les réponses impulsionnelles, on comprend mieux pourquoi le résultat sonore est aussi bon. La simplicité de ce nouveau module « Matched Cabinet » ravira à coup sûr les guitaristes peu à l’aise en prise de son. On regrettera quand même que la version Pro de Matched Cabinet n’ait pas évolué, et ne propose toujours que trois positions de micro, quand Amplitube 5 en annonce une multitude.
On termine ce tour des amplis avec le modèle pour basse, qui vient combler un manque certain, car jusqu’à présent Guitar Rig n’intégrait qu’un seul ampli de ce type. Le Bass Invader est un ampli à lampes vintage avec un égaliseur actif 4 bandes, 3 filtres de voicing et un petit potard permettant de faire distordre la bête, afin de combler les amateurs de rock. On a donc un ampli plus typé que le Bass Pro, d’origine, et ce n’est pas pour nous déplaire. Le son obtenu avec notre Jazz Bass et un compresseur en amont nous a pleinement satisfait, avec à la fois du corps et de l’attaque. Le Matched Cabinet s’est montré lui aussi à la hauteur, nous permettant de gonfler un peu le son en ajoutant juste ce qu’il faut de pièce.
Voici l’exemple audio avec les trois nouveaux amplis, la Stratocaster et le Chicago pour la partie rythmique, une Les Paul et le Fire Breather pour la partie Lead et une Jazz Bass dans le nouveau ampli Bass Invader :
Il m’en reste un peu, je vous le mets quand même ?
La dernière nouveauté de Guitar Rig 6 n’en est pas une à proprement parler, mais reflète plus le changement de direction opéré par l’éditeur, amenant son logiciel vers des horizons dépassant largement la sphère guitaristique. La flopée de nouveaux effets provient donc du catalogue déjà existant de Native Instruments, et permettra aux musiciens de tout bord d’utiliser le logiciel et aux guitaristes les plus aventureux de trouver LE son qui leur permettra de sortir du lot.
On retrouve donc le Crush Pack, avec les modules Freak (modulation rétro/radio/lo-fi), Dirt (distorsion organique) et Bite (Bit-crushing) et le Mod Pack avec Flair (Flanger), Choral (Chorus) et Phasis (Phaser) dotés de mode vintage. La réverbe Raum fait aussi son entrée, opérant dans un univers créatif et pouvant être poussée dans des retranchements expérimentaux. Plus classiques, les réverbes RC 24 et RC 48 de Softube modélisent des célèbres réverbes Hall algorithmiques de studio tandis que le trio de compresseurs vintage VC 76, VC 160 et VC 2A recréent aussi trois fameux racks de compression à FET rapide et optique.
La Solid Mix series propose trois traitements plus destinés au mixage, avec un égaliseur 6 bandes et deux compresseurs, un transparent et un stéréo. Transient Master fait aussi son apparition avec ses réglages permettant d’accentuer l’attaque ou le sustain d’un son, très pratique pour sculpter de manière précise le son d’à peu près n’importe quoi.
Rammfire, l’ampli de Richard Z. Kruspe de Rammstein, un Pre-500 Dual Rectifier, existait depuis plusieurs années mais est désormais inclus, de même que Reflektor, une réverbe à convolution sans latence avec pas moins de 300 réponses impulsionnelles. Ajoutez à cela la douzaine d’effets issus de Traktor et les anciens traitements et vous obtenez une collection assez impressionnante qui comblera n’importe quel musicien fan de sound design, mais pourra aussi donner le tournis au simple guitariste étant venu juste chercher une simulation d’ampli classique.
On pourra noter aussi que le clonage d’amplis n’est toujours pas d’actualité, de même que le réglage profond des amplis, quand certains concurrents le permettent depuis plusieurs années.
Voici aussi des exemples avec autre chose que de la guitare, les deux premières mesures sans Guitar Rig 6 Pro, le reste avec :
- MicroFreak00:13
- MicroFreak 200:13
- Drums00:13
Conclusion
C’est le problème quand l’attente est trop forte : on est forcément déçu. Mais quand à la fin, il faut faire les comptes, force est de constater que le contrat est majoritairement rempli avec une refonte graphique réussie, une nouvelle technologie, des traitements en pagaille et un prix compétitif. On pourra certes râler sur le fait que seulement trois nouveaux amplis utilisent l’ICM ou encore que « Guitar Rig » devienne « Everything Rig » et noie par la même occasion les simples guitaristes sous ses possibilités sonores, mais le plug-in reste néanmoins un véritable trésor pour les musiciens que nous sommes, toujours à la recherche de son, DU son qui nous inspirera.