« Papa Tango Charlie à tour de contrôle, une des lampes de puissance de l’ampli a lâché… Je répète, une des lampes de puissance de l’ampli a lâché… nous perdons beaucoup de volume, impossible de redresser le master… Les potards ne réagissent plus… L’alim’ vient de lâcher elle aussi !…NOUS NE MAÎTRISONS PLUS L’APPAREIL !… MAYDAY ! MAYDAY ! MAYD……..».
C’est sur ces derniers mots bouleversants que s’est achevé le tragique concert de la fête de la musique 2015 au départ de Velizy. Sa destination, la gloire, ne sera jamais atteinte. Après d’intenses recherches, les sauveteurs n’ont retrouvé aucune trace d’estime de soi des quatre musiciens présents à bord. Etait-il possible de prévoir l’accident ? Le guitariste aux commandes aurait-il pu préserver l’ensemble de l’équipage de la honte et le public de la déception ? Nous avons retrouvé la boîte noire, l’IRT Pulse de chez Laney, au NAMM 2015. Nos experts l’ont examinée et les résultats de leurs analyses sont formels : le drame aurait pu être évité. Explications.
À la lecture de cette intro poignante, vous vous imaginez sans doute que l’IRT Pulse est une sorte d’ampli d’appoint pour gratteux en galère. Pas vraiment (c’était juste pour le style et pour placer « boîte noire »), même si cette application lui est théoriquement possible. C’est surtout d’abord un préampli à lampes de la série IronHeart bien connue des fidèles utilisateurs de la marque britannique (dont un certain Tony Iommi). Sa particularité, inédite pour un préamp de cette taille, est aussi de faire office d’interface USB pour pouvoir faire du réamping. Afin de découvrir quelques-unes de ses autres possibilités d’utilisation, commençons par une petite description physique de l’appareil.
IRM pour un IRT
L’IRT Pulse se présente donc sous la forme d’une boîte noire à la taille réduite (80 × 95 × 120 mm) et pas trop lourde (520 g) très facilement transportable. On remarque immédiatement que ce n’est pas, contrairement à beaucoup de préamps actuels, une pédale. Il n’y a qu’un seul canal et donc pas de footswitch. Vous pourrez tout de même en brancher un (appelé FS1, pour changer, vendu séparément aux alentours de 25 €) sur la face arrière de l’appareil. Il se substituera alors au bouton BYPASS qui désactive le préamp, situé en haut à droite de la face haute (nous en profiterons pour noter qu’à chaque bouton sur l’appareil correspond une LED rouge indiquant l’état d’activation). Quel en est alors vraiment l’intérêt ? L’IRT Pulse pourra, s’il est branché en amont d’un ampli, changer la couleur de votre son, ajouter du gain, ou transformer l’égalisation. Voici une première application.
En continuant à faire le tour de la boîte nous remarquerons deux inserts au format jack 3,5 mm sur la face arrière, une sortie pour casque (PHONES) et une entrée à l’opposé pour brancher un auxiliaire tel qu’un lecteur MP3 (AUX IN). La prise casque a son propre mini-potard de volume (dont le niveau maximum est suffisamment élevé, attention aux oreilles), en plastique certes, mais précis et qui résiste bien aux rotations. Nous pourrons donc emmener notre IRT Pulse en vacances au camping de la Grande Motte et nous entraîner le soir sur nos morceaux préférés sans gêner bobonne et les marmots. Voici une deuxième application.
Entre la sortie casque et l’entrée pour le footswitch, nous remarquerons une sortie symétrique OUTPUT (BALANCED) et alors là, c’est la fête de l’application ! Nous pourrons brancher la boîte noire sur un ampli de puissance, dans son utilisation classique de préampli. Et, comme il est proposé dans la notice papier (en anglais seulement, mais c’est déjà pas mal qu’elle soit fournie, les notices se faisant de plus en plus rares), on pourra aussi le placer dans la boucle d’effet d’un ampli pour « réchauffer » le signal grâce aux deux lampes ECC83 (ou 12AX7 si vous préférez), surtout si nos effets sont numériques ou si l’ampli est à transistors. Après tout, la lampe qui équipe le Rocktron Voodu Valve, pour donner un exemple, ne fait pas autre chose.
Et puis dans le cas où nous n’aurions pas d’ampli de puissance à disposition, nous aurons quand même la possibilité de brancher directement l’IRT Pulse dans une sono et de l’utiliser comme solution de secours au cas où notre stack tombe en panne en plein concert de Fête de la Musique, nous permettant de nous envoler, enfin, vers la gloire (même si, avec un seul canal, les possibilités paraissent limitées. Enfin, comme nous le verrons plus loin, c’est une situation que l’ont peut sérieusement envisager). Pour cela il faudra activer l’émulation de HP (simulant des 4×12) grâce au bouton EMULATION situé à droite sur la face haute. On fera de même si on veut le brancher à notre carte son pour enregistrer des parties de guitare.
Il existe enfin une autre solution qui consiste à brancher la boîte à notre ordinateur ou tablette (PC/Mac/iPad/Android etc.) par USB (la prise est située sur la face arrière, il faudra un adaptateur spécial pour le brancher sur l’iPad). La boîte sera reconnue par notre STAN et nous pourrons enregistrer simultanément le signal brut « DI » et le signal traité. Avec le signal DI, nous pourrons expérimenter d’autres sons au cas où le signal traité initial ne nous plairait finalement pas. Pour cela, il faudra appuyer sur le bouton RE-AMP. L’enregistrement DI sera alors renvoyé dans notre petite boîte et celle-ci répondra avec le réglage désiré et un nouveau son. Mais nous développerons ce sujet plus en détail dans la partie suivante.
Tous les autres boutons et potards de l’IRT Pulse sont dévolus au son et se situent sur la face haute avec :
- un bouton DARK en haut à gauche pour couper des aigus et assombrir notre son.
- un bouton BRIGHT en bas à gauche pour faire exactement l’inverse
- un bouton EQ en bas à droite pour tailler l’égalisation en V (plus de basses et d’aigus, médiums creusés, n’oublions pas que la série Ironheart plait beaucoup aux chevelus)
- un potard de GAIN
- un potard de VOLUME
- un bouton HOT pour rajouter un étage de gain et accéder à de franches saturations
Pour finir la description, quelques remarques concernant la conception de l’appareil. Il respire la solidité, les lampes sont bien aérées grâce à une grille facilement détachable (quelques tours de clef allen suffisent), y accéder est très aisé. Son identité visuelle est forte et assez évocatrice de la région industrielle de Birmingham d’où est originaire Laney : coque en métal noir avec des LED et des lampes rouges. Ca fait un peu « forges et mines » voire carrément « Mordor » lorsque tout allumé. D’ailleurs l’effet est accentué grâce à 3 petites LED sous la boîte dont je n’ai pas compris l’utilité, à part faire joli dans le noir.
Enfin, le tout est livré avec une petite sacoche en faux velours noir raccord avec le reste et une alimentation 12V (avec un adaptateur européen seulement, c’est dommage, surtout pour un préamp « de voyage »), mais pas de câble USB, à vous d’en chercher un dans vos affaires.
Il n’y a pas de bouton d’alimentation alors branchons directement l’IRT Pulse et voyons ce qu’il a dans le ventre.
Ça pulse
Pour exploiter ses possibilités, j’ai utilisé plusieurs configurations pour les enregistrements. J’ai d’abord branché l’IRT Pulse dans un ampli de puissance Mesa Boogie 20:20 (PRESENCE à midi et MASTER pas trop élevé afin de ne pas dénaturer le son de l’IRT) lui-même branché dans un Two Notes Torpedo Live lui-même branché dans une carte son RME Fireface 802 pour tester sa qualité première, à savoir celle de préampli. Pour tous les exemples audio, les réglages de GAIN (g) et VOLUME (v) sont indiqués dans le nom des fichiers. Pour les exemples CLEAN et CRUNCH, j’ai utilisé une Fender Telecaster Deluxe et pour les exemples HOT, une Musicman Luke.
Commençons avec le son clair donc. Sur le premier extrait, je joue un riff en arpèges qui nous fait voyager du côté de Seattle, d’abord avec un réglage neutre, puis je vous dévoile l’impact des boutons BRIGHT et DARK. Pour les trois exemples suivant, chaque réglage (neutre, bright, dark) a sa propre petite musique histoire de voir ce qu’ils donnent en situation.
- 1 clean g2 v7 00:36
- 2 clean g2 v7 neutre 00:18
- 3 clean g2 v7 bright 00:22
- 4 clean g2 v7 dark 00:44
Je trouve les sons clairs bien agréables. Une égalisation ? Pour quoi faire ? On a tout sous la main : le BRIGHT est très efficace pour les arpèges ou pour les rythmiques funky et le bouton DARK a presque transformé notre telecaster en L5 (bon j’exagère un peu). À nous le jazz ou les arpèges à la Radiohead !
Pour les sons crunchs, voici un premier exemple avec un gain modéré puis un autre avec le gain à fond. À chaque fois j’utilise les réglages suivants : neutre, bright, dark, EQ, EQ+bright, EQ+dark. Dans les deux cas, on confirme ce qu’on disait précédemment concernant le son clair, les possibilités d’égalisation sont largement suffisantes pour parer à toutes les éventualités. Le son est en outre bien chaud comme il faut grâce à l’action des deux lampes. Crunch validé.
- 5 crunch g5 v5 00:27
- 6 crunch g10 v5 00:35
Activons maintenant le bouton HOT et retournons du côté de Seattle avec un riff et un son au gain à midi (neutre, bright, puis dark). La suite partage les mêmes réglages de gain et de volume, mais on vérifiera l’action de l’EQ avec, dans l’ordre, son neutre, EQ, EQ+DARK. Pour finir, abordons les frontières du metôôôl sur un extrait avec le gain à blinde, EQ activé.
- 7 hot g5 v8 00:31
- 8 hot g5 v8 neutre eq dark 00:39
- 9 hot g10 v8 eq 00:11
Saturations aussi validées. Le tout dernier riff, avec l’EQ+DARK, est bien méchant comme il faut. En revanche nous remarquerons, surtout avec le gain à fond, que la satu a du caractère, elle est bien grasse. Elle ne plaira sans doute pas aux amateurs de satu droites et propres type rock 80’s, ça bave un peu quand même.
Changeons à présent de configuration et branchons l’IRT Pulse directement dans la carte son pour apprécier son émulation de HP intégrée. D’abord le son clair (neutre, bright puis dark), ensuite un gros son crunch (neutre, bright puis dark toujours) puis le même, mais avec EQ (neutre, EQ, EQ+bright et EQ+dark), et enfin un son HOT pas trop chargé (neutre, EQ, EQ+bright, EQ+…dark, pour changer) et un son HOT méga chargé (gain à fond + EQ). Pour les clairs et les crunchs, j’ai gardé la Telecaster Deluxe, pour la satu, la Musicman Luke, mais pour le dernier exemple, j’ai pris une Gibson SG accordée en dropped C.
- 10 clean g5 v6 emu 00:32
- 11 crunch g10 v6 emu 00:23
- 12 crunch g10 v6 eq emu 00:32
- 13 hot g5 v5 emu 00:48
- 14 hot g10 v3 eq emu 00:18
Il me semble que le rendu est légèrement meilleur avec l’émulation intégrée, surtout pour les sons saturés. En particulier dans l’exemple 13 où j’ai été très agréablement surpris. L’IRT Pulse devrait nous permettre d’enregistrer de belles parties de guitare, et pas que pour maquetter. Pour un usage studio, c’est plus que convaincant, mais quid du live ?
Même si je me dis que les entrées sur le devant et l’arrière de l’appareil rendront une intégration en pedalboard un peu malaisée et que le footswitch aurait peut être dû être assigné au bouton HOT plutôt qu’au BYPASS (pour passer d’une rythmique à un solo par exemple), je pense que l’IRT Pulse peut quand même faire l’affaire en concert. Pour cela j’ai enregistré un exemple avec le gain presque à fond (il m’en fallait beaucoup, mais pas trop pour que ça ne bave pas et que ça ne compresse pas trop), je plaque un accord puis je baisse le volume de la guitare (la Musicman) afin d’obtenir un son clair ; ensuite je joue avec le potard et la dynamique. J’en ai profité pour tenter une combinaison pas testée auparavant, les boutons BRIGHT et DARK activés en même temps (ils sont théoriquement censés s’annuler, mais le résultat ne ressemble ni au son neutre, ni au son « bright », ni au son « dark ») et lors de la deuxième moitié de l’exemple, je remonte le potard de volume de la guitare au maximum et je joue solo, parce que les rythmiques ça va un moment…
Pour moi, ça passe. Bien sûr il faudrait tester ça en concert avec d’autres musiciens, branché à la sono, pour se faire un avis plus précis, mais là, sur la carte son, c’est très bien. Le son clair ressemble à un vrai son clair, mais pour ceux qui n’aiment pas toucher au volume de leur guitare, l’IRT Pulse ne sera sans doute pas une solution de remplacement souhaitable.
Voyons pour finir le réamping. Je dois vous prévenir que je suis loin d’être un expert en MAO et j’ai beaucoup souffert. En gros, quand j’ai branché l’appareil à mon Mac en USB, celui-ci l’a bien reconnu, mais en tant que deux interfaces audio distinctes, une avec deux entrées et une autre avec deux sorties. Or, dans Pro Tools, je n’ai droit qu’à un seul moteur audio (on peut peut-être configurer Pro Tools pour qu’il y en ait deux différents ou, sur le Mac, transformer les « deux » interfaces en un seul périphérique audio agrégé, mais encore une fois, je ne suis pas expert et la notice n’aide en rien. Si vous avez la solution, merci de nous l’indiquer dans les forums). Toujours est-il que je pouvais enregistrer le signal DI et le signal traité, mais il m’était impossible, même après avoir appuyé sur le bouton RE-AMP, de renvoyer le signal DI dans la boîte et l’enregistrer avec de nouveaux réglages (puisqu’on a besoin pour ce faire des entrées ET des sorties de l’interface en même temps, là où je n’avais le choix qu’entre les unes ou les autres). Je me suis donc rabattu sur Logic qui me permettait, lui, d’utiliser les « deux » interfaces audio en même temps.
La première entrée de l’interface audio IRT Pulse enregistre le signal DI tandis que la seconde enregistre le signal traité (pour être à l’aise au moment de l’enregistrement). Avec le bouton RE-AMP activé (la prise INPUT est alors automatiquement désactivée pour ne pas interférer), un nouvel enregistrement sur la deuxième entrée « jouera » la piste DI avec les nouveaux réglages de son. C’est du re-amping quoi, et c’est bien pratique pour tester rapidement de nouvelles combinaisons sonores dans le mix d’un morceau ou pour ne pas avoir à ré-enregistrer 10 fois la même partie de guitare avec des sons différents. Voici donc quelques exemples avec d’abord la piste DI puis différents réglages de sons appliqués à cette piste (exemples audio 16 à 20).
- 16 piste di 00:13
- 17 g5 v5 00:13
- 18 g10 v5 bright 00:13
- 19 g5 v5 hot dark 00:13
- 20 g8 v5 hot eq 00:13
Bien sûr, le re-amping s’applique d’abord à l’IRT même si le tenter sur des amplis ne nous parait pas impossible (avec la sortie branchée dans l’entrée d’un ampli et l’ampli repris par un micro). La qualité des résultats n’est en revanche pas garantie.
Vous noterez, au début et à la fin du dernier exemple, du souffle et un « hiss ». Ceux-ci se manifestent sur les grosses saturations lors du re-amping. C’est bien dommage parce qu’il n’y en a quasiment pas autrement (peut-être juste du souffle quand le gain et le volume sont à fond) et c’est un de ses points forts. Réécoutez l’exemple 13, pourtant bien saturé, pour vous en convaincre. C’est propre quand même.
Enfin, une petite remarque concernant l’écoute au casque. Les effets produits par les boutons BRIGHT et DARK sont beaucoup moins présents, surtout le DARK qu’on peine vraiment à deviner. Mais ça ne devrait pas nous gêner si l’on s’en sert que pour s’entraîner (et non pas pour sculpter des sons).
L’analyse poussée de la boîte noire nous a dévoilé ses secrets, quelles conclusions en a-t-on retiré ?
Cœur de fer ou cœur d’artichaut ?
Laney pas vraiment la question… Nous avouerons très franchement que l’enthousiasme initial concernant l’IRT Pulse a été légèrement tempéré après l’essai de son option de re-amping qui, rappelons-le, reste son argument de vente principal (c’est en effet, à notre connaissance, le seul préampli dans ce format à le proposer). Son utilisation et les résultats qui en découlent ne sont pas dramatiques, mais restent largement perfectibles. En tant que préampli, L’IRT Pulse se défend plutôt pas mal. Le manque d’une égalisation classique (Bass, Middle, Treble) est compensé par des filtres très efficaces. On trouvera des concurrents plus polyvalents et plus « tweakables », mais ils souvent aussi plus chers (l’IRT Pulse se trouve sur internet aux alentours de 270 €, ce qui le situe dans la tranche de prix basse des préamps à lampes). C’est une petite boîte au fort caractère et les sons saturés qu’elle produit ne feront pas forcément l’unanimité. Pour ceux que les extraits ont convaincus, elle trouvera sans problème sa place dans leur studio et même en live, à l’occasion d’une Fête de la Musique, pourquoi pas ?