Bigre ! Que cette sortie était attendue ! Le voilà : il est beau, il est chaud, Warm Audio sort enfin son premier préampli à lampes ! Inspiré de l’Ampex 351, le WA-2MPX saura-t-il autant nous faire rêver ?
Depuis les tout premiers débuts de la marque, Warm Audio propose des copies (ou du moins des produits grandement inspirés) de grands noms du monde de l’audio pro pour un prix bien plus attractif. Offrant ainsi à sa clientèle la possibilité d’avoir accès à des machines souvent très onéreuses pour un moindre coût, la marque n’a eu de cesse de développer son catalogue, allant des microphones aux compresseurs en passant par les préamplis ou même les pédales de guitare.
Après la sortie de plusieurs préamplis à transistors, il semblait logique que Warm Audio se tourne également vers le monde des préamplis à lampes. Évitant l’écueil de développer une copie d’un produit moderne déjà existant, les ingénieurs de Warm Audio se sont très habilement tournés vers un vieux dinosaure dont la production est arrêtée depuis des décennies et datant des années 50 et de l’époque des magnétos à bandes : l’Ampex 351.
L’Ampex 351 est un préampli à lampes (micro et ligne) qui permettait d’amplifier le signal avant d’attaquer les magnétophones à bandes. Intensément utilisé dans les années 50 et 60 (Elvis Presley, Nat King Cole, j’en passe et des meilleurs), ce préampli est toujours utilisé de nos jours pour sa couleur et son caractère si prononcés. Très difficile à trouver d’occasion, les heureux possesseurs de cette machine la font souvent modifier afin de répondre aux nouvelles normes du milieu comme aux nouvelles attentes des ingénieurs du son (ajout de DI, de pad, d’alimentation fantôme, de gain de sortie, etc.). L’équipe de Warm Audio semble donc s’être basée sur ces fameux Ampex modifiés pour créer le WA-2MPX, leur premier préampli à lampes.
The beast
Si vous pouviez avoir un doute en vous disant que ce produit serait un énième clone en plastique, vous risquez d’être étonné lors du déballage, car la bête pèse son poids ! De par son rack assez épais, le WA-2MPX semble solide, bien consistant et impose d’emblée une certaine teneur. La connectique se fait comme à l’accoutumée à l’arrière de la machine pour les entrées micros et ligne (xlrs et jacks symétriques) quand l’entrée instrument se trouve, lui, en façade.
En clin d’œil à l’Ampex 351, les différents switches et potards du WA-2MPX reprennent leur forme originelle et sont tous de très bonne qualité. Détail assez amusant : la sensation éprouvée en enclenchant ces switches comme leurs bruits rappellent eux aussi ceux de l’Ampex. Cette solidité est un vrai plus et l’on sent qu’ils sont, eux aussi, faits pour durer des décennies.
Les vu-mètres du Warm audio sont de bonne facture, mais m’ont par contre semblé un poil petits même s’il est clair qu’il n’est pas aisé d’intégrer d’énormes vu-mètres sur un rack de 2 unités (l’Ampex 351 en fait d’ailleurs le double !). Pour information, la version mono du Warm Audio (le WA-MPX), lui aussi sur 2 unités, mais pour un seul canal, propose justement des potards et un vu-mètre plus conséquents et plus proches de ceux de l’Ampex 351.
Que de switches…
En façade, nous retrouvons donc un sélectionneur d’entrée (micro, ligne ou instrument), un niveau de gain et un niveau de sortie. Puis viennent les switches, dont le nombre peut de prime abord dérouter, mais dont l’apprentissage est très instinctif :
- 48 volts
- High Gain (pour booster votre signal d’entrée de 20 dB)
- Polarité (appelé aussi « phase »)
- Tone (pour changer l’impédance d’entrée par ex. pour les micros à rubans, nous en reparlerons plus tard)
- 80 Hz LPF (coupe-bas)
- 2 kHz HPF (coupe-haut)
- Tape Sat (qui est censé simuler la compression et la saturation d’un magnétophone réglé sur 15ips)
Le WA-2MPX en entrée ligne
Afin de mieux assimiler le champ de possibles de ce préampli, il nous a semblé plus logique de commencer par utiliser le Warm Audio en niveau ligne, en gardant un signal d’envoi identique pour chaque réglage.
Sur une basse
Jouons en premier lieu uniquement avec le gain d’entrée et de sortie afin de bien comprendre ce que le WA-2MPX a dans le ventre et envoyons une ligne de basse enregistrée en DI. Premier essai en mettant le niveau de sortie au maximum (niveau unitaire, sans atténuation donc) et en augmentant le gain d’entrée afin de retrouver juste le même niveau d’origine. La basse garde bien la même rondeur et la même ampleur que la prise originale, mais de suite, la couleur des lampes se fait sentir et une certaine résonance qui me gênait à la prise disparaît alors avec le Warm Audio. Différence légère certes, mais loin, très loin d’être anodine.
En poussant l’input à midi (40 en input) et en baissant la sortie également à midi afin de ne pas détruire les enceintes, les lampes commencent à réchauffer le son. La dynamique s’en trouve un peu plus réduite (ah, la compression des lampes…) et l’on entend une toute toute petite distorsion au loin qui vient épaissir le son de par ses harmoniques et le rendre plus consistant. La basse devient plus chaude, plus grasse.
Enfin, en poussant l’input au maximum et réglant la sortie vers 9h, la distorsion devient prépondérante. C’est avec ce réglage un peu extrême que la couleur du Warm Audio se fait totalement entendre. Et quelle couleur ! La basse a beau être distordue, elle n’en reste pas moins musicale et étonnamment, elle garde toute sa présence et tout son bas.
Revenons au réglage précédent (input et output à midi) et commençons à enclencher les différentes options. D’abord l’intrigant switch « Tone ». À l’origine, cette option permet de changer l’impédance d’entrée du préampli pour le rendre plus efficient avec, par exemple, certains micros à ruban. Mais les ingénieurs de Warm Audio se sont vite rendu compte que cela pouvait aussi altérer le son et ce, même pour les autres microphones et surtout de manière bénéfique. Cette différence de couleur étant loin d’être anecdotique, ils ont préféré garder le terme néophyte de « Tone » en lieu et place d’impédance. Chose plutôt surprenante : ce Tone semble également avoir une incidence sur l’entrée ligne ! Une fois cette option enclenchée, la basse prend dès lors encore plus de largeur et le résultat n’en est que meilleur. Sur les fréquences les plus basses, une petite distorsion se fait entendre, mais cela reste comme toujours très musical et ce réglage me parait parfait pour faire passer plus facilement la basse dans un mix. L’art de colorer sans dénaturer.
Quatrième réglage, avec cette fois le « TapeSat » enclenché et toujours les entrées et sorties réglées à midi. Pour le côté « Sat » aucun doute possible : une saturation un peu sale (devrais-je dire « dirty ») apparaît et le signal devient un peu plus écrasé. Pour le côté « Tape », j’avoue avoir été un peu étonné, car rarement j’ai pu entendre une bande saturer à ce point si ce n’est lors de problème de calibration assez importants. Mais peu importe ! Cette option est vraiment très intéressante et apporte une saturation différente que celle obtenue avec le gain d’entrée. Comment reprocher d’avoir encore plus de couleurs disponibles dans une seule machine ?
Quand on adjoint à cette fonction le switch « High Gain », la forme d’onde devient encore plus carrée, la compression des lampes plus intense et si un peu de bas se perd forcément avec ce réglage, on ne peut que sourire en entendant ce son de basse bien sale et ultra saturé.
Avec un tel niveau de distorsion/saturation appliqué, les hauts médiums/aigus se font plus présents et le filtre LPF devient alors extrêmement pratique. On peut regretter que la fréquence de coupure soit si basse (2 kHz) ou que l’on n’ait pas la possibilité de la régler sur une fréquence plus haute. Cependant, grâce à ce filtre, une autre couleur est à nouveau possible et votre basse saturée pourra alors laisser un peu plus de place aux autres instruments.
Une nouvelle aire de jeu !
Une fois le Warm Audio dans les doigts et surtout dans les oreilles, une envie irrépressible de l’essayer avec toute sorte de sources vient nous chatouiller ! Et que cela soit sur du piano, du wurlitzer ou de la guitare acoustique, le WA-2MPX fait montre de prouesses ! Les différentes couleurs sonores créées sont toutes très agréables à l’oreille et trouveraient toutes utilité dans un mix. Que cela soit juste pour réchauffer une prise un peu terne ou vraiment pour la salir voire même pour apporter une couleur plus « vintage » (écoutez l’effet des filtres sur la guitare acoustique ou sur le piano), le résultat est très convaincant. De ce point de vue, le Warm Audio utilisé en ligne m’a quelque peu fait penser au Culture Vulture pour sa proportion à changer la teneur et la texture d’un son en le distordant (en plus sage et un peu moins gras tout de même).
- 01 Piano Dry00:18
- 02 Piano In&Out Midi + Tone + All Filtres00:18
- 03 Piano In&Out Midi + All Filtres + TapeSat00:18
- 04 Wurli Dry00:12
- 05 Wurli In&Out Midi + Tone + All Filtres00:12
- 06 Wurli In&Out Midi + Tone + All Filtres + TapeSat00:12
- 07 Wurli 2 Dry00:04
- 07 Wurli 2 In&Out Midi + TapeSat00:04
- 01 Gtr Ac Dry00:20
- 02 Gtr Ac In&Out Midi + Tone00:20
- 03 Gtr Ac In&Out Midi + HPF00:21
- 04 Gtr Ac In&Out Midi + Tone + All FIltres00:20
L’entrée Instrument
Attaquons-nous maintenant à l’entrée instrument en branchant une TR808. Sur un réglage « classique » en laissant le niveau de sortie au maximum, nous retrouvons toute la dynamique de la TR808. Le son du préampli est assez propre, le bas est déjà bien chaleureux et les lampes apportent un aigu assez doux (cf le HH et le clap).
Pousser le gain d’entrée modifie de façon assez drastique le son. Le kick se met à saturer, mais toujours de façon très chaleureuse et musicale et le sub, bien que moins présent est toujours audible. Vous remarquerez que la caisse claire comme le clap profitent énormément de cet ajout de distorsion. Ils deviennent tous deux bien plus amples et plus gras. Vive les harmoniques !
Les deux derniers extraits montrent à quel point il est facile d’obtenir des couleurs et des ambiances différentes. Il est très aisé d’arriver à des rendus vraiment extrêmes et vous remarquerez aussi comme l’application des filtres peut avoir une incidence sur le son et sur le niveau ressenti de distorsion.
Lors de ce test j’ai sciemment laissé quelques secondes de blanc afin d’entendre aussi le signal sur bruit se modifier en fonction des différents réglages appliqués.
- 01 TR808 In 9h Out Full00:12
- 02 TR808 In & Out Midi + HPF00:11
- 03 TR808 In&Out midi + LPF+ TapeSat00:12
- 04 TR808 In Full Out 10h + HPF+ TapeSat00:14
L’entrée Microphone
Passons maintenant aux choses sérieuses avec un U87 (alimenté en 48 v) et un Coles 4038 (« Tone » activé) devant une batterie. Le choix d’un micro statique et d’un micro à ruban « vintage » permet de voir comment réagit le préampli en fonction du signal d’entrée et force est de constater qu’il réagit très bien ! Pour ces deux micros, nous sommes une fois de plus arrivés à des résultats passionnants : arriver avec une seule machine à passer d’une prise propre et assez droite à une prise « indus » est étonnant et il faut bien le dire très amusant ! Sur les derniers essais, vous entendrez le préampli repoussé dans ces derniers retranchements avec ses lampes à bout de souffle, mais pour un rendu époustouflant.
Histoire de ne pas mourir idiots, nous nous sommes amusés à comparer le son du WA-2MPX avec celui du fameux Ampex 351 (avec le Coles). Bien évidemment, comme tout matériel vintage, chaque 351 possède un son qui lui est propre et aucun ne sonnera identique à un autre, mais il est assez réjouissant de remarquer que le Warm Audio ne s’en tire pas si mal, bien au contraire !
Un second test est effectué sur une guitare électrique, avec cette fois-ci un Royer R121 placé devant un ampli Fender Twin. Une fois de plus la polyvalence offerte par le Warm Audio est incroyable et le préampli s’en sort haut la main.
- 01 Gtr Elec In Midi Out Full + Tone00:19
- 02 Gtr Elec In Midi Out Full + Tone + All Filtres00:20
- 03 Gtr Elec In 11h Out 2h + Tone + HPF + TapeSat00:20
- 04 Gtr Elec In 11h Out 2h + Tone + All Filtres + TapeSat00:20
- 05 Gtr Elec In & Out Midi + TapeSat + All Filtres + HighGain00:21
- 06 Gtr Elec Ampex 35100:19
Pour finir, nous avons testé le préampli sur une prise de voix avec un Shure Sm7B afin de vérifier comment réagirait le préampli derrière un micro ne délivrant pas un grand niveau de sortie. Sans le switch « High Gain » et en mettant le gain d’entrée au maximum le niveau est exploitable, mais manque tout de même de quelques dBs de gain. Une fois le « High Gain » enclenché, plus de problème de niveau, mais une petite distorsion pointe alors le bout de son nez (aucunement gênante au demeurant). Comme pour les autres instruments, nous obtenons en quelques rapides réglages une multitude de couleurs et le chanteur se sentit très à l’aise avec la distorsion (« trop cool le son, là, qui sature »).
- 01 Chant Sm7 In & Out Full00:11
- 02 Chant HighGain In Midi Out FUll00:10
- 03 Chant HighGain In Full Out Midi00:10
- 04 Chant HighGain In Full Out Midi + LPF00:11
- 05 Chant HighGain In & Out Midi + Tone + TapeSat00:10
- 06 Chant HighGain In & Out Midi + Tone + TapeSat + Filtres00:11
- 07 Chant Ampex Input Poussé00:10
Conclusion
Le WA-2MPX est une sacrée machine ! Une fois en main non seulement vous possèderez un préampli à lampes de très bonne facture et plutôt droit, mais en plus vous aurez une machine à colorer extrêmement polyvalente avec une palette sonore très très très large. Que vous fassiez du rock, du rap, de l’electro ou de la folk, essayez-là, vous risquez d’être conquis !