On avait entendu parler de Cranborne Audio, et précisément de ce préampli Camden, il y a quelques années par un confrère anglais… autant vous dire que la rumeur qui avait précédé ce test était enthousiaste et élogieuse. C’est donc avec pas mal de curiosité qu’on a découvert la machine. D’autant plus que les britanniques savent de quoi ils parlent en général, en termes de préamp, ou devrait-on dire de « mic pre ».
Le format, ni un 500 ni un 19’’
Le Camden EC1 dont on vous parle ici est un préampli mono, qui se présente sous la forme d’un demi 19’’ horizontal. Un format qui peut être plutôt pratique pour une installation mobile, un home studio plus home que studio, mais qui ne s’intègre pas particulièrement bien à un studio dont les autres machines sont en général dans des bacs prévus pour les formats 500 ou 19’’.
Cranborne propose aussi ce même Camden dans 2 autres versions :
- EC2 pour 2 canaux ou 1 stéréo en 19’’
- 500 qui s’intègrera dans une lunchbox
Et la marque propose aussi un « rack kit » pour intégrer 2 EC1 côte à côte parmi vos racks 19’’.
Quand on observe le panneau avant, on peut distinguer la majeure partie dédiée au préamp à gauche, d’une petite section à droite qui semble plutôt concerner du monitoring et nous annonce des « Aux », « Ext » et autres « C.A.S.T. »… On reviendra plus tard sur cette partie qui soulève pas mal de questions.
La prise en main est plutôt agréable et inspire confiance : les potentiomètres sont solides, les plus utiles et sollicités en particulier, qui sont plus gros et résistants que les autres – c’est très cohérent de notre point de vue. Même constat sur les connectiques, les sélecteurs, l’alimentation : globalement le EC1 semble costaud et bien fait. Franchement ! Et pour ne rien gâcher, il est plutôt joli, dans un style sombre et sobre, la police d’écriture est élégante et on retrouve parmi les inscriptions des mots évocateurs comme mojo, cream, thump…
Pour l’essentiel, on retrouve à l’arrière 1 entrée micro XLR, 1 sortie en XLR ou jack (6,35 mm), et un link en jack. À l’avant, une entrée jack qui peut être utilisée en ligne ou en HI Z comme une DI, attaquée directement depuis un instrument.
Un petit sélecteur permet de choisir l’entrée entre Mic / Line / HI Z mais on dispose aussi d’un coupe-bas, d’un inverseur de polarité et évidemment d’une alimentation 48v : les classiques de ce genre de préampli sont bien là. À noter que la LED qui signale le 48v en On se colore de différentes manières à l’allumage / extinction ou pendant l’utilisation, comme pour nous signaler un petit temps de stand-by. La couleur des LED est d’ailleurs une petite spécialité-gadget du Camden. À gauche du panneau on retrouve ainsi une LED de signal d’entrée postgain. Elle fonctionne comme un vu mètre sur une seule led et passe du bleu au vert, puis au orange, avant d’indiquer une saturation quand elle passe au rouge.
Enfin, le gain est cranté – ça, on aime – mais sur des valeurs inhabituelles : 19, 30, 41, 52, 63. On peut mettre ça sur le compte des facéties britanniques, à ranger au côté de leurs unités de mesure, etc. À l’arrivée, ça nous a un peu embêté pour ce dont il va être question juste après : comparer le Camden à d’autres préamplis dans un contexte identique.
Parlons du son !
Nous avons effectué différents tests comparatifs au studio, sachant que nos points de comparaison sont les préamplis Aurora Audio GTQ2 et EML 1073 (réplique de Neve).
Une fois en situation, l’EC1 affiche une courbe de réponse en fréquences relativement stable pour un réglage de gain d’entrée fixé à 41 dB sur le préampli micro. On observe malgré tout des altérations (+/- 0,2 dB max), au-dessus de 1 kHz et en dessous de 250 Hz.
La bonne surprise que c’est que la section préampli offre un son assez large et un spectre qui n’a pas trop à rougir face à une bête telle que l’Aurora GTQ2 (sans doute le préampli qu’on utilise le plus).
L’EC1 est très riche en médium et nous fournit des hautes fréquences plutôt contrôlées et douces. Rien de très flatteur ni d’excessivement ouvert comparé à d’autres préamps de sa gamme qui peuvent être assez incontrôlables quand on veut aller chercher de l’air au-delà de 12 Kilos. Les transitoires sont vives sans être agressive et ça nous donne un tout très équilibré et musical, que ce soit en termes de réponse en fréquences ou en termes de rapport de dynamique.
On prend note en revanche que le bas du spectre manque légèrement de densité et de profondeur (ce qui peut être pratique pour certaines sources qu’on aurait tendance à vouloir nettoyer automatiquement, mais qui peut être un peu frustrant pour l’enregistrement de certaines sources dont on aimerait valoriser ou souligner cette densité dans le grave).
En condition d’enregistrement, on a droit à une bonne surprise sur le piano par exemple, qui s’avère très agréable. En effet, on note que le spectre harmonique est respecté et équilibré, et que le bas médium qui peut souvent sembler bouché sur des prises de pianos acoustiques, semble là plutôt doux et contrôlé.
- piano_cranborne_camden00:20
- piano_aurora_gtq200:20
- piano_eml_107300:20
Le test avec une prise de batterie en mono en utilisant un seul U 87 est assez flatteur aussi. Les transitoires sont belles et plutôt naturelles, les harmoniques et résonances des cymbales semblent fidèles et le rapport signal/bruit nous permet d’exploiter à fond les fins de résonances.
- batterie_cranborne- camben00:14
- batterie_aurora_gtq200:14
- batterie_eml_107300:14
Le HPF est musical et travaille très haut (à partir de 400 Hz) avec une pente assez douce (on dira autour de 6 dB par octave).
Pour ce qui concerne les sorties, nous n’avons pas pu tester la sortie C.A.S.T. En revanche la sortie casque à une légère baisse dans le haut de son spectre (à partir de 2 kHz, et jusqu’à 1 dB à 20 kHz), ce qui peut compenser certaines réponses en fréquence d’un casque qui serait un peu trop flatteur, mais qui par conséquent n’est pas totalement neutre.
Le Mojo qui crunche
La section MOJO du EC1 nous présente une modélisation d’overdrive à lampe. Très simple d’utilisation, elle a un potentiomètre de Blend qui sert aussi de switch off en position zéro, et un sélecteur de mode (Cream / Thumb).
Le mode thumb drive légèrement et s’avère assez agréable pour une utilisation légère. Il polit un peu les transitoires, gonfle gentiment le bas du spectre, creuse doucement les médiums, et teinte légèrement certaines harmoniques surtout autour de 3 kHz.
- vox_mojo_off-St00:02
- vox_mojo_thumb-St00:02
- vox_mojo_cream-St00:02
Le mode cream fonctionne presque comme une compression overdrive, et donne un résultat très compressé, un spectre beaucoup plus resserré dans le médium, et un niveau de sortie beaucoup plus faible (il n’y a pas de make up pour compenser l’effet de compression). Ce mode va creuser énormément le médium autour de 400 Hz (comme on peut le voir sur le graphique), pour y affecter un taux de distorsion harmonique très conséquent.
La LED de signal d’entrée ne prend donc pas en compte l’affectation ou non du Mojo, bien que celle-ci figure dans la section Mojo.
Petite déception tout de même, le mode Thump ne réagit franchement que si le niveau d’entrée est conséquent, soit parce que la source à un gros volume, soit parce que le gain est très ouvert. Nous aurons donc du mal l’utiliser subtilement sur une source acoustique dont le rapport signal/bruit n’est pas optimal. Néanmoins, il permettra de colorer des claviers que l’on voudrait réchauffer un peu ou encore une basse qu’on aurait aimé faire cruncher pour se substituer à un circuit de préamplification à lampe d’une bonne vieille tête Bassman par exemple.
Ce MOJO est un bel argument en faveur du EC1 ! Il peut être très utile, directement à la prise ou bien avec l’entrée ligne pour colorer des pistes un peu fades.
Presque une interface audio ?
En plus du préampli (qui est l’essentiel de cette machine, c’est une évidence), le constructeur a choisi d’intégrer une partie qu’on pourrait appeler monitoring.
Petite description : à l’avant on a une entrée jack Ext avec un potentiomètre, à l’arrière une entrée Aux stéréo en jack x 2 et une sortie C.A.S.T. en RJ45, pour lesquelles on retrouve un potentiomètre commun à l’avant… Vous suivez ?
Pour finir dans la section monitoring, on a droit à un potard pour le niveau du préamp et un autre pour le volume du casque.
Cette section est donc divisée en deux utilités plus ou moins distinctes et dissociables :
- La première contrôle un routing interne à la machine et permet d’ajouter des entrées Ext (mono) et Auxiliaire (stéréo) à notre mélangeur de monitoring afin d’intégrer un playback ou une autre source à notre circuit casque, et de contrôler le volume et le mix de celui-ci.
- La deuxième propose une conversion audionumérique du signal de sortie de la section préampli et permet par conséquent de connecter l’EC1 à d’autres machines Cranborne. En effet la sortie C.A.S.T. semble correspondre à un protocole de transfert de données développé pour connecter numériquement les machines Cranborne entre elles.
La sortie C.A.S.T. permet donc de renvoyer le signal numérique à une lunchbox Cranborne Audio, que ce soit la 500R8 ou la 500 ADAT, qui en plus d’avoir 8 slots de module préamplis en format 500, ont toutes deux 4 entrées numériques au format C.A.S.T. Les Lunchbox deviennent donc des interfaces audionumériques, mais ne fonctionnent (de ce qu’on en comprend – on reste mesurés sur cette partie de notre test, puisqu’on n’a pas pu essayer) qu’en associant d’autres machines Cranborne audio. Tout ça ouvre bien des possibilités… Utiles ? c’est une question qui mérite d’être posée.
Conclusion
Le pré-ampli nous paraît vraiment satisfaisant, le Mojo est certainement un outil très intéressant et le Camden est joli et bien fait ! Seul petit bémol : l’utilité des fonctionnalités « additionnelles » d’entrées / sorties, connexions audionumériques ne nous a pas franchement sauté aux yeux, même si on restera mesurés sur cette partie de notre avis parce qu’on n’a pas eu l’occasion de tester dans un contexte ou le C.A.S.T. aurait été utile. Pour ceux qui utilisent une lunchbox ou autre rack 500, on se dit enfin que la version 500 est probablement un très bon deal (autour de 350 euros), de même qu’on pourrait être intéressé par un EC2 qui permettra de colorer en stéréo des claviers, peut-être même un bus stéréo. Bref, bon plan !