Des concepteurs audio qui développent leurs propres format 500, c'est toujours intéressant, mais quand on vous dit qu'ils sont français et ont eu qui plus est la bonne idée de sortir leur premier channel strip, cela devient TRÈS intéressant. En avant pour un test de la tranche HLabs CS169.
Introduction
Hlabs est une société française (cocorico !) située « au milieu des vignobles du Beaujolais » qui, comme indiqué dans le chapeau de l’article, s’est fait connaître avec ses formats 500. Principalement avec son compresseur inspiré du fameux SSL 4000 (le HL4000, dont la production est aujourd’hui arrêtée) ainsi qu’avec un préampli et un égaliseur inspirés des consoles Studer 169 (les PRE169 et EQ169). En 2024, Hlabs passe le cap et développe ses produits en format rack 19'' : un double préampli (le PRE169S) et une tranche de console préampli + EQ (le CS169) sur laquelle nous allons spécialement nous attarder pour ce test.
Le CS169
La CS169 est une tranche de console (CS pour Channel Strip) reprenant les deux modules 500 PRE169 et EQ169 dans un même rack. Histoire de clarifier au mieux de quoi sont capables ces modules, arrêtons-nous quelques instants sur chacun d’eux :
Le Pre169
Le préampli HLabs est donc basé sur les préamplis des consoles Studer 169. Si vous avez sûrement entendu parler de cette marque suisse pour ces magnétophones (A800, A80, etc.), sachez que Studer a aussi longuement développé des consoles, réputées pour leur son chaleureux et surtout très droit (utilisées notamment en broadcast, en radio et en classique).
Mais si les concepteurs de HLabs sont bien partis de la couleur générale « Studer », ils n’en ont pas pour autant oublié leur petite touche personnelle en ajoutant au préampli un gros transformateur de sortie Carnhill. Encore un nom qui vous dit quelque chose ? Ce n’est guère étonnant puisqu’il s’agit de ces précieux transformateurs de sortie qui ont contribué à façonner la réputation des consoles Neve, et plus spécifiquement de la série 51 conçue au tout début des années 80.
Le module de préamplification HLabs comprend :
- un gain de +18DB à +42dB ou de +40dB à +65dB via le switch « Hi »,
- une alimentation fantôme 48v,
- un switch de phase,
- un pad d’entrée de –33 dB,
- un filtre passe-haut oscillant entre 20 Hz et 315 Hz (avec une pente de 12dB/octave)
- ainsi qu’un atténuateur de sortie de –30 dB.
L’Eq169
Pour le module d’égalisation, les ingénieurs d’HLabs sont cette fois restés fidèles au schéma des égaliseurs de la Studer 169. L’EQ n’inclut aucun transformateur additionnel, le circuit reste le plus droit possible. Il reprend exactement les mêmes caractéristiques techniques que l’original tout en tablant uniquement sur des composants neufs et modernes. Point de « new old stock » ni de matériel vintage de récupération. L’avantage ? Retrouver toutes les qualités de l’EQ Studer sans les soucis souvent assez contraignants d’un rapport signal sur bruit un peu trop faible et/ou d’une maintenance quasi indispensable.
Comme l’égaliseur Studer, l’EQ169 propose donc :
- un filtre à plateau fixé à 20 Hz pour les graves (avec ±15 dB de gain)
- un second filtre à plateau fixé à 20 kHz pour les aigus (avec ±15 dB de gain)
- et un semi-paramétrique « présence » réglable entre 150 Hz et 7000 Hz avec ±11 dB de gain.
La tranche CS169 au complet
Afin de ne pas trop faire monter le prix de fabrication que peut induire la conception d’une nouvelle tranche de console complète, les ingénieurs de HLabs ont eu la présence d’esprit de créer le CS169 en partant directement de leurs formats 500 déjà existants. Comme vous pouvez le constater sur la photo, les deux slots 500 sont astucieusement intriqués dans un rack 19'' entièrement prévu à cet effet. Et si cela a évidemment un impact bénéfique sur le coût de vente général, cela vous permettra également une maintenance bien plus efficace. Car si jamais une partie venait à faillir, aucun besoin d’envoyer toute la tranche en maintenance, un simple changement de la carte défectueuse suffira dès lors à résoudre le problème.
Cette configuration assez spécifique se retrouve de facto au niveau de la connectique arrière. Car le CS169 ne contient pas une, mais deux entrées/sorties séparées : une pour chaque slot 500. J’en entends déjà rouspéter : effectivement, si vous souhaitez vous servir du préampli et de l’eq en série, il vous faudra alors vous contorsionner à l’arrière du rack pour câbler les deux slots 500 entre eux… Mais HLabs a tout prévu et fournit justement avec la tranche un petit câble XLR pour ce faire (cf photo). Ce léger désagrément apporte toutefois un atout loin d’être négligeable : la possibilité d’utiliser les deux étages de façon totalement indépendante ! Et vous voici maintenant face à deux machines en une ! Il est vrai que l’ajout d’un switch en façade pour activer ou non l’eq en série (ou un point d’insert) aurait été plus ergonomique, mais rappelez-vous : le but d’HLabs est de garder un signal le plus droit possible (ce que l’ajout de switch pourrait dégrader) et surtout de rester sur un tarif assez préférentiel pour un produit facilement lisible.
Afin de suivre au mieux le niveau de sortie général, un Vu-Mètre au look vintage est également placé sur le côté droit du rack. Parfaitement calibré, il est très agréable de s’y référer lors des enregistrements et il change astucieusement de couleur quand le gain de sortie rentre dans le rouge.
De la musique !
L’entrée DI
Débutons maintenant les tests audio avec une TR808 branchée dans l’entrée DI.
Le bouton de gain à peine monté, nous obtenons de suite un son très défini et assez impressionnant de clarté. Ouvert, détaillé et tout à la fois rond, chaleureux avec des aigus bien doux, presque soyeux. En le comparant avec une DI Fearn (réputée pour sa linéarité) et une DI Radial (bien plus typée) branchées toutes les deux dans un 1073 DPA, nous reconnaissons instantanément la patte sonore fidèle à Studer : très musicale, bien plus transparente et surtout pas aussi timbrée dans le médium/bas-médium que le 1073. Préférer tel setup à tel autre est bien délicat tant les trois DIs sont tout aussi performantes. Mais quel plaisir de trouver un constructeur français capable de rivaliser avec des marques aussi réputées et d’en offrir autant de musicalité, le tout en apportant une nouvelle couleur si personnelle ! Un gage de qualité très appréciable.
L’ajout de l’atténuateur de sortie est un joli atout. En effet, il vous permet de moduler très aisément entre un son plutôt droit (quand réglé sur 0 dB) ou plus typé en jouant avec l’étage de sortie et en faisant ainsi plus ou moins travailler le transformateur Carnhill. Je vous laisse découvrir la distorsion créée avec le gain poussé au maximum et l’atténuateur @-30dB (cf. fichier audio) !
Enfin, écoutez comme le coupe-bas est lui aussi très musical. Très efficace pour modeler le son à votre envie, sa courbe de jeu est parfaite pour le régler aussi finement que bon vous semble. Grâce à sa pente assez douce, le filtre n’altère aucunement le son général et même poussé à son maximum, il laisse à la TR808 une certaine douceur ne la rendant jamais ni trop agressive ni trop filiforme.
- 01a TR808 HLabs MicPre (DI)00:11
- 01b TR808 Fearn DI to NeveMicPre00:11
- 01c TR808 Radial DI to NeveMicPre00:11
- 02a TR808 Hlabs Hpf @20Hz00:12
- 02b TR808 Hlabs Hpf @75Hz00:11
- 02c TR808 Hlabs Hpf @200Hz00:11
- 02d TR808 Hlabs Hpf Full 315Hz00:12
- 03 TR808 Hlabs Full gain + trim –30dB00:12
L’entrée microphone
Via son bouton de gain non cranté, le CS169 peut délivrer jusqu’à 65 dB de gain. Un peu juste, vous semble-t-il ? Et bien pas tant que cela. Car même sur une voix parlée avec un Shure Sm7 (micro assez peu sensible), le préampli fournit largement ce qu’il faut de niveau. Signe de ses compétences, même avec le gain réglé au maximum, aucune altération sonore, interférences ou problème de souffle n’apparaissent. Le préampli ne bronche aucunement.
Second essai sur un piano joué très délicatement avec un micro à ruban Coles 4038 (micro encore moins sensible) et un AKG 414. Et même résultat… Dynamique, statique ou ruban, qu’importe. Le HLabs s’en tire toujours haut la main et le signal comme la couleur sonore sont toujours aussi propres et détaillés. Si certains pouvaient tout de même réclamer un gain plus important pour jouer un peu plus avec le transfo de sortie, le simple ajout d’un petit booster de gain à la Cloudlifter viendra vous donner le dernier petit coup de pouce nécessaire.
Troisième essai, cette fois avec des instruments puissants : amplis basse (avec un Re20) et guitare (repris par un Sm57). Comme avec la TR808, le CS169 accepte royalement les hauts niveaux fournis par les amplis poussés bien fort. Le son général est toujours aussi harmonieux et limpide. Aucune saturation intempestive ne pointe le bout de son nez sinon celle recherchée en jouant avec le gain. À noter d’ailleurs la présence d’un indicateur de niveau lumineux (nommé « clip ») permettant de jauger à quel point travaille l’étage de gain. Que dire, in fine, sinon que le préampli semble supporter toutes les situations et sources sonores avec une efficacité totale et ô combien agréable.
- 04a Speak Sm7 65dB00:18
- 04b Speak Sm7 65dB Hpf @75hz00:17
- 05a Piano 414 @ 42 dB00:17
- 05b Piano Coles @ 64 dB00:17
- 06 Bass Amp00:17
- 07 Gtr Elec 23dB trim –5dB00:22
L’étage d’égalisation
Mais s’il est une claque sonore que j’avoue m’être prise par surprise, elle vient de l’étage d’égalisation que j’ai trouvé totalement addictive. Comme pour le préampli, les potards de gain ne sont pas crantés, ce qui permet un jeu linéaire, sans à-coups. La sérigraphie des fréquences n’est pas la plus précise ni la plus claire possible, mais je soupçonne ce choix d’être purement intentionnel et d’obliger l’utilisateur à s’absoudre d’une technique trop invasive pour profiter pleinement de la musicalité de l’EQ, car ici, nous ne sommes pas face à une égalisation chirurgicale à la GML ou Maselec, c’est même tout le contraire ! On met, on rajoute, on enlève, on abuse. Quel plaisir ! Mais je vous aurai prévenu : elle est diablement addictive et comme toute les addictions, le danger est vraiment de vouloir en abuser, trop et tout le temps ! Ultra musicale, d’une douceur folle, son bas est moelleux et gras, ses aigus jamais agressifs ou trop scintillants. Et le semi-paramétrique, avec sa plage de fréquences bien large vous permettra d’amoindrir certaines fréquences gênantes comme d’obtenir des médiums bien présents et dynamiques. Une claque, je vous dis… Et une furieuse envie de refaire toutes les prises avec l’EQ enclenchée.
- 08a TR808 Flat00:11
- 08b TR808 Eq Hlabs00:10
- 09a Bass DI Flat00:17
- 09b Bass DI + Eq only00:17
- 10a Bass Amp Flat00:17
- 10b Bass Amp Eq00:17
- 10c Bass Amp Eq 200:17
- 11a Gtr Elec DI Flat00:20
- 11bGtr Elec DI + Eq00:20
- 12a Gtr Elec Flat00:22
- 12b Gtr Elec + EQ00:22
- 13a Piano Flat00:17
- 13b Piano + Eq00:17
- 14a Speak Sm7 Flat00:17
- 14b Speak Sm7 + Eq00:17
Quelques microbémols semblent tout de même pointer le bout de leur nez, mais je pense sincèrement qu’à défaut de véritables défauts, il vaudrait mieux parler de choix de construction dûment réfléchis, voire sûrement totalement assumés par les gens d’HLabs.
Tout d’abord, l’EQ169 ne se lit pas comme une EQ classique, mais comme un rack 500 couché sur le côté (cf. le début de l’article). Le potard le plus à gauche correspond donc aux aigus (et non aux basses) et inversement pour celui de droite. Cette organisation non conventionnelle peut perturber de prime abord, mais l’on s’y fait très rapidement et la prise en main reste bien instinctive.
Ensuite, quand l’EQ est utilisée indépendamment (et donc sans l’étage de préamplification) on regrette de ne pas avoir accès au coupe-bas pour pouvoir, un peu à la façon d’un Pultec, gonfler et filtrer en même temps le bas du spectre. Une seule solution : repasser votre signal par toute la tranche… et l’entrée microphone… Mais ne sautez pas d’effroi ! Si le CS169 ne possède pas d’entrée ligne, ce n’est aucunement une étourderie des concepteurs, au contraire ! N’oubliez pas le pad d’entrée de –33 dB ! Une fois enclenché, il permet à l’entrée microphone d’accepter des niveaux ligne sans sourciller. À vous le bonheur d’une égalisation quasi complète ! La guitare DI vous semble un peu trop terne, vous aimeriez une guitare acoustique plus boisée ? Hop ! Le problème est réglé ! Le son à l’ampli est un peu trop honky/médium ? Et voilà ! Plus de rondeur pour la basse ? Aucun souci ! Une batterie typée jazz manque d’assise sur les futs ? Zou ! Une vraie sucrerie !
- 15a Drums Flat00:19
- 15b Drums Eq 0100:19
- 15c Drums Eq 0200:19
- 16a Drums Jazz Flat00:27
- 16b Drums Jazz Eq00:27
- 17A Gtr Ac Neumann U87 Flat00:24
- 17b Gtr Ac Neumann U87 Eq00:24
D’où une dernière petite remarque, sans doute la seule qui m’a réellement porté défaut lors de ces tests : l’envie de pousser l’égalisation est tellement jouissive que l’ajout d’un atténuateur de sortie aurait été bénéfique. En effet, il arrive fréquemment de pousser un peu trop l’EQ et de venir saturer le signal en sortie de tranche. Il vous faudra alors impérativement baisser l’étage de préamplification (ou votre envoi dans l’EQ) pour garder un signal correct…
Ces quelques petits détails ne viennent cependant aucunement entacher les prouesses du CS169. Car de par sa qualité sonore et sa musicalité, la tranche les fait bien vite oublier.
Nota Bene : les différents extraits audio ont été réalisés avec l’EQ utilisée indifféremment en série (via le préampli et son atténuateur) ou indépendamment. Aucun artefact sur le rendu sonore ne s’est fait sentir, prouvant une fois de plus la qualité et la définition du circuit audio du CS169.