Vous avez probablement déjà entendu ou lu le mot « headroom ». Ce mot décrit le fait de garder une marge de sécurité entre les crêtes les plus fortes d’une piste (ou de vos pistes dans le cas d’un mix) et le 0 dB de l’afficheur de votre DAW, niveau à partir duquel le signal est écrêté et la distorsion numérique apparaît dans toute sa laideur. Headroom désigne donc la réserve de niveau entre les crêtes de votre signal et le 0 dBFS qu’il ne faut dépasser en aucun cas.
Another brick in the wall
Un mix trop compressé avec quasiment aucune réserve de niveau (« headroom »)
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Vous vous dites peut-être : plutôt que se soucier de la réserve de niveau (headroom), ne serait-il pas plus simple d’insérer un limiteur mur-de-briques dans la piste pour empêcher le signal d’atteindre 0 dB ? Mais ce procédé revient à écraser les crêtes, donc à réduire la plage dynamique du morceau (la dynamique est la différence entre le niveau le plus élevé et le niveau le plus faible du morceau).
Dans la plupart des genres musicaux, le fait de réduire significativement la dynamique rend le morceau moins agréable à écouter. Il est donc important de se soucier de la réserve de niveau lors de l’enregistrement, du mixage et du mastering.
Réserve de niveau à la prise
Les pistes enregistrées avec suffisamment de réserve de niveau sont ensuite plus faciles à mixer. Gardez des niveaux d’enregistrement suffisamment bas : le signal ne doit pas dépasser –8 dB, même au moment le plus bruyant de l’enregistrement. Pour enregistrer les voix, qui peuvent avoir une plage dynamique très étendue, vous devrez régler le niveau vraiment bas afin qu’aucune crête n’atteigne 0 dB. Les musiciens qui s’enregistrent suivent souvent une idée fausse héritée de l’ère analogique : pour minimiser le bruit et optimiser la qualité audio, il faut que le niveau d’enregistrement du signal soit le plus proche possible de 0 dB.
Seulement, ce n’est plus vrai du tout quand on enregistre en numérique avec une résolution de 24 bits : le bruit de fond (le niveau à partir duquel le bruit incompressible devient audible sous le signal enregistré, le niveau d’entrée étant trop faible) est beaucoup plus faible qu’en 16 bits et en analogique où le bruit est un réel problème. Dans une session en 24 bits, vous pouvez enregistrer vos pistes avec un niveau moyen d’environ –20 dB et des crêtes entre –10 et –8 dB ; vous aurez toujours une très bonne qualité audio tout en conservant suffisamment de réserve de niveau.
N’écrasez pas le mix
Gardez des niveaux d’enregistrement suffisamment bas pour que les crêtes ne dépassent pas –8 dB.
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Comme évoqué plus haut, en enregistrant les pistes suffisamment doucement, vous aurez ensuite assez de réserve de niveau pour les sommer au mixage. Gardez de la réserve au mixage pour éviter l’apparition de distorsion et conserver une plage dynamique étendue, mais aussi pour avoir une marge de manœuvre suffisante au moment d’ajuster les niveaux des différentes pistes du mix. Si les niveaux ont tendance à augmenter en raison des mouvements des faders, de l’égalisation ou d’autres traitements, il peut arriver un moment où, par manque de réserve, vous ne pourrez plus monter aucune piste sans « taper » dans l’indicateur Clip (à régler de sorte qu’il reste allumé au moindre écrêtage afin que vous vous en aperceviez facilement). Dans ce cas, vous devrez baisser uniformément le niveau de toutes les pistes sur toute la durée du morceau, ce qui peut s’avérer très pénible si vous avez déjà automatisé le mix. Je vous conseille donc de commencer votre mix en réglant tous les niveaux (sauf le master) sous 0 dB pour garder une marge de manœuvre suffisante.
Si vous prévoyez d’insérer un compresseur ou un limiteur dans le bus master, ce qui n’est probablement pas une bonne idée sauf si vous avez une grande expérience du mixage, souvenez-vous que plus vous augmenterez la réduction de gain dans le master, plus la dynamique du mix diminuera. Laissez suffisamment de réserve dans votre mix pour que l’ingénieur de mastering (ou vous si vous faites le mastering vous-même) ait assez de marge pour pouvoir travailler sur le niveau moyen. Un bon ingénieur de mastering utilisera un limiteur mais ne compressera pas exagérément votre musique pour qu’elle conserve de la dynamique. Ce genre de chose devient beaucoup plus difficile avec un mix déjà écrasé par la compression avant le mastering. Par conséquent, gardez assez de dynamique quand vous mixez, si possible en laissant le fader master à 0 dB : vous pourrez alors contrôler le niveau correctement.