L'épisode hebdomadaire de votre série consacrée à l'enregistrement va aborder une question ô combien délicate : faut-il enregistrer la guitare électrique avec ou sans effets ?
Préambule
Les lecteurs les plus assidus de ce guide se souviennent certainement que le sujet du jour a déjà été évoqué à l’occasion du chapitre dédié à la basse. Cependant, même si je vous encourage fortement à lire ou relire ledit article tant il regorge de notions importantes au regard de ce qui suivra, il est à mon sens nécessaire de se pencher à nouveau sur la chose, et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, si ce thème était déjà sensible pour les adeptes de la quatre cordes, il l’est encore plus lorsque cela touche nos ami(e)s guitaristes. En effet, ces derniers sont pour la plupart extrêmement attachés à leur pedalboard, beaucoup plus que n’importe quel autre musicien. Ne voyez pas là un jugement quelconque, c’est seulement un constat qui s’est imposé à moi au fil des années. Par conséquent, quelques articles dédiés ne me semblent pas être un luxe.
Ensuite, si la solution évoquée lors de l’étude de la basse s’applique également ici, à savoir le recours à l’enregistrement direct en sus de la prise « classique », il se trouve que l’on peut aller encore plus loin dans certains cas.
Enfin, si la méthode d’enregistrement que nous allons voir s’insère de façon logique à ce stade de notre guide, sachez toutefois que son usage ne se limite pas uniquement à la guitare électrique et qu’il peut être intéressant de l’appliquer lors de la captation de tout instrument employant une chaîne d’effets correspondant aux critères décrits dans le prochain paragraphe.
Problématique
Pour comprendre la technique qui sera exposée la semaine prochaine, il convient au préalable de distinguer trois grandes familles d’effets.
La première regroupe ce que je qualifierais d’effets « figés » à défaut d’autre terme. Il s’agit principalement des saturations en tout genre (disto, overdrive ou autre), des égaliseurs, des utilitaires (booster, compresseur), etc. Bref, tous les effets qui n’évoluent pas dans le temps.
La deuxième rassemble logiquement les effets impliquant une transformation du son liée d’une façon ou d’une autre au temps, et donc au rythme, mais dont les paramètres temporels ne sont pas modifiables en temps réel par le musicien. Cela comprend évidemment beaucoup de delays mais également des réverbérations, des effets de modulation (flanger, phaser, chorus, etc.), et même certains filtres (auto-wah, etc.).
Enfin, la dernière famille est constituée d’effets jouant avec le temps mais pilotés en temps réel par l’instrumentiste. Il y a donc les pédales wah-wah, les pédales de volume, ainsi que tous les effets disposant d’une fonction « Tap Tempo » et / ou d’une pédale d’expression de manière générale.
Le décor étant planté, voyons à présent la raison qui me pousse à faire ces distinctions à l’heure de l’enregistrement. Il s’agit tout bonnement de la différence de « fiabilité » inhérente à chacune de ces familles. Je m’explique… À condition d’être bien réglé à la base, tout effet de la famille « figée » est extrêmement fiable par nature. Pour être plus clair, une fois les bons réglages trouvés, le rendu sonore ne variera pas de façon significative d’une prise à l’autre à cause dudit effet.
Pour les effets de la deuxième famille en revanche, ce n’est pas tout à fait la même tisane… Par essence, leur rendu sonore fluctue profondément en fonction du temps, ce qui peut entraîner énormément de complications plus tard, notamment lors de l’édition ! Imaginez un instant un morceau dont le tempo change et / ou varie à un moment ou à un autre, que cela soit volontaire ou non. Ce genre d’effet ne suivra pas les changements et engendrera donc des prises difficilement utilisables. De plus, même pour un titre réglé comme du papier à musique, il est difficile de synchroniser parfaitement ces effets. Je me souviens par exemple d’une session où le guitariste utilisait un phaser type MXR Phase 90 bien vintage. En « live » avec un réglage approximatif et l’énergie de la scène, cela convenait. Mais en enregistrement, il nous a fallu nous casser la tête car dès que la pédale n’était plus en synchro avec le morceau, la partie guitare sonnait de façon bizarre, voire carrément désagréable au sein du mixage. Je m’en suis sorti à grands coups de « comping », mais là encore, ce ne fut pas sans peine car le phaser n’était pas forcément au même niveau de modulation du signal au même instant d’une prise à l’autre. Difficile dans ces conditions de réaliser un montage transparent pour l’auditeur final…
Enfin, les effets de la troisième famille peuvent être considérés comme étant aussi fiables que le musicien qui les manipule ne l’est. S’il s’agit d’un cador, il n’y aura aucun problème. Par contre, si ses mains et ses pieds ont parfois des soucis de coordination, il y aura des difficultés supplémentaires à surmonter avant d’obtenir la ou les prises nécessaires au titre en cours de production…
Conclusion de toute cette histoire, les pedalboards n’employant que des effets de la première famille pourront se contenter de la combinaison enregistrement « classique » avec micro devant l’ampli et enregistrement direct, au même titre que la basse. En revanche, pour les deux autres familles, il est possible d’optimiser la manoeuvre afin de se faciliter la vie plus tard. Comment ? C’est ce que nous verront la semaine prochaine…