Quand nous parlons de son de guitare électrique, nous associons inconsciemment cela au couple instrument / ampli. À tel point que lorsque nous évoquons l'enregistrement direct à certains guitaristes, ces derniers crient souvent à l'hérésie et considèrent la chose avec dédain comme une sorte de filet de sécurité du technicien son amateur… Pourtant, de nombreux enregistrements légendaires comportent des parties de gratte uniquement réalisées en envoyant le signal de la guitare directement vers la console sans passer par la case ampli, et croyez-moi, ils ont touché plus que 20 000 ! Petite liste non-exhaustive…
DI Hard
Commençons si vous le voulez bien par l’évidence même : les sons clairs. Il est effectivement plutôt facile d’imaginer que l’on puisse obtenir un son clair en enregistrement direct. Sauf qu’en écoutant vos enregistrements « clean » réalisés en direct, le son vous paraît certainement aigrelet, trop fin, sans personnalité. Eh bien figurez-vous que ce n’est pas une fatalité et que certains artistes ont tellement bien travaillé leur son en direct que c’est même devenu leur signature ! J’en veux pour preuve le grand Nile Rodgers et ses fameuses rythmiques incisives qui doivent beaucoup à l’enregistrement direct. Par exemple, le son de guitare de l’indémodable Le Freak a été réalisé en branchant directement sa Stratocaster dans une console Neve :
Dans le genre tube planétaire, il y a également la six cordes de Prince sur le célèbre Kiss :
Plutôt pas mal, non ?
Bon, d’accord, il est possible d’obtenir de bons sons clairs en enregistrement direct. Mais pour des sons saturés, cela semble tout bonnement impossible… Que nenni ma bonne dame ! Et ça ne date pas d’hier en plus !
En 68, les guitares de John Lennon et George Harrison sont branchées directement sur la console d’EMI pour l’iconique Revolution.
En 71, le fameux riff du Black Dog de Led Zeppelin a été exécuté sur une Les Paul branchée via un boitier de direct sur le préampli micro de la console et le résultat est ensuite passé dans deux compresseurs Urei 1176 en série.
Plus proche de nous, en 91, la guitare totalement saturée du titre anti-machisme Territorial Pissings de Nirvana provient d’un savant mélange entre une prise « traditionnelle » et une prise directe dans la console Neve.
Bref, en un mot comme en cent, vous voyez bien qu’il est tout à fait possible d’obtenir une très large palette sonore en attaquant directement un préampli micro avec une guitare électrique… mais cela ne se fait pas n’importe comment…
Born to DI
Pour réaliser ce genre d’enregistrement, il vous faut au minimum deux choses en plus de votre interface audionumérique : un boitier de direct et un préampli micro.
« Mais mon interface possède déjà une entrée instrument et un préampli micro ?! » me direz-vous. Certes, mais pour ce type de son le point crucial réside dans la maîtrise des gains en entrée et en sortie du préampli micro, et ce, avant conversion numérique. Sur votre interface, vous avez accès au gain d’entrée des préamplis micros, mais pas à celui de sortie avant d’attaquer le convertisseur. Moralité, en poussant l’un de ces préamplis micros jusqu’à obtenir une saturation, aussi infime soit-elle, vous prenez le risque de saturer le convertisseur et ça, ce n’est vraiment pas beau à entendre. Du coup, la solution consiste à brancher la guitare électrique à un boîtier de direct pour attaquer un préampli micro externe qui est lui-même branché sur une entrée ligne de l’interface audio. Avec cette configuration, vous pouvez régler le gain d’entrée du préampli micro à loisir tout en contenant le surplus de niveau engendré via le gain de sortie afin de ne pas surcharger le convertisseur de votre carte son.
Bien entendu, le grain sonore que vous obtiendrez avec cette technique dépend énormément du préampli micro externe utilisé. Mais n’allez pas croire que cela implique forcément l’emploi d’un préampli hors de prix façon SSL, API ou Neve. Il existe des préamplis micro externes d’entrée de gamme assez surprenants à ce niveau-là et au final, tout n’est qu’affaire de goût. À titre d’exemple, sachez que j’ai personnellement utilisé avec bonheur un préampli Bellari RP520 pour ce genre de choses pendant des années. D’ailleurs, il m’arrive encore parfois aujourd’hui de regretter de m’en être séparé, c’est dire !
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Rendez-vous la semaine prochaine pour de nouvelles aventures !