Hallelujah mes amis ! En vérité je vous le dis, l'heure de conclure cette série d'articles consacrée à l'art de l'enregistrement en situation Home Studio est bel et bien venue. Moi-même je n'y croyais plus et pourtant, nous voici arrivés à terme. Pour cet ultime épisode, je vous ai bien entendu concocté quelque chose de spécial : une réflexion sur la production musicale dans son ensemble dressée sur son lit de métaphores culinaires…
Un titre presque parfait…
Quels sont les secrets des plats d’exceptions à même de subjuguer les papilles des plus fins gourmets comme celles du quidam ? Je suis bien loin d’être un expert en la matière – quelqu’un m’a d’ailleurs un jour qualifié de « most useless thing you can find in a kitchen » – cependant, il me semble que la réponse à cette question doit ressembler à quelque chose comme ceci :
- Avoir une bonne recette ;
- Disposer d’ingrédients de qualités ;
- Posséder l’ensemble des ustensiles nécessaires à la réalisation de ladite recette ;
- Avoir à portée de main les condiments adéquats ;
- Préparer avec soin les différents éléments (découpe, marinade, précuisson, et caetera) ;
- Faire mijoter tout ce beau monde en ajustant l’assaisonnement ;
- Prendre la peine d’exécuter un dressage digne de ce nom ;
- Veiller à ce que le service soit impeccable dans un cadre agréable.
Évidemment, une bonne dose de savoir-faire est nécessaire tout au long du processus. Du concepteur de la recette au serveur, en passant par les éleveurs et les agriculteurs fournissant les ingrédients, le chef cuisinier ou bien encore les différents commis de cuisine, tous se doivent d’être « au top de leur game ». S’il s’agit en plus d’une seule et même personne, bonjour le niveau nécessaire pour rivaliser avec les ténors du métier et leurs équipes de spécialistes ! Maintenant, il est bien sûr largement possible de se faire extrêmement plaisir sans avoir la prétention de nager dans les mêmes eaux qu’un chef étoilé. Les différents points relevés ci-dessus restent cependant de mises. Il en découle donc plusieurs constats selon moi.
Tout d’abord, je crois pouvoir dire sans trop me tromper qu’aucun cuisinier digne de ce nom n’a un jour déclaré être dans l’incapacité de concocter telle ou telle recette parce qu’il n’avait pas la bonne marque de couteau. Certes, il convient d’avoir à disposition des lames bien affutées et taper dans le haut du panier peut être un gage de qualité, mais il n’est absolument pas nécessaire de posséder un canif de luxe Wusaki pour arriver à ses fins. A contrario, difficile de faire une omelette sans avoir d’oeufs ou de mitonner un saumon teriyaki sans réaliser une marinade au préalable.
Dans le même ordre d’idée, il ne me semble pas qu’un chef puisse décemment se rabattre sur le dressage ou bien encore le service pour faire oublier une mauvaise recette, des ingrédients avariés ou une cuisson ratée. Cela ne veut certainement pas dire qu’il faille négliger ces points. Le meilleur des plats sera assurément moins apprécié servi par un lépreux dans une assiette sale de la veille, mais avant d’en arriver là, il y a tout de même de la marge et mieux vaut privilégier en premier lieu le coeur de l’expérience, à savoir le plat à proprement parler.
Toujours dans cet esprit, posséder une large gamme d’épices plus ou moins « exotiques » comme du poivre du Sichuan ou du sel rose de l’Himalaya doit être fort agréable. Toutefois, il y a déjà largement de quoi faire avec les condiments usuels et il est beaucoup plus important de savoir bien les doser plutôt que d’avoir le choix de l’embarras. Il en va de même pour les ingrédients à la base de la recette. Faut-il forcément avoir du boeuf de Kobe pour commencer à se faire plaisir ? Une belle pièce de boeuf « ordinaire » me paraît déjà bien suffisante la plupart du temps. Quant à la recette, la qualité de cette dernière est bien entendu primordiale. En effet, même le tour de main du meilleur cuistot au monde ne saurait rendre digeste une blanquette d’huitres au maroilles… En revanche, nul besoin de verser dans l’hypercomplexité façon oeuf en meurette sur lit mousseux de champignons et croquant au romarin pour ravir vos convives. Le plus simple des plats réalisé d’une main de maître sera toujours à même de faire surgir des étincelles au coeur des pupilles de tout un chacun à mon humble avis.
Bref, tout ça pour dire que même si toutes les étapes décrites sont nécessaires à l’obtention d’une expérience gustative magique, elles n’ont pas toutes la même importance, il ne faut pas réellement compter sur l’une pour rattraper la faiblesse d’une autre et il serait par conséquent dommage d’en sacrifier une au soi-disant profit d’une autre, puisqu’en définitive, le tout en pâtirait.
Comme vous devez vous en douter, toute cette histoire est très facilement transposable dans le domaine de la musique enregistrée. La recette représente la composition et l’arrangement de votre titre. Les ingrédients se résument à l’interprétation des musiciens, eux-mêmes n’étant rien de moins que les éleveurs / agriculteurs cultivant jour après jour leur(s) instrument(s) afin de pouvoir délivrer des performances de qualité. Les ustensiles de cuisine correspondent naturellement aux outils du cuistot / technicien-son, les condiments étant pour leur part un équivalent des machines colorant le signal. Les préparations préalables – découpe et autre marinade – peuvent être considérées comme l’étape d’enregistrement. La cuisson et l’ajustement de l’assaisonnement tiennent lieu de mixage. Le dressage, quant à lui, pourrait être assimilé à l’épate de mastering. Enfin, le service correspond à bien des égards aux moyens de diffusion de votre musique. À ce titre, il nécessite une cuisson et un dressage adaptés tant il semble évident qu’un plat n’est pas présenté de la même façon suivant s’il est consommé « sur place » (diffusion live / discothèque), à emporter (vinyle / K7 / CD) ou en livraison (streaming). Avec ces analogies en tête, une relecture des paragraphes précédents devrait pouvoir éclairer mon raisonnement sous un nouveau jour. Mais il y a encore moyen de filer plus avant la métaphore…
Cauchemar en cuisine
Imaginez-vous qu’il soit possible, même pour un grand chef, de travailler convenablement dans une cuisine complètement insalubre où le moindre contact avec l’une des surfaces risque de rendre le plus exquis des mets impropre à la consommation ? Qu’importe alors la qualité des ingrédients, la finesse des condiments ou bien encore le niveau du service, tout plat conçu au sein d’un lieu à ce point délétère sera assurément ruiné avant même d’avoir eu le loisir d’arriver jusqu’aux lèvres du premier chaland. Si l’état de salubrité du lieu de travail d’un cuistot a un tel potentiel de nuisance sur la qualité finale de ce qu’il est capable de servir, il en va de même pour la salubrité acoustique du studio de l’ingénieur du son et la finesse des titres qu’il sera susceptible de produire. Or, l’acoustique est malheureusement le maillon le plus faible dans la majorité des Home Studio. Je vous laisse réfléchir à cela un instant…
Le mot de la faim
Comme l’a chanté un illustre musicien français : « Voilà, c’est fini. On a tant ressassé les mêmes théories… » Il me semble que nous avons à présent suffisamment fait le tour de la question pour que vous puissiez commencer à voler de vos propres ailes.
J’espère sincèrement que vous aurez trouvé quelques conseils utiles à la réalisation de vos projets musicaux au détour de l’un de ces 161 articles, soit tout de même l’équivalent d’un bouquin de plus de 450 pages ! Il m’aura fallu quatre années pour venir à bout de la rédaction de ce guide, donc une de plus que pour l’écriture de mon guide du mixage… Moi qui croyais ne pas pouvoir faire plus long, je me rends compte à présent à quel point j’avais tort. Aussi, je ne m’avancerai pas aujourd’hui quant à la suite des évènements, qui vivra verra !
En attendant, je souhaite remercier chaleureusement toutes les personnes sans qui cette nouvelle aventure aurait été tout bonnement impossible, à commencer par mademoiselle Géraldine D., l’indéfectible et ô combien lumineux phare dans mon éternelle tempête.
Merci également à l’ensemble de mes proches qui, même s’ils sont complètement extérieurs au petit monde de l’audio, ont toujours su être là pour me soutenir quels que soient mes projets, et croyez-moi sur parole, ce n’est clairement pas une mince affaire.
Évidemment, rien de tout cela n’aurait pu voir le jour sans toute la clique d’Audiofanzine : des développeurs aux membres du département marketing, en passant par l’administration, les divers managements, les traducteurs et bien sûr l’équipe éditoriale dont la confiance m’honore chaque jour un peu plus.
Dernier point, mais pas des moindres, mille mercis à vous tous chers AFiens pour votre fidélité ! J’espère avoir encore longtemps le plaisir de vous distraire en essayant de vous transmettre humblement le peu de « savoirs » que d’autres ont eu la générosité de m’inculquer.
Sur ces bonnes paroles, mes multiples catachrèses culinaires ayant su aiguiser ma gourmandise musicale naturelle, c’est avec délectation que je m’en vais faire un boeuf sur le chant.
Et bon appétit bien sûr !