Pour l’avant-dernier épisode de notre grand guide consacré à l’enregistrement en situation Home Studio, nous allons nous pencher sur le cas de la guitare acoustique.
Étant donné le chemin parcouru depuis le début de cette série, cela devrait se passer sans anicroche, mais juste au cas où vous auriez malencontreusement sauté quelques chapitres, commençons par un petit rappel…
Le travail à la source
Ni allons pas par quatre chemins : si le son de votre instrument ne vous convient pas a minima avant même d’avoir placé le moindre micro, il n’existe aucun sortilège secret jalousement gardé par les Illuminati de la loge des techniciens du son susceptible de pouvoir changer cela lors de l’enregistrement, du mixage, du mastering ou même à l’occasion d’une messe noire sous une lune rousse arrosée du sang d’un agneau encore vierge sanctifié par Pipo IX en personne. Moralité, sélectionnez bien votre guitare en fonction du son dont vous avez besoin pour le titre en cours de production. Dans le même ordre d’idée, prenez le temps de choisir judicieusement le tirant de vos cordes, faites attention à leur vétusté, envisagez le jeu au doigt ou au médiator, choisissez avec soin l’épaisseur et la matière dudit plectre, réfléchissez à l’impact sonore de la zone où vous jouez (plutôt vers le manche ou vers le chevalet) ainsi qu’au « voicing » de vos accords, etc. Croyez-moi sur parole, tous ces points auront beaucoup plus d’impact sur le rendu de vos enregistrements que l’utilisation de tel ou tel micro placé à tel ou tel endroit. Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur ce genre de considérations, je vous invite à jeter un œil à cet article sur le travail à la source ainsi qu’à celui-ci sur les prérequis de l’enregistrement de la guitare électrique, ou bien encore celui-là sur le reste des prérequis concernant l’enregistrement de la guitare électrique.
Sur ce, entrons dans le vif du sujet !
Captation mono de la guitare acoustique
Qu’il s’agisse d’une guitare folk ou classique jouant un arpège, un riff ou une rythmique en « strumming », le meilleur point de départ consiste à utiliser un micro électrostatique cardioïde à petite membrane placé à hauteur du manche et à une distance comprise entre quinze et cinquante centimètres de ce dernier, la capsule visant la douzième frette. Pour être plus clair, voici un petit schéma :
Le son ainsi obtenu sera bien équilibré. Vous pouvez jouer sur la distance afin de travailler la balance entre l’attaque et le sustain. Il est également possible de légèrement jouer sur l’orientation de la capsule, comme indiqué sur le schéma, de façon à obtenir un son plus gras (vers le corps de l’instrument) ou un son plus clair (vers le manche). Attention cependant, ne péchez pas par excès sous peine d’obtenir un son « boueux » ou, au contraire, un son trop « fin ».
Notez que l’utilisation d’un cardioïde à petite membrane permet de minimiser l’effet de proximité tout en évitant de trop grands changements de timbre à l’occasion d’éventuels mouvements du guitariste lors de sa performance. Ne vous attendez toutefois pas à des miracles si ce dernier a plus la bougeotte qu’un raver sous acide…
Cette technique d’enregistrement mono conviendra pour la plupart des productions de musiques actuelles où la guitare n’est pas l’instrument central et lorsque l’arrangement est un tant soit peu chargé. Si vous ressentez tout de même le besoin d’avoir un peu plus « d’épaisseur », plutôt qu’une prise stéréo, je vous invite à envisagerla technique du doublage dont je vous ai déjà parlé à l’occasion du chapitre consacré à la guitare électrique. En effet, le rendu me semble beaucoup plus intéressant dans le cadre des musiques actuelles lorsque la guitare acoustique n’a qu’un rôle de soutien : la spatialisation ainsi obtenue est plus « vivante », ce qui permet de rendre l’instrument plus facilement perceptible par l’auditeur sans pour autant le mettre trop à l’avant-scène et surtout, sans avoir à triturer outre mesure la pâte sonore lors du mixage.
Passons à présent à l’enregistrement en stéréo.
Guitare acoustique en stéréo
La captation en stéréo d’une guitare acoustique est particulièrement intéressante lorsque l’arrangement de la composition est relativement aéré. Le cas typique se résume à un simple couple guitare/voix. Pour ce genre de production, une prise stéréophonique de guitare acoustique donnera une certaine épaisseur sonore au titre tout en dégageant le centre, ce qui laissera ainsi une belle place au chant.
Commençons par la technique la plus simple à mettre en œuvre, le couple X/Y. Ici, rien de bien sorcier : il suffit d’utiliser deux microphones cardioïdes appairés et de positionner les deux capsules des micros au plus proche de façon à obtenir un angle de 90 degrés. Placez alors ce couple comme vu précédemment, à savoir à hauteur du manche et à une distance comprise entre quinze et cinquante centimètres de ce dernier, l’axe du couple visant la douzième frette. Voici un schéma illustrant cette méthode :
À l’instar de la technique de prise mono, mieux vaut privilégier des micros électrostatiques dotés d’un petit diaphragme. De plus, vous pouvez également travailler sur la distance de placement afin de gérer la proportion entre attaque et sustain ou légèrement jouer sur l’orientation du couple pour doser la balance spectrale.
L’utilisation du couple X/Y a plusieurs avantages : la facilité de mise en pratique, une très bonne compatibilité mono et une largeur stéréo somme toute réaliste. Ceci étant, pour un rendu « larger-than-life », rien ne vaut un couple A/B. Pour mettre en œuvre cette méthode, prenez à nouveau deux microphones cardioïdes appairés – toujours de préférence des électrostatiques à petite membrane. Positionnez-en un à la douzième frette comme précédemment, mais placez l’autre de façon à ce que la capsule pointe vers le chevalet, comme indiqué sur l’illustration suivante :
Les distances de placement sont encore de l’ordre de quinze à cinquante centimètres de l’instrument et toujours au niveau de la hauteur du plan défini par le manche. Afin de limiter les problèmes de phase, veillez à respecter la règle du 3:1 décrite dans cet article. De plus, faites attention à ce que les mouvements de bras du musicien ne masquent pas le chevalet à la « vue » du second micro, cela compromettrait à coup sûr la consistance de la prise.
L’avantage de cette technique est bien entendu une largeur stéréo incomparable. En revanche, la compatibilité mono prend au passage un coup dans l’aile. À vous donc de peser le pour et le contre.
Sélection de micros pour l’enregistrement d’une guitare acoustique
Pour conclure ce chapitre, voici une sélection de micros particulièrement adaptés selon moi à la captation de guitares acoustiques. Comme d’habitude, cette liste n’est d’une part absolument pas exhaustive, car je ne connais bien évidemment pas la totalité des micros existants ; et d’autre part, elle est forcément subjective puisque reflétant mes goûts en la matière.
Je l’ai répété plusieurs fois, mieux vaut privilégier les électrostatiques à petit diaphragme. Or, si vous me faites l’honneur de suivre avec assiduité cette série, vous n’êtes pas sans savoir que j’ai un petit chouchou au sein de cette famille de micro : les Oktava MK-012. Je vous assure que je ne suis absolument pas sponsorisé par cette marque russe, mais force est de constater que le rapport qualité/prix de ces joujoux est imparable.
Lorsqu’il s’agit d’enregistrer une rythmique sur une folk jouée au médiator, j’ai cependant un autre chouchou, l’AKG C451 B dont la brillance ajoute une très agréable petite « étincelle » au « strumming ».
Évidemment, Neumann propose des modèles cardioïdes à petite membrane des plus plaisants, comme le KM 184 par exemple.
Pour la captation de guitares acoustiques à cordes en nylon lorsqu’il s’agit de l’instrument principal, j’apprécie tout particulièrement les Schoeps CMC 6U équipés de capsules MK4, mais ça n’est pas une solution à la portée de toutes les bourses, j’en conviens.
D’ailleurs, puisque nous venons d’entrer dans la catégorie des micros d’exceptions, voici les inévitables entorses à la règle du cardioïde à petit diaphragme. Il y a tout d’abord le micro à ruban Royer Labs R-121. Ce dernier fait vraiment des miracles sur les guitares acoustiques, mais pour être tout à fait honnête, je n’ai, à ce jour, jamais rencontré de source sonore capable de le mettre réellement en mauvaise posture. Ensuite, les légendaires Neumann U 47 et U 87 sont évidemment toujours des candidats de choix. Enfin, pour une pâte sonore rétro à souhait, les Coles 4038 sont de véritables bijoux.
Notez qu’il est bien entendu possible d’enregistrer la guitare acoustique avec n’importe quel micro dans l’absolu. Je me suis d’ailleurs moi-même longtemps contenté d’un micro à condensateur cardioïde large membrane premier prix à mes débuts et j’ai tout de même réussi à obtenir des résultats satisfaisants. Ceci dit, cela me demandait beaucoup plus de travail, à la prise comme au mixage. Du coup, si vous êtes amené à très souvent enregistrer ce type d’instrument, je ne saurais trop vous recommander d’investir dans une paire de micros dédiés, je vous garantis que ça changera votre vie.
Sur ce, rendez-vous au prochain épisode pour l’ultime chapitre de cette série consacré à l’enregistrement en situation Home Studio !