Après un petit détour par une méthode de gestion du retour peu conventionnelle la semaine dernière, revenons à quelque chose de plus classique, à savoir notre donneur de voix équipé d'un bon vieux casque audio. Aujourd'hui, nous allons jeter les bases d'une méthode qui vous permettra de lui concocter un retour casque aux petits oignons tout en réglant en parallèle son niveau d'enregistrement.
Disclaimer
Dans cet article, je présuppose que les choix de micro, préampli, placement et tout le tralala sont déjà effectués. Ne vous en faites pas, je suis bien conscient de ne pas avoir encore à ce jour abordé ces sujets et je vous assure que nous traiterons tout cela dans les moindres détails ultérieurement. Cet ordre de traitement au sein de ce guide peut vous paraître curieux, pourtant je vous assure que je ne mets absolument pas la charrue avant les boeufs. D’après vous, d’un peintre aveugle équipée de la meilleure toile, des meilleurs pinceaux et de la plus magnifique gamme de peintures ou d’un peintre voyant affublé d’un matériel premier prix, lequel créera le tableau le plus émouvant ? La réponse me semble évidente, non ? Or, le musicien, et donc a fortiori le chanteur, voit la musique avec ses oreilles, d’où ce choix de traiter du retour en profondeur avant de vous parler du moindre micro.
Deuxième point que je tiens à souligner avant de rentrer dans le vif du sujet, je vous invite à préparer le plus de choses possibles en amont de la séance de prise de voix. En effet, le chanteur vient pour chanter, pas pour vous voir brancher des câbles ou attendre dans un coin pendant que vous réglez un problème technique. Cette remarque est d’ailleurs tout aussi valable si vous êtes à la fois l’ingénieur du son et l’interprète. Veillez donc à ce que tout soit prêt avant votre session d’enregistrement de façon à ce qu’aucune considération technique ne vienne perturber votre concentration lors des prises. Cela concerne bien entendu toutes les questions matérielles (micro, préampli, câblages, etc.) mais aussi l’aspect pratique (talkback, création de la session dans votre STAN, etc.) et bien entendu cela concerne directement notre sujet du jour, à savoir la conception du retour casque pour l’interprète.
Enfin, pour clôturer ce préambule, je me permets de préciser que, comme d’habitude, la méthode qui va suivre est à prendre pour ce qu’elle est : juste une méthode parmi tant d’autres. Je l’utilise avec bonheur depuis de nombreuses années mais je n’ai absolument pas la prétention de croire qu’il s’agit de la seule et unique bonne façon de faire. D’ailleurs, si vous faites autrement, je serais vraiment curieux de connaître votre manière de procéder alors surtout n’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires !
Bien, passons à présent aux choses sérieuses…
Le retour du retour de la vengeance de la mort qui tue…
Une fois le chanteur bien campé devant son micro avec le casque fermement arrimé à ses oreilles, la méthode que je conseille d’utiliser pour élaborer son retour tout en réglant son niveau d’enregistrement se décompose en sept étapes. Aujourd’hui, nous nous concentrerons sur les deux premières.
Étape n°1 :
Réglez en premier lieu le niveau d’envoi du « backing track » dans son casque. Notez que cela suppose d’avoir effectué au préalable un pré-mix des instruments déjà enregistrés et / ou des stems issus de la pré-production en fonction de ce que vous estimez nécessaire à la prise de voix. Bien sûr, ce pré-mix sera réajusté plus tard en fonction des desiderata du chanteur mais pour l’instant, contentez-vous seulement de gérer le niveau global d’envoi du pré-mix dans son circuit retour. Le but du jeu est d’arriver à un niveau d’écoute confortable pour l’interprète, ni plus, ni moins. Une fois cela fait, mémorisez ce réglage et baissez-le de moitié.
Étape n°2 :
Passez ensuite au réglage des niveaux d’enregistrement et de retour de la voix à proprement parler. Si votre chanteur s’inquiète à l’occasion de cette étape, expliquez-lui que le but de la manoeuvre est tout d’abord de lui créer un beau son de voix afin qu’il puisse réaliser sa performance avec tout le confort possible, c’est pourquoi le niveau de l’instrumentation est sensiblement en retrait pour l’instant mais ce dernier sera bien sûr remonté à un volume adéquat le moment venu.
De votre côté, toute la difficulté de l’exercice réside dans la gestion en parallèle des deux niveaux : l’enregistrement et le retour voix. Calez donc le playback sur un passage représentatif du titre en cours de production, typiquement un refrain, et demandez au chanteur de pousser la chansonnette. Ajustez alors le niveau d’enregistrement pour que son maximum oscille entre –15 et –10 dBFS. En parallèle, augmentez progressivement le retour voix jusqu’à atteindre un niveau confortable pour le chanteur. Attention, ces niveaux d’enregistrement et de retour sont interdépendants ! Ainsi, l’interprète chantera différemment suivant le niveau de sa voix dans le casque, ce qui remettra en cause votre niveau d’enregistrement, ce qui modifiera le volume du retour, et caetera ; à vous d’arriver à un certain équilibre par petites touches successives afin de transformer ce cercle vicieux en cercle vertueux. Lors de vos premières sessions, cela vous prendra peut-être un poil trop de temps mais avec l’habitude, vous verrez qu’au final cette étape ô combien cruciale n’a vraiment rien de bien sorcier.
À l’issu de cette étape, le home studiste néophyte doit se dire qu’il suffit alors de remonter le niveau du playback et roulez jeunesse… Eh bien que nenni ! Il nous reste encore pas moins de cinq étapes à voir sur les sept annoncées précédemment. Ceci étant, malgré ce que les lecteurs les plus avertis pourraient penser, il y a déjà beaucoup d’informations importantes à digérer dans cet épisode. Ainsi, je préfère m’arrêter là pour aujourd’hui et vous donner rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de nos aventures !