Aujourd’hui, je vous propose un épisode un peu particulier s’écartant sensiblement du sujet principal de cette série puisque nous allons discuter de l’intérêt que peuvent avoir certains « accidents » dans le contexte de la création musicale.
« Sauf erreur, je ne me trompe jamais »
De nos jours, les moyens techniques dont nous disposons permettent de gommer quasiment n’importe quel faux pas. Même si cela a quelque chose de rassurant, est-ce forcément toujours une bonne chose ? Doit-on systématiquement annihiler le moindre défaut sous couvert d’atteindre une perfection supposée ? Pour moi, la réponse est clairement non. J’en veux pour preuve les quelques exemples qui suivent…
L’intro du célèbre Roxanne de Police est un cas d’école dans le genre. Il y a d’abord l’erreur de vitesse du magnéto qui change le pitch de la guitare dans les toutes premières secondes du master original. À la faveur d’une réédition, cet accident a malheureusement été « corrigé », mais je préfère mille fois écouter la version originale juste pour cette petite imperfection qui rend ce mix si spécial. Et ce n’est pas la seule bévue que cette intro contient ! Il y également le fameux accord de piano et le rire de Sting dont vous pourrez découvrir l’étonnante origine ici.
Niveau gaffe en tout genre, les enregistrements des Beatles ou des Stones sont de véritables mines d’or. Pour ne citer qu’une des coquilles les plus célèbres, il y a l’histoire de la batterie sur Hey Jude que je vous invite à lire en suivant ce lien. Un peu plus proche de nous, il y a le titre Polly de Nirvana où Kurt Cobain s’emmêle les pinceaux lors de la reprise du chant au troisième couplet. Encore plus récemment, nous avons l’édition maladroite du souffle d’Olivia Merilahti sur l’intro du sublime Dust it Off de The Dø.
Des histoires comme celles-ci, le milieu de la création musicale en regorge. Ces « erreurs » auraient certainement pu être corrigées et ces tubes auraient sans doute connu, pour la plupart, le même destin sans ces heureux hasards. Cependant, ces accidents contribuent grandement à l’atmosphère « vivante » de ces titres. Moralité, je vous encourage à être particulièrement attentif à ce genre d’impair, et ce, à n’importe quel stade de la production. De temps à autre, c’est justement ces petits détails qui rendent un morceau fantastique. Avouez qu’il serait dommage de passer à côté par excès de zèle. D’autant que par la suite, cela peut faire une belle anecdote à raconter aux journalistes si d’aventure vous aviez la chance d’être interviewé à ce sujet, et c’est bien là tout le mal que je vous souhaite.
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ; mon propos n’est pas de vous interdire toutes retouches ! Les progrès technologiques dans le petit monde de l’audio permettent d’atteindre des résultats qui étaient tout bonnement inimaginables il y a à peine quelques années de cela et il faut avouer que c’est tout de même bien pratique dans la vie de tous les jours. Mais parfois, le mieux est l’ennemi du bien. Les erreurs et autres accidents font partie de la vie. Même s’il est humain de souhaiter les effacer lorsque cela est possible, à trop vouloir en faire, prenez garde à ne pas accoucher d’une œuvre par trop aseptisée, dénuée de toute saveur…
Sur ce, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour l’avant-dernier article de ce guide consacré à l’art du mixage.