Comme je vous le disais la semaine dernière, le piano est un instrument particulièrement complexe à enregistrer. Dans cet épisode, nous allons voir quelles sont les différentes raisons qui rendent sa captation aussi difficile…
Problématique
Par nature, le piano fait partie de la famille des instruments à cordes frappées. Pour faire court, les touches actionnent des marteaux qui viennent frapper les cordes. Ces dernières se mettent alors à vibrer et ces vibrations sont amplifiées par la table d’harmonie. Ainsi, le son produit possède deux composantes principales : d’abord une attaque plus ou moins prononcée issue de la percussion des cordes, suivie d’une résonance provenant de l’amplification des vibrations des cordes par la table d’harmonie. Sans rentrer dans les détails (harmoniques, polyphonie, etc.), le son d’un piano dit « moderne » est particulièrement riche et complexe. Or, pour couronner le tout, il se trouve qu’il s’agît probablement là de l’instrument le plus populaire de tous les temps ! Tout le monde sait comment sonne un piano. Du coup, un enregistrement de piano digne de ce nom doit être un minimum fidèle au son ancré dans l’inconscient collectif.
Pour ce faire, la captation sonore de cet instrument peut se résumer à une double balance : il faut non seulement gérer le mélange entre la frappe et la résonance, mais également le classique équilibre spectral des graves aux aigus. Notez que nous avons tout de même une certaine marge de manoeuvre lors de la réalisation de cette double balance puisque cela peut aller du son de piano « classique » :
Au son « rockabilly » :
En passant par le jazz :
Jusqu’à des choses un peu plus particulières comme ici :
Techniquement parlant, la prise de piano représente donc un sacré challenge. Tout d’abord du point de vue de la dynamique, l’engin est capable du plus doux des murmures comme de la plus féroce des morsures !
Ensuite, en termes de plage fréquentielle, un piano évolue sur un registre tout bonnement impressionnant. De fait, la fondamentale de la première des 88 notes d’un piano à queue se situe à 27,5 Hz alors que la dernière est à plus de 4 kHz avec des harmoniques évoluant au-delà des 10 kHz.
Comme si ça ne suffisait pas, il est important de souligner qu’il s’agit d’un instrument particulièrement grand. En effet, le moindre piano droit possède une largeur minimale d’environ 145 cm avec un cadre de 110 à 130 cm. Et je ne vous parle même pas des dimensions d’un piano à queue de concert… Voilà qui ne manquera pas de compliquer le travail de prise de son !
Vous devez à présent comprendre pourquoi le chapitre consacré à l’enregistrement de cet instrument hors-norme n’intervient qu’à un stade avancé de ce guide. Comme vous devez vous en douter, le cadre de travail en home studio ne facilite pas la tâche. C’est d’ailleurs certainement pour ça que beaucoup de home studistes préfèrent utiliser des instruments virtuels lorsqu’une de leurs compositions nécessite un beau son de piano. Ceci étant, si vous faites partie des quelques intrépides souhaitant absolument capturer le son beaucoup plus personnel de leur propre instrument, ne vous en faites pas ! Nous allons voir dans les semaines qui suivent des techniques qui vous permettront d’arriver à vos fins. Et nous commencerons dès le prochain épisode en décortiquant minutieusement les conséquences induites par les lièvres que nous venons de soulever en matière de choix de micros…