Suite de notre grande saga sur l'utilisation de la console ! Cette fois-ci, nous allons nous pencher sur les conditions de son exploitation dans le cadre du home-studio… C'est à dire, le cas sans doute le plus répandu parmi nos internautes lecteurs ! Il y aura sans doute autant de cas d’utilisations que d'utilisateurs, mais un certain nombre de processus seront invariables et seront gages de la qualité de vos productions…
La SSL SL 9096 J Series du Studio A de Guillaume Tell, à Suresnes, près de Paris : difficile d’imaginer mieux ! |
S’il est un endroit où la console confirme son rôle de « centre névralgique » de l’installation, c’est bien le home-studio ! En effet, elle devra successivement recevoir les sources diverses qui seront captées dans le studio, en permettre le traitement tout en recevant en retour ce qui « sort » de l’enregistreur, et enfin permettre la finalisation du document à diffuser… Que l’on ait en tête de profiter de la table de mixage utilisée par le groupe lors de ses prestations sur scène, ou d’implanter chez soi un modèle de « trois mètres de long » tel qu’on le voit dans les visites guidées des sites de studios professionnels, il faudra soit vérifier que les performances de la console « de live » sont compatibles avec les attentes, ou… être particulièrement convaincant avec son banquier !
Faire le bon choix
Avant donc de s’engager dans quelque sens que ce soit, il sera donc prudent d’établir le cahier des charges de l’installation : quels seront les objectifs du studio, de quelle place dispose-t-on, comment s’articule l’équipement…
Dans la plupart des home-studios, on enregistre les instruments les uns après les autres, et en nombre assez réduits. Le fait de disposer d’un grand nombre de tranches d’entrées ne sera peut-être pas une priorité, de fait. Quelle sera la place de l’ordinateur, du logiciel d’enregistrement et de sa console intégrée dans l’équipement ? Il faudra sans doute être plus attentif de ce côté : on appréciera de pouvoir « entrer » de nouvelles sources et de les mélanger à ce qui « sort » de l’enregistreur, en même temps que l’on opérera un traitement sur l’un des signaux au travers d’un rack d’effets extérieur. Pourtant, il est vrai que l’on fait de plus en plus de choses dans l’ordinateur, en utilisant des plugs-in d’effets, pourquoi pas même, en mixant directement ! Les gens de Digidesign ont été les premiers à comprendre l’intérêt qu’il y avait de proposer un « tout intégré », mais avec une surface de contrôle physique, permettant un mixage bien plus intuitif que celui réalisé à la souris… La somptueuse C|24, mais aussi la « petite » Command|8 permettent une parfaite interaction entre les sources captées, leur enregistrement, puis leur mixage au sein du studio. Toutefois, le ticket d’entrée pour le monde « Pro-Tools » est de nature à en rebuter les budgets les plus serrés !
Quelques branchements
Alors, entrons dans le vif du sujet : on dispose de plusieurs sources à connecter. Un synthé, un micro qui « capte » un ampli guitare, un second avec un pré-ampli destiné à la voix et aux prises un peu fines et puis, bien entendu, les sorties de la carte-son de l’ordinateur. Dans notre exemple, nous avons choisi une carte son stéréo USB, tout à fait représentative de la majorité des configurations d’entrée de gamme. La console que nous avons retenue est la Mackie 1402-VLZ. Ce n’est plus un produit au summum de « l’avant-garde de la technologie », mais elle aussi correspond à un budget d’équipement raisonnable. Comme nous l’avions signalé dans le chapitre sur la console en salle de répétition, il sera indispensable, lorsqu’on fait le choix d’une console de mixage, de la choisir avec au moins le tiers de tranches supplémentaires par rapport à celles que l’on utilise. Le choix d’une 14 voies paraît ici confortable, mais l’expérience prouvera, une nouvelle fois, qu’on peut se trouver très vite « à l’étroit » !
Les équipements seront connectés de la manière suivante ; le synthé, en entrées ligne, en jack 6,35. Les deux micros seront branchés en XLR. Pas besoin d’alimentation fantôme pour le micro statique, le préampli fournira la tension de fonctionnement. À défaut de ce dernier, on devrait activer la commutation globale du 48 volts, mais le micro dynamique ne serait pas perturbé par cette activation.
L’interface audio est connectée en sortie sur une tranche d’entrée stéréo de la console, et en sortie sur les sorties principales de la console (Main Mix), en jack ou en XLR. Les enceintes de contrôle seront connectées sur les sorties « Control Room ». L’exploitation éventuelle d’un effet extérieur utilisera un départ auxiliaire en envoi et un « retour d’effets stéréo » ou mieux, une tranche stéréo ; dans la mesure du possible, on privilégiera cette dernière solution, plus souple. Un compresseur externe pourra être utilisé sur les voix micros qui disposent d’un connecteur d’insert.
Monter en gamme
Les consoles disposant d’une interface USB ou FireWire sont maintenant fréquentes sur le marché, permettant une transmission piste à piste vers l’ordinateur, pour peu que les drivers existent pour le logiciel que vous utilisez ; si cela fonctionne, voilà de quoi économiser une interface multicanaux un peu onéreuse ! Toutefois, il ne faudra pas rêver : l’interaction par les faders de la console sur ceux, virtuels, du logiciel, n’est possible que sur quelques rares appareils numériques : la Yamaha 01V et ses « grandes sœurs », la V-Mixer M400 Roland, la nouvelle SSL Matrix… : hors budget !
En situation
Comme nous l’avons évoqué plus haut, il est assez rare d’enregistrer en multipistes en home studio. En général, on construira le titre piste à piste, en partant d’une partie stable rythmiquement et suffisamment dense pour permettre de placer les autres ensuite. Quand on « fonctionne » en niveau ligne, il est facile de s’appuyer sur la première partie et de jouer la seconde, en mélangeant l’écoute des deux, au travers des enceintes de contrôle. Mais quand on utilise une prise au micro, il n’est pas question de passer la piste de référence dans les enceintes, avec le micro captant la seconde prise placé devant ! Il va falloir utiliser une écoute casque… Le rêve est évidemment de disposer de deux lieux distincts : la cabine de mixage d’un côté, celle de prise de son de l’autre. Mais rien ne garantit que votre entourage soit prêt à sacrifier une seconde pièce de l’habitat familial, même s’il n’est pas nécessaire de disposer de surfaces susceptibles d’accueillir un orchestre symphonique.
L’utilisation d’un retour indépendant pour le musicien a un but identique à ce qu’on peut trouver en salle de répétitions ou sur scène ; il veut s’entendre, lui, et un peu les autres pour pouvoir jouer en place… C’est d’autant plus vital, en situation d’enregistrement en studio qu’il ne pourra s’appuyer sur les gestes, les mouvements de ses camarades de scène, puisqu’il… sera seul à jouer ! On utilisera un départ auxiliaire pré-fader permettant de dissocier ce que l’on enverra en retour de ce qui partira vers l’enregistreur. Il sera nécessaire d’utiliser un préampli casque : en effet, le niveau de départ d’un auxiliaire est « mono » et au niveau « ligne » alors qu’un casque suppose un signal stéréophonique amplifié… On trouve de nombreuses références de pré-amplis offrant entre 2 et 8 sorties, et un ou plusieurs canaux d’entrée.
Le second exemple que nous avons choisi met en œuvre le même type d’équipement, mais avec une console Mackie Onyx 1640. Cette dernière offre en option un bus IN/OUT FireWire permettant l’enregistrement/lecture séparé de 18 pistes audio (16 voies plus le « mix » stéréo). Il s’agit d’une option particulièrement efficace que l’on ne peut que conseiller et qui permet de s’affranchir d’un rack de convertisseurs externes : on perd un peu en souplesse d’utilisation, mais quelle praticité dans l’utilisation courante ! L’ordinateur est donc connecté directement à la console en FireWire (après installation des drivers appropriés). À noter également la présence du préampli casque, connecté en départ auxiliaire pré-fader.
Ce modèle de console dispose également d’une sortie utilisant une paire de connecteurs Sub-D 25 (connecteur informatique à 25 broches) permettant la connexion vers un enregistreur disque dur au format Tascam/DTRS. À réserver aux heureux possesseurs d’une machine compatible…
Pour finir en beauté
Certains d’entre nous ont beaucoup de mal à se faire au « tout virtuel » dans l’ordinateur en tant qu’enregistreur ! En réponse à cette réticence, Alesis a été longtemps le leader du marché avec ses machines ADAT. De nous jours, ils sont remisés dans la panoplie des antiquités, mais certains fabricants proposent encore des produits basés sur des disques durs où l’on peut physiquement enclencher une piste en enregistrement, ou appuyer sur un « vrai » bouton « record » ou « stop » : Alesis, avec le HD 24, Fostex avec les DV824 et le D2424, Tascam avec le X48… On n’est pas dans un budget correspondant à celui du jeune utilisateur de studio débutant, mais il existe un marché de l’occasion non négligeable en ce domaine… En ce qui concerne la console, on peut trouver aussi sur le marché de la seconde main différents produits un peu plus cossus que nos bien attirantes Mackie mais apportant un type d’utilisation plus conforme à ce qui se passe « chez les grands »… Ou plutôt, ce qui s’y passait souvent, il n’y a pas encore si longtemps ! Soundcraft conserve à son catalogue un modèle parfaitement adapté à cette logique de travail, la Ghost LE, mais toutes les consoles conçues dans les années 80 et disposant d’un « monitoring in line » conviendront.
Une console à « monitoring in-line » se comporte en fait comme deux consoles dans la même : on trouve dans la même tranche « physique » à la fois une piste « channel », correspondant aux entrées de sources, et une piste « tape » correspondant aux sorties des pistes de l’enregistreur. Ainsi, une console 24–8–2 en monitoring in-line est en fait, « presque » une 48 voies, dans l’encombrement d’une 24 , toutefois bien plus conséquent que celui d’une « compacte »… Autre point fort de ces consoles, la présence d’embases « direct out » sur chaque tranche, parfois plus rares sur les produits compacts actuels : cette prise permet de prélever le signal avant fader à destination de l’entrée d’une piste de l’enregistreur. L’ajustement du niveau d’écoute pendant l’enregistrement est effectué par le fader rotatif correspondant à la tranche « tape ». Un ingénieux système de « bascule » permet de retrouver les sorties de l’enregistreur sur les faders linéaires et de récupérer les correcteurs de tranches pendant la phase de mixage. Le schéma ci-dessus indique les différents « routings » en mode enregistrement et en mode mixage. Les « grosses » consoles de studio ont un fonctionnement assez voisin de celui de ce type d’appareil.
Un (grand) mot sur le patch-bay
En principe, un équipement de studio ou de home-studio ne bouge pas trop : son installation a été mûrement réfléchie en fonction de la place et des équipements dont on dispose, ainsi qu’en tenant compte d’un facteur d’évolution incontournable des matériels… La qualité du câblage est fondamentale dans l’installation. Le repérage des câbles est primordial et le choix de la connectique importante. Pourtant, c’est certainement l’un des postes que l’on néglige le plus lorsque l’on construit son home-studio ! Il est vrai que les « bouts de fils » et les diverses fiches paraissent moins directement fonctionnels que la console ou l’enregistreur ! Même si vous avez bien prévu votre installation, il arrivera bien plus fréquemment que vous ne le pensez que vous soyez obligés de « plonger » sous la console, afin de tenter vainement de repérer ce câble de départ d’auxiliaire auquel il vous semblait, lorsque vous avez conçu l’équipement, que vous n’auriez JAMAIS besoin de toucher… C’est lors de la connexion/déconnexion que nos câbles souffrent le plus : si vous ne savez pas lequel identifier, vous risquez rapidement de friser la crise de nerfs, avec forcément derrière vous, les musiciens qui attendent…
Alors, même si çà coûte un peu plus cher, investissez dans des baies de patch !!! Il faudra doubler les connecteurs, puisque le patch s’intercale entre sources et récepteurs, et acheter ou fabriquer également des « bretelles » de raccordement et évidemment, c’est un surcoût qui ne paraît pas, au premier abord, indispensable. Toutefois, hormis l’intérêt de regrouper au même endroit l’intégralité des connexions des appareils du studio, ce qui n’est d’ailleurs pas le moindre, les bandeaux de patch sont en général composés d’embases à coupure : ce type de connecteur permet la connexion d’une source « à vide », c’est-à-dire, sans rien brancher dans l’embase, et une une seconde, lorsqu’un jack est inséré. Ce qui permet de laisser le bandeau « nu », pour les utilisations les plus courantes, et de connecter un appareil utilisé plus rarement par la simple insertion d’un cordon de patch.
Le patch, encore un peu
La conception du patch doit être savamment étudiée avant de réaliser l’achat des bandeaux et de commencer à se lancer dans la soudure ! Il faut évaluer ce que l’on utilise dans les fonctionnalités des appareils. Sauf à ne pas avoir besoin de compter financièrement ni en encombrement, point besoin de pré-câbler les 8 sorties du synthé que vous n’utilisez systématiquement qu’en stéréo, de raccorder le magnétophone à bande dont vous ne vous servez quasiment plus, ou encore, les auxiliaires 9 et 10 de la console dont… Vous n’avez jamais eu l’utilisation !! En revanche, il sera utile de câbler les sources usuelles, la réverbe principale, les entrées/sorties de la console, évidemment, celles de la carte-son…
L’illustration ci-contre figure l’utilisation d’un patch pour une console analogique de type 16/8/2. On trouve sur la première rangée du premier bandeau, trois sources stéréo « habituelles » (3 synthés ou équivalents), les 8 sorties d’une carte son, une paire correspondant aux sorties d’une réverbération, par exemple, puis les 8 entrées de la carte-son. La seconde rangée, connectée sans insertion de jack, à la première, accueille les 16 entrées lignes de la console, puis les 8 sorties de groupes de la console. En utilisation « courante », rien de sera donc connecté au patch. Pour le bandeau inférieur, on trouvera l’entrée dans la réverbe, 2 « straps » (pratique pour « router » le même signal à plusieurs endroits en même temps), puis les connexions d’insert IN, sur la rangée supérieure et OUT en dessous. La rangée du bas permet la connexion des départs auxiliaires et la seconde moitié des « straps ». La aussi, la plupart des utilisations courantes sont prévues. Maintenant, si vous n’avez pas de compresseurs ni l’envie d’en acquérir, les inserts ne vous serviront pas à grand-chose… On pourrait alors les remplacer par les sorties « direct » des tranches de console. Il faudra également prévoir un bandeau en embases femelles XLR, qui sera relié aux embases de la console, afin d’y connecter les micros. Attention, sur certaines consoles ne disposant pas de sélecteur micro/ligne, c’est-à-dire, la… majorité des produits de gamme économique, le fait d’insérer un jack dans l’entrée ligne court-circuite l’entrée XLR de la tranche… Cela suppose un peu d’aménagements, en n’affectant par exemple aux micros que quelques tranches, non accessibles en niveau ligne… Un critère de plus à surveiller, dans l’achat d’une console…
Comme nous l’avions évoqué dans le cas de l’utilisation de la console en salle de répétition, l’improvisation ne paiera pas ! Il est indispensable de bien rationaliser l’utilisation, les connexions, le… choix de la console afin de ne pas se trouver en situation « acrobatique » dans le cas d’un enregistrement un peu compliqué, ou de ne pouvoir être parfaitement disponible à l’aspect esthétique du mixage, pour cause d’inadaptation des câblages ou des équipements. Ceux qui choisiront des options « nomades » n’auront assurément pas les mêmes contraintes, mais ils ne disposeront assurément pas de la polyvalence immédiate apportée par un home-studio bien conçu.