Continuons notre tour d'horizon des usages possibles d'un Noise Gate en nous penchant sur le cas de la repisse.
Derrière ce vilain mot se cache un phénomène relativement simple à comprendre. Lorsque l’on enregistre plusieurs instruments en même temps, il arrive fréquemment qu’un micro censé capter l’un des instruments enregistre également une portion des sons produits par les autres. C’est cette présence indésirable que l’on nomme repisse – ou « spill » dans la langue de Shakespeare. Si la chose était monnaie courante à l’époque où les enregistrements des groupes étaient effectués en condition « live », elle l’est beaucoup moins à l’heure actuelle puisque l’overdub règne aujourd’hui en maître absolu dans la majorité des styles musicaux. Cependant, il ne faut pas croire que vous êtes complètement à l’abri du phénomène.
Tout d’abord, il y a bien évidemment de la repisse lors des prises de son de batterie. Mais ce n’est pas le seul cas, loin s’en faut ! Par exemple, il arrive souvent que des micros trop sensibles – au hasard, les micros statiques – captent le signal émis par le casque diffusant le « playback » dans le casque du musicien, et ce, même si ledit casque est un modèle fermé de qualité. Un autre exemple malheureusement courant chez le home-studiste est le cas d’un enregistrement effectué dans une pièce à l’acoustique discutable et produisant donc une réverbération venant parasiter la prise de son. Ce type de réverbération peut être considéré comme une sorte de repisse.
Bref, comme vous pouvez le constater, nul n’est à l’abri du phénomène. Mais pourquoi est-ce aussi gênant ? Dans quelle mesure la repisse peut-elle nuire à votre mixage ? C’est ce que nous allons voir…
La tâche aveugle
La repisse pose problème en situation de mixage pour plusieurs raisons. La première est l’évidence même. Si vous avez placé des micros devant chaque instrument, c’est pour pouvoir gérer le son de chacun indépendamment des autres. Or, avec de la repisse, cela peut devenir relativement compliqué. Par exemple, si votre piste de caisse claire contient également du son provenant de la charley, et versa-vice, il sera bien difficile de régler l’équilibre entre ces deux éléments puisqu’augmenter le volume de l’un amplifiera également l’autre. Sans parler des problèmes de placement dans l’espace que cela ne manquera pas d’engendrer.
D’autre part, la repisse entraîne bien souvent des problèmes de phase avec le fameux phénomène de filtrage en peigne dont je vous ai déjà parlé à l’occasion d’une autre série d’articles. De fait, la repisse peut être à l’origine d’une perte en définition dans le son, d’un manque de punch, ou bien encore d’altérations du timbre des instruments.
Un autre problème communément rencontré vient de l’intrusion de la repisse dans la chaîne de traitement d’un signal, ce qui peut s’avérer catastrophique. Par exemple, s’il y a suffisamment de repisse de caisse claire dans la prise de grosse caisse, le compresseur placé sur le kick peut se déclencher pour de mauvaises raisons et provoquer ainsi une jolie pagaille.
Enfin, lorsqu’un instrument ne joue pas, la repisse sur sa piste peut provoquer des sons indésirables. Cela est particulièrement vrai dans le cas d’une prise de batterie effectuée en même temps que l’enregistrement de la basse. À l’occasion des passages calmes où la batterie ne joue pas ou peu, les notes de basses peuvent faire entrer en vibration des éléments du kit de batterie, produisant ainsi un son n’ayant rien d’appréciable.
Vous l’aurez donc compris, la repisse n’est pas vraiment votre amie. Afin de s’en préserver, rien ne remplacera jamais le travail à la prise avec un placement optimal des micros dans des conditions acoustiques idéales. Toutefois, il est également possible de minimiser l’influence néfaste de cette sale bête à l’occasion du mixage grâce à l’emploi de Noise Gates, comme nous le verrons dans le prochain épisode.