Cette semaine, nous allons nous pencher sur notre premier cas pratique : l’enregistrement du trombone.
Le trombone est un instrument à vent de la famille des cuivres. Afin de l’enregistrer dans les meilleures conditions possibles, il convient de s’attarder un instant sur les particularités de cet instrument. Tout d’abord, sachez que le son est uniquement émis par le pavillon, c’est-à-dire la partie évasée terminant l’instrument. C’est donc sur cette dernière que nous allons focaliser notre attention lors de la prise.
Ensuite, il est utile de bien garder à l’esprit que ce cuivre est capable de délivrer un niveau de pression acoustique extrêmement élevé. Il faudra donc faire attention lors de sa captation via vos micros les plus sensibles/fragiles afin d’obtenir un rendu convenable et, surtout, de ne pas endommager votre matériel.
Enfin, les attaques du son produit peuvent être particulièrement « explosives ». Il faudra donc en tenir compte lors du placement du micro, voire envisager l’utilisation d’un filtre anti-pop afin de se prémunir des effets néfastes de ce genre de coup d’éclat.
En piste
Passons maintenant aux exemples pratiques. Je vous propose ici trois méthodes différentes d’enregistrement d’une ligne mélodique relativement simple jouée par un trombone ténor. Dans les trois cas, j’utilise mes deux panneaux acoustiques placés derrière le musicien pour isoler le plus possible les micros de la pollution provenant des rebonds du son sur les murs arrières qui sont les plus proches.
Pour la première méthode, j’utilise un micro électrostatiqueC414 en mode cardioïde placé à une distance comprise entre 50 et 70 cm du pavillon avec son pad d’atténuation de –10 dB enclenché, mais pas son coupe-bas, et un filtre anti-pop au cas où. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-contre, le micro ne vise pas directement le centre du pavillon, il pointe juste en dessous. Pourquoi donc ? Premièrement parce que malgré la distance, le pad et le filtre anti-pop, pointer au cœur du pavillon peut tout de même être « dangereux » avec ce type de micro à la sensibilité exacerbée. En visant au-dessous, il y a moins de pression acoustique et moins de risque de « pop ». Ensuite, le C414 est un micro connu pour sa brillance, or, le mot brillance n’est pas forcément le premier qui vient à l’esprit lorsque l’on pense au son d’un trombone, même ténor. En évitant le centre, nous nous écartons sensiblement des fréquences les plus aiguës provenant du pavillon, car celles-ci sont très directionnelles. Ainsi, il y a moins de chance pour que la brillance du C414 ne soit un problème. Voici le résultat de cette captation :
Le rendu est intéressant, mais ne siéra pas à tous types de production. La brillance du micro signé AKG conviendra certainement pour des titres tendance pop, mais pour le reste, il faudra aller voir ailleurs.
Pour la deuxième prise, j’utilise un micro dynamique cardioïde, le e609. Ce dernier est capable de très bien encaisser les niveaux de pression acoustique élevés. De plus, il n’est pas aussi brillant que l’AKG. Ainsi, j’ai pu le placer plus proche du pavillon (entre 20 et 30 cm) en plein dans l’axe, mais toujours avec l’anti-pop :
Le résultat est plus typé et surtout beaucoup plus « écrasé ». Bien que moins naturel à l’oreille, ce genre de prise fera certainement merveille sur des productions « roots » tendance reggae. Et ce n’est pas vraiment étonnant lorsqu’on y réfléchit un instant puisque c’est souvent ainsi que les cuivres sont sonorisés sur scène pour ce type de musique. Du coup, même si le rendu n’est pas des plus réalistes, il colle parfaitement à une certaine esthétique musicale bien ancrée dans notre inconscient collectif.
Le dernier extrait a été réalisé au moyen d’un micro à ruban, le Sontronics Sigma. Ce type de micro étant particulièrement fragile, je l’ai placé beaucoup plus loin que les autres (entre 70 et 100 cm). D’autre part, plutôt que de viser directement le pavillon, le Sigma pointe légèrement en dessous tout en étant incliné par rapport à l’axe d’environ 30 ° à 40 . Le pourquoi de la manœuvre ? D’une part, cette inclinaison amoindrit encore plus les risques dus à la pression acoustique et/ou aux attaques, à tel point que le filtre anti-pop est ici inutile. D’autre part, ce placement me permet de rendre la captation un poil plus « vivante » et naturelle à cause de la bidirectivité du Sigma qui enregistre ainsi une bonne portion du son de la pièce sans que la chose ne soit trop envahissante étant donné le caractère « voilé » des aigus lorsqu’ils passent au travers d’un micro à ruban. Jugez plutôt :
La pâte sonore délivrée ici est moelleuse à souhait. Cette douceur sera particulièrement intéressante pour des productions aux accents jazz ou classique.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Bien entendu, les enregistrements étant présentés ici hors contexte, je vous invite à considérer ces méthodes comme des pistes à explorer afin d’obtenir le son que vous désirez pour vos propres œuvres. Car, au risque de passer pour un radoteur de premier ordre, je tiens à répéter que plus vous travaillerez votre son à la source, moins vous aurez d’efforts à fournir lors des étapes suivantes !
Remerciements
Je tiens à remercier Arnaud d’avoir bien voulu m’accorder une paire d’heures afin de réaliser les extraits sonores qui habillent cet article. C’est d’ailleurs somme toute logique qu’il soit le premier des nombreux musiciens-cobayes amenés à intervenir dans cette série puisque j’ai la chance de le compter parmi mes amis depuis bientôt 20 ans. Le trombone est pour lui une passion de toujours. En effet, du haut de ses 4 ans, Monsieur l’Arbalète affirmait déjà haut et fort à ses parents qu’il serait tromboniste ou ne serait pas. Cet élan enfantin l’a tout de même conduit à tailler la route au sein de la No Named Family, ce qui lui a permis de partager la scène avec des « pointures » comme Groundation, Jimmy Cliff, The Congoes, Alpha Blondy, Max Roméo, Barrington Levy, Sinsemilia ou Yannick Noah pour ne citer qu’eux. Plutôt tenace le gosse, non ?
Bref, merci beaucoup mon Arnaud. Pour ça, et surtout pour tout le reste.