Tout le monde a déjà réalisé des traitements de la dynamique avec des processeurs de studio. Mais est-ce que vous avez déjà essayé sur une guitare ? Le contrôle de la dynamique d'une voix ou d'un mix est très différent de ce que l'on peut faire sur une guitare. Pourquoi ? En grande partie parce qu'il existe de nombreuses façons d'appliquer des traitements de la dynamique à une guitare ou une basse. Abordons les différentes façons d'utiliser les processeurs de dynamiques à partir d'exemples concrets.
Pour en savoir plus sur les principes de base de la compression, lisez l’article « La compression démystifiée ». Pour les impatients, voici quelques conseils concernant le réglage des processeurs de studio pour traiter les guitares (remarquez que ces techniques s’appliquent aussi bien aux compresseurs logiciels que matériels).
Connexion
Les compresseurs au format pédale conçus spécialement pour la guitare sont plus limités que les processeurs rackables de studio. Cependant, ces derniers posent des problèmes d’adaptation des niveaux quand ils sont utilisés directement avec le signal d’une guitare. Pour la connexion, on choisira l’une des quatre approches suivantes :
Utilisation de l’entrée instrument. Si le processeur possède une entrée instrument, allez droit au but : branchez la guitare directement dans le processeur et reliez ce dernier à la console, au modéliseur d’ampli, à l’ampli guitare (à condition de pouvoir régler le niveau de sortie du processeur afin d’éviter de faire saturer l’ampli), etc. Pour l’entrée instrument, sélectionnez une impédance d’entrée supérieure à 100 kilo-ohms, ou mieux supérieure à 220 kilo-ohms, pour ne pas assourdir les hautes fréquences ni perdre du niveau. Remarquez toutefois qu’une impédance d’entrée trop élevée (entre 5 et 10 méga-ohms) sera éventuellement contre-productive car elle fera ressortir le bruit des micros de l’instrument du fait de sa sensibilité excessive. Une impédance d’un méga-ohm est un bon compromis.
Utilisation d’un préampli ou d’une boîte de direct adaptée. Passez par un préampli ou une boîte de direct dotée d’une impédance d’entrée appropriée avant d’attaquer le processeur pour préserver l’intégrité du signal de la guitare et assurer une adaptation optimale des niveaux. Si vous branchez le tout dans un ampli guitare, vous pourrez utiliser le réglage du volume de sortie du processeur de dynamique pour ajouter un peu d’overdrive. Toutefois, évitez toute exagération à moins d’aimer les sons vraiment crasseux !
Utilisation de la boucle d’effet de l’ampli guitare. Si vous souhaitez enregistrer votre ampli guitare tout en utilisant un processeur de niveau ligne, câblez ce dernier dans la boucle d’effet de l’ampli. Le départ et le retour de la boucle d’effet dans laquelle est inséré le processeur doivent délivrer un signal de niveau ligne. Le câblage est le suivant : départ dans l’entrée du processeur et retour relié à la sortie du processeur.
Si vous utilisez une table de mixage, câblez le processeur de dynamique dans l’insert d’un canal de la console. Cette méthode assure la compatibilité des niveaux mais ne résout pas la question de la connexion de la guitare avec la table de mixage. Les réponses sont les mêmes que ci-dessus : si la console possède une entrée instrument, la solution tombe sous le sens. Sinon, il faudra câbler un préampli, une boîte de direct ou autre entre la guitare et la table de mixage.
Débats technologiques
Lampes ou transistors, optique ou VCA, détection crête ou RMS, attaque/relâchement manuels ou automatiques… Les caractéristiques des processeurs de dynamique soulèvent des discussions interminables. Comme toujours, fiez-vous à vos oreilles pour trouver les réponses. Néanmoins, vous constaterez ci-dessous que les caractéristiques des processeurs de dynamique peuvent jouer un rôle non négligeable dans certaines situations.
À présent, considérons les trois façons principales d’utiliser le traitement de la dynamique (illustration 1). Pour le réglage des paramètres, nous allons nous référer à l’afficheur de la réduction de gain qui constitue l’outil de contrôle visuel principal de tout processeur de dynamique. Nous allons également poser comme postulat que le signal qui alimente l’entrée du processeur utilise toute la plage dynamique disponible, autrement dit que le niveau des crêtes est juste en dessous du seuil de distorsion.
Ill. 1 : 1ère forme d’onde = signal non compressé
2nde forme d’onde = augmentation du sustain
3ème forme d’onde = son gonflé
4ème forme d’onde = contrôle des transitoires
(cliquez pour agrandir l’image)
1ère utilisation : augmenter le sustain
Le but est d’amplifier le niveau alors qu’il décroît au fur et à mesure que la vibration des cordes s’atténue. Sur l’illustration 1, comparons la seconde forme d’onde à la première. Par rapport au signal non compressé, la seconde forme d’onde possède une attaque écrasée et un déclin (résonance) beaucoup plus fort. Voici une suggestion de réglages.
Afficheur de la réduction de gain : il doit indiquer une réduction de niveau importante (par exemple entre 10 et 16 dB), y compris pendant la phase de déclin du son, autrement dit pendant l’atténuation progressive de la vibration des cordes.
Seuil (threshold) : choisissez une valeur faible, par exemple –20 dB, pour que la compression s’applique même aux portions de signal de faible niveau.
Taux de compression (ratio) : commencez à 10:1, puis augmentez progressivement. Les ratios élevés sont bien adaptés à cette application.
Attaque (attack) : choisissez un temps d’attaque court. Ainsi, quand le déclin d’une note touche à sa fin, vous évitez l’apparition d’une crête ou d’un bruit de pop important au moment de l’attaque de la note suivante. Avec un compresseur analogique, vous ne pourrez jamais rapporter le temps d’attaque à 0 (pour cette application particulière, vous aurez besoin d’un compresseur numérique doté d’une fonction look-ahead). Cependant, vous pourrez obtenir un transitoire tellement court que vous pourrez l’amplifier sans engendrer de distorsion audible.
Relâchement (release) : optez pour un temps de relâchement assez long de l’ordre de 200 ms. Observez l’afficheur de la réduction de gain, jouez une note puis étouffez-la de façon soudaine. L’afficheur doit revenir progressivement à 0 en l’espace d’une seconde environ. Il ne doit pas passer à 0 de façon abrupte.
Optique ou VCA : j’utiliserais plutôt la technologie à VCA afin de minimiser le temps d’attaque. Cependant, si le processeur possède une option opto-électrique, n’hésitez pas à l’essayer : vous serez peut-être séduit par la coloration sonore qu’elle apporte.
2nde utilisation : gonfler le son
Ici, tout en restant « inaudible », le compresseur doit augmenter le niveau de la guitare en colorant le son le moins possible. La dynamique de la troisième forme d’onde de l’illustration 1 est fondamentalement la même que celle du signal non compressé, à la différence que son attaque est un peu plus faible et son déclin légèrement amplifié.
Afficheur de la réduction de gain : pour que le son compressé reste authentique, veillez à ce que la réduction de niveau n’excède pas –3 à –6 dB. Les mouvements de l’afficheur de la réduction de gain doivent rester assez « serrés » et les variations peu nombreuses.
Seuil (threshold) : choisissez une valeur aux alentours de –6 dB pour obtenir un effet discret, autrement dit un signal qui « ne sonne pas compressé ».
Taux de compression (ratio) : un ratio faible donne un son plus transparent. Même un taux de compression inférieur 2:1 (par exemple 1,5:1) peut être suffisant. De manière générale, il est peu probable que vous dépasserez 4:1.
Attaque (attack) : la compression étant faible, vous pouvez augmenter le temps d’attaque (entre 10 et 40 ms) pour que les transitoires restent bien prononcés, c’est-à-dire naturels. Cependant, si vous remarquez des bruits de pop, raccourcissez le temps d’attaque, augmentez le seuil ou réduisez le taux de compression. Vous pouvez également essayer une combinaison de ces trois mesures.
Relâchement (release) : un temps de relâchement de 50 ms ou moins devrait faire l’affaire. Sur l’afficheur de réduction de gain, le but est d’obtenir un retour progressif mais rapide à la valeur 0 (pas de réduction de niveau) après que vous avez arrêté de jouer.
Optique ou VCA : choisissez plutôt la technologie opto-électrique car elle peut conférer un « caractère élégant » au son.
3ème utilisation : contrôler les transitoires
L’exemple classique de cette application est la basse slappée qui génère un transitoire initial très puissant suivi d’une résonance beaucoup plus faible. Si vous réglez le niveau en fonction des transitoires, le déclin sera trop faible. Inversement, en réglant le niveau en fonction de la résonance des notes, les transitoires produiront des bruits de pop insupportables. Voici comment procéder pour contrôler au mieux les transitoires(atténuez les réglages proposés si l’effet est trop prononcé).
Le contrôle des transitoires correspond à la quatrième forme d’onde de l’illustration 1. Remarquez la forte atténuation de l’attaque qui permet d’augmenter le niveau global du signal sans l’écrêter. Remarquez également que la forme du déclin ressemble beaucoup à celle du signal non compressé.
Afficheur de la réduction du gain : il doit atteindre rapidement la réduction de niveau maximale puis revenir brusquement à 0 (pas de réduction de gain) une fois le transitoire terminé.
Seuil (threshold) : choisissez une valeur élevée comprise entre –3 et –6 dB. Le but est de ne traiter que le transitoire initial de chaque note.
Taux de compression (ratio) : optez pour un ratio élevé supérieur à 10:1 afin de « dompter » les transitoires puissants. Plus le taux de compression est élevé, plus l’afficheur de la réduction de gain indique une baisse de niveau importante.
Attaque (attack) : si possible, placez ce réglage sur 0 afin de maîtriser les transitoires le plus rapidement possible.
Relâchement (release) : choisissez un temps de relâchement suffisamment court (entre 20 et 50 ms). L’afficheur de réduction de gain doit revenir rapidement à 0 (pas de réduction du niveau) après chaque transitoire.
Optique ou VCA : VCA afin de minimiser le temps d’attaque.
Et le bruit ?
De nombreux processeurs de dynamique sont équipés d’une section d’expansion de la dynamique (l’inverse d’un compresseur : le gain est atténué rapidement quand le signal passe sous un niveau seuil donné) ou d’un noise gate. Généralement, j’utilise plutôt l’expanseur parce qu’il travaille de façon plus douce. Cependant, certains gates possèdent des réglages d’attaque et de déclin qui permettent de simuler le travail d’un expanseur.
Avec la plupart des compresseurs, la façon la plus simple de régler la réduction du bruit est de jouer une corde ou un accord, puis d’attendre que le signal atteigne le niveau minimal désiré. Tournez alors rapidement le réglage du seuil de la réduction de bruit jusqu’à ce que l’expansion soit active. Cette méthode permet d’approcher le réglage approprié.
Ill. 2 : l’ART TCS est un compresseur doté d’une section de réduction du bruit ;
remarquez le réglage Noise Reduction à gauche de chaque vu-mètre.
Deux fois plus de plaisir
En câblant en série deux processeurs réglés de sorte que chacun compresse faiblement le signal, vous obtiendrez un effet intense qui aura l’avantage d’être moins audible que le travail d’un unique processeur compressant seul le signal dans les mêmes proportions. Le rôle du premier compresseur est de conditionner le signal afin que le second ne soit pas obligé de travailler de façon trop intense.
Si vous possédez un compresseur stéréo doté d’une fonction double mono, câblez simplement les deux canaux en série. Dans la sphère logicielle, il suffira d’insérer deux plugins de compression en série dans un même canal. L’inconvénient par rapport à la compression standard, c’est que vous devrez régler deux jeux de paramètres. Ce désavantage peut sembler rédhibitoire mais, dans la plupart des cas, les deux compresseurs auront sensiblement les mêmes réglages.
Lèche vitrine
Pour vous faire une idée de la diversité du marché des compresseurs, jetez un œil aux sites des fabricants et de leurs revendeurs. Vous constaterez rapidement que le choix est très vaste et que les prix varient de quelques dizaines à plusieurs milliers d’euros. Pour les utilisations décrites plus haut, vous n’aurez pas besoin de produits excessivement chers (en revanche, vous devrez casser votre tirelire si vous destinez votre compresseur au remastering audiophile de vieux enregistrements). En effet, grâce aux avancées techniques des dernières années, même un compresseur à petit prix vous permettra d’obtenir d’excellents résultats.
En tout état de cause, les conseils ci-dessus ne sont que des suggestions de départ. N’hésitez pas à expérimenter avec vos processeurs de dynamique : vous trouverez certainement d’autres façons de les utiliser efficacement.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.