Séduisant toujours plus d'utilisateurs au fil des versions, Live n'avait jusqu'ici qu'une seule vraie carrence en regard de la concurrence : il ne parlait pas 'MIDI'. Un oubli réparé avec cette quatrième mouture qui installe définitivement Live dans la cour des grands.
Intégrer un séquenceur MIDI à un logiciel basé sur les boucles Audio n’a rien d’une chose aisée : en son temps, Sonic Foundry en a d’ailleurs fait la douloureuse expérience avec Acid 4. Le pari tenté par Ableton semble d’autant plus osé qu’avec Live 3, le développeur allemand était parvenu à une interface frisant la perfection du point de vue de l’ergonomie.
Comment faire un ajout massif de fonctionnalités sans alourdir l’interface ? Comment gérer au mieux le MIDI et les instruments virtuels sans pour autant rendre le moteur audio instable ou poussif ? Telles sont les questions qu’ont dû se poser les développeur de Live et, au risque de briser le suspense de ce banc d’essai, il faut admettre qu’ils ont pleinement rempli leur pari : Live est devenu un séquenceur MIDI + Audio et, aussi miraculeux que cela puisse paraître, il n’a rien perdu de sa légendaire ergonomie et de son efficacité, comme nous allons le voir.
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Installation et configuration
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Comme pour les versions précédentes, le faible poids de l’application et l’infime gourmandise en terme de mémoire surprennent et rassurent. Les configurations recommandées par le constructeur sont raisonnables et c’est un bien : il est vrai que changer de machine pour profiter de cette nouvelle version aurait pu miner plus d’un utilisateur…
Attention toutefois : dans la mesure où Live 4 supporte les plug-ins VST/AU et qu’il est susceptible d’accueillir n’importe quelle application compatible ReWire, il faudra prévoir une quantité raisonnable de mémoire vive : disons 1 Go pour être à l’aise.
Une fois l’installation effectuée, un petit tour du côté des Préférences situées dans le menu Options permet d’accéder à une fenêtre se composant de 5 onglets :
- Audio permet de configurer les drivers de votre carte son pour optimiser la latence mais aussi de définir la fréquence d’échantillonnage dans laquelle vous désirez travailler.
- MIDI/Synchro servira à déclarer vos périphériques MIDI en entrée/sortie et à régler la synchronisation (TimeCode, Horloge, etc.).
- Plug-in permet de définir le répertoire dans lequel sont rangés vos effets et instruments virtuels (un seul emplacement prévu hélas).
- Défaut permet de définir les paramètres standards de Live à l’ouverture, de la couleur des clips à leur mode de déclenchement.
- Préférences rassemble enfin une grande variété d’options secondaires : apparence de l’interface, résolution des fichiers audio, etc.
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La configuration effectuée, vous voilà prêt à prendre en main le logiciel, non sans avoir préalablement fait un petit tour du côté du manuel pour imprimer les raccourcis (La version testée ayant été téléchargée depuis le site d’Ableton)…
L’occasion de remarquer que ce dernier, du haut de ses 310 pages, a triplé de volume par rapport à la version précédente.
Notons que tout raccourcis manquant (comme par exemple le TAP TEMPO) pourra être assigné aux touches du clavier ou à un contrôleur midi : nous y reviendrons. Place pour l’heure à la pratique avec, pour commencer, un petit descriptif de l’interface.
Interface
Grand point fort du soft depuis sa première version, l’interface de Live n’a rien perdu de son ergonomie avec cette quatrième mouture. Via une pression sur la touche F11, on accède à un splendide mode plein écran où toutes les fenêtres et les icônes trouvent parfaitement leur place.
Rappelons à l’usage des débutants que l’espace de travail de Live se divise en 5 parties :
1. Partie de contrôle (lecture, tempo, enregistrement, automation).
2. Fenêtre de Session switchant avec la fenêtre Arrangement par une simple pression de la touche TAB.
3. Explorateur et outils (plug-ins et périphérique).
4. Fenêtre de piste affichant les clips midi ou audio et leurs réglages (groove, launch, sample, enveloppe) switchant via l’onglet inférieur avec l’édition des plug-in.
5. Aide en ligne, s’ajoutant aux 310 pages du manuel et aux tutoriaux relativement efficaces.
Cette disposition est d’autant plus agréable qu’en sauvegardant un « modèle » personnalisé avec des touches d’automation programmées et des couleurs définies, on se retrouve avec un outil sur mesure pour ses projets.
Autre preuve de la qualité de l’ergonomie : on ne se sert de la barre d’outils que très rarement. Voilà qui change agréablement des interfaces plus traditionnelles (type Logic/Cubase) où l’on passe la moitié de son temps dans les menus et l’autre moitié à réciter sa table de raccourcis.
Petit détail qui risque de changer les habitudes de plus d’un utilisateur PC : le clic droit n’est toujours pas opérationnel. Surprenante au début, la chose n’a cependant rien de gênant à l’usage, comme nous allons le voir.
Audio & Routing
Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’aspect Session/Arrangement unique qu’offre le logiciel, un bref rappel s’impose.
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En mode session, vous déclenchez, modifiez et éditez vos samples comme bon vous semble. Toutes ces opérations de déclenchement s’enregistrent ou se cumulent dans le mode Arrangement pour ensuite être éditées de manière linéaire, comme dans un séquenceur traditionnel.
Pour en savoir plus sur ce concept extrêmement efficace, je vous renvoie au test de la version 3 précédemment paru sur AudioFanzine. Passons maintenant au détail de cette version, en commençant par la choses qui fâche : le manque d’ouverture.
Les formats supportés ne sont en effet qu’au nombre de trois : WAV, AIFF et SDII. Voilà qui est bien dommage à une époque où les fichiers compressés sont si courants. Du coup, les utilisations détournées de Live (lancer des jingles en concert (ou radioshow) à la façon « Ardisson ») devront être minutieusement préparés : pas question de mixer à la volée un sample ou un morceau provenant d’un baladeur MP3… De l’improvisation donc, mais formaté !
Sinon, l’insertion de l’audio se fait toujours par simple « Drag & Drop » sur la piste désirée. Mieux, lâcher l’échantillon dans un espace vide intègre automatiquement une nouvelle piste (Ctrl + T). L’échantillon, appelé « Clip », prend automatiquement le tempo défini et est modifiable via la Fenêtre de Piste. Cette édition s’effectue en 4 points (Clip, Launch : modes de lancement, Sample, Enveloppe) identiques à la version précédente.
Deux nouveautés font toutefois leur apparition: La fonction « Reverse », qui inverse la lecture de la boucle audio et la fonction « Groove », qui promet des applications particulièrement intéressantes impressionnantes.
En effet, cette dernière qui n’est pas sans évoquer la fonction Groove Quantize qu’on trouve dans la plupart des séquenceurs MIDI, ouvre de nouveaux horizons en terme de création : En imposant au clip un swing de croche, double ou triple croche et en réglant un facteur de Groove global, on parvient à faire swinger jusqu’au claudiquement les boucles les plus « carrées » ! Très convainquantes sur les loops rythmiques, la chose démontre que le moteur audio d’Ableton est toujours à la page.
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N’oublions pas d’ailleurs que la lecture Audio dans Live s’appuie sur le concept Elastic Audio. Grâce à ce dernier, il est possible de définir des marqueurs nommés « Warp » qui indiquent la vitesse de lecture des différentes phases d’un clip.
En les déplaçant, il est ainsi possible de contraindre la lecture à ralentir ou accélérer entre 2 pics ou évènements du clip audio. Les remixeurs adoreront cette fonction sur les vocaux et autre a capela…
On appréciera aussi la fonctionnalité Crossfader qui permet de faire des fondus entre des pistes définies (les unes A et les autres B) fonctionnalité pratiques pour des transitions de morceaux « nappées » en live act.
Mais c’est sans doute le routing qui a le plus evolué dans cette version et, au premier coup d’œil, dans le bon sens. Lors de la prise en main, on est toutefois un peu déstabilisé par les changements de terminologie employée par rapport à la version 3.
Ainsi, le routage interne du Master s’appelle désormais « Resampling » (anciennement Master Out) et les entrées de la carte son qui s’appelaient « Live In » portent désormais le diminutif « External In ». Une fois ses repères pris, on entrevoit cependant tous les efforts consentis par l’éditeur sur le sujet.
Dans cette 4ème version, chaque piste audio dispose de sa sortie. Il est possible de créer des sous-groupes, de gérer les sorties d’un synthé muti-canal, d’envoyer des pistes Midi vers un synthé identique (Rewire ou pas). Bref, de faire du vrai routing, ce qui manquait cruellement aux précédentes version du logiciel…
MIDI & automation
Nous l’avons dit : le Midi est la grande nouveauté de cette version et, du même coup, le vrai challenge d’Ableton pour Live 4.
Comment s’y sont pris les développeurs pour l’intégrer ? De la façon la plus simple qui soit : en reprenant l’ergonomie de la partie Audio et en introduisant la notion de 'Clip MIDI’. La prise en main est donc aisée dans la mesure où l’on est en terrain connu : les fonctionnalités des Clip Midi se substituent à celles de l’Audio et, mis à part la section « Sample » qui devient « Notes » dans la fenêtre de piste, la seul différence notable se réduit presque à l’affichage : les carrés pour le MIDI et les courbes pour l’Audio. Les novices adoreront et les anciens utilisateurs de Live ne metteront pas longtemps à prendre leurs repères…
L’éditeur de note est simple d’utilisation et très performant grâce aux fonctions de zoom et de quantification précises. Notons que nous retrouvons ici, comme pour les Clip Audio, la fonction « Groove » citée plus haut ainsi que des boutons « TempoX2 » ou « Tempo/2 » permettant de jouer votre Clip Midi deux fois plus rapidement ou plus lentement d’un seul coup de mulot.
Rappelons aussi que Live peut se synchroniser sur une source MIDI Clock ou MIDI TimeCode. Cela signifie qu’il est possible de suivre les variations de tempo d’une source et de jouer les fichiers audio plus lentement ou plus rapidement en fonction des variations sans pour autant changer la tonalité ni le groove.
Sujet plusieurs fois abordé dans cette article, la prise en main de ce système d’automation en fait une référence en terme de simplicité et d’efficacité. Deux boutons et c’est fini. L’un pour le midi (couleur bleu) et l’autre pour le clavier (couleur « Twingo modèle 92 » ou jaune pour les motards et autres piétons). On choisit son mode midi ou clavier, on clique sur le paramètre à contrôler, on caresse le contrôleur et c’est tout. Notons que de légers craquement on été audibles sur des contrôles « énervés » lors de la lecture. Comme toute erreur effectuée est modifiable en mode Arrangement via l’outil Crayon, il n’y a pas de quoi s’alarmer de toutes façons.
Quelques point à améliorer tout de même : le nombre de contrôleur utilisable en plus du clavier. En effet, Live se limite à la gestion d’un seul contrôleur : si ce dernier est votre clavier MIDI, prenez donc garde à ne pas affecter des fonctions aux touches sans quoi les données Instruments des pistes MIDI ne seront plus envoyées à l’instar des données de contrôle.
Effets et instruments virtuels
Autre grande nouveauté de cette version : le support des instruments virtuels. Pour marquer le coup, Ableton s’est d’ailleurs fendu de deux plug-ins livrés gratuitement avec cette version 4 : Simpler et Impulse.
Le premier est un sampler virtuel dont la valeur ajoutée est assez limitée aux vues des performances des Clip Audio et du moteur Elastic. Il demeure toutefois pratique pour définir le départ de lecture d’un échantillon très précisément via l’éditeur de note.
De plus, les filtres qu’il intègre sont de bonne qualité et comme le « Drag&Drop » est là encore, le chargement d’un échantillon s’avère simplissime. Avis aux amateurs…
Nettement plus intéressant, Impulse est quant à lui une petite boite à rythme à la façon des TR Roland. Les éléments audio sont déposés dans 8 cases proposant chacune des paramètres personnalisables (Tune, Stretch, Drive, Pan, Volume, Decay, Fréquence et Résonance). On définit ensuite leur lecture par l’intermédiaire de l’éditeur de note.
Bien conçu, Impulse propose quelques usages intéressants. Ainsi, en jouant sur la lecture de la piste MIDI affectée au plug-in, on parvient quasiment à scratcher la première note de l’instrument virtuel. De quoi créer des breaks de batterie qui feront sûrement monter l’ambiance lors de vos live : Ici l’original…et là, la version « Breaké » via contrôleur…
Bref, il y a déjà de quoi faire avec ces deux petits plug-ins. Reste qu’en se rendant compatible avec les formats VSTi & AU, Live attend surtout que vous l’associez à ce qui se fait de mieux en matière d’instruments virtuels, sans compter que le programme est compatible avec la technologie ReWire.
A noter que seules deux icônes supplémentaires se présentent à nous lors de l’intégration d’un intrument. L’une pour l’affichage du plug-in et l’autre pour l’édition et l’automation de ses paramètres : encore une fois, c’est enfantin…
La version 4 de Live offre un panel d’effets forts intéressants. De fait, on dénombre pas moins de 17 effets audio pour 5 effets MIDI, sachant qu’il est possible d’utiliser les effets audio sur la piste MIDI d’un instrument Virtuel.
Filtre, compresseur, delay, gate, EQ, réverb… Le pack fournit d’origine est des plus séduisant. Lors du test, deux plugs ont toutefois retenu notre attention pour leur qualité : « Erosion » et « Ping Pong Delay » ; les amateurs d’électro 8 bits apprécieront. Bien sur les paramètres de ces derniers sont automatisables avec une grande simplicité. Comme toujours avec Live…
Conclusion
Loin de céder à la facilité, Ableton perfectionne encore avec Live 4 son concept Session/Arrangement et cultive plus que jamais la différence. Rien d’étonnant à ce que le logiciel rejoigne le club très fermé des Séquenceur Audio/MIDI de référence. Simplicité, pédagogie, ergonomie, performance sont autant de qualificatifs qui conviennent à cette version. Seuls deux points viennent noircir le tableau : les formats d’import et d’export réduits, et le nombre de contrôleurs MIDI limité.
Reste qu’au tarif public de 538 € (119€ l’update online), soit 150 € de plus que la version 3 (justifié par les ajouts notables du Midi et les évolutions du Routing), Live est un soft extrêmement bien positionné sur le marché. A n’en pas douter, il y aura donc sans doute beaucoup de petites boîtes vertes dans la hotte de l’homme en rouge cette année…
Interview d’Electronic Data Processing
Le duo français « Electronic Data Processing », composé de Sébastien BROMBERGER & Laurent CRISTOFOL, effectue ses prestations et ses productions avec « LIVE » et ceci depuis la toute première version du soft. Une utilisation à quatre mains qui leur à permis, via leur 17 sorties de Maxi (dont 8 sur leur label MODELISME) et 4 licences, de remixer Jack de Marseille, ou de signer sur des labels hors Hexagone tels que Mozaic (UK), Neuton et Tritone (Ger).
Seb, Laurent, une question pour vous chauffer : comment avez-vous intégrer la « Bestiole Germano » dans votre studio et comment fonctionnez-vous avec?
Live correspond exactement à ce que nous attendions d’un logiciel en termes d’architecture et de fonctionnalités.
Nous utilisons très souvent les automations qui sont instantanément accessibles et assignables a une télécommande dans Live, ce qui n’était pas le cas avec d’autres logiciels. Live est donc rapidement devenu un outil essentiel pour nous en studio tant au niveau de l’utilisation de boucles que pour l’élaboration d’arrangements.
Nous avons également été séduits par la très bonne qualité du son et des effets inclus dans le softs.
Pour avoir connu les versions précédentes, que pensez-vous de cette dernière version?
Étant donné que nous utilisons des synthés analogiques que nous contrôlons en Midi et des instruments virtuels pour les éléments de rythmique, la seule chose qui manquait aux versions précédentes était la possibilité d’écrire directement des séquences MIDI dans Live. C’est vraiment un plus qui permet de rester dans l’environnement et la logique du soft si propices à l’intuition et à la mise en place d’idées musicales.
Allez-vous faire évoluer vos lives avec ces nouvelles possibilités du soft? Quelle(s) seront vos orientation(s) ?
Maintenant que Live permet de déclencher des clips MIDI, nous allons mettre en place un set pour notre Live Act.
Nous utiliserons Live pour séquencer à la fois un sampler virtuel et un synthé tout ceci avec une interface multi-sorties pour pouvoir jouer en temps réel sur une console de mixage. Une télécommande MIDI nous permettra de travailler en temps réel sur le soft pour les modulations.
En savoir plus sur ce duo Germano-franco-Marseillais sur le site de leur label MODELISME (www.modelisme-records.fr.st).