A la une cette semaine, le tout nouveau Studio Case II de Steinberg, qui nous propose une version allégée de Cubase assortie d'une collection de 6 instrument virtuels sortis, en version light également, de la vénérable écurie de l'éditeur allemand… Simple démo sans limitation de durée, ou bundle complet offrant une sérieuse station de travail audio-numérique ? C'est là la question...
Si vous êtes super à la bourre pour vos cadeaux, et disons même qu’à l’heure qu’il est vous êtes carrément dans les starting blocs, voire dans le rouge spatiotemporel, alors ne suppliez plus le père Noël d’illuminer le trou noir qui semble avoir rongé jusqu’à la dernière lueur de votre imagination ! En effet, comme à son habitude, toujours prêt à dépanner, monsieur Steinberg a prévu la trousse de secours idéale pour la copine du musicien maudit qui ne sait plus quoi offrir à son créateur adoré, absolument génial mais néanmoins rétif à toute attention ne pouvant se décliner en clé de sol…
En un mot, voici la nouvelle et seconde mouture du Studio Case, un petit bundle bien alléchant, conçu autour du Cubase SE3, à peine sorti des laboratoires de l’éditeur allemand et bardé d’une collection de 6 instruments virtuels, non seulement représentants exhaustifs de la philosophie de la marque, mais aussi couvrant dans leur principe l’ensemble des besoins du compositeur maoïste, tous styles de musique confondus.
Ainsi, paradant dans les dédales de la version allégée du grand Cubase SX, voici tout d’abord une rythmique complète comprenant un Virtual Bassist, un Virtual Guitarist et un Groove Agent, un piano de haut vol en la personne de The Grand, un synthétiste mélangeant modélisation analogique et algorithmes FM, le D’Cota, tout ce beau monde admirablement complété par un sampler généraliste, le HalionSE. Bref, de quoi voir venir le vent du haut des dunes pour environ 300 zeuros, même si, ne vous emballez pas, tous ces plugins (ou insérables, si vous préférez parler la France intégrée), ont été eux aussi soumis pour l’occasion à un sévère (ou pas trop, c’est ce que nous essaierons de tirer au clair) régime amaigrissant.
Flight case
C’est donc dans une magnifique valise en carton (accessoire désormais indispensable pour s’ouvrir les voies d’un succès international) déguisée en flight case rouge que nous découvrons 2 boîtes théâtralement labellisées « Steinberg Software », l’une contenant le DVD d’installation et une notice en français du Cubase SE3, l’autre, strictement les mêmes objets, mais dédiés cette fois-ci au 6 instruments virtuels évoqués plus haut. De la symétrie presque parfaite, si ce n’était la présence dans la boîte n°1 de la désormais inévitable clé de protection USB Syncrosoft, qui accompagne en bon cerbère tous les produits Steinberg.
Après une mise en route sans aucun problème, guidée par un petit utilitaire permettant de choisir les éléments à installer, ainsi que la destination sur le disque dur (la complète nécessitant un peu plus d’un Go), il sera nécessaire de connecter notre petite clé sur un port USB libre, nos futurs ébats avec nos instruments chéris devant être implacablement soumis à l’approbation de cette nouvelle belle-mère à puce.
Précisons tout de même que si cette méthode de contrôle anti-copie présente l’inconvénient de mobiliser un port USB et d’être légèrement sujette au bug lors du branchement ou du débranchement d’appareil USB sur les autres ports, elle a par contre l’avantage de permettre l’utilisation du bundle sur autant de bécanes qu’on le désire, sans démarches administratives supplémentaires, la clé n’étant pas limitée à un nombre de machines.
Cubase SE, troisième du nom
Il est inutile de présenter aux vénérables Afiens que vous êtes l’inénarrable Cubase qui sévit dans le Landernau de la séquence depuis maintenant plus de 20 ans. Après avoir suivi toute l’évolution de l’informatique musicale depuis les premiers balbutiements de l’ère ténébreuse des pionniers de l’Atari 1040, ce séquenceur Midi, puis audio, est devenu aujourd’hui un incontournable du studio virtuel, proposant, surtout depuis la version SX3, une collection d’outils impressionnante permettant de se lancer les poches pleines dans pratiquement toutes les aventures musicales, de quelque tendance que l’on soit.
Et c’est ici une version remaniée à l’économie qui nous est proposée avec Studio Case II, conçue avec le même moteur audio que la version phare de l’éditeur allemand, le SX. Comme elle, elle tourne au moyen du nouveau moteur audio Steinberg VST 2.3, avec une résolution 32 bits à virgule flottante et une compensation automatique et totale de latence, tout en offrant une acquisition en 24bits/96kHz . De ce côté-là donc, pas de bridage : les performances audio du SE3 seront strictement semblables aux versions supérieures.
Sans sucre ?
Le dégraissage donc, sans vraiment s’attaquer aux performances, s’accomplit plutôt sur les capacités de gestions des grands projets, ce qui ne manquera pas de nous rassurer, d’autant que ce qui reste au programme, à moins que vous ne soyez un boulimique de la piste et que vous ne possédiez un Pentium cadencé à 1500 GHz, est probablement suffisant pour 95% des projets courants. En effet, on dispose ici de 48 pistes audio à la place de l’infini, qui reste cependant avec le SX une notion toute relative à la puissance de votre CPU et à la vitesse de votre disque dur. Côté Midi, le nombre de pistes reste illimité pour notre version.
Limitation également du côté des slots réservés aux instruments virtuels (16 au lieu 64), des inserts d’effets audio (5 au lieu de 8) et Midi (2 au lieu de 4), des bus d’envoi (8 au lieu de 64), des entrées et sorties physiques disponibles (8 au lieu de 256), des voies de groupe (8 au lieu de 256) : on le voit, rien de bien méchant dans l’ensemble, d’autant que l’on conserve la connexion ReWire 2 qui permet d’associer à Cubase des applications comme Reason ou Live, le VST link qui permet de faire tourner le soft en synchro sur plusieurs ordinateurs (mais attention, il faudra plusieurs clés !), la piste de tempo, ainsi que la fenêtre permettant de gérer les connexions VST.
Un peu moins pratique
On perd cependant un peu plus sensiblement au niveau de l’ergonomie générale de fonctionnement, avec la disparition du nombre des vues multiples de la console ici limitée à une (contre 3 pour SX), et qui n’est plus configurable. Absence également de voies dédiées aux retours d’effets et de pistes Surround, ainsi que des pistes permettant de gérer directement dans Cubase les effets et les instruments hardware externes, qui étaient une grande nouveauté de la version 3 du SX. De plus, ou de moins, les modes d’automation sont ici restreints au seul Touch Fader (plus de mode Latch, X-over, Trim et Overwrite).Disparition également de l’Undo/Redo illimité (on ne plus revenir en arrière au delà de 10 éditions), de l’explorateur de projet, des enveloppes de volume au niveau des containers, de l’éditeur logique (qui manquera surtout aux experts en séquence Midi), du mode d’édition « en place », qui permet d’ouvrir dans SX les éditeurs directement dans la fenêtre d’arrangement.
Notons ici que tous les éditeurs habituels de Cubase (le piano roll, l’éditeur de batterie, de partition et la liste d’évènement) sont ici cependant conservés, ainsi que le mode d’enregistrement Midi pas-à-pas. On regrette par contre la désactivation du mode d’enregistrement empilé (on n’a plus accès ici qu’à Replace, Mix, Normal et Mélangé), particulièrement pratique et permettant un travail plus intuitif lors de l’enregistrement en boucle.
Enfin, on devra aussi se passer des pistes d’ordre de lecture qui permettent réorganiser des containers dans un ordre autre que temporel. Rapprochant Cubase d’Ableton Live, cette fonction manquera probablement peu, s’avérant à l’usage dans SX (en tous cas pour le moment) beaucoup moins fluide que dans le logiciel d’Ableton.
Warp, tu nous manques !
Plus ennuyeux, l’Audio Warp, une fonction très prisée par les utilisateurs spécialisés dans le travail sur les boucles audio, ainsi que pour les coupeurs de take en 4, est elle aussi supprimée. En rendant l’audio extrêmement élastique, notamment en ce qui concerne les changements de tempo en temps réel, et en offrant un contrôle précis sur la gestion et l’organisation interne des boucles, elle permet aussi un placement souple et précis des évènements audio par rapport à une grille de quantisation, particulièrement pratique pour recaler une caisse claire jouée un peu trop en arrière ou une attaque de guitare un peu précipitée.
C’est vraiment dommage, car en nous laissant nous contenter pour la manipulation temporelle du seul mode Hit Point, qui, d’une façon identique au logiciel Recycle, permet de segmenter des fichiers audio en fonction des attaques, elle prive le logiciel d’une fonction aujourd’hui pratiquement indispensable dans les contextes actuels de production, renvoyant de ce point de vue le SE3 quelques années en arrière.
On ne se les gèle plus…
Autre manque un peu pénible : la fonction de gel des pistes, communément baptisée Freeze, nous a été sucrée sans vergogne. C’est la aussi un calcul un peu étriqué, car pour un utilisateur débutant, qui ne possédera pas, dans la plupart des cas une machine supra-performante, le Freeze aurait été une bonne occasion de profiter pleinement des 16 slots d’instruments virtuels et surtout, des 6 plugins proposés avec le bundle.
Bon, certes, on peut toujours se débrouiller avec le bounce audio, comme au bon vieux temps où il n’y avait pas de frigo pour nos chères pistes VST… Mais quand même, à l’heure où des logiciels bien moins chers proposent cette fonction, c’est assez triste. Il restera cependant toujours la solution des plugins qui permettent de l’implémenter par la suite : pourquoi pas ?
Mais quand même !
A part ces quelques points, on retrouve ici toute la souplesse et l’ergonomie qui ont fait de Cubase l’un des séquenceurs les plus utilisés. L’application est stable, et, à l’usage, on est presque satisfait de certaines simplifications qui, dans un projet classique, rendent finalement l’interface plus claire et l’utilisation plus facile.
De plus, côté mixage, on profite toujours d’une bonne petite trousse à outils d’effets, tels que réverbes, chorus, flangers, compresseurs, distorsions, filtres, panoramiqueurs, et autres rotary pour épicer nos enregistrements audio, ou Midi, avec dans ce domaine une dizaine de petits gadgets bien pratiques, comme l’Arpegiateur (Arpache 5), le track Control (qui donne directement la main sur des paramètres d’éditions courants), ou le Step Designer.
L’égalisation par piste est également conservée, disposant de 4 bandes de fréquences, avec un éditeur graphique. Ainsi, on peut vraiment se contenter de l’offre du bundle tout au long de la production d’un projet, sans se trouver à cours d’arguments pour raisonner nos pistes. Bref, un vrai Cubase, dont l’allègement presque sans faute, n’ôte rien à la philosophie du logiciel de référence.
Instruments ou démos ?
Même traitement light pour les 6 instruments virtuels proposés dans le bundle. Comme pour le Cubase, le régime n’est pas destiné à faire fondre l’ergonomie, qui reste ici dans l’ensemble intacte. C’est plus au niveau de la taille des banques de sons et des patchs fournis avec les instruments que l’on a baissé la barre. Ainsi, même si les plugs revampés offrent un éventail de styles beaucoup moins complet, et perdent ici ou là quelques petites fonctions originales, comme par exemple le Groove Edit de Virtual Bassist, il n’y a en général pas trop de dégâts au niveau de la qualité audio ou de la souplesse d’utilisation, plutôt respectée malgré quelques coupes un peu trop franches par endroit, comme celle de la fonction Streaming, désactivée sur Halion3. Voyons donc de plus près ce que nous offrent ces cavaliers légers…
The Grand SE
Cet instrument virtuel dédié au piano dont la version 2, juste sortie, vient d’être testée dans nos colonnes, se retrouve ici avec 90 Mo de données audio contre 3.5 Go sur la version originale.
Cela peut sembler certes un peu brutal, mais le jeu reste correct, avec une sonorité réaliste, bien qu’un peu moins souple au niveau du toucher et de la réponse dynamique, les layers d’échantillons par vélocité ayant été supprimés. De toutes façons, une banque plus importante aurait été difficile à gérer, la fonction de lecture à partir du disque dur ayant été désactivée. Restent les 4 couleurs de son différentes, qui offrent des pianos pratiques à utiliser si on ne leur en demande pas trop (on ne possède que 16 voies de polyphonies, au lieu de 64) et qui pourront largement suffire, surtout pour des tracks à l’intérieur d’un arrangement.
Virtual Bassist SE
S’il perd la fonction Groove Control, pratique pour adapter les lignes de basse fournies à la plupart des phrasés rythmiques grâce à une grille de quantisation, il conserve son mode play très intuitif, qui permet de déclencher toutes les variations et tous les effets de jeu d’un preset, tels que les slides, les slaps, ou les notes étouffées. Les styles disponibles sont désormais au nombre de 5 (Heavy 8th, 80's Brit Funk, Bassic groove, Blues 12/8 et Groovy Pop) au lieu de 30. C’est certes un peu elliptique pour un instrument basé sur des patterns préprogrammés, mais l’efficacité est toujours au rendez-vous et les lignes sont vraiment réalistes. A vous de vous débrouiller en utilisant toutes les astuces que permet le logiciel, comme le déclenchement retardé, ou les modes Latch et Retrig.
Le rack d’effet a également disparu, mais de nombreux contrôles (comme la position des micros, le sélecteur Vintage/Classic/Modern, ainsi qu’une compression et un drive…) permettent de modeler correctement le son.
Virtual Guitarist Electric SE
Ici, 6 guitaristes au lieu de 29, représentant le funk (2 presets), le style Wah-Wha (2 presets), la Brit pop et le Classic rock, et 5 accord disponibles au lieu de 15. Là encore, du très bon avec un goût de pas assez, et quelques rares paramètres, comme le doubling ou le shuffle. La qualité de l’authentique reste donc, notamment dans la souplesse en fonction du tempo, mais la polyvalence, déjà limitée dans la version intégrale en raison de la difficulté de programmer des patches de guitare réalistes et souples, est ici carrément exsangue, relayant le plug à une démo améliorée.
Vous pourrez cependant faire joujou avec les styles proposés, et avec un peu de chance, vous concocter une ou deux excellentes rythmiques, mais après, il faudra rappeler votre pote guitariste pour les finitions, d’autant plus que l’on perd ici le rack d’effet et la fonction de doublage du tempo.
Groove Agent SE
Doté d’un nom peu accorte, du moins en français, ce soft dédié à la batterie, troisième larron de la rythmique composée avec les 2 plugs précédents, propose 11 styles différents (jazz, rumba, pop, cajun, darkside, breakbeat, hard rock, house, modern soul, drum’n’bass, nuRNB) avec 13 variations de complexité, contre 70 styles et 25 variations pour la version complète.
Les 53 (contre 156 pour la version normale) groupes de samples disponibles pour chaque style et classés par instruments (caisses claires, grosses caisses, rides…), permettent ici une bonne customisation des patterns, et rendent ce plug beaucoup plus utilisable que le précédent, même si les patterns d’origine sont dans l’ensemble très colorés et ne pourront pas se revêtir facilement de l’originalité de votre sens rythmique. Cependant, les différents sons pouvant être séquencés et déclenchés par des pistes Midi du Cubase, vous n’aurez à vous en prendre qu’à vous-même si vos grooves sonnent trop plats !
D’Cota SE
Gardant ses 2 moteurs de synthèse (FM et Analog), sa section d’effets (phaser, delay et distorsion), et son moteur audio réputé « sans aliasing », D’Cota se tire plutôt pas mal de sa cure d’amaigrissement (je connais des sarcastiques qui diraient : « Heureusement » !) et offre tout de même un bon arsenal de paramètres de synthèse, comme les 13 formes d’onde (au lieu de 64), les 3 types de filtre (contre 8), l’arpégiateur, les 2 LFOs, les 2 générateurs d’enveloppe, ou la modulation en anneaux.
La centaine de presets fournis (2 banques) présente un panel assez large de sonorités que l’on aura donc loisir de modeler suffisamment à sa guise pour rendre le soft polyvalent et créatif. Un bon outil pour ajouter quelques touches d’électro à son travail.
Halion SE
C’est probablement le plus amputé de la bande ! Avec seulement 4 parties de multi-timbralité, une limitation à l’import réduite aux .wav, .aif, Sf2, rex et LM4, et une seule sortie stéréo, il ne lui reste pas grand-chose, d’autant que, comme nous l’avons souligné, l’utilisation de banques généreuses est ici rendue impossible par la disparition du streaming sur disque.
Bon d’accord, on conserve les fameux filtres Waldorf et on nous fournit une collection de sons de 300 Mo tout de même, baptisé Composer Set, et où se trouvent représentés les principaux instruments indispensables (basses, guitares, batteries, cœurs, cuivres, loops…) au démarrage. Un outil qui reste pratique pour la maquette, mais qui ressemble plus à un petit lecteur de sons qu’au véritable sampler que propose la version complète. A updater d’urgence si affinités…
Conclusion
C’est justement à propos d’updating que l’on pourrait commencer cette conclusion. Il est certain en effet qu’en nous livrant collection complète de logiciels destinés à couvrir un large éventail de style de musique et de travail, chacun proposant une philosophie originale et efficace, Steinberg cherche avec ce pack à nous familiariser avec son univers virtuel, tout en nous imposant des limites parfois assez sévères, et à nous rendre un peu accro à une gamme de produits bien conçus, complémentaires et homogènes. Certes, de ce point de vue, l’affaire ressemble plus à une opération de marketing qu’au mécénat que suggère le prix de l’ensemble.Cependant, en concevant son pack autour du Cubase SE3, un logiciel puissant, souple, et doté des principales fonctionnalités et de l’ergonomie du grand frère le SX (qui justifient presque à elles seules la valeur du Studio Case), et en nous donnant parallèlement de substantiels avant-goûts de ce que pourrait devenir notre studio virtuel si, après avoir épuisé les nombreuses possibilités déjà offertes, nous nous décidions pour l’achat d’upgrades disponibles à partir des versions proposées dans le bundle, l’éditeur allemand nous offre l’opportunité de nous lancer dans la production musicale sans nous ruiner, avec des outils suffisamment aiguisés pour réaliser un travail sérieux et polyvalent, tout en nous faisant découvrir un monde dont nous aurons, si besoin est, tout loisir de repousser les frontières, au demeurant pas si étroites que ça.