Bien décidé à reprendre le flambeau des boîtes à groove, Roland présente un concept intégré tout à fait complet : commandes temps réel, édition complète, panoplie sonore et échantillonnage sont les armes de la MC-909. L’ultime Groovebox serait-elle entre nos mains ?
(Test initialement paru en novembre 2002)
L’offre de boîtes à groove ne mollit pas. Le marché de la musique techno attire toujours musiciens et constructeurs de matériel. Il faut dire que ce courant musical nécessite pas mal de commandes directes, une physionomie en console, une spontanéité dans l’utilisation et une certaine transportabilité. Aujourd’hui, on trouve plusieurs approches : échantillonneur pur (MPC-4000 Akai), lecteur d’échantillons (XL-7 / MP-7 Emu) ou hybride (RS-7000 Yamaha). Cette dernière approche nous semble la plus prometteuse, car elle combine Midi et Audio, ce qui permet de faire appel au feeling des boucles audio en ajoutant une couche de données Midi plus ou moins épaisse. C’est également ce qu’a pensé Roland avec la MC-909, en combinant tout ce qui a fait le succès de la dynastie MC-303 / MC-307 / MC-505 à un module d’échantillonnage de phrases.
Foisonnement de commandes
Le premier contact avec la MC-909 est très agréable. Le poids respectable et la carrosserie métallique inspirent la confiance. Les commandes foisonnent : 2 contrôleurs optiques D-Beam permettent de moduler des paramètres programmables en plaçant la main au-dessus d’un rayon infrarouge (par exemple, tempo à main gauche et pitch à main droite). Viennent ensuite les paramètres de synthèse : curseurs pour les enveloppes, potentiomètres rotatifs, boutons lumineux ; place à l’efficacité ! Un magnifique LCD 320 × 240 points permet une vision optimale : enchaînement de patterns, édition graphique, liste déroulante… Il surplombe un ensemble de 8 faders et 16 switches permettant de choisir, mixer, muter, isoler les 16 pistes du séquenceur. Un must d’ergonomie ! En bas de la machine, 16 pads lumineux et dynamiques permettent le déclencher des sons et programmer des séquences. Sur la droite, on trouve un long curseur permettant de simuler le jeu live d’une platine vinyle (accélération, ralenti, tiré, poussé), une fente pour carte Smart Media (8 à 128 Mo), sans oublier l’indicateur de tempo composé de 4 diodes 7 segments.
La partie arrière est elle aussi très complète : prise casque, port USB, duo Midi, 3 paires de sorties stéréo, 1 paire d’entrées stéréo, 2 paires d’entrées / sorties numériques S/PDIF (RCA et optique) et une borne pour prise secteur (alimentation interne). Sous la machine, une trappe permet d’accueillir 2 cartes simultanées. La première est une ROM PCM de 64 Mo tirée de la série SRX. Le choix naturel est la SRX-05 « Supreme Dance », bourrée de sons de synthèse et de percussions techno. La MC-909 comprend d’ailleurs 72 programmes et 10 kits de percussions spécialement conçus pour cette carte. La seconde extension est un slot pour barrette DIMM 168 broches de 128 ou 256 Mo, permettant d’augmenter la Ram PCM initiale de 16 Mo. Merci d’avoir choisi un format contemporain et peu onéreux. Avis aux concurrents !
700 formes d’onde techno
Le moteur sonore de la MC-909 est dérivé de la série XV. Il offre 64 voix de polyphonie et 32 canaux multitimbraux (16 pistes pour le séquenceur et 16 pistes pour les phrases live). Il puise ses sons dans une Rom PCM de 32 Mo, constituée de près de 700 formes d’ondes multiples orientées techno : basses, balayages, nappes, cuivres, vocalises, effets spéciaux et percussions. Les quelques sons instrumentaux multiéchantillonnés (pianos, cordes, cuivres, guitares, basses) sont utilisables en contexte techno mais pas en orchestrations classiques. En effet, le constructeur a choisi de limiter le nombre de points de multiéchantillonnage pour favoriser les sons de synthèse. Ainsi, on accède à une série de machines prestigieuses d’hier et d’aujourd’hui, réparties en 800 presets, avec pas mal d’inédits chez Roland : Minimoog, OB8, Jupiter, Prophet 5, ARP 2600, Mellotron, Vox, Delta. Côté percussions, la liste est exhaustive : parmi les 64 kits, toutes les TR / CR / DR / R Roland sont au rendez-vous, ainsi que des ondes synthétisées et torturées. Pas de véritable point faible dans cette magnifique collection. Et si on souhaite retravailler certains sons, la MC-909 propose une section synthèse tout à fait complète, comme on le verra plus tard.
Le mode principal de la MC-909 est le mode Pattern. On y trouve pas moins de 215 motifs composés sur 16 pistes et 440 riffs élémentaires. On peut les lancer en direct au moyen des 16 pads (modes « Pattern Call » et « RPS »). La machine offre d’ailleurs 50 mémoires pour chacun de ces 2 modes. Globalement, les motifs sont très bien conçus et pile dans les tons actuels : Techno, Drum’n’Bass, Trance, House, R&B, Hip-Hop ou Reggae. Certains utilisent des phrases de vocalises échantillonnées, ce qui leur confère un réalisme accru. Grâce au Time Stretch en temps réel, elles se calent sans broncher au Tempo, pour peu que l’on ne sorte pas d’une plage de + ou – 25%. Tout comme la MC-505, la grande particularité de la machine est la possibilité de couper / isoler / remixer les 16 pistes rythmiques en temps réel grâce à une section mixage très simple d’utilisation. A l’aide des commandes de transport, de 8 faders et de 16 boutons lumineux, on peut passer un bon moment avec la même boucle. De quoi rassurer ceux qui ne comptent pas programmer.
1 300 000 notes en mémoire !
Pour les autres, la MC-909 comporte un puissant séquenceur 16 pistes offrant une généreuse résolution de 480 bpqn, un gros progrès par rapport à la MC-505. La mémoire sauvegardée est de 1 300 000 notes, un record ! Elle est organisée en 200 motifs utilisateur (998 mesures chacun) et 999 motifs maximum sur carte Smart Media (128 Mo). La programmation comprend 3 modes : pas à pas, grille ou temps réel (avec quantisation). En mode grille, les pads représentent une position sur la grille rythmique. Il suffit alors d’allumer ceux que l’on veut entrer en mémoire. Simultanément, l’écran affiche la grille en abscisse (par 16 pas), un clavier en ordonnée (par 24 notes) et un curseur de position, ce qui permet de voir immédiatement ce que l’on fait. Imparable ! Lorsque l’on programme un son instrumental, l’écran affiche de nouveau le clavier en ordonnée et le déroulé des notes avec leur durée en abscisse. Pour éditer avec précision, le mode microscope est bien là !
On peut aussi faire appel à un arpégiateur pour entrer des motifs. Il comprend 128 arpèges préréglées et 128 utilisateur. La création d’arpèges est on ne peut plus simple. Là encore, l’écran s’avère d’une aide précieuse en affichant la représentation graphique des notes générées, pour chacun des 32 pas que peut totaliser un motif. Enfin, pour ceux que les accords rebutent, un mode spécial renferme 64 accords d’usine et 128 programmables. Les motifs peuvent ensuite être regroupés en morceaux. Chaque morceau est constitué de 50 pas déterminant le statut de chacune des 16 pistes ainsi que leur transposition. Hélas, impossible de définir un nombre de mesures multiple ou diviseur de celui du motif en cours, si bien que les choses peuvent vite tourner court. A utiliser pour l’automation des mute / solo / remixages. En tout, 50 morceaux peuvent ainsi être créés. Enfin, signalons la possibilité de piloter des images avec les appareils V-Link, un protocole présent notamment sur certains produits Edirol. Ainsi, on peut générer des montages vidéo où les défilements d’images et leurs réglages sont pilotés en parfaite synchronisation avec le son.
Un véritable synthétiseur
La MC-909 est un véritable synthétiseur, reprenant l’essentiel des fonctions de la série XV / Fantom. Un patch comporte 4 couches utilisant un multiéchantillons mono ou stéréo. Chaque couche possède une tessiture programmable, une fenêtre de vélocité, des fondus haut et bas, un filtre multimodes résonant et un panoramique modulable. Les couches 1&2 et 3&4 peuvent interagir suivant 10 algorithmes qui définissent le routage des filtres et des amplificateurs (série ou parallèle), ainsi que le mode d’interaction des signaux (booster ou modulation en anneau).
Les modulations comprennent 3 enveloppes multisegments, 2 LFO à 11 formes d’ondes synchronisables au tempo et une matrice de modulation 4 sources / 16 destinations. Parmi les sources, on trouve les contrôleurs Midi, les enveloppes, les LFO, le suivi de clavier et la vélocité. Les destinations sont constituées des principaux paramètres de synthèse (tonalité, filtre, volume, panoramique, LFO et enveloppes). On trouve aussi un mode de kits de percussions. Les paramètres sont quasi identiques au mode instrumental : 4 couches mono / stéréo, paramètres de synthèse, mis à part les LFO et la matrice… mais sur chacun des 16 pads. Concernant la mémoire utilisateur, la MC-909 est assez généreuse, puisqu’elle renferme 256 patches utilisateur (+256 sur carte) et 128 kits (+128 sur carte).
Du sampling au mastering
Grâce aux 2 entrées audio analogiques et numériques, on peut raccorder une source externe mono / stéréo, de niveau micro ou ligne. les 16 pads permettent alors d’en faire varier la tonalité en temps réel, grâce à un DSP dédié. Le résultat peut alors être envoyé vers les effets. Il est également possible d’échantillonner en 16 bits / 44 kHz. La mémoire interne renferme 16 Mo de SDRam permanente (super !) et jusqu’à 256 Mo de DDRam (volatile), représentant jusqu’à 2000 échantillons internes et 7000 sur carte Smart Media (128 Mo). Pour échantillonner, c’est très simple : sélection de la source, du mode de déclenchement, mise en service du métronome, déclenchement manuel ou automatique, division à la volée et arrêt.
L’édition est assez dépouillée, mais tous les outils de travail sur les boucles sont présents : troncature, normalisation, sens de lecture, bouclage, mise au tempo, pitch shift, time stretch, combinaison, division avec création de patterns rythmiques, accentuation de fréquences et enveloppe d’amplitude. La division d’une phrase peut se faire en manuel (même en temps réel !) ou automatiquement (la MC choisit les portions les plus caractéristiques de la phrase). Après avoir essayé des boucles plus ou moins chaotiques, cela marche parfaitement bien. La MC-909 crée alors les échantillons correspondant au découpage et le pattern rythmique adéquat. L’édition graphique est absolument remarquable : affichage simultané des formes d’ondes stéréo, zooms verticaux et horizontaux. Dommage que la logique d’édition soit restreinte aux boucles rythmiques. Ainsi, on ne trouve pas de bouclage automatique ni d’éditeur de multisamples. Les temps de calcul sont très corrects sans être supersoniques (10 secondes pour un time stretch de 75% sur une boucle stéréo de 4 mesures). Dommage qu’on ne trouve pas la spécialité maison – le Variphrase – permettant de rendre la tonalité, le tempo et le timbre d’une onde totalement indépendants. La MC-909 permet de rééchantillonner ses propres motifs ou morceaux avec possibilité de mélanger des signaux externes. Cela est idéal pour créer des boucles complexes ou produire un master stéréo. Roland a d’ailleurs tout prévu pour la mastering, puisqu’un compresseur 3 bandes (attaque / relâchement) permet d’affiner les niveaux audio avant resampling. On obtient ainsi une forme d’onde stéréo Wave ou Aiff masterisée qu’il suffit d’envoyer sur son PC / Mac via le port USB pour gravure. Bien joué !
Des effets dans le vent
La MC-909 est doté de 6 DSP d’excellente qualité : 1 compresseur, 2 multieffets, 1 unité de réverbération, 1 pitch shifter (pour les signaux externes) et un compresseur global pour le mastering (voir encadré pour les 2 derniers DSP). La programmation des 4 premiers DSP s’effectue au niveau des patterns, ce qui paraît assez logique compte tenu du mode d’utilisation de la machine. Le compresseur possède les réglages habituels (attaque, relâchement, seuil, ratio et gain). Il est complété par un EQ 2 bandes semi-paramétriques. En sortie, on peut doser le départ du signal vers la réverbération et l’assigner simultanément vers l’un des 2 multieffets ou la sortie directe.
Les multieffets proposent respectivement 38 et 47 algorithmes. Au programme, des effets bien dans le vent : 9 filtres, 7 modulations, 6 chorus, 7 effets dynamiques, 6 effets lo-fi, 2 pitch shifters, 1 réverbération à porte et 9 délais (uniquement pour le second multieffets). Quantité de paramètres et qualité des résultats résument bien cette magnifique section. En sortie, on trouve un départ vers la réverbération et l’assignation directe à une sortie audio. Enfin, la réverbération est identique à celle des XV : elle offre 8 algorithmes (pièces et délais) et 3 effets empruntés à la SRV-3030 (pièce, hall et plateau). Edition pseudo-graphique, nombreux paramètres et qualité sonore excellente sont au rendez-vous. Le routage des effets est très souple. Le LCD affiche le synoptique des configurations pour faciliter les réglages. Chaque partie, y compris les signaux externes, possède ses propres routages. Enfin, 2 paramètres peuvent être modulés en temps réel.
Conclusion
Au final, la MC-909 est une très puissante boîte à groove qui corrige les défauts de ses ancêtres tout en conservant ce qui a fait leur succès : qualité sonore, convivialité, transportabilité, résultats professionnels rapides, possibilité de synthèse et orientation live. Elle y ajoute de nouvelles formes d’ondes spécialisées, une connectique complète, une ergonomie remarquable, un mode sampling, une interface de sauvegarde et des possibilités d’extension intelligentes. Les seuls reproches que nous pouvons faire concernent l’absence de gestion de multisamples (mais qui s’en plaindra compte tenu de l’utilisation visée ?) et la faiblesse du mode « Song ». Pour ce dernier cas, il serait bon que Roland travaille le sujet et propose une amélioration dans un futur OS. Mais la MC-909 est un haut de gamme, nul doute qu’elle séduira les fondus les plus difficiles des musiques qui bougent.