Après le test de la très complète mais onéreuse VT Bass Deluxe, je vous propose de découvrir la nouvelle pédale de Tech21 qui profite de ces grains à l’ancienne, que l’on affectionne tant. Quand la chaleur se passe de lampes...
— Papa ?
— Papa travaille mon grand, va plutôt jouer avec ton iPad.
— Oui, mais y’a Polo qui s’est enfermé dans les toilettes avec.
— C’est de son âge, je t’expliquerai.
— Je vais le dire à Maman, comme ça elle va frapper à la porte et gronder Polo.
— Euh non, on va laisser ton grand frère tranquille, il révise ses leçons. Reste plutôt avec Papa. Regarde-le travailler, tu vois comme Papa est fort derrière son bureau ?
— Oui.
— Eh bien contemple et reste sage.
—…
—…
— Papa, c’est quoi cette pédale ?
— Mmmmh ?
— Papa, c’est quoi cette pédale ?
—…
— Papa, c’est quoi les bruits bizarres que fait Polo dans les toilettes ?
— Bon, alors cette pédale…
Un peu d’histoire pour les grands
Andrew Barta est un adolescent qui grandit dans la Hongrie des années 70. Dans le bloc de l’Est, on s’ouvre alors au Rock de la fin des années 60 et c’est avec un certain décalage que cette scène explose à Budapest. Andrew apprend donc à jouer de la guitare, joue dans différents groupes et finit par tellement aimer ça qu’il projette d’en faire son métier.
En parallèle de cette passion grandissante, le jeune musicien s’intéresse de près à son amplification et se met à démonter son matériel pour en modifier les circuits. Un second hobby pour occuper son temps libre, quand il ne joue pas. Quand son père lui demande de chercher une formation professionnelle, Andrew se dirige naturellement vers l’électronique qu’il étudie à la faculté. S’il ne compte pas encore en faire un métier, l’étudiant apprend à perfectionner ses amplis et parallèlement, il commence à gagner son pain sur scène.
Il part en Allemagne comme musicien professionnel et il accompagne un orchestre en tournée comme bassiste, il restera en Teutonie pendant un an. Il obtient alors un visa qui lui permet de s’installer aux États-Unis. Entre deux cachets, il travaille à réparer des amplis dans un magasin de musique. Il s’essaye alors à la fabrication et monte un combo à lampes. Le résultat ne satisfait pas le concepteur ; les lampes étant des composants lourds, encombrants et instables. Il décide de se passer de ces composants et cherche un système capable de reproduire leur grain si particulier. Comme il voit son groupe passer des heures en studio à placer les micros devant les amplis pour faire des prises, il décide aussi de se passer d’enceintes, tout simplement.
Le « Plug and Play » sera donc son créneau : une pédale permettant à un guitariste de se brancher directement dans la table et de reproduire le son d’un ampli et de son enceinte. Il conçoit la pédale pour ses besoins personnels, mais très vite, il voit son entourage lui commander des exemplaires. Il propose alors le produit aux principaux fabricants du marché pour ne rencontrer que des portes fermées : le marché n’est pas prêt à se passer des lampes et encore moins de haut-parleurs. Seule solution pour Andrew Barta, qui ne démord pas des qualités de son concept : mettre lui même la SansAmp sur le marché. En 1989, Tech 21 était né.
Dans l’épisode précédent…
Rappelez-vous, il y a maintenant quelques années, j’avais déjà testé pour vous le VT Bass Deluxe, la version programmable du VT Bass incluant une sortie directe et deux entrées instrument, commutables en boucle d’effet. Cette année, Tech 21 développe une nouvelle version de son Bass Driver, cette fois sous le label Character Series : une boîte avec un préampli intégré, une simulation de haut-parleurs et tout un panel de grains, allant de la SVT Classic, à des tendances bien moins vintage. Même format que la pédale noire originale, avec une peinture imitant le tolex et quelques fonctions supplémentaires.
On compte sept contrôles rotatifs, qui permettent d’ajuster le niveau de sortie, de balancer le signal corrigé, de régler graves, médiums et aigus et de faire rugir le tout via un niveau de saturation. Le plus important parmi ces sept potards demeure le « Character » qui permet à la fois de faire varier le grain d’un type d’ampli à l’autre et d’affecter par la même le niveau d’attaque (voir le test précédent). Un outil magique qui a donné son nom à tout un rayon de pédales de la marque.
Cinq interrupteurs push-push se présentent à l’utilisateur, entre les potards et le footswich unique. Les trois premiers permettent d’ouvrir le circuit de l’alimentation fantôme, de booster la sortie jack et enfin, de baisser le niveau de sortie du XLR de dix décibels. Les deux derniers proposent à la fois un boost du gain (qui rend d’une pression le son plus mordant) et d’activer la simulation d’enceinte (un interrupteur qui manquait à la version Deluxe). Il y a une entrée instrument et trois sorties : XLR, Jack et une troisième en parallèle, qui envoie un signal non corrigé. Une configuration parfaite pour faire de cette pédale un outil de studio comme de scène. La Character Series Bass Driver DI est vendue dans une jolie boîte en aluminium, sans pile et sans transformateur (de type Boss en 9 V). Sa fabrication est irréprochable, autant pour la solidité du boîtier, que pour la confiance qu’inspirent les contrôles qui l’équipent.
Sur le terrain
J’ai principalement testé le système en tant que préampli de studio, directement branché sur ma Steinberg UR22, mais alimenté en externe. Je vous propose de faire un tour de quelques réglages, en opposant à chaque fois le signal neutre de ma Jazz Bass et sa version corrigée. Ces derniers étant obtenus simultanément par le XLR et la sortie parallèle. Tous ces extraits exploitent la simulation de HP, sauf les deux prises en slap.
- 1 70s 00:38
- 2 70s Bypass 00:38
On commence par un exemple de grain d’époque, avec un réglage mettant en avant la rondeur et les médiums. J’utilise pour cela le micro grave de ma basse dont je laisse la tonalité grande ouverte pour laisser le champ libre à l’égaliseur du Bass Driver. Le potard Character est tourné à fond à gauche. J’ai atténué les aigus sans pour autant les condamner. Pas de saturation dans cette recette, juste un son bien galbé qui met en valeur les hauts médiums du micro simple dans les graves. J’aime beaucoup.
- 3 svt style 00:43
- 4 svt style Bypass 00:43
Vous pardonnerez mon instrument qui frise, je viens de le régler pour un truc important en studio et il me fallait une action basse. Or, pour ce test, il fallait se résoudre à user d’un plectre, grain Ampeg oblige. Voici de la SVT Classic, version Tech 21. Un joli travail d’émulation de circuit à lampes, qui se sent particulièrement dans le traitement des harmoniques.
- 9 Flip Top 00:47
- 10 Flip Top Bypass 00:47
Toujours dans le Revival qui sied si bien au jeu au médiator, voilà un autre réglage qui laisse entendre un grain légèrement mordant et plus cristallin que le dernier.
- 5 Slap tone A 00:25
- 6 Slap Tone A Bypass 00:25
- 7 Slap tone B 00:25
- 8 Slap tone B Bypass 00:25
On pose son médiator, tout doucement, et on lève les pouces, bien haut… C’est l’heure de slapper sur son voisin, son pote ou sa sœur. C’est l’heure de slapper en chœur. J’ai coupé la simulation de haut-parleurs, car en pratique, elle atténue considérablement les aigus et quand l’heure vient à frapper sur ses cordes, la brillance est toujours la bienvenue. Deux réglages, plus ou moins creux. Je ne sais pas pour vous, mais je préfère le premier, un poil plus chargé en médiums. J’ai surtout usé du potard de Character, qui donne un côté plus moderne quand on le tourne vers la droite. Ça n’est pas de l’EBS, mais ça peut rappeler le grain d’un SWR.
- 11 Rage 00:28
- 12 Rage Bypass 00:28
Comme on pouvait s’y attendre, cette pédale propose son lot de saturations. En voici un premier exemple, assez cinglant. Je conseille aux utilisateurs de prendre le temps de se familiariser avec la relation toute particulière qu’entretiennent le potard de Character et le gain : le second étant à réajuster après le premier. Pensez aussi à corriger légèrement l’égaliseur, car les trois bandes engendrent des harmoniques bien particulières dès que le son sature. Et ce pour chaque type d’ampli choisi.
- 13 Fuzz 00:36
- 14 Fuzz Bypass 00:36
Que dire… C’est une Fuzz et ça marche.
Conclusion
Comme c’est bientôt les fêtes et que ça sent déjà le sapin, j’ai bien envie de vous inspirer en attribuant un Award à cette chouette pédale. En plus de remplir brillamment son office, elle jette un pont providentiel entre la version standard de la VT Bass (accessible, mais démunie de sortie XLR) et sa grande sœur, dont le prix frôle quand même les 320 €. Voilà un outil efficace, qui porte bien son nom, car de caractère il n’en manque point. Et il réserve, à qui sait s’en servir, de longues heures d’un plaisir efficace, garanti sans encombrement.
« Papa, pourquoi la pédale elle grogne, c’est parce qu’elle est méchante ?
— Bon écoute, ça suffit maintenant. Il faut que je boucle cet article sinon je ne vais pas être payé et la vilaine banquière va encore gronder ton père…
— Mais Papa, pourquoi y’a une lumière rouge dessus ? Et si je tourne ce bouton, ça fait quoi ??
— Mon grand, tu peux toujours essayer, tu ne pourras pas.
— Mais pourquoi Papa ?
— Bah parce que tu n’existes pas gamin.
—…
— Je t’ai juste écrit comme ça, pour faire marrer les lecteurs et me changer les idées.
— Mais pourquoi j’existe pô ?
— Mais si, en fait tu existes. Mais juste dans ma tête et sur ce papier.
— Et Polo non plus il existe pô ?
— Tu sais, c’est plus simple de ne pas vous avoir pour de vrai, avec ma vie, tout ça…
Et comme ça, à Noël, ça fait plus de cadeaux pour moi ! Tu vois cette pédale mon fils ?
— Oui Papa.
— Eh bien si je me la paye en décembre, c’est un peu grâce à toi. »