Absynth, le synthétiseur phare de Native Instrument, passe la quatrième et entend bien défendre chèrement sa place dans la gamme du développeur allemand, entre l'usine à gaz Reaktor et Massive, le petit nouveau. Pour ce faire, le plan est simple : offrir toujours plus de possibilités tout en simplifiant la vie de l'utilisateur. Pari réussi ?
Absynth, le synthétiseur phare de Native Instrument, passe la quatrième et entend bien défendre chèrement sa place dans la gamme du développeur allemand, entre l’usine à gaz Reaktor et Massive, le petit nouveau. Pour ce faire, le plan est simple : offrir toujours plus de possibilités tout en simplifiant la vie de l’utilisateur. Pari réussi ?
Pour répondre à ces questions, dans un premier temps, nous passerons en revue le processus d’installation, détaillerons l’architecture du synthétiseur et les nouvelles fonctionnalités, puis nous évaluerons son ergonomie. Enfin, nous nous intéresserons à notre préoccupation majeure : ses sonorités !
Installation
Après avoir inséré le CD d’Absynth dans votre lecteur, l’installation se fait sans heurt et occupe, au choix, 100Mo ou 650Mo sur votre disque dur. À la fin de l’installation, l’enregistrement du logiciel se fait via le site de Native Center. Le soft fonctionne aussi bien en stand alone qu’en VST, Audio Unit, RTAS et DXi et au niveau de la consommation CPU, les ressources processeurs requises dépendent de la complexité des sonorités. Toutefois, elles restent honnêtes dans la plupart des cas et on est bien loin des consommations extravagantes de ‘Massive’, le dernier synthétiseur de Native Instrument. En ce qui concerne le manuel, il est instructif, écrit en français et de bonne qualité générale mais possède quelques coquilles avec notamment des erreurs de signets en gras et en allemand ainsi que des phrases étrangement traduites.
Une fois le logiciel installé et le manuel décortiqué, il est temps de passer aux choses sérieuses en se plongeant dans les entrailles du synthétiseur…
Une architecture semi-modulaire
Architecture d’Absynth 4 (fenêtre Patch) |
La plupart des synthétiseurs (hardware ou software) peuvent se classer en deux catégories : d’une part les synthétiseurs à architecture fixe offrant des sonorités très particulières, mais limitées (exemple : TB303, prophet, etc.) et d’autre part, les synthétiseurs modulaires offrant de grandes possibilités sonores, mais dont la prise en main est souvent difficile (Nord modular, Reakor, Maxmsp). Le logiciel Absynth s’inscrit à mi-chemin entre ces deux catégories, il concilie la facilité d’utilisation et le caractère d’un synthétiseur à architecture fixe avec les possibilités sonores d’un synthétiseur modulaire.
L’architecture de base d’Absynth se compose de 3 canaux (A, B et C) fonctionnant en parallèle et sont ensuite sommés puis injectés dans le canal maître. Chacun se compose de 3 modules parmi lesquels on retrouve des oscillateurs, des filtres et des modulations (voir sections suivantes). Dans les trois premières versions d’Absynth, la position des modules dans chaque canal était fixe : oscillateur, filtre et modulateur pour les canaux A, B et C, et waveshaper, filtre, effet pour le canal maître. La grande nouveauté d’Absynth 4 est de permettre à l’utilisateur de définir lui-même l’emplacement des modules filtres, modulation et waveshaper dans l’architecture. Ainsi, Absynth se rapproche un peu plus du monde des synthés modulaires. Analysons plus précisément l’ensemble des modules composant l’architecture.
Les différents modules
Tout comme ses aînées, l’architecture d’Absynth 4 est composée de 5 types de modules : oscillateur, filtre, modulateur, waveshaper et effets.
Le module oscillateur donne accès à un large panel de formes d’ondes. Il est également possible de les dessiner aussi bien dans le domaine temporel que fréquentiel ! Plusieurs modes de synthèse sonore sont intégrés pour triturer tout ça : synthèse additive (mode double), synthèse par modulation de fréquence (mode FM), synthèse par modulation d’amplitude (mode ringmod) et synthèse fractale (mode Fractalize). Le module oscillateur permet également de charger ses propres fichiers audio (wav ou aiff) et de les traiter par échantillonnage (mode sample) ou par synthèse granulaire (mode granular). La version 4 ajoute aussi deux nouveautés : une synthèse granulaire synchronisée et une synthèse par morphing de forme d’onde.
Le module filtre propose au total 14 filtres permettant de sculpter les signaux audio par synthèse soustractive : plusieurs passe-bas, passe-haut, passe-bande, passe-tout et filtre en réjection de bande (notch). Absynth permet également l’utilisation des filtres en peigne qui accentuent les multiples d’une fréquence fondamentale (comb filter). Nouveauté de la version 4, il est maintenant possible de fixer la fréquence (de coupure, centrale, etc.) des filtres en fonction de la note jouée. Cette fonctionnalité se révèle très utile pour l’utilisation des filtres en peigne : la fréquence fondamentale est alors directement reliée à la note jouée. Petit bémol, la nouvelle version ne propose toujours pas d’édition graphique.
Le modulateur multiplie le signal en entrée par une forme d’onde. Cette modulation d’amplitude ajoute de nouvelles fréquences au signal d’entrée qui dépendent de la forme d’onde modulante. Deux types de modulateurs sont accessibles : le modulateur en anneaux (« ringmod ») et le modulateur « freqshift ». Ils diffèrent par le nombre de nouvelles fréquences ajoutées au signal d’entrée.
Le waveshaper donne accès à la synthèse par distorsion non linéaire ce qui permet donc d’ajouter de la distorsion au signal d’entrée en appliquant une fonction mathématique (fonctions préexistantes ou personnalisées). Une des applications les plus répandues des waveshaper consiste à simuler les amplifications non linéaires des amplis guitare.
Le module d’effet est particulier puisque c’est le seul dont la position est fixe, il intervient en bout de chaîne du canal maître. Il donne accès à différents modèles de réverbération, à des modèles de résonateurs acoustiques (ces effets sont détaillés plus amplement dans la section II.4) et rajoute de la profondeur aux sonorités.
L’ensemble des synthèses sonores et des modules témoigne de la puissance sonore du logiciel et les possibilités sonores sont quasi infinies. Seule petite ombre au tableau : la nouvelle monture d’Absynth ne propose pas de modules de synthèse de type PWM (synthèse qui a fait le succès du prophet). En plus d’intégrer un grand ensemble de synthèse sonore, une des grandes spécificités d’Absynth réside dans les évolutions très complexes des sonorités. Ces évolutions sont obtenues grâce aux possibilités de modulation temporelle des paramètres de synthèse.
Les modulations temporelles
Les modulations temporelles sont réalisées grâce aux sections LFO et enveloppes qui permettent de définir la variation des paramètres de synthèse dans le temps. Petit nouveau de la version 4 : le suiveur d’enveloppe qui peut également augmenter l’aspect organique des sonorités.
La section LFO comporte trois oscillateurs basse fréquence permettant de moduler, de façon périodique, les différents paramètres de synthèse. Pour chaque oscillateur basse fréquence, l’utilisateur choisit une forme d’onde préexistante ou personnelle. On peut noter la présence d’une nouveauté : les LFO permettent maintenant de moduler n’importe quel paramètre de synthèse : la fréquence de coupure des filtres, la hauteur des oscillateurs, mais également la résonance des filtres, les paramètres de la section effet, etc.
La section enveloppe permet à l’utilisateur de dessiner les courbes qui décrivent la variation temporelle des paramètres de synthèse et qui sont définies par des points (jusqu’à 68 par enveloppes, s’il vous plait !) pouvant être synchronisé au tempo, fonctionner en mode step séquenceur, être piloté par MIDI, etc. Il est également possible de boucler les enveloppes. La section enveloppe d’Absynth est très puissante et permet à la fois de créer des nappes évolutives comme des rythmes/ polyrythmes complexes.
Le suiveur d’enveloppe est une nouvelle fonctionnalité qui détecte l’enveloppe d’amplitude d’un signal audio (signal en sortie du canal 1, canal 2, canal 3 ou canal master) puis l’utilise pour moduler un paramètre de synthèse. Par exemple, on peut imaginer moduler la fréquence de coupure d’un filtre en utilisant l’enveloppe temporelle du signal en sortie d’un canal, simuler le comportement d’un compresseur standard ou side chain, etc. Cerise sur le gâteau, le suiveur d’enveloppe peut également fonctionner en mode trigger et ainsi piloter le déclenchement des enveloppes de certains modules.
Les modulations temporelles sont très puissantes et offrent aux sonorités un côté organique propre à Absynth. Pour ajouter une touche encore plus personnelle, le synthétiseur propose également une section d’effets.
La section d’effets
Absynth intègre une section d’effets qui ajoute de la profondeur aux sonorités via différents types de réverbérations et de délais et propose 5 modes de fonctionnement.
- Le mode « Pipe » simule la propagation d’ondes acoustiques dans un tuyau.
- Le mode « Multicomb » simule le comportement de résonateurs acoustiques et intègre 6 guides d’onde.
- Le mode « Multitap » intègre 3 délais avec des temps de retard différents.
- Le mode « Echoes » intègre également trois délais, mais dont le fonctionnement diffère du mode multitap (possibilité de filtrer le signal, etc.)
- Enfin, le mode « Resonators » simule le comportement de différents résonateurs et approche le comportement d’une reverb.
La section effet propose de nouvelles fonctionnalités par rapport à Absynth 3. D’une part, il est possible de filtrer le signal avant de l’injecter dans l’effet et d’autre part, quatre sliders permettent de router indépendamment le canal 1, le canal 2 et le canal 3 et le master dans l’effet. Cette fonctionnalité peut se révéler très utile pour les patchs rythmiques par exemple : on peut faire en sorte d’injecter la caisse claire et le charley dans un délai tout en conservant un kick pur.
En résumé, la dernière version du semi-modulaire de Native Instrument intègre de nouvelles fonctionnalités qui permettent d’aller plus loin dans la création de sonorités et rapprochent un peu plus Absynth de la catégorie des synthétiseurs modulaires, d’autant plus qu’il est possible de l’utiliser en tant qu’effet audio. Cependant, les possibilités sonores d’un synthétiseur et son ergonomie font rarement bon ménage. Souvent, plus il propose de fonctionnalités, moins son utilisation se révèle simple. C’est pourquoi il est temps de tester l’ergonomie du logiciel…
Ergonomie
La prise en main a toujours été un des grands points faibles des aînées d’Absynth 4 et cela a souvent découragé les débutants. En effet, dans la plupart des synthés modulaires, les connexions entre modules sont directement visualisables à partir d’une même fenêtre. Dans Absynth, ce n’est pas le cas, les connexions entre certaines sections (modules de synthèse, LFO, enveloppes) sont implicites, il faut donc bien avoir en tête l’architecture du logiciel pour pouvoir se lancer dans la création de nouvelles sonorités.
Le logiciel s’articule autour de 6 fenêtres dont celle intitulée « wave » qui permet la création de nouvelles formes d’ondes. Elle est utilisée essentiellement par les utilisateurs les plus acharnés de synthèse. La fenêtre « patch » est le cœur d’Absynth, on y conçoit ses modèles de synthèse et on y place les différents modules.
Les fenêtres LFO et enveloppe s’occupent de la modulation temporelle des paramètres de synthèse et la fenêtre « effet » permet de rajouter l’empreinte sonore du synthétiseur avec ses réverbérations et ses résonateurs très froids. Enfin, la quatrième version ajoute une nouvelle fenêtre dénommée « perform » qui remplace l’ancienne fenêtre MIDI d’Absynth 3. Celle-ci est responsable du contrôle live de vos sonorités, et établit une connexion directe entre le travail du sound designer (création des sonorités) et celui du musicien (jeu live). Elle permet d’assigner les contrôles MIDI à n’importe quel paramètre au sein d’une même fenêtre (ce qui n’était pas le cas avec l’ancienne fenêtre MIDI). L’assignation MIDI est ainsi nettement plus souple que dans la version précédente.
Une fois l’architecture assimilée et après plusieurs heures de pratique intensive, l’ergonomie est excellente. On jongle entre les différentes fenêtres, on triture les sonorités dans tous les sens ! Concrètement, la création d’un son de kick simple, par exemple, se fait largement plus rapidement sur Absynth que sur un modulaire classique (20 secondes sur Absynth contre environ 1 mn 30 sur MaxMsp). Mais intéressons-nous maintenant à notre préoccupation majeure : le son.
Un synthétiseur à fort caractère
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Le caractère sonore du logiciel était l’une de ses principales qualités, mais qu’en est-il dans cette nouvelle version ? Pour le savoir, rien de plus naturel que de tester les différents presets livrés avec le logiciel…
À ce niveau, on est gâté. Absynth 4 propose plus de 1200 presets (dont environ 200 presets spécifiques à la version 4) qui tiennent sur 400 Mo. Pour s’y retrouver, Native Instrument a intégré une nouvelle fenêtre, le « browser », permettant de chercher une sonorité en fonction de différents attributs (instruments, sources, timbre, articulation, genre musical). Parmi les sound designer responsables de ses presets, on retrouve plusieurs artistes electronica et autres sound designers habitués à travailler avec Native Instrument : le génialissime Richard Devine, Junkie XL, Otton Van Schirach, etc. Rien de tel pour mettre en valeur le potentiel du synthétiseur !
Alors, je le dis haut et fort : oui, Absynth 4 possède le même caractère sonore que ses aînées. Des sonorités très riches allant du son de nappe complexe aux rythmiques organiques, en passant par des paysages sonores frôlant les 0°F, des bugs de machines, des synthés séquencés, etc. Les nouvelles fonctionnalités du soft lui permettent d’étoffer sa palette sonore, de grossir certains sons et d’accentuer le côté organique. Toutefois, on regrettera que les presets ne mettent pas plus en avant les nouveautés du logiciel.
Au niveau musical, les sonorités ne satisferont pas tous les musiciens, loin de là ! Bien que la palette sonore soit assez large, le tout reste assez typé. Absynth excelle dans certains styles et la froideur des nappes ou les parties séquencées par des enveloppes bouclées se marient très bien avec les morceaux sombres Trip-Hop. Les possibilités de synthèse et de création de nouveaux objets sonores en font un outil de choix pour les musiques électroniques (notamment Hip-Hop, Breakbeat et DnB) et le caractère des sonorités se révèle très efficace pour le sound design et le métal industriel. Rien de mieux que les sonorités froides et oppressantes d’Absynth pour introduire le vacarme d’une guitare saturée ou pour relâcher la pression après le silence de cette dernière. Le synthétiseur se combine aussi très bien avec le courant electro jazz et le contraste entre les sonorités froides du soft de Native Instruments et les sonorités acoustiques des instruments classiques donne naissance à un mariage étonnant où l’électronique et l’acoustique se réconcilient remarquablement.
Pour avoir une idée rapide des sonorités, j’ai réalisé une petite démonstration entièrement faite avec Absynth 4. Mais attention, elle ne reflète pas pour autant l’étendue de la palette sonore du synthétiseur.
Conclusion
Loin d’être une révolution par rapport à ses aînées, la version 4 d’Absynth est une digne évolution. Les nouvelles fonctionnalités comme la possibilité de choisir l’emplacement des modules de synthèse dans l’architecture et l’ajout d’une section suiveur d’enveloppe augmentent les possibilités sonores du synthétiseur. L’ergonomie elle aussi été améliorée : meilleures assignations MIDI, recherche des sonorités simplifiées grâce à la fenêtre browser, etc.
De par ses sonorités très typées, Absynth 4 ne possède pas de concurrent direct dans le marché des synthétiseurs semi-modulaires. Après, il est clair que c’est une histoire de goût, soit on aime, soit on n’aime pas. Bien que n’officiant pas dans la même catégorie que les modulaires, le dernier bébé de Native Instrument possède une ergonomie supérieure à Reaktor Maxmsp ou Pure Data : une fois l’architecture du logiciel assimilée, on ne passe pas son temps à câbler les oscillateurs et les filtres dans tous les sens, on rentre directement dans le vif du sujet : le son ! A ce titre, Absynth est un excellent outil pour apprendre la synthèse sonore ou le sound design.
En conclusion, ce logiciel ravira les musiciens désireux de créer leurs propres sons. Fans de sonorités organiques, de rythmiques industrielles, d’OSNI (objets sonores non identifiés) et d’atmosphères glaciales, Absynth4 est fait pour vous !
[+] Synthétiseur à forte personnalité
[+] Possibilités sonores
[+] Interface MIDI totalement revue
[+] Le suiveur d’enveloppe
[+] L’explorateur de preset
[+] Les petits détails de la version 4 bien pratiques
[-] Prise en main déroutante pour les débutants
[-] Pas de synthèse sonore PWM
[-] Pas de mode d’édition graphique des filtres
[-] Les cures de désintoxication à l’Absynth ne sont pas remboursées par la sécurité sociale !