Les émulations de synthétiseurs vintages ont depuis quelques années le vent en poupe. Pourtant, ce n’est que récemment que les développeurs se sont penchés sur le cas de l’ARP2600 : après l’ARP 2600-V des français d'Arturia, voici donc venir le TimewARP 2600 des californiens de Way Out Ware.
Les émulations de synthétiseurs vintages ont depuis quelques années le vent en poupe. Pourtant, ce n’est que récemment que les développeurs se sont penchés sur le cas de l’ARP2600 : après l’ARP 2600-V des français d’Arturia, voici donc venir le TimewARP 2600 des californiens de Way Out Ware.
Analogique légendaire, utilisé aussi bien par Deep Purple ou Nine Inch Nails que par les sound designers de Star Wars pour faire parler R2D2, l’ARP 2600 est sans conteste une machine de poids dans l’histoire de la musique électronique.
Ce synthé a été créé par Alan R. Pearlman et fut produit de 1970 à 1981 à 3000 exemplaires seulement. Successeur du 2500 qui intégrait une matrice pour les patchs, le 2600 remplaçait cette dernière par un système semi-modulaire de précablage des modules, pouvant être modifié par le branchement de jacks : un système qui se répandra par la suite sur de nombreux autres claviers du même type.
Voici les caractéristiques de l’émulation qui nous est proposée :
- 8 voix de polyphonie.
- 3 VCO capables de se comporter tels des LFO.
- 1 filtre résonnant passe bas.
- 1 Sample & Hold contrôlés aussi bien en interne qu’en externe ou via une horloge MIDI.
- 1 Modulateur en anneau.
- 1 Générateur de bruit allant du bruit blanc au bruit rose.
- 2 Générateurs d’Envellope, un ADSR (Attack, Decay, Sustain, Release) et un 1 AR (Attack, Release).
- 1 Suiveur d’enveloppe.
- 1 VCA avec deux entrées audio, une à contrôle linéaire et l’autre à contrôle exponentiel.
- Reverb stéréo.
- Filtre passe bas allant de 1.2 à 1200Hz.
- 2 modules d’inversion de signal avec entrées disposant d’atténuations.
- Entrée préamplifiée mono ou stéréo permettant de faire office de module d’effet pour des instruments (fonction très utilisée sur l’original) voire meme des voix.
- Fonctionne en Standalone et en Plug in VST, AU et RTAS
- Nécessite un PC sous XP avec un CPU cadencé à 1,5GHz avec 256Mo de RAM et un affichage en 1024×768. Sous Mac, il faudra avoir au minimum OS X 10.3 sur une machine à 1Ghz.
A noter que la boîte ne contient que le CD-ROM et une notice multilangue succinte indiquant comment installer le logiciel sous Windows ou Mac OS, et comment s’enregistrer.
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Installation
L’installation depuis le CD-ROM se fait sans aucun problème… sous Windows XP ! En effet comme pour un nombre chaque jour grandissant d’applications, il est nécessaire d’être sous cet OS si l’on veut utiliser le soft de Way Out Ware. C’est là une bonne occasion pour dire au revoir à son Windows 2000, voire à son Windows 98 pour les plus réfractaires d’entre nous à la mise à jour.
L’enregistrement nécessite un accès au site Internet du développeur : après un classique formulaire, on doit renseigner son numéro de série. Il n’est malheureusement pas possible de s’enregistrer sans être en ligne, même si une procédure permet d’aller s’authentifier sur une autre machine que celle où le logiciel est installé.
Une fois ces formalités effectuées, on peut commencer l’exploration…
Comme à l’époque
L’interface graphique reprend le look de l’ARP original, fait de métal et de plastique, et conserve donc les mêmes avantages côté ergonomie.
Contrairement à d’autres semi-modulaires, tout est ici très clair et on ne se perd pas dans les différentes possibilités de routing à la faveur d’une interface limpide. Les câbles virtuels ne gênent absolument pas la manipulation et le coté intuitif qu’ils procurent aux manips séduira les plus chevronnés comme les débutants.
Seul menu « caché », celui permettant de gérer les maps MIDI et la MIDI Beat Synchronisation, auxquels on accède en cliquant sur le logo du coin inférieur droit.
Testée avec une carte graphique ATI Radeon 7500, l’interface ne souffre d’aucun bug d’affichage et n’induit aucun craquement ou autre désagrément lors de la manipulation des potards et faders : cela invite donc à une automatisation sans limites des paramètres, ainsi qu’à une utilisation live confortable et pratique à l’instar du véritable ARP 2600.
Il est bon de préciser qu’en ce qui concerne les câbles de patch, le virtuel a un énorme avantage sur le réel : l’interface empêche de relier des éléments qui n’ont pas à l’être. On évite ainsi les pertes de temps avec les patchs muets, ce qui n’est pas un mince avantage. En effet, avec 81 connectiques dont 45 entrées, 29 sorties et 7 entrées/sorties, on aurait eu vite fait de s’emmêler les pinceaux.
Je tiens toutefois à indiquer qu’il est très important de rester vigilant, car le son peut soudainement devenir très violent et strident. Une fois de plus, travailler à volume raisonnable est une nécessité si l’on veut éviter les sursauts et les acouphènes. D’ailleurs, les concepteurs ont eu l’intelligence de mettre un bouton On/Off qui, au-delà de la fidélité de reproduction graphique, est très utile en cas de « catastrophe ».
Le son à l’ancienne revisité
Dès les premières notes jouées, on sent tout de suite à quelle époque ce synthé fait référence. En faisant défiler les presets qui, pour une fois, sont d’excellente facture, on passe très facilement d’une basse on ne peut plus funky à un lead planant que n’aurait pas renié les Pink Floyd. On peut même aller vers un rythme au grain addictif, le genre de chose à ravir un Aphex Twin…
Tout d’abord, penchons-nous sur les basses : elles sont rondes, puissantes, croustillantes et vivantes. On sent la saleté des modules analogiques retranscrite magnifiquement et on réalise par la même occasion pourquoi l’original a tant été utilisé par Stevie Wonder. Dans la foulée, on se prend rapidement pour Bootsy Collins en lachant un « We got the funk » rageur. Voici d’ailleurs une ligne de basse plutôt simple jouée avec le preset Phatt Bass :
Les leads ne sont pas en reste et sont, eux aussi, empreints d’une personnalité bien marquée même si l’éventail des sonorités possibles est large. Ca oscille, ça bouge, ça a du punch, grinçant et acide comme doux et chaleureux, agressif comme réconfortant… En bref, l’ARP 2600, sur ce terrain, devrait se révéler très utile dans beaucoup de situations et laisser une grande part à la créativité et au jeu.
Utilisé par exemple avec la basse de l’extrait précédent, on peut très bien donner dans un style Hip-Hop West Coast avec, parmi tant d’autres, le preset Master Lead. Un son qui n’a rien à envier à ses aïeux faits de condensateurs et de résistances, tant le résultat est consistant et chaud :
Mais ne vous fiez pas uniquement à ce mp3, les possibilités sont nombreuses et quasi infinies ! On peut par exemple partir dans une direction totalement opposée et produire un rythme en utilisant la fonction de synchronisation à l’horloge MIDI du séquenceur, et en y ajoutant des sons tous plus expérimentaux les uns que les autres, lesquels seront modulés tout en restant toujours calés. Le tout avec une assez grande facilité via les nombreuses possibilités de routage offertes…
N’oublions pas les pads amples, spacieux et spatiaux qui vous rappelleront également bon nombre de productions de l’époque. On peut en effet varier les ambiances en allant d’une atmosphère froide et éthérée ; à une canicule audio étouffante de présence dans le spectre. Pour mieux vous rendre compte des possibilités, le morceau ci-dessous utilise uniquement le TimewARP2600, avec pour seul effet, une légère égalisation sur certaines pistes :
Ce morceau montre à l’inverse l’intégration du TimeWarp 2600 dans un morceau, renforcé par des effets et accompagné d’une guitare saturée :
La fonction filtre s’avère quant à elle redoutable car elle peut s’appliquer à n’importe quel type de source. Que ce soit de la voix, de la guitare, des samples ou même un autre synthétiseur, le résultat est sans appel : ça sonne incroyablement bien ! Précisons tout de même que cette utilisation n’est possible qu’en mode autonome (standalone) : en effet, ce sont les entrées physiques de votre carte son qui sont filtrées et votre séquenceur ne verra pas le Way Out Ware en tant qu’effet.
La finesse du toucher
S’il est bien un élément qui frappe lorsque l’on manipule notre machine à voyager dans le temps, c’est la finesse et la subtilité de « son toucher ». C’est véritablement jouissif que de retravailler sans cesse sa partie, tant le son réagit au quart de tour. Un grand soin a été apporté par les programmeurs à la gestion des paramètres transmis lors du jeu et l’on ne peut que s’en féliciter.
On redécouvre les plaisirs d’une vélocité où chaque variation modifie drastiquement le son, d’un aftertouch délicat et expressif et d’un pitch bend précis et délirant. En bref, les sensations d’un véritable synthétiseur analogique se retrouvent totalement et l’on oublie très rapidement que l’on est derrière son séquenceur à utiliser un plug-in.
Couplé à la souplesse de manipulation des paramètres, nous nous retrouvons devant un programme qui déchaîne la créativité et qui incite à rester de longues heures devant afin de s’attarder sur tous les détails composant la séquence. Un véritable régal.
Aussi bien que son aîné ?
C’est clairement la question que l’on se pose. Ne disposant malheureusement pas d’un ARP 2600 pour comparer, je ne peux que me référer aux nombreux disques où il est utilisé.
Production et mixage mis à part, l’émulation ne sonne pas tellement différemment de ce qu’on peut entendre de l’original sur album et vous pourrez, plus ou moins facilement, reproduire des sons légendaires d’Herbie Hancock comme des Chemical Brothers, des Kool and the Gang ou même de Marylin Manson.
Pour ma part, cela faisait très longtemps que je n’avais pas autant été bluffé par une émulation. Sans compression ni égalisation : ça sonne massivement ! Pour tout ce qui est du sound design, la différence avec la version en dur est, à mon humble avis, infime : vous pouvez rapidement vous retrouver avec une assemblée de droïdes bavards chez vous (attention aux nerfs de votre entourage cependant).
Comme il est dit précédemment, au niveau du contrôle et du toucher, la perfection est presque atteinte : on regrettera juste un léger manque de précision dans les contrôles, certaines valeurs intermédiaires étant inaccessibles. Enfin, pour ce qui est du côté « imprévisible » de l’analogique en comparaison avec la « perfection numérique » du soft, il est bon de rappeler que la réputation de l’ARP 2600 s’était faite sur la stabilité de ses oscillateurs…
Conclusion
Premier instrument de Way Out Ware, le TimewARP 2600 est LA bonne surprise de ce début d’année 2006. Si bon nombre de synthés mythiques sont passés à la moulinette du virtuel avec plus ou moins de succès, force est de constater qu’ici, la métamorphose est une pure réussite !
Que ce soit du point de vue du son, des contrôles, du toucher ou même de l’apparence, c’est un véritable sans faute que viennent de réussir les californiens. Il est par ailleurs important de noter que le concepteur de la version originale, M. Pearlman lui-même, soutient totalement cette adaptation, la considérant même comme une véritable évolution dans l’histoire de la synthèse !
Le prix aux alentours des 200€ rend donc indispensable ce programme à tous les fans de sonorités vintages, et plus largement à tous les adorateurs de programmes de qualité professionnelle. Qui plus est, comparé aux fortunes qu’il faut débourser pour l’original alors que ses caractéristiques sonores sont si proches, le TimewARP 2600 est désormais une pièce maîtresse dont la présence est à envisager dans son set up pour les amateurs de synthèse de tous poils.