G-Force s’est fait une spécialité de l’émulation d’instruments vintage, tantôt à base de samples (M-Tron), tantôt à base de synthèse virtuelle (Oddity, impOSCar, MiniMonsta). Dans tous les cas, le son est là et le savoir-faire de l’éditeur n’est plus à démontrer. Le filtre de l’impOSCar, par exemple, est un des plus étonnants du monde virtuel. Voici la dernière réalisation de l’éditeur, un sampleur maison regroupant 17 string machines d’anthologie, répondant au nom de Virtual String Machine (VSM). Revue de détail.
G-Force s’est fait une spécialité de l’émulation d’instruments vintage, tantôt à base de samples (M-Tron), tantôt à base de synthèse virtuelle (Oddity, impOSCar, MiniMonsta). Dans tous les cas, le son est là et le savoir-faire de l’éditeur n’est plus à démontrer. Le filtre de l’impOSCar, par exemple, est un des plus étonnants du monde virtuel. Voici la dernière réalisation de l’éditeur, un sampleur maison regroupant 17 string machines d’anthologie, répondant au nom de Virtual String Machine (VSM). Revue de détail.
Les 17 machines ont été échantillonnées sur la base d’un sample par touche (sans layer de vélocité). Chaque sonorité se rapportant aux cordes a fait l’objet de l’échantillonnage, en laissant de côté les brass, reed, piano, clavi, funk, organ, vibes, polysynth et autres sons que l’on pouvait trouver sur les Multiman, SK15, PE2000, Polymoog, etc. Quelques synthés plus complets et orgues se sont glissés entre les machines dédiées, tels les Oberheim OB8 et Xpander, les Eminent 310 (le son Jarre), Polymoog, SK15, etc. On trouve quelques raretés comme les Junost-21 (ou Unost’-21), un synthé russe doté de 12 presets dont un Strings bien sûr, ou encore un Freeman (String Symphonizer), considéré comme le premier instrument dédié digne de ce nom (aussi connu sous le nom de Cordovox CSS). Profitons-en pour saluer le manuel très complet.
On dispose de 66 layers de base, soit un total de 2,13 Go de samples réunis dans un fichier monolithe (Resources.cpt2), couvrant les 49 notes de la tessiture de VSM, avec quelques exceptions, comme la basse de l’ARP Omni (20 notes) ou le Cello du SS30 (25 notes). Ce choix de tessiture se justifie par celle généralement employée par ce type d’instruments, même si on se prive du coup des 61 notes de l’OB8 ou des 71 notes du Polymoog. Si la plupart des layers sont bruts, quelques-uns ont été enregistrés avec les effets incorporés aux machines d’origine : ainsi du Roland RS-202 ou du Yamaha SK15, et leurs layers Ensemble.
L’échantillonnage individuel est impeccable, tout comme le bouclage, pas de clics, de souffle ou autres parasites, ce qui est étonnant, vu la vétusté de certaines machines. Comme nous l’a confié Chris McLeod, co-fondateur de GForce, certaines bécanes ont été écartées, car elles étaient “too noisy…”. Quant au bouclage, les plus de 3100 notes individuelles ont fait l’objet de vérifications croisées, selon un processus très chronophage. De plus, la volonté a été de proposer un cycle d’oscillateur complet (jusqu’à 22 secondes !), afin d’assurer le maximum d’authenticité. En revanche, certains cycles trop longs (35 secondes…) ont conduit à des “arrangements”…
Notons au passage que l’instrument est “powered by G:sampler”, ce qui laisse présager ce dont bénéficiera le M-Tron Pro, présenté au WinterNamm 2008… Compatible Mac et PC, le logiciel est disponible en AU, VST et RTAS. À la différence du M-Tron première version, la VSM n’est pas un “simple” lecteur de samples doté de contrôles basiques (volume, tone, pitch, attack, release), ce qui lui permet de proposer plus de 700 presets déclinés des layers de base…
L’instrument
La VSM offre deux layers, chacun disposant de ses propres réglages, puis passant par deux effets communs, un Phaser et un Ensemble. On trouve dans la première section, à la gauche de l’interface, et pour chaque layer : accord grossier et fin (± un octave, ± 50 cents), Pan et volume, bouton de sélection et Solo. À noter qu’un mode Link permet d’appliquer les mêmes réglages simultanément aux deux layers. Un code couleur permet de s’y retrouver rapidement : les réglages sont cerclés de rouge ? Layer 1. De vert ? Layer 2. De bleu ciel ? Mode Link. Pratique, rapide.
On continue avec un LFO appliqué au pitch, pour des effets de vibrato plus ou moins prononcés (01-eminentvibrato.mp3) ou de detuning (02-elkalightdetuning.mp3), avec possibilité de synchro au tempo de l’hôte, de 4 mesures à la triple croche. Un réglage Amount permet d’appliquer plus ou moins d’effet. On poursuit avec un filtre résonant multimode, mais pas multipente, dommage. Il s’agit d’un 24 dB/oct., Low, High et Band Pass, assez doux, dont la résonance n’entre pas en auto-oscillation. GForce le présente comme proche des filtres du OB8 (un projet de longue date, qui risque de ne pas voir le jour pour des histoires de droits…).
On trouve ensuite deux enveloppes ADSR, l’une dédiée au filtre, l’autre au volume. La première est complétée par un slider Amount, qui détermine le taux d’action de l’enveloppe sur le filtre. Avec juste une attaque et un decay long sur le filtre, un peu de pitch LFO et un Ensemble, on peut déjà modifier sérieusement une sonorité, avec ici un exemple avant/après (03-freeman1cutoff.mp3).
On finit avec une (autre) petite entorse à l’esprit des vieilles machines, des réglages de réponse du volume et du filtre à la vélocité, ainsi qu’un réglage de réponse du filtre à l’aftertouch. Mais qui s’en plaindra ? Rappelons que tous ces réglages sont indépendants par layer, tout comme le Bend et le Keyboard Range, ce dernier permettant de créer des splits (une zone par layer).
Tous ensemble, tous ensemble…
Le son des String Machine est indissociable de deux effets, l’Ensemble et le Phaser. Ça tombe bien, GForce les a implémentés tous les deux. Au menu de l’Ensemble, un bouton Mix Dry/Wet, Un Detune et quatre sélecteurs correspondant au nombre de voix (2, 4, 6 ou 8 voix). Les Chorus/Ensemble des String Machines sont très particuliers, puisqu’ils utilisaient pour la plupart plusieurs lignes de retard (en général 3, basées sur des chips BBD), elles-mêmes modulées par différents LFO, à des vitesses et taux variables. Alors qu’en règle générale, un chorus n’emploie soit qu’une seule voix, soit plusieurs mais modulées par le même LFO. Tout a changé bien sûr avec les effets numériques…
Une fois encore, GForce s’écarte des originaux, en ce sens que son Ensemble est stéréo, là ou les vieilles machines ne proposaient qu’une sortie mono, ou une sortie par “pupitre”, ce qui revenait au même. Pas de problème, sauf que l’éditeur a déterminé de façon fixe le panoramique des voix désaccordées, ce qui ne laisse pas la possibilité de passer en mono dans l’instrument lui-même, c’est-à-dire que GForce s’est coupé de la possibilité de reproduire le son d’origine. Choix étrange, d’autant qu’un paramètre Width pour élargir l’image est aussi proposé sur l’étage final. On peut aisément remédier à ça avec un plug type Direction Mixer dans Logic, qui permet de passer en mono. Mais quid de l’utilisation en standalone ?
Comparons les instruments samplés avec leur effet d’origine, ici l’ARP Quartet (04-arpquartetviolinensemble.mp3), puis les samples nus avec l’effet de la VSM (05-arpquartetviolinensFX.mp3). L’attaque est adoucie, et l’Ensemble réglé sur 6 voix, avec Wet à 100% et Detune à 14h30. On peut vérifier que GForce a pas mal réussi son coup quant à l’émulation de l’Ensemble, même si ce type d’effet fait du coup ressortir les bouclages de notes de différentes longueurs. Bien entendu, cet Ensemble stéréo a aussi ses avantages, car il permet directement depuis le plug de produire des sons larges, avec un grain restant dans l’esprit de l’instrument, ce qui ne sera pas forcément le cas avec des plugs externes. Voici le Roland RS-202 avec l’ensemble de la VSM (06-rolandrs202ensemble.mp3) et le même avec le CE-1 BOSS réalisé par Universal Audio pour l’UAD-1 (07-rolandrs202CE1UAD1.mp3). En reprenant ce dernier exemple et jouant un petit peu sur la fréquence de coupure et la résonance du filtre intégré (08-rolandrs202UADfilter.mp3), on arrive à un résultat plus proche de la version VSM.
Au nom du phaser
Tout aussi indispensable, le Phaser est un effet qui a été associé à toutes les String Machines, de l’Eminent 310 de Jarre (le Small Stone) aux Elka Rhapsody ou Roland RS-202 de Tony Banks (MXR100), du ARP Omni de Bowie (Moss Garden) au Solina de Hancock avec les Headhunters, et bien d’autres. L’effet dispose d’un potard de mix Dry/Wet, d’une touche Sync pour caler le cycle du LFO sur une grille en relation avec le tempo de l’hôte (d’un cycle de 4 mesures jusqu’à la triple croche). Le LFO dispose d’un réglage de vitesse (Speed) et de profondeur (Depth). Ensuite on trouve l’équivalent du Sweep, le balayage des notch sur le spectre, avec un bouton pour la fréquence centrale et un pour la résonance. Enfin, on peut choisir entre un phaser 6 ou 12-stage. Donc, a priori, on sera dans un choix typique des phasers Moog (6 ou 12-stage) ou du MXR Phase100 (6-stage), plutôt que des Electro-Harmonix Small Stone (4-stage), MXR Phase90 (4-stage) ou Phase45 (2-stage). Sachant que le son le plus immédiatement identifiable est celui de Jarre employant une EH, on peut regretter qu’un mode 4-stage ne soit pas disponible. Ou pas…
On peut grâce à tous ces réglages proposer des effets relativement doux (09-crumarmultimansoft6phase.mp3), en mode 6-stage avec une résonance discrète, ou un effet beaucoup plus prononcé (10-crumarmultimanhard12phas.mp3), en mode 12-stage avec presque tout à fond… Encore une fois, l’effet est plutôt réussi, et c’est bon signe, puisque le G:Sampler sera la base des prochains produits, et que la section effets pourra être aménagée selon les besoins. Et rien ne dit que l’instrument n’offrira pas un jour ou l’autre la possibilité de charger des effets ou filtres différents, issus d’une banque développée par GForce. Un vœu pieux ?
Côté jeu temps réel, le plug bénéficie d’un Midi Learn très complet, et très simple : on clique sur la touche Midi CC et sur chaque paramètre apparaissent deux cases, une verte et une rouge (correspondants aux layers); il suffit de cliquer sur le contrôle désiré et de bouger le contrôleur Midi, et c’est fait.
Passer en revue les plus de 700 presets prend du temps, j’en ai mis de côté certains, en particulier les versions redondantes (du type même preset avec réglages de réponse à la vélocité ou variations basiques de l’enveloppe). S’il y a vraiment beaucoup de choses, l’étendue des presets montre les possibilités du soft, qui permet non seulement de reproduire à volonté les sonorités des morceaux mythiques, plusieurs sound designers ayant attribués des noms suffisamment parlants, mais aussi de partir dans des directions complètement différentes. De GoDudley (11-godudley.mp3) à Funk Mono Lead (12-funklead.mp3) en passant par JMJLoves You (13-jmj.mp3), il y en a pour tous les goûts. Le site de l’éditeur propose un certain nombre de démos, phrases séparées ou morceaux complets.
À propos de noms, GForce aimant plaisanter, le suffixe des presets Users est lui aussi évocateur (.arse…). Quant à l’Easter Egg habituel chez GForce, il permettra de patienter pendant les pannes d’inspiration (voir capture ci-contre)…
Conclusion
Avec cette String Machine virtuelle, GForce étoffe sa ligne de produits de grande qualité, proposés à un prix plus qu’intéressant, en l’occurrence 139 euro pour la VSM. Quelques bugs en début de test avaient gêné, mais ils ont été corrigés par l’update 1.0.1, en particulier le petit bug graphique qui faisait que tous les réglages étaient remis à zéro si l’on fermait l’interface de l’instrument (graphiquement seulement, les valeurs ne bougeaient pas).
Si l’échantillonnage, le bouclage et l‘édition sont proches de la perfection, l’instrument étant donc à base de samples manque parfois du côté “vivant” des machines anciennes, malgré la longueur des cycles. Et le temps de chargement des samples (autour de 7 secondes sur mon G5 bi-pro, 8 Go de Ram) empêche une utilisation live avec changements de presets, à moins de préparer plusieurs tranches déjà chargées avec les sons désirés, ce dont Mainstage s’accommode fort bien, par exemple. Le moteur audio est d’excellente qualité, filtre et effets à la hauteur, et les possibilités de programmation sont plus nombreuses qu’on ne pourrait le croire à partir d’un tel matériau.
La VSM est certes un instrument spécialisé, mais elle sonne. De plus, sa simplicité en fait un instrument facile d’accès et rapide à programmer, ce qui laisse toute latitude à la créativité et au jeu. On attend donc avec une certaine impatience les prochains logiciels utilisant ce moteur, tels le M-Tron Pro. Encore une fois, GForce fait (presque) un sans-faute.