Connu pour l'excellente boîte à rythme GURU, Devine Machine revient avec Krishna, un synthé soustractif doté d'un ‘Frame Oscillator’ générant des formes d'ondes animées dont on peut contrôler la forme à chaque instant, et faisant de la resynthèse. De quoi faire la différence ?
Connu pour l’excellente boîte à rythme GURU, Devine Machine revient avec Krishna, un synthé soustractif doté d’un ‘Frame Oscillator’ générant des formes d’ondes animées dont on peut contrôler la forme à chaque instant, et faisant de la resynthèse. De quoi faire la différence ?
Krishna Synth se télécharge directement sur le site de Devine Machine, et se présente sous la forme d’un plug-in au format VST seulement (les formats AU et RTAS sont prévus dans un futur proche) pour PC et Mac. Par contre, le téléchargement est assez conséquent, puisque Krishna Synth est livré avec 6 Go de données ! On a donc un nombre important de presets sous la main (classés par types) et de formes d’ondes animées à importer. Il est fourni également avec deux documentations (en anglais seulement, malheureusement) au format PDF, qui se révèlent amplement suffisantes pour découvrir rapidement les différentes fonctionnalités. Au passage, une version boîte est disponible moyennant un supplément.
À première vue, le design de la bête semble assez simple. Toutes les fonctions ou presque sont accessibles sans avoir à se balader des heures dans des onglets, puisque 90% des paramètres sont disposés directement sur l’interface graphique, ce qui rend l’utilisation de Krishna plutôt agréable. Des paramètres avancés sont proposés à l’emplacement du Frame Oscillator, que nous verrons plus loin. On se demande d’ailleurs si l’oscillateur principal, dont les fonctionnalités sont l’atout principal du synthétiseur, va tenir toutes ses promesses, et si le reste va révéler ou pas quelques surprises. Ne tirons pas de conclusion trop hâtive, et voyons pour commencer les modules ‘classiques’ que Krishna nous propose.
L’architecture soustractive
Donc, en plus du Frame Oscillator, nous trouvons deux oscillateurs inspirés par le monde de l’analogique, paramétrés très simplement : forme d’onde (sinus, carré, triangle, dents de scie ou bruit blanc), volume, panning, phase (position de départ de la forme d’onde), offset sur le pitch, ainsi qu’un contrôle de mixage entre la sortie de ces deux oscillateurs… La plupart de ces paramètres se retrouvent d’ailleurs sur l’oscillateur principal.
De plus, deux paramètres regroupés sous le nom ‘Sync’ permettent d’effectuer des associations des trois oscillateurs pour faire de la modulation d’amplitude (AM), de fréquence (FM) ou en anneau (RM). Un potard permet de choisir le type de modulation et les oscillateurs concernés tandis que l’autre règle la quantité de modulation. C’est une fonction très discrète, mais extrêmement simple et efficace.
Enrichissement du son
Pour rester dans la mode de l’analogique, un unique filtre stéréo à modélisation analogique est disponible, et se paramètre en 3 régimes, passe-bas, passe-haut ou passe-bande, avec un contrôle de la fréquence de coupure et de la résonance. On regrette de ne pas avoir plus de types de filtres disponibles, ou de ne pas pouvoir en coupler plusieurs à la suite, mais celui-ci fait plutôt bien son affaire au niveau sonore.
Krishna fournit également à l’utilisateur quelques effets sympathiques pour magnifier le résultat sonore. Au programme, une distorsion à tubes dont on peut régler le niveau avant la saturation, un multi-effets qui peut fonctionner en phaser, flanger ou chorus, un délai, et une réverbération. Ces effets se paramètrent assez simplement, avec peu de potards, mais permettent d’obtenir des résultats immédiats et utiles.
Enfin, le logiciel propose via l’onglet Master quelques paramètres classiques, mode de fonctionnement en mono, legato, un pitch global, et le temps de portamento (glissé du pitch entre deux notes jouées à la suite).
Les panneaux de contrôle supplémentaires
Pour finir cet aperçu des fonctionnalités de base du synthétiseur, intéressons-nous aux onglets qui occupent la place du Frame Oscillator. En plus du paramétrage de l’oscillateur animé, nous verrons qu’il est possible d’afficher la forme de l’enveloppe en cours. Trois autres onglets sont disponibles, celui qui permet de gérer le MIDI Learn et d’afficher les assignations MIDI CC aux paramètres du logiciel ; un onglet qui sert d’explorateur de presets ; et enfin, un onglet qui se faisait discret jusqu’à maintenant, mais qui a un intérêt capital, celui des options.
En effet, cet onglet propose une quarantaine de paramètres supplémentaires, affichés sous forme de liste et classés par catégories, qui permettent par exemple de modifier le comportement ‘analogique’ des oscillateurs 2 et 3, celui de chaque effet (délai, amplificateur à tubes, chorus…), des enveloppes, des LFOs, la polyphonie, le mode unisson… La présentation de ces nouvelles caractéristiques du synthétiseur est assez peu claire (les couleurs !), et il sera sans doute nécessaire de faire un tour dans la documentation pour se familiariser avec chaque entrée, mais cela vaut le détour.
Modulation du son
Les enveloppes
Krishna fournit trois enveloppes AHDSR, qui peuvent être contrôlées par la vélocité, la note jouée, et agir sur n’importe quel paramètre du synthétiseur. Le sigle AHDSR que nous n’avons pas l’habitude de voir contrairement à son homologue ADSR, permet donc de contrôler le temps d’attaque du son (Attack), le temps nécessaire avant le début de la décroissance avec volume maintenu au maximum (Hold), le temps de décroissance (Decay), le niveau en dB de soutien du son (Sustain), et enfin le temps pour s’éteindre après le relâchement de la touche du clavier (Release).
On remarque d’ailleurs la présence d’un panneau à l’emplacement du Frame Oscillator, qui affiche la forme de l’enveloppe en cours d’édition avec un axe temporel précis, et qui met en couleur orange les paramètres modifiés par l’enveloppe. Au passage, l’assignation d’une commande se fait simplement par glisser-déposer de l’enveloppe vers le paramètre, tout comme pour les LFO…
LFO et modulation
Les LFO (Low Frequency Oscillator) sont au nombre de 5, et permettent de faire varier la valeur de n’importe quel paramètre du synthétiseur à une vitesse que l’utilisateur peut spécifier. Dans Krishna Synth, chacun d’entre eux peut être assigné à trois paramètres, que l’on peut fixer via un glisser-déposer comme pour les enveloppes, ainsi que par un moyen bien pensé, à savoir un bouton qui récupère le dernier mouvement effectué sur un paramètre à la souris ! En effet, la forme du LFO peut être choisie parmi plusieurs formes d’ondes, dont une aléatoire, et peut être dessinée à la main ! Cette section fait également apparaître un mini séquenceur qui permet de jouer une séquence de notes. Autres particularités de ces LFOs, on peut les paramétrer comme des oscillateurs supplémentaires, ou faire en sorte qu’un LFO différent soit assigné à chaque voix…
Le Frame Oscillator
À présent, nous allons parler du cœur de Krishna Synth, de l’élément qui fait à la fois l’originalité et la force du synthétiseur, à savoir son Frame Oscillator (oscillateur par images). Le principe est le suivant : au lieu de se contenter d’avoir un oscillateur à forme d’onde fixe, ou dans le meilleur des cas une forme d’onde avec un morphing entre A et B, Devine Machine propose une forme d’onde animée dont on peut modifier chaque état et voir la forme évoluer au cours du temps dans une fenêtre.
En pratique, la forme d’onde animée est composée d’un certain nombre d’images ou frames en anglais, que cela soit 35 ou 1500, et on doit assigner à un LFO la variation de l’image en cours, pour que la sortie de l’oscillateur change au cours du temps. Ainsi, les images peuvent être parcourues dans l’ordre, mais aussi de n’importe quelle manière possible, à la vitesse que l’on désire.
La question que l’on se pose à ce stade est donc : comment modifier chacune de ces images ? Il y a un certain nombre de moyens… On peut d’abord éditer les images à la main : un certain nombre d’outils est disponible pour ‘dessiner’ les formes d’ondes, du crayon de base aux fonctions qui permettent de créer des formes d’ondes plus lissées ou aux effets qui s’appliquent en temps réel sur la forme d’onde sans modifier sa base (fonction carré, bitcrusher, miroir…). Sont disponibles également des outils pour stabiliser la phase de l’ensemble, gérer la liste d’images (ajouter, supprimer, insérer des images vides, normaliser…). Maintenant, il semble difficile de créer des formes d’ondes animées à partir de rien et d’éditer toutes les images une par une, à moins de se limiter à une dizaine d’états différents. C’est pourquoi il faut du matériel à la base…
Le plus simple est de puiser dans la bibliothèque de formes d’ondes animées (movie files), qui fait plusieurs giga-octets. On lui reprochera par contre d’être très mal agencée, car chacun de ces fichiers est indexé par un numéro, et sans aucune information sur son contenu. Il faudra donc les parcourir au hasard pour trouver son bonheur… On peut également partir d’un preset, ceux-ci étant enregistrés avec leurs formes d’ondes spécifiques.
Mais surtout, un autre point fort de Krishna Synth, c’est la possibilité de partir d’un fichier son externe en utilisant l’algorithme d’analyse resynthèse F.A.T. (Frame Analysis Technology), pour créer une forme d’onde animée qui aura un certain nombre de caractéristiques en commun avec le son d’origine, ce qui est très différent de simplement lire un fichier audio. Dans un sampleur, tout le monde a déjà essayé de jouer un son avec deux octaves de plus ou de moins qu’à l’origine, et ce n’est pas souvent génial… Avec un algorithme d’analyse resynthèse, le son a le même contenu harmonique quelque soit la note jouée, même si la reproduction du son d’origine est perfectible. Qu’à cela ne tienne, nous obtenons quoi qu’il arrive une nouvelle forme d’onde animée, et donc du nouveau matériel pour du sound design. Notons également que l’import n’est pas limité aux fichiers sonores !
Nous avons donc essayé d’importer des fichiers sonores externes, et de modifier les autres paramètres pour faire un preset, histoire de vérifier l’utilisation de l’algorithme d’import dans la pratique. Nous sommes partis de notes uniques enregistrées par plusieurs instruments (guitare électrique saturée, cordes, flûte, chœurs…). Les résultats sont aléatoires, parfois l’instrument est très bien reproduit, parfois on reconnaît son contenu harmonique, parfois ça ne fonctionne pas et le résultat lorsqu’on s’éloigne de l’octave d’origine peut être décevant. Un temps d’analyse est nécessaire, et dépend de la longueur du son à traiter. Vous pouvez entendre les résultats dans la rubrique médias du test.
Vous pouvez entendre les résultats dans la rubrique médias du produit. Plusieurs sons sont traités par l’algorithme d’analyse synthèse. Dans le fichier audio d’exemple, vous pourrez entendre le son original, suivi du son synthétisé joué sur plusieurs octaves. Cela permet de constater les limites du Frame Analysis Technology, qui reproduit plus facilement les sons ayant un comportement harmonique simple, comme la flûte japonaise ou le piano électrique de notre exemple. Sur des sons comme l’ensemble de cordes voire la guitare saturée, la technique montre ses limites… Ces samples ont été réalisés avec la fonction « import a sound » de Krishna, en réglant le paramètre « Frame » dans le LFO au maximum. Les réglages peuvent être affinés avec les paramètres de l’onglet d’options.
Les performances
Maintenant, nous allons répondre à quelques questions pratiques que l’on peut légitimement se poser, sur les performances du logiciel. Tout d’abord, en termes de performances processeur, Krishna Synth peut se révéler gourmand selon les effets qui sont activés et surtout selon le nombre de voix jouées en même temps. Avec chaque effet en marche, le filtre, les 3 oscillateurs et 6 notes jouées en même temps, la consommation peut atteindre 40% du CPU sur la plateforme de test, un PC avec 1 Go de RAM et un Pentium-M à 1.76 Ghz. Il faut donc avoir une configuration qui tienne le coup pour profiter de la bête, et faire attention à ce qu’on fait en programmant le synthétiseur…
Concernant les performances sonores, plusieurs questions doivent obtenir des réponses : Krishna Synth est-il polyvalent ? Quel caractère a le son qui en sort ? Et surtout, quel plus apporte le Frame Oscillator en termes de nouvelles sonorités ? D’abord, il faut dire qu’aujourd’hui il existe peu de synthétiseurs logiciels payants qui sortent des sons ridicules… Avec Krishna Synth le son peut être ‘gros’ avec les bons paramètres, car il y a de la modélisation analogique, la simulation de tube, même si il n’est pas dans la catégorie des copies analogiques. Ce qui change la plupart du temps d’un synthétiseur à l’autre, c’est sa personnalité et sa polyvalence, qui souvent sont en opposition.
Dans ce cas, au niveau polyvalence nous sommes servis, puisqu’en plus de proposer tous les éléments du synthétiseur soustractif à modélisation analogique, les possibilités sont démultipliées par les capacités du Frame Oscillator, qui peut importer n’importe quel type de sons. Cela est démontré d’ailleurs par le nombre de catégories de presets… Pour la personnalité par contre, les sons qui sortent de Krishna Synth ne sont pas vraiment typés, et il est probable que la plupart des sonorités obtenues pourraient l’être avec de la patience sur d’autres synthétiseurs ayant à peu près les mêmes fonctions… Ce qui fait vraiment son plus, c’est plutôt le fait de pouvoir arriver à ce résultat rapidement, et de pouvoir expérimenter à l’infini avec l’importation de sons acoustiques ou totalement improbables…
Conclusion
Pour conclure ce test, on peut dire que Krishna Synth est un instrument virtuel plutôt intéressant. Pourvu d’une architecture de synthétiseur soustractive très classique, mais efficace, d’une ergonomie agréable, et surtout d’un concept innovant qui éveillera la curiosité et la créativité des bidouilleurs. On peut dire que Devine Machine s’est creusé la tête pour se démarquer du nième synthétiseur de certains concurrents plus gros…
Mais histoire de faire mon rabat-joie de service, je dois reprocher à Krishna Synth de ne pas être irremplaçable dans un set de synthétiseurs. On peut le considérer comme un synthétiseur soustractif très amélioré, mais je ne suis pas convaincu à 100% par l’apport du Frame Oscillator, qui peut demander un investissement conséquent avant de livrer tous ses secrets (tester tous les movie files, différents types de fichier audio externes…), et qui ne fait qu’améliorer une structure de synthèse vue et revue, sans impressionner au niveau rendu. J’attends encore le synthétiseur qui va calmer la saturation du marché en la matière…
Néanmoins, je tire mon chapeau pour l’originalité et la qualité de la finition, et je ne peux que conseiller à ceux qui recherchent un synthétiseur soustractif polyvalent qui sorte du lot, de tester la version de démonstration sur le site officiel… À condition d’avoir plusieurs giga-octets libres sur son disque dur (pour la version commerciale), et un ordinateur assez puissant !