Chaque année, c’est un peu le même rituel : Arturia livre une nouvelle V Collection. Cette onzième édition poursuit le virage amorcé ces dernières années, en allant au-delà de la simple modélisation d’instruments vintage. Que faut-il en retenir ?

Débarquée en 2007 avec un bundle regroupant sept synthétiseurs modélisés, la V Collection a considérablement évolué au fil des mises à jour, élargissant progressivement son champ d’action.
D’abord centrée sur la modélisation de synthétiseurs vintage, elle a ensuite intégré des claviers (pianos acoustiques et électriques, orgues, clavinet), des sampleurs, puis, plus récemment, des modules de sons à base de samples avec la série Augmented.
Le « V » du nom semblait initialement faire référence à « vintage », mais il est désormais acquis qu’il désigne « virtual ».
Cette onzième version introduit trois nouveaux instruments : une modélisation du Roland JP-8000 baptisée Jup-8000 V, un instrument inédit nommé Pure Lo-Fi, ainsi que Augmented Mallets.
On note également une réécriture complète du SEM V, ainsi que l’intégration du MiniBrute V, du Synthx V (en test ici) et d’Augmented Yangtze, ces trois derniers étant apparus plus tôt dans l’année.
Par ailleurs, tous les instruments de la série Augmented passent en version 2, et le MiniFreak V bénéficie lui aussi d’une mise à jour.
Depuis plusieurs années, la V Collection s’est imposée comme un must have dans le domaine des instruments virtuels, avec désormais 45 instruments au compteur. Conscient que cette richesse ne répond pas aux besoins de tous, Arturia propose désormais deux éditions : la V Collection Pro, qui rassemble l’intégralité des instruments comme dans les versions précédentes, et la toute nouvelle V Collection Intro, qui réunit dix instruments soigneusement sélectionnés pour leur cohérence, afin de constituer un ticket d’entrée à la fois accessible et polyvalent.
Comme d’habitude chez Arturia, l’installation et l’autorisation se font via l’Arturia Software Center, et les modes d’emploi, très complets, au format PDF, pour chaque instrument, sont disponibles en plusieurs langues, dont le français (pas encore disponible au moment de l’écriture de ces lignes).
Penchons-nous maintenant sur les principales nouveautés.
Jup-8000 V : retour virtuel sur un synthé emblématique des années 90
Dans les faits, il n’en est rien : le JP-8000 (et sa version desktop, le JP-8080) s’est imposé avec un caractère bien à lui : plus numérique qu’analogique, mais avec cette saveur typique des premiers synthés VA des années 90. Le JP-8000 a construit sa réputation en devenant une pierre angulaire de la dance, de la techno et de la trance de la seconde moitié des années 90 et du début des années 2000. On comprend dès lors l’intégration du Jup-8000 V, dont les sonorités risquent de rappeler bien des souvenirs à ceux qui ont connu cette époque.
La construction d’un son commence par deux oscillateurs, le premier ayant son lot de particularités et contribuant fortement au son et aux possibilités du Jup-8000 V. En plus des classiques Triangle, Sawtooth, Square et Noise, les formes d’ondes Supersaw, Triangle Mod et Feedback Oscillator sont disponibles, soit sept au total. Chaque forme d’onde dispose de deux réglages distincts permettant de les sculpter.

- 01 – Jup-8000 V – Seq100:36
- 02 – Jup-8000 V – Eurobass01:28
- 03 – Jup-8000 V – Pad Exct01:10
- 04 – Jup-8000 V – Pad Orbit02:43
- 05 – Jup-8000 V – Trancebass00:51
- 06 – Jup-8000 V – Trancekick00:33
- 07 – Jup-8000 V – Tranceloop01:23
- 08 – Jup-8000 V – Trancestb00:33
Impossible d’évoquer le JP-8000 sans parler de la Supersaw, véritable signature sonore du synthé. Cette onde combine sept sawtooths que l’on peut mixer et désaccorder. Rien qu’avec ça, il est très facile de retrouver le timbre des leads typiques de la trance des années 90. Cette forme d’onde constitue également un excellent point de départ pour concevoir des nappes denses et larges.
Le Triangle Mod, de son côté, est une forme d’onde triangulaire pouvant être enrichie harmoniquement jusqu’à obtenir des timbres très métalliques. Quant au Feedback Oscillator, il est aussi l’une des signatures sonores marquantes du JP-8000. Il s’agit d’un signal en dent de scie auquel est appliqué un feedback, utile pour créer des sons de type synchro. Il peut produire des sonorités très agressives allant jusqu’à évoquer un larsen.
Il convient de noter que le Noise dispose de son propre circuit de filtrage, totalement indépendant de la section principale.
Le second oscillateur, pour sa part, se montre plus conventionnel, offrant les classiques formes d’onde triangle, dent de scie et carré, avec, ici aussi, une largeur d’impulsion réglable et modulable.
La section « OSC Common » gère l’interaction entre les deux oscillateurs, permettant synchronisation, ring modulation ou encore cross modulation (X-Mod), avec en complément un routage vers un LFO ou une enveloppe AD dédiée.
Une fois mixés, les deux oscillateurs alimentent un filtre multimode résonant (LP/HP/BP) dont la pente peut être sélectionnée entre 12 ou 24 dB/octave. Arturia a parfaitement su restaurer le caractère sonore de ce filtre, restituant fidèlement le grain distinctif des 90 s, et une résonance parfois un peu agressive.
Côté modulation, deux enveloppes ADSR supplémentaires sont proposées : l’une associée au filtre, l’autre à l’amplificateur, complétées par deux LFO. Chaque section du synthétiseur bénéficie d’un accès direct au premier LFO, tandis que le second est assigné à la molette de modulation.
En bout de chaîne, le signal passe par un petit égaliseur 2 bandes (Bass/Treble), bien pratique pour ajuster un son trop envahissant dans un mix sans devoir recourir à un effet externe.
Par rapport au JP-8000 original, la polyphonie est doublée, passant de 8 à 16 voix, avec également un mode monophonique offrant les options de retrigger et de legato. Pas d’unisson par contre.
Malheureusement, comme sur le Jup-8, le mode « Dual » n’a pas été repris, une habitude chez Arturia, ce qui nous prive de séquences mêlant deux timbres distincts.
Enfin, du côté des effets, un tout nouveau Trance-Gate vient enrichir la section, idéal pour des textures pulsées.
Au final, le Jup-8000 se révèle être une excellente surprise, très agréable à utiliser. Il ravira autant ceux qui souhaitent apporter une saveur Trance ou Dance à leurs productions que ceux qui évoluent dans le Chiptune ou l’univers Lofi Girl, deux styles dans lesquels le Jup-8000 semble évoluer avec aisance.
Pure LoFi : un instrument virtuel dédié au grain Lo-Fi vintage
Parmi les nouveautés phares de cette V Collection, une création originale attire particulièrement l’attention : Pure Lofi. Depuis quelques années, on assiste à un véritable retour en grâce de ce type de sonorités imparfaites et granuleuses, typiques des sampleurs cheap des années 80. Des instruments comme les Casio SK ou les Yamaha VSS ont aujourd’hui gagné la faveur de toute une génération de « bedroom producer » en quête de textures désuètes et déformées.
Côté matériel, cette tendance s’est récemment incarnée dans des machines comme le Wofi de Kiviak Instruments, testé sur Audiofanzine (ici), ou le Liven LoFi-12 de Sonicware, également passé entre nos mains (ici). Arturia, avec ce nouvel instrument virtuel original – après Pigments et la série Augmented – entre à son tour dans la danse avec Pure Lofi. Avec l’objectif de proposer un outil simple et inspirant, capable d’apporter ce grain lo-fi si caractéristique à vos productions.
Dès l’ouverture, Pure Lofi rassure : interface limpide, design soigné, où tout semble parfaitement accessible. Tout en haut, on trouve un bandeau permettant de choisir parmi six algorithmes de coloration, aux noms évocateurs : Golden Age, Velvet Frost, Vintage Glow, Dim Memories, Cathodic Tube et Fuzzy Line. Petite touche sympathique : chaque algorithme est accompagné d’une représentation visuelle d’une disquette 3,5 pouces.
Un gros rotatif intitulé Lofi Amount permet de régler l’intensité de la coloration appliquée. À noter que cette section peut être désactivée si l’on souhaite travailler le son de manière plus neutre.

- 09 – Pure Lofi Surprises02:07
- 10 – Pure Lofi Key Blue Words00:44
- 11 – Pure Lofi Key Et1001:29
- 12 – Pure Lofi Plain01:08
- 13 – Pure Lofi Prel01:14
- 14 – Pure Lofi Dire Nothing01:11
Au centre de l’interface trônent quatre sections. Les trois premières sont consacrées à la génération sonore. Les sections Realistic Instrument et Creative Instrument permettent de choisir parmi une banque de samples, qui seront ensuite traités par un algorithme de détérioration. Les six premiers algorithmes émulés reproduisent le comportement de vieux sampleurs, et certains noms parleront immédiatement aux connaisseurs : CMI, EMU, SK1, SP1200, Weary900, MPC. Les trois autres, Deteriorate, Damage et Crush, sont des créations originales d’Arturia.
Le dernier générateur, Noise Texturer, permet quant à lui d’ajouter un bruit ou une texture sonore. C’est d’ailleurs le seul générateur où l’on peut importer ses propres samples. En revanche, il ne propose pas d’algorithme de détérioration.
La quatrième section est dédiée au filtrage, avec trois modes disponibles : Clean Multimode, Analog Multimode et Lofi. Ce dernier ne dispose pas de résonance, mais intègre un paramètre Jitter qui introduit de micro-variations bienvenues pour enrichir le rendu.
Pure Lofi est livré avec une belle banque de presets : textures synthétiques usées, pianos poussiéreux, leads granuleux ou pads saturés. Chaque patch joue habilement avec la détérioration sonore : transitoires émoussées, nappes floutées… On pense à Boards of Canada, à J Dilla ou encore à l’ambiance VHS des années 80. Le résultat est crédible, inspirant, et surtout très musical.
Pure Lofi est un outil simple, mais redoutablement bien conçu pour injecter du caractère dans vos productions. Arturia réussit le pari de proposer un instrument fun, immédiat, et au son authentique, sans tomber dans la caricature du lo-fi forcé. Que vous produisiez de la chillwave, du hip-hop ou de la synthpop, c’est un compagnon de choix pour salir votre son avec goût.
V Collection 11 : autres ajouts et mises à jour importantes
Comme pour les autres instruments récemment mis à jour, on retrouve avec plaisir la désormais incontournable section « Advanced », qui apporte un vrai plus à l’expérience utilisateur. Et bonne nouvelle : le Multi-Arp est de la partie, permettant toutes sortes d’expérimentations rythmiques et mélodiques. Une fois encore, cette section s’impose par sa richesse et sa simplicité d’usage. Son intégration généralisée à un nombre croissant d’instruments de la V Collection est une excellente idée : cela facilite la navigation, favorise des réflexes communs entre les instruments, et rend l’ensemble plus cohérent à l’usage.
L’Augmented Mallets vient élargir la famille Augmented, sans révolutionner la formule. Mais avec toutefois l’introduction de la version 2 de l’interface Augmented (géneralisé à tous les instruments de la série), avec quelques ajustements bienvenus : par exemple, l’accès direct au choix des samples depuis la page Play, plus clair et plus immédiat. Le moteur reste fidèle au concept de la série : un instrument acoustique comme base (ici des percussions et mallets), enrichi par des couches de synthèse pour un rendu plus moderne et textural. Polyvalent, Augmented Mallets se prête aussi bien à des atmosphères cinématographiques, ambient, lo-fi… ou toute autre production nécessitant une couleur subtile et expressive. Finalement, utile pour beaucoup de choses.
Comme mentionné dans l’introduction, cette mise à jour s’accompagne également de l’intégration d’anciens instruments jusqu’ici vendus à part : le MiniBrute V, version virtuelle du célèbre monosynthé analogique d’Arturia, le Synthx V modélisation du polyphonique analogique italien, et l’Augmented Yangtze, orienté instruments traditionnels chinois hybridés. Ces ajouts, sans être présentés comme de réelles nouveautés, complètent efficacement la V Collection 11.
FAQ
Quels sont les nouveaux instruments dans la V Collection 11 ?
Trois nouveaux instruments sont inclus : le Jup-8000 V, Pure LoFi et Augmented Mallets. Le SEM V a aussi été entièrement réécrit.
La mise à jour vaut-elle le coup si je possède une version récente ?
Cela dépend de votre intérêt pour les nouveautés. Si vous avez déjà la version 9 ou 10, l’intérêt peut être limité, sauf si vous souhaitez profiter des nouveaux ajouts, comme Pure LoFi ou Jup-8000 V.
Quelle est la différence entre la V Collection Pro et Intro ?
La version Pro contient tous les instruments (45 au total), tandis que l’édition Intro propose une sélection de 10 instruments plus accessible pour débuter.
Le Pure LoFi permet-il d’importer des samples ?
Oui, mais uniquement dans la section Noise Texturer. Les autres moteurs utilisent des banques internes sans possibilité d’import.
Pourquoi Pigments n’est-il toujours pas inclus ?
Arturia maintient Pigments comme produit séparé, probablement pour des raisons commerciales, bien qu’il s’intégrerait naturellement dans la collection.