Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou
Pédago
7 réactions

Les différentes formes de synthèse granulaire

La synthèse sonore - 20e partie

Le précédent article nous a fait faire la connaissance d’un nouvel outil de synthèse sonore, les grains. Voyons maintenant dans quels cadres nous pouvons les utiliser.

Accéder à un autre article de la série...

La synthèse granu­laire en soi est un sujet très vaste. Elle-même est compo­sée de multiples sous-caté­go­ries, que Curtis Roads défi­nit en détail dans son livre « The Compu­ter Music Tuto­rial », traduit en français sous le titre « L’Au­dio­nu­mé­rique ». Nous en retien­drons quatre, parce qu’elles nous ont semblé être les plus repré­sen­ta­tives. D’au­cun pourra remettre ce choix en ques­tion, j’en assume plei­ne­ment l’as­pect subjec­tif.

Les deux premières sont celles basées respec­ti­ve­ment sur des grilles dites « de Fourier » et sur les « onde­lettes ». La prin­ci­pale carac­té­ris­tique de ces deux formes très proches de synthèse granu­laire est la possi­bi­lité qu’elles offrent de modi­fier la hauteur d’un son sans en modi­fier la durée, et vice-versa. C’est sur ce prin­cipe que repose la majo­rité des trai­te­ments audio évolués de mani­pu­la­tion de durée (time-stretch) et de hauteur (pitch-shift) du son, que l’on trouve de nos jours dans la plupart de nos logi­ciels.

Malgré la complexité des procé­dés utili­sés, on peut en trou­ver une traduc­tion assez simple, dans le domaine analo­gique, dans le fonc­tion­ne­ment du Tempo­phon, que nous décri­vons dans le para­graphe suivant.

La synthèse granulaire

L’image ci-contre illustre le prin­cipe de l’échan­tillon­nage granu­laire et du repo­si­tion­ne­ment des grains entre eux.

Une autre forme de synthèse granu­laire est celle dite « synchrone aux hauteurs », qui se base sur les sons à éléments forman­tiques pour permettre de synthé­ti­ser, par exemple, une voix humaine de manière convain­cante. Rappe­lons, en simpli­fiant, qu’un formant est un carac­té­ris­tique sonore qui défi­nit notam­ment les voyelles dans l’ex­pres­sion vocale humaine. 

Enfin, la synthèse granu­laire asyn­chrone permet de « pulvé­ri­ser » des grains dans l’es­pace sonore. Les groupes de grains ainsi pulvé­ri­sés se nomment des « nuages ». Les para­mètres de chaque nuage de grains sont alors défi­nis de manière statis­tique. C’est cette méthode qui est la plus employée pour créer des muta­tions sonores parti­cu­liè­re­ment spec­ta­cu­laires et l’in­tri­ca­tion la plus forte entre des sono­ri­tés indi­vi­duelles. 

L’illus­tra­tion suivante montre des nuages de grains repré­sen­tés selon une échelle « fréquence/temps ».

 

Le Tempo­phon

Dennis Gabor (voir article précé­dent) ne s’est pas contenté de théo­ri­ser la synthèse granu­laire. Il a en effet égale­ment cher­ché à la concré­ti­ser via des machines de son inven­tion. Toute­fois, celles-ci, faute de déve­lop­pe­ment des proces­sus infor­ma­tiques auto­ri­sant le trai­te­ment de l’en­semble des données géné­rées par cette nouvelle forme de synthèse, ne permet­taient pas d’en mettre en pratique toute la richesse.

La synthèse granulaire

Mais cela n’a pas empê­ché ses travaux d’abou­tir à ou d’ins­pi­rer des produc­tions tout à fait inté­res­santes, tout comme le Tempo­phon fabriqué par la société Sprin­ger dans les années 50, et qui a équipé un certain nombre de studios de musique élec­troa­cous­tique et élec­tro­nique.

Je ne résiste pas à l’en­vie de vous en décrire le mode de fonc­tion­ne­ment tant il offre une illus­tra­tion simple de l’em­ploi des grains dans les mani­pu­la­tions de time-stretch et de hauteur pitch-shift du son. Et tant pis si cela nous fait sortir du cadre strict de la synthèse.

Donc, dans le cas du Tempo­phon, le son d’ori­gine, imprimé sur une bande magné­tique ou un film, est « copié » par petits bouts – des grains – sur une autre bande par une tête enre­gis­treuse rota­tive, qui n’entre en contact avec le son d’ori­gine qu’une seule fois par tour. Selon la vitesse de rota­tion de cette tête, celle-ci va capter d’un tour à l’autre des bouts de son origi­nel­le­ment plus ou moins éloi­gnés les uns des autres, mais qui seront enre­gis­trés sur la seconde bande de manière rappro­chée. Ainsi, la tête pourra, par exemple, omettre entre deux tours la partie centrale d’un son pour n’en­re­gis­trer que le début et la fin, lesquels se trou­ve­ront acco­lés l’un à l’autre sur la seconde bande. À la lecture de celle-ci, on aura donc une sensa­tion d’ac­cé­lé­ra­tion du son (début+­fin sans partie centrale), sans pour autant que sa hauteur en soit modi­fiée. Une modi­fi­ca­tion de cette hauteur s’ob­tient en modi­fiant cette fois la vitesse de lecture de la seconde bande. 

« Oui mais », me direz-vous, « la vitesse de repro­duc­tion sonore du signal va être modi­fiée elle aussi, et ça ne chan­gera rien au lien habi­tuel entre celle-ci et la hauteur du son ? » Eh bien, il suffit de compen­ser préa­la­ble­ment la modi­fi­ca­tion de la vitesse de lecture par un étire­ment ou une compres­sion tempo­relle du signal, grâce à la méthode de granu­la­ri­sa­tion précé­dem­ment décrite. Malin, non ? 

Utili­sa­tion d’aujour­d’hui

Comme nous l’avons vu dans l’ar­ticle précé­dent, « fabriquer » des grains consiste essen­tiel­le­ment à appliquer une enve­loppe à une forme d’onde ultra-courte. Rien qu’un montage analo­gique autour d’un simple oscil­la­teur ne soit en mesure de réali­ser… si l’on oublie que chaque grain ne repré­sente en moyenne qu’entre un centième et un millième de seconde de signal sonore !

La synthèse granulaire

C’est donc sans surprise que l’on comprend d’une part les diffi­cul­tés de Gabor à traduire plei­ne­ment sa théo­rie dans le monde stric­te­ment analo­gique, et d’autre part l’in­té­rêt gran­dis­sant pour ce nouvel outil depuis le déve­lop­pe­ment de l’in­for­ma­tique. Comme précisé plus haut, on la retrouve comme prin­cipe de trai­te­ment sonore au cœur des outils de mani­pu­la­tion de durée et de hauteur du son dans nos DAWs. Et en tant que source sonore, elle est employée par des logi­ciels aussi puis­sants et répan­dus que l’Absynth de Native Instru­ments, l’Omni­sphere de Spec­tra­so­nics ou encore le Malström de Propel­le­rhead. Sans comp­ter qu’elle fait la joie des bidouilleurs de tous poils déve­lop­pant sur des plate­formes de type MAX/MSP.

Si cette forme de synthèse gagne autant en popu­la­rité, c’est qu’elle est sans doute celle qui permet les créa­tions sonores les plus auda­cieuses, en abolis­sant les fron­tières entre tous les types de géné­ra­tions du son. Et puisque nous en parlons, il y a un type de géné­ra­tion sonore que nous n’avons fait qu’évoquer jusque-là, et qu’il serait profon­dé­ment injuste de ne pas étudier plus en détail dans le prochain article, j’ai nommé la synthèse FM !

← Article précédent dans la série :
Présentation de la synthèse granulaire
Article suivant dans la série :
La synthèse FM (modulation de fréquence) →

Vous souhaitez réagir à cet article ?

Se connecter
Devenir membre