Dans l’article 15 de notre série, en préambule de la présentation des différents types de synthèse sonore, j’avais évoqué la synthèse FM. Voici enfin l’occasion de parler d’elle, et… ah, mais attendez, on me dit que je dois d’abord vous entretenir de...
La synthèse par modulation d’amplitude
Nous avons vu dans l’article 14 le principe de la modulation en anneau, et dans les deux articles précédents le principe d’une enveloppe appliquée à une forme d’ondes (pour la création des grains, rappelez-vous…). Eh bien les deux principes susnommés sont en lien direct avec la modulation d’amplitude.
L’un des points communs avec la modulation en anneau est que nous avons une onde porteuse (P) dont l’amplitude est modulée par une onde modulante (M). La différence réside dans le fait que pour la modulation en anneau, la forme d’onde M est « bipolaire », c’est-à-dire qu’elle oscille entre le domaine positif et le domaine négatif (au-dessus et en dessous de zéro).
Concernant la modulation d’amplitude, la modulante est dite « unipolaire » : elle n’évolue que dans le domaine positif. Et c’est ce qui rapproche la modulation d’amplitude du principe d’une enveloppe appliquée à une autre onde, une enveloppe évoluant elle aussi uniquement entre les valeurs 0 et 1. Tant que l’onde modulante M ne se situe pas dans le domaine audible – donc tant que sa fréquence n’atteint pas les 20 Hz – elle agit comme une enveloppe sur l’onde porteuse P. On peut aussi considérer que son action se traduit par un trémolo, tel que décrit dans l’article 13 de cette série.
Par contre, lorsque la fréquence de M atteint le domaine audible, sa rencontre avec P entraine la génération d’ondes latérales, comme pour la modulation en anneau (cf article 14) : c’est leur second point commun. Mais à une différence de taille près : alors qu’une modulation en anneau fait disparaître la fréquence de l’onde porteuse, la modulation d’amplitude la conserve entre les bandes latérales.
La modulation de fréquence ? Du vibrato comme à la radio…
Enfin, nous y voilà pour de vrai, nous pouvons à présent réellement traiter la modulation de fréquence, après cette brève, mais nécessaire digression introductive autour de la modulation d’amplitude.
Tout comme pour la modulation d’amplitude, la synthèse FM repose sur le principe d’une onde porteuse sur laquelle vient agir une onde modulante, sauf que l’on agit ici non plus sur l’amplitude de la porteuse, mais… sur sa fréquence.
Nous avons évoqué le trémolo pour la modulation d’amplitude, rappelons-nous maintenant l’effet de vibrato évoqué lui aussi dans l’article 13 de cette série. Eh bien, nous pouvons considérer la synthèse FM comme une forme extrême de cet effet. C’est d’ailleurs en expérimentant autour du vibrato qu’à Stanford, durant les années 60, John Chowning en vint à découvrir qu’au-delà d’un certain point, l’effet de vibrato disparaissait au profit de l’apparition d’un signal harmonique complexe. La synthèse FM était née !
Au fait, quelle différence avec la radio FM ? Une seule : pour cette dernière, la bande de fréquences de la porteuse n’est plus dans le domaine de l’audible, mais dans une fourchette allant de 87,5 MHz à 108 MHz. Mais voyons un peu comment elle fonctionne.
Opérateurs
La synthèse FM ne repose plus uniquement sur des oscillateurs, mais sur ce que l’on appelle des « opérateurs ». Ils sont la combinaison d’un oscillateur à ondes sinusoïdales, d’un VCA/DCA et d’un générateur d’enveloppes (sur ces derniers concepts, voir article 8).
Le nombre d’opérateurs n’est pas limité. Les opérateurs peuvent se moduler entre eux au niveau de la fréquence, ou bien leurs signaux peuvent tout simplement s’additionner : on n’a alors plus à faire à de la modulation de fréquence, mais à quelque chose qui est plus de l’ordre de la « bête » synthèse additive !
Les opérateurs peuvent également se réinjecter leur propre signal comme onde modulante. Ceci peut être la source de signaux d’une grande richesse, mais aussi vite transformer un son périodique en bruit (cf article 5).
Il est donc temps de voir maintenant comment se comporte le spectre – les fréquences présentes dans le signal – dans le cadre de la synthèse FM.
Des fréquences en veux-tu, en voilà
Je parlais d’un signal complexe… Et pour cause ! En effet, contrairement à la modulation d’amplitude, les bandes de fréquences latérales de la synthèse FM ne sont pas limitées à deux, mais peuvent être beaucoup plus nombreuses, théoriquement illimitées. C’est ce qui rend la synthèse FM particulièrement intéressante : avec seulement 2 oscillateurs – pardon, opérateurs ! - on peut obtenir un signal extrêmement riche en harmoniques. Nous sommes dans ce cas très loin de la synthèse additive, qui nécessiterait l’emploi d’un nombre bien plus important d’oscillateurs (un par élément fréquentiel…). D’ailleurs, la synthèse FM fait en quelque sorte partie d’une grande famille, qu’on appelle les synthèses « à spectre animé » (et non, je ne fais pas référence à Casper…). Il s’agit de toutes celles (modulation d’amplitude, granulaire, parmi celles que nous avons vues) qui produisent un signal dont le contenu fréquentiel peut évoluer sans nécessiter le recours à un filtre.
On peut noter, pour les plus curieux d’entre vous, que la modulation de fréquence est également très proche de la modulation de phase, et que leur seule différence réside dans l’amplitude des partiels (voir paragraphe suivant) qu’elles génèrent.
Chaque bande de fréquence latérale correspond à la fréquence de la porteuse plus ou moins un entier multiple de la fréquence modulante. Théoriquement, cet entier peut être de n’importe quelle valeur, ce qui supposerait une infinité de valeurs fréquentielles, ce qui est bien entendu impossible dans le monde réel. Mais il vous faudra attendre le prochain article pour en savoir plus !