Dans le précédent article, nous avons vu comment le passage à la polyphonie avait nécessité – et donc provoqué - l’introduction de l’informatique dans la conception des appareils de synthèse sonore. Nous avons également vu que l’apparition de la multi-timbralité avait marqué une étape supplémentaire dans l’informatisation des systèmes de synthèse, avec la nécessité d’utiliser plusieurs canaux d’information pour piloter des sonorités différentes.
C’est en bonne partie pour répondre à cette nécessité que, sous l’impulsion principale des fabricants Oberheim, Sequential Circuits et Roland, est apparue la norme MIDI en 1983. Son exceptionnelle longévité équivaudrait, en informatique, à voir le Mammouth laineux toujours folâtrer dans nos prairies !
Définition générale
MIDI signifie Musical Instruments Digital Interface – interface numérique pour instruments de musique. Cette interface se décline à la fois de manière matérielle et logicielle. Nous détaillerons dans le prochain article les différents types de messages qui peuvent être transmis via le MIDI. Pour aujourd’hui, je vous invite à une présentation d’ensemble de son fonctionnement, de ses champs d’application… et de ses limites.
Le compositeur et ingénieur William Buxton propose, en 1986, un excellent résumé de la nature du MIDI : « Lorsque nous faisons un pas en arrière, nous réalisons qu’il n’y a rien de propre à la musique dans le MIDI. C’est-à-dire que ce n’est pas de la musique que communique le MIDI. En fait, le MIDI est un moyen de transmettre de l’information sur des appuis de touches, des rotations de boutons et des manipulations de jeu. Ce que ces transducteurs contrôlent est presque secondaire. »
Le MIDI a donc été conçu pour permettre l’échange d’informations entre instruments de musique électroniques, processeurs d’effets et ordinateurs, afin par exemple de commander plusieurs instruments à partir d’un seul clavier de jeu, de consigner les notes jouées dans un logiciel de séquençage ou, plus récemment, de piloter des instruments ou effets virtuels. Mais il n’est à l’origine pas prévu pour transporter du son en lui-même, sauf dans le cadre très restreint du « Sample Dump » que nous verrons plus loin.
Toutefois, en dehors du domaine strictement audio, la norme MIDI permet également l’interconnexion à d’autres types de protocoles (comme le SMPTE pour la synchronisation vidéo) ou bien d’autres matériels comme l’éclairage.
Le matériel
Outre les instruments électroniques eux-mêmes, nous trouvons des interfaces MIDI destinées à équiper des ordinateurs, des contrôleurs MIDI qui ne disposent d’aucun générateur de son ou d’aucune capacité de traitement sonore interne, mais qui sont exclusivement prévus pour le contrôle d’autres appareils, et enfin des accessoires MIDI tels que des câbles et « patchbays » permettant de multiplier les connexions.
Les prises MIDI classiques sont au format DIN (Deutsche Industrie Norm – norme industrielle allemande), mais ne sont pas à confondre avec les anciennes prises audio visuellement identiques. Les câbles MIDI et les anciens câbles audio ne sont pas non plus interchangeables. Les données sont transmises de manière optique.
Il existe trois types de prises MIDI. La prise IN gère les données entrantes, la OUT les données sortantes, et la prise THRU, présente uniquement sur les instruments et effets hardware, permet théoriquement de chaîner plusieurs appareils entre eux, même si dans les faits, on observe une déperdition d’informations lors de chaînages trop importants. Les autres types d’équipement MIDI ne comportent en général que les prises IN et OUT, et parfois uniquement cette dernière pour les contrôleurs.
De nos jours, de plus en plus d’appareils font transiter leurs informations MIDI via un câble USB. Ce système permet de transmettre d’autres types d’informations que du simple MIDI, donc plus uniquement des données de commande. Ces autres informations peuvent être par exemple l’« identité » de l’appareil connecté afin éventuellement de provoquer sur un ordinateur connecté le lancement d’un panneau de contrôle logiciel spécifique à l’appareil, ou encore la transmission du son issu de ce même matériel. Toutefois, l’utilisation de l’USB ne permet pas de connecter directement deux instruments ou effets électroniques entre eux. L’ordinateur devient alors un élément de plus en plus essentiel dans l’échange et le traitement de données MIDI.
Les logiciels
D’un point de vue logiciel, nous avons tout d’abord les pilotes MIDI qui permettent la prise en charge du protocole du même nom, ces pilotes étant depuis longtemps intégrés directement dans les systèmes d’exploitation de nos ordinateurs.
Ensuite, la principale application utilisant le MIDI sont les séquenceurs (Cubase, Logic, Live, Pro Tools, Reaper et j’en passe) dont la fonction de base – à savoir consigner les informations de notes jouées par un synthétiseur matériel, afin de pouvoir les modifier et/ou les rappeler ultérieurement – s’est très largement développée avec le temps au point d’en faire de véritables studios de production virtuels. Apparus avec cette « virtualisation » de la production, nous avons les instruments et effets logiciels, qui utilisent principalement le MIDI pour être pilotés par les claviers et contrôleurs matériels évoqués plus haut. Enfin, nous avons les panneaux de contrôle, virtuels eux aussi, d’appareils matériels.
Des ports et des canaux
Comme nous l’avons vu dans le précédent article, c’est la nécessité d’utiliser plusieurs canaux d’informations différents dans le cadre de la multi-timbralité qui a rendu indispensable la création de la norme MIDI. Cette dernière utilise donc jusqu’à 16 canaux pour véhiculer l’information. Chacun peut être employé pour atteindre une machine différente, ou bien pour piloter des timbres différents au sein d’une même machine multi-timbrale.
Toutefois, 16 canaux ne sont pas toujours suffisants, sachant que l’on a parfois besoin d’adresser, par exemple, plus de 16 instruments ou plus de 16 timbres simultanément, et que certains types de messages (cf prochain article) peuvent saturer un canal. Pour cela, la norme MIDI a prévu des ports, labellisés avec des lettres, et qui peuvent contenir 16 canaux chacun.
Les contrôleurs MIDI qui associent un clavier pour les notes et des potentiomètres pour le contrôle de paramètres utilisent ainsi souvent deux ports différents, l’un pour les commandes issues du clavier et l’autre pour les commandes issues des potards.
Les limites
Comme son extraordinaire longévité en témoigne, le MIDI s’avère être une norme plutôt efficace et populaire. Mais si les 16 canaux sont une limite qui peut être assez aisément dépassée par la multiplication des ports, d’autres sont plus compliquées à surmonter. Ainsi, la norme MIDI ne peut coder chaque paramètre que sur une échelle de 128 degrés, ce qui peut se montrer insuffisant pour reproduire correctement la course d’un potentiomètre par exemple. De plus, de nombreux paramètres tels que ceux qui composent les enveloppes ne sont pas midifiables.
Voilà pour aujourd’hui, le prochain article explorera en détail les types de messages pouvant être transmis en MIDI, ainsi que les différents modes employés.